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TGI NANCY (1re ch. civ.), 24 février 2003

Nature : Décision
Titre : TGI NANCY (1re ch. civ.), 24 février 2003
Pays : France
Juridiction : TGI Nancy. 1re ch. civ
Demande : 01/06022
Date : 24/02/2003
Nature de la décision : Rejet
Date de la demande : 4/12/2001
Numéro de la décision : 237
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CERCLAB - DOCUMENT N° 1446

TGI NANCY (1re ch. civ.), 24 février 2003 : RG n° 01/06022 ; jugement n° 237

(sur appel : CA NANCY (1ère ch. civ.), 14 mars 2006 : R.G. n° 03/00931 arrêt n° 912/06)

 

 

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NANCY

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 24 FÉVRIER 2003

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 01/06022. Jugement n° 237.

COMPOSITION DU TRIBUNAL : PRÉSIDENT : CUNIN B., Président Adjoint

ASSESSEURS : MARTINO A., Vice Président, GASTON S., Juge

GREFFIERS : PAULO B., Greffier lors des débats – GEORGES M., Greffier lors du prononcé

 

PARTIES :

DEMANDEUR :

M. X.,

le [date] à [ville], demeurant [adresse] représenté par la SCP MASSE-BERLEMONT-FOURNIER, avocats au barreau de NANCY, vestiaire : 98

 

DÉFENDERESSE :

CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL Agence Nancy

prise en la personne de son représentant légal (SIRET XX), dont le siège social est sis [adresse], représentée par Maître Alain LE ROY DE LA CHOHINIÈRE, avocat au barreau de NANCY, vestiaire : 90

 

Clôture prononcée le : 17 décembre 2002. Débats tenus à l’audience du : 27 janvier 2003. Date de délibéré indiquée par le Président : 24 février 2003.  Jugement prononcé à l’audience du : 24 février 2003.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] EXPOSÉ DU LITIGE :

La CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE NANCY CENTRE a le 1er juillet 2000 proposé à la SCI DOMUS MARIS, sise à [ville A.], un contrat de prêt immobilier portant sur la somme de 7.000.000 de Francs en vue de financer l’acquisition d’une propriété sise [adresse] à [ville A.].

L’offre prévoit que le crédit sera notamment garanti par le gage d’un compte d’instruments financiers, à savoir différents titres, pour une valeur de 1.500.000 Francs qui seront placés avant la signature du contrat de prêt, par et au nom de M. X., dans les livres du prêteur.

Cette offre a été acceptée par M. X. le 15 juillet 2000.

Le 21 juillet 2000, Monsieur X. a adressé au CRÉDIT MUTUEL de NANCY, un chèque portant sur la somme de 1.500.000 Francs correspondant au montant des engagements pris au titre de la garantie du prêt souscrit.

L’opération immobilière envisagée par la SCI DOMUS MARIS n’ayant pu se réaliser, l’emprunteur a restitué au prêteur le montant du crédit obtenu sous déduction des frais de dossier et des intérêts courus pour les trois premières échéances.

Par acte introductif d’instance signifié le 4 décembre 2001, M. X. a assigné la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL de NANCY afin d’entendre, au visa des dispositions des articles 1134 et 1147 du Code Civil, dire et juger qu’en choisissant un support à risques et en effectuant un placement hasardeux la banque a, en l’absence de toute consultation préalable, information et autorisation éclairée du requérant commis une faute contractuelle dont elle est comptable envers lui.

Il a sollicité la condamnation du CRÉDIT MUTUEL à lui payer la somme de 1.500.000 Francs majorée des intérêts au taux légal à compter du 1er juillet 2000 outre 15.000 Francs sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

[minute page 3] Par ailleurs Monsieur X. a entendu se voir donner acte de ce qu’il autorise en tant que de besoin la banque à disposer à sa convenance, à sa perte ou à son profit, les titres par elle acquis.

