CA AMIENS (1re ch. 1re sect.), 15 mai 2008
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1236
CA AMIENS (1re ch. 1re sect.), 15 mai 2008 : RG n° 07/00817 ; arrêt n° 248
Publication : Juris-Data n° 364258
Extraits : 1/ « Les moyens tirés par Soficarte de l'impossibilité pour le juge de soulever d'office une règle relevant de l'ordre public de protection, de la forclusion biennale telle qu'elle résultait de l'ancienne rédaction de l'article L. 311-37 du Code de la consommation, et de l'antériorité de la conclusion du contrat à l'entrée en vigueur de la loi du 28 janvier 2005, qui a modifié l'article L. 311-9 dudit code sont inopérants en l'espèce, puisque le Tribunal n'a pas fondé sa décision sur une violation des dispositions dudit code spécifiques au crédit à la consommation, mais sur la notion de clause abusive, telle qu'elle est définie à l'article L.132-1, alinéa 1er, du Code de la consommation. Ce texte d'ordre public dispose notamment que « […] ». Il est admis que le juge peut relever d'office le moyen tiré de l'article L. 132-1, dont la portée générale s'étend au-delà des dispositions spécifiques applicables au crédit à la consommation, lesquelles sont regroupées sous les articles L. 311-1 et suivants du dit code. Il convient de rappeler également que la directive CEE n° 93-13 du 5 avril 1993 relative aux clauses abusives s'oppose à toute réglementation interne qui, dans une action intentée par un professionnel à l'encontre d'un consommateur et fondée sur un contrat conclu entre eux, interdit au juge national, à l'expiration d'un délai de forclusion, de relever, d'office ou à la suite d'une exception soulevée par le consommateur, le caractère abusif d'une clause insérée dans ledit contrat. »
2/ « En l'espèce, sont bien abusives les clauses de l'offre acceptée le 18 janvier 1999 aux termes desquelles « le montant du découvert maximum autorisé à l'ouverture du compte est (...) révisable par Soficarte, qui se réserve le droit de le modifier à la hausse ou à la baisse », et « peut être augmenté sur simple demande de votre part après acceptation par Soficarte ». Il en va de même pour celle qui énonce que « l'accord de Soficarte pour une augmentation, à votre demande, du plafond du découvert autorisé au terme de la présente offre, résultera de la mise à votre disposition effective du montant représentatif de l'augmentation sollicitée et/ou de l'inscription effective de l'opération de débit domiciliée ».
Ces clauses, en ne subordonnant pas l'augmentation du découvert à l'acceptation par l'emprunteur d'une nouvelle offre préalable, qu'elles excluent implicitement, sont de nature à faire obstacle à ce que l'emprunteur soit pleinement informé de l'ensemble des caractéristiques du crédit, et notamment des charges liées à son remboursement, sans que cette aggravation de sa situation soit nécessairement compensée par l'avantage qu'il peut tirer de la mise à disposition d'une somme plus importante : elles créent donc bien au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Quant à la distinction opérée dans les conclusions de l'appelante entre le « découvert maximum autorisé » et un « découvert utile » qui correspondrait à l'utilisation de la première fraction d'une ouverture de crédit plus importante, elle n'a pas lieu d'être en ce qui concerne l'offre acceptée le 18 janvier 1999, puisque celle-ci fixe expressément à 40.000 francs « le montant du découvert maximum autorisé à l'ouverture du compte ».
Il y a donc lieu de déclarer les clauses précitées non-écrites, conformément à l'article L. 132-1 précité. »
COUR D’APPEL D’AMIENS
PREMIÈRE CHAMBRE PREMIÈRE SECTION
ARRÊT DU 15 MAI 2008
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 07/00817. Arrêt n° 248. APPEL D'UN JUGEMENT DU TRIBUNAL D'INSTANCE DE MONTDIDIER du 12 décembre 2006.
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE :
SA SOFICARTE
[adresse], Représentée par la SCP LE ROY, avoué à la Cour et plaidant par Maître GUERREIRO, substituant Maître Xavier D'HELLENCOURT, avocats au barreau d'AMIENS
ET :
INTIMÉS :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], [adresse]
Madame Y. épouse X.
née le [date] à [ville], [adresse]
Représentés par la SCP JACQUES LEMAL ET AURÉLIE GUYOT, avoués à la Cour et plaidant par Maître CREPIN, avocat au barreau d'AMIENS
DÉBATS : A l'audience publique du 7 mars 2008 devant M. DAMULOT, Conseiller, entendu en son rapport, magistrat rapporteur siégeant, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 786 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à tissue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 15 mai 2008.
GREFFIER : M. DROUVIN
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : M. Le Conseiller en a rendu compte à la Cour composée de : [minute page 2] M. GRANDPIERRE, Président, Mme CORBEL et M. DAMULOT, Conseillers, qui en ont délibéré conformément à la Loi.