Au soutien de ses prétentions Monsieur X. expose que bien que le prêt ait été annulé, la somme de 1.500.000 Francs qu’il avait versée afin de nourrir le compte d’instruments financiers gagé au profit de la banque, est restée consignée dans les livres du CRÉDIT MUTUEL.

Selon lui, ce n’est qu’au mois d’avril 2001, et de manière tout à fait incidente qu’il a appris que la somme déposée avait fait l’objet d’un placement hasardeux en SICAV actions à la seule convenance et au seul choix de la banque sans que son avis ait été requis ou même sans qu’il ait reçu une quelconque information.

Il estime donc que le CRÉDIT MUTUEL a failli à son obligation de sécurité et de conseil à son égard et doit être déclaré responsable des pertes éprouvées à la suite de cette imprudence ; pertes dont il déclare ignorer le montant exact, aucun relevé de compte ou aucune évaluation ne lui ayant été adressé.

Par les dernières écritures signifiées le 17 septembre 2002 la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL de NANCY CENTRE a d’abord soulevé l’irrecevabilité de la demande pour défaut d’intérêt à agir.

A cet égard, elle a fait valoir que Monsieur X. qui n’a pas cédé ses actions ne peut justifier d’un préjudice résultant d’une perte de leur valeur.

Par ailleurs, elle a soulevé l’incompétence du Tribunal quant à la contraindre à racheter au demandeur les titres dont il est propriétaire.

A titre subsidiaire, la demanderesse a conclu au débouté des demandes présentées par Monsieur X. auquel elle a reconventionnellement réclamé paiement des sommes de :

- 10.000 Euros à titre de dommage-intérêts pour procédure abusive

- 3.000 Euros au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

[minute page 4] La demanderesse a soutenu que Monsieur X. a reçu, avant que d’adresser les fonds, toutes informations utiles notamment par l’envoi d’une notice de présentation, sur les produits financiers litigieux.

Elle a ajouté que le placement opéré n’apparaît pas hasardeux, Monsieur X. ayant malheureusement fait comme beaucoup d’autres les frais de la baisse générale du cours de la bourse depuis l’année 2000.

Elle a soutenu que le défendeur a régulièrement été informé de l’évolution de son portefeuille et qu’en toute connaissance de cause il a choisi courant septembre 2000 de maintenir ses placements au lieu de revendre ses titres alors même que le prêt initial était annulé.

Enfin, la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE NANCY a souligné que Monsieur X. ne saurait se prétendre novice en matière de placements financiers.

L’audience de clôture est en date du 17 décembre 2002.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DU JUGEMENT :

1) Sur la fin de non recevoir du défaut d’intérêt à agir :

M. X. a bien un intérêt à mettre en jeu la responsabilité de la banque dès lors qu’il prétend imputer à celle-ci un certain nombre de fautes commises à l’occasion de l’achat de titres de SICAV destinés à alimenter le compte d’instruments financiers gagé au profit de l’organisme financier.

L’intérêt à agir n’étant pas subordonné à la démonstration préalable du bien fondé de l’action, la fin de non recevoir opposée par le CRÉDIT MUTUEL à l’action dirigée contre lui par Monsieur X. doit être écartée.

[minute page 5]

Sur l’exception d’incompétence :

L’action en responsabilité contractuelle intentée par Monsieur X. pour obtenir le paiement de la somme de 1.500.000 Francs à titre de dommages-intérêts entre dans le champ de compétence du Tribunal de céans.

L’exception sera donc rejetée.

 

Sur le fond :

Il est constant que

- à l’occasion de l’octroi d’un prêt de 7.000.000 de Francs à la SCI DOMUS MARIS, la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE NANCY a demandé à Monsieur X. la constitution d’un compte d’instruments financiers destiné à être gagé, ledit compte constitué de « titres pour une valeur de 1.500.000 Francs qui seront placés avant la signature du contrat de prêt, par et au nom de Monsieur X., dans les livres du prêteur ».

- la banque a souscrit à cet effet le 26 juillet 2000, pour le compte de Monsieur X., des titres des SICAV CM Europe Actions et France Actions pour la somme contractuellement définie qui avait été versée par le client le 21 juillet 2000.