PRONONCÉ PUBLIQUEMENT Le 15 mai 2008 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; M. GRANDPIERRE, Président, a signé la minute avec M. DROUVIN, Greffer.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DÉCISION :
FAITS ET PROCÉDURE :
Selon une offre préalable acceptée le 18 janvier 1999, la société Soficarte a consenti à Monsieur X. et à Madame Y., son épouse, un crédit sous forme de découvert en compte. Aux termes de ce contrat, le « montant du découvert maximum autorisé à l'ouverture du compte » était de 40.000 francs, et le « montant maximum du découvert global pouvant être autorisé », de 140.000 francs.
Un avenant du 12 avril 2004 a ramené le montant maximum du découvert autorisé à 15.000 euros, et fixé à ce montant la « fraction disponible du découvert ». Enfin, un second avenant, signé le 25 novembre suivant, fixe le montant maximum du découvert autorisé à 21.500 euros, en maintenant cependant la fraction disponible à 15.000 euros.
Les emprunteurs ayant cessé d'honorer leurs engagements, le préteur s'est prévalu de la déchéance du terme à compter du 23 février 2006, puis a assigné les époux X. en paiement devant le tribunal d'instance de Montdidier, par exploit du 18 juillet suivant.
Par jugement du 12 décembre 2006, le Tribunal a prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la société Soficarte, l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes, et l'a condamnée aux dépens, après avoir constaté que le découvert initial avait été dépassé sans nouvelle offre préalable et que l'imputation des règlements sur le capital avait soldé la créance du prêteur.
Par déclaration reçue au greffe de la Cour le 15 février 2007, Soficarte a interjeté appel de ce jugement.
Elle demande à la juridiction de céans de l'infirmer en condamnant solidairement les époux X. à lui payer la somme de 21.042,13 euros, outre intérêts sur la somme de 19.862,61 euros depuis le 24 février 2006. Accessoirement, elle sollicite une indemnité de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'appelante soutient que le premier juge ne pouvait soulever d'office un moyen tiré de l'ordre public de protection ; que les emprunteurs eux-mêmes n'auraient pu invoquer un tel moyen, même par voie d'exception, compte tenu de la forclusion biennale édictée à l'article L. 311-37 du Code de la consommation ; qu'il convient de distinguer entre la fraction disponible à l'ouverture du compte, qui était effectivement de 40.000 francs, et le montant maximum autorisé, fixé à 140.000 francs ; que deux avenants signés par les emprunteurs les 12 avril et 25 novembre 2004 la rappellent ; que l'arrêté du [minute page 3] 19 décembre 2006, fixant les nouveaux modèles-types, a validé cette distinction ; et que le Tribunal s'est fondé sur une rédaction de l'article L. 311- 9 du Code de la consommation qui n'était pas en vigueur lorsque le crédit a été consenti.
Subsidiairement, l'appelante fait valoir que la déchéance du droit aux intérêts ne peut affecter que la partie du capital ayant excédé la fraction disponible initiale.
Les époux X. concluent pour leur part à la confirmation du jugement.
Ils soutiennent que doit être réputée non écrite, en vertu de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, la clause prévoyant l'augmentation du découvert initialement consenti sans acceptation par l'emprunteur d'une nouvelle offre de crédit.
Subsidiairement, ils demandent à la Cour de « constater que la créance de 14.949,46 euros était éteinte à la date du 12 avril 2004 eu égard à la forclusion » et, sur les sommes empruntées postérieurement, de prononcer la déchéance du droit aux intérêts prévue à l'article L. 311-33 du Code de la consommation, avec effet à compter du mois de juin 2005.
Ils font valoir en ce sens que ce n'est que le 12 avril 2004 que Soficarte a soumis à leur signature un premier avenant portant augmentation du découvert autorisé.
Plus subsidiairement encore, ils demandent à la Cour de déchoir le prêteur du droit aux intérêts tantôt à compter du 10 avril 2004, tantôt à compter du mois d'avril 2005, en faisant valoir que la société Soficarte ne justifie pas avoir indiqué les conditions de reconduction du contrat trois mois avant l'échéance, comme le veut l'article L. 311-9 dudit code, ni avoir remis le formulaire détachable de rétractation prévu à l'article L. 311-15. Ils sollicitent en outre la réduction de l'indemnité de résiliation à 1 euro, celle des intérêts au taux légal, et l'autorisation de régler leur dette en 23 mensualités de 10 euros chacune.