- le cours des titres litigieux a connu une baisse importante puisqu’au 31 décembre 2001, la valeur du compte gagé se réduisait à un peu plus de 1.000.000 de Francs.

* * *

Monsieur X. fait grief à la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL d’une part de n’avoir ni sollicité ni obtenu son accord sur le mode de placement opéré par elle ; d’autre part de ne l’avoir pas informé de l’existence de risques.

[minute page 6] Il convient toutefois d’observer que l’émission par Monsieur X. du chèque de 1.500.000 Francs en date du 21 juillet 2000 fait suite à un envoi par « chronoposte » à son domicile à [ville B.], adressé par le CRÉDIT MUTUEL le 19 juillet 2000, soit quatre jours après l’acceptation par Monsieur X. du contrat de crédit pour un montant de 7.000.000 de Francs.

Le CRÉDIT MUTUEL soutient que le contenu de l’expédition du 19 juillet 2000 consistait en une plaquette d’informations concernant les SICAV et plus particulièrement en ce qui concerne CM FRANCE ACTIONS et CM EUROPE ACTIONS, documents qu’il verse aux débats.

Monsieur X. qui prétend n’avoir pas été informé ni avoir donné son accord n’indique à aucun moment quel aurait été le contenu de l’envoi du 19 juillet 2000, envoi qui a déterminé le déblocage par lui de fonds importants à auteur de 1.500.000 Francs.

En réalité, la chronologie des faits, l’importance des sommes en jeu et le silence gardé par Monsieur X. sur la nature de l’expédition du 19 juillet 2000 laisse à penser que la thèse soutenue par le CRÉDIT MUTUEL correspond bien à la réalité.

Dans ce cas de figure, il apparaît bien à la lecture du document d’information concernant les titres litigieux que le placement proposé consistait en l’achat d’actions de sociétés françaises ou européennes dans le secteur des technologies de communication et que Monsieur X. a bien adressé 1.500.000 Francs au CRÉDIT MUTUEL en application des clauses contractuelles en toute connaissance de cause.

L’existence d’un risque s’agissant d’un placement en actions est connu de tous.

La preuve n’est pas rapportée en l’espèce que le CRÉDIT MUTUEL ait agi avec légèreté ou que la chute du cours des actions acquises pour le compte de Monsieur X. était prévisible.

Au demeurant, Monsieur X. aurait pu dès septembre 2000, dès lors que le contrat de crédit principal était annulé, revendre ses titres, ce qu’il n’a pas fait.

[minute page 7] Dans ces conditions, la faute imputée par Monsieur X. à la CAISSE DU CRÉDIT MUTUEL n’apparaît pas caractérisée.

Il s’ensuit que Monsieur X. sera débouté de l’ensemble de ses demandes.

* * *

L’exercice d’une action en justice constitue, en principe, un droit qui ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages-intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur grossière équipollente au dol.

En l’espèce, la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE NANCY n’établit pas que Monsieur X. aurait introduit sa procédure de manière malicieuse, ou bien de mauvaise foi ou en commettant une erreur grossière équipollente au dol.

La demande de dommages-intérêts comme procédure abusive formée par le CRÉDIT MUTUEL sera donc rejetée.

Partie perdante Monsieur X. sera condamné aux dépens conformément aux dispositions de l’article 696 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Pour des raisons d’équité le Tribunal estime qu’il n’y a pas lieu de faire en l’espèce application des dispositions de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,

image001.gifRejette la fin de non recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir.

[minute page 8] Rejette l’exception d’incompétence.

Déboute M. X. de l’ensemble de ses demandes.

Débouté la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Dit n’y avoir lieu en l’espèce de faire application des dispositions de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure civile.

Condamne Monsieur X. aux entiers dépens de l’instance dont distraction au profit de la SCP LEROY DE LA CHOHINIERE et ANTRIG.

Le présent jugement a été signé par le Président et le Greffier.

LE GREFFIER                                   LE PRÉSIDENT