Enfin, et en tous cas, les époux X. sollicitent une indemnité de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DISCUSSION :
Les moyens tirés par Soficarte de l'impossibilité pour le juge de soulever d'office une règle relevant de l'ordre public de protection, de la forclusion biennale telle qu'elle résultait de l'ancienne rédaction de l'article L. 311-37 du Code de la consommation, et de l'antériorité de la conclusion du contrat à l'entrée en vigueur de la loi du 28 janvier 2005, qui a modifié l'article L. 311-9 dudit code sont inopérants en l'espèce, puisque le Tribunal n'a pas fondé sa décision sur une violation des dispositions dudit code spécifiques au crédit à la consommation, mais sur la notion de clause abusive, telle qu'elle est définie à l'article L.132-1, alinéa 1er, du Code de la consommation.
Ce texte d'ordre public dispose notamment que « dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ».
Il est admis que le juge peut relever d'office le moyen tiré de l'article L. 132-1, dont la portée générale s'étend au-delà des dispositions spécifiques applicables au crédit à la consommation, lesquelles sont regroupées sous les articles L. 311-1 et suivants du dit code.
[minute page 4] Il convient de rappeler également que la directive CEE n° 93-13 du 5 avril 1993 relative aux clauses abusives s'oppose à toute réglementation interne qui, dans une action intentée par un professionnel à l'encontre d'un consommateur et fondée sur un contrat conclu entre eux, interdit au juge national, à l'expiration d'un délai de forclusion, de relever, d'office ou à la suite d'une exception soulevée par le consommateur, le caractère abusif d'une clause insérée dans ledit contrat.
En l'espèce, sont bien abusives les clauses de l'offre acceptée le 18 janvier 1999 aux termes desquelles « le montant du découvert maximum autorisé à l'ouverture du compte est (...) révisable par Soficarte, qui se réserve le droit de le modifier à la hausse ou à la baisse », et « peut être augmenté sur simple demande de votre part après acceptation par Soficarte ». Il en va de même pour celle qui énonce que « l'accord de Soficarte pour une augmentation, à votre demande, du plafond du découvert autorisé au terme de la présente offre, résultera de la mise à votre disposition effective du montant représentatif de l'augmentation sollicitée et/ou de l'inscription effective de l'opération de débit domiciliée ».
Ces clauses, en ne subordonnant pas l'augmentation du découvert à l'acceptation par l'emprunteur d'une nouvelle offre préalable, qu'elles excluent implicitement, sont de nature à faire obstacle à ce que l'emprunteur soit pleinement informé de l'ensemble des caractéristiques du crédit, et notamment des charges liées à son remboursement, sans que cette aggravation de sa situation soit nécessairement compensée par l'avantage qu'il peut tirer de la mise à disposition d'une somme plus importante : elles créent donc bien au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Quant à la distinction opérée dans les conclusions de l'appelante entre le « découvert maximum autorisé » et un « découvert utile » qui correspondrait à l'utilisation de la première fraction d'une ouverture de crédit plus importante, elle n'a pas lieu d'être en ce qui concerne l'offre acceptée le 18 janvier 1999, puisque celle-ci fixe expressément à 40.000 francs « le montant du découvert maximum autorisé à l'ouverture du compte ».
Il y a donc lieu de déclarer les clauses précitées non-écrites, conformément à l'article L. 132-1 précité.
En conséquence, le dépassement par les époux X., dès le mois de février 2000, du plafond de 40.000 francs autorisé dans l'offre initiale, s'analyse en un incident de paiement.
Or cet incident n'a jamais été régularisé, l'historique du compte montrant que le solde débiteur n'est jamais retombé en dessous de 40.000 francs, ou 6.097,96 euros.
L'assignation n'ayant été délivrée que le 18 juillet 2006, les époux X. sont bien fondés à opposer à la société Soficarte la forclusion biennale prévue à l'article L. 311-37 du Code de la consommation en ce qui concerne le paiement des sommes dues au titre de l'offre initiale.
Les avenants signés en 2004 ne sauraient avoir pour effet de permettre au prêteur de revenir sur la forclusion acquise depuis février 2002. Ils peuvent seulement être considérés comme formant un nouveau contrat. Dans ces conditions, force est de constater, au vu de l'historique du compte versé aux débats, que les versements effectués par les époux X. sont bien supérieures aux utilisations de découvert intervenues depuis la signature des avenants, et que plus rien n'est dû à la société Soficarte.
En conséquence, le jugement déféré sera confirmé, par substitution partielle de motifs.
La société Soficarte, qui succombe, sera condamnée aux entiers dépens d'appel, conformément au principe posé par l'article 696 du Code de procédure civile.
[minute page 5] Toutefois, il n'est pas inéquitable de débouter purement et simplement les débiteurs, qui ont profité sans contrepartie d'une partie des fonds prêtés, de leur demande d'indemnité fondée sur l'article 700 dudit code.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, et en dernier ressort,
Confirme le jugement déféré ;
Y ajoutant,
Déboute les époux X. de leur demande d'indemnité fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile :
Condamne la société Soficarte aux entiers dépens d'appel, avec application au profit de la S.C.P. Lemal & Guyot du droit de recouvrement direct prévu à l'article 699 dudit code.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT