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CA NANCY (1re ch. civ.), 24 avril 2007

Nature : Décision
Titre : CA NANCY (1re ch. civ.), 24 avril 2007
Pays : France
Juridiction : Nancy (CA), 1re ch. civ.
Demande : 01/03285
Décision : 967/2007
Date : 24/04/2007
Nature de la décision : Réformation
Date de la demande : 11/12/2001
Numéro de la décision : 967
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CERCLAB - DOCUMENT N° 2281

CA NANCY (1re ch. civ.), 24 avril 2007 : RG n° 01/03285 ; arrêt n° 967/2007

 

Extrait : « Attendu que les promesses synallagmatiques de bail à ferme conclues les 18 et 19 mai 1998 entre Francis X. et son frère d'une part et sa mère d'autre part stipulaient une régularisation avant le 1er août 1998 ; que les parties se reconnaissaient réciproquement la faculté de se dédire de leur engagement, moyennant le versement d'une indemnité de 900 Francs/ha, étant précisé que « de même si une partie venait à commettre des manœuvres entraînant une impossibilité de régularisation dans les délais convenus, elle sera tenue de verser une indemnité égale à l'indemnité ci-dessus définie, nonobstant la réparation d'un éventuel préjudice » ; Attendu enfin que la cession de parts a été effectuée lors de l'assemblée générale extraordinaire du GAEC tenue le 19 mai 1998 ;

Attendu que Monsieur Francis X. soutient à juste titre que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; Attendu qu'il ne résulte d'aucun élément des productions que l'insertion de la clause de dédit a été le fruit d'une erreur matérielle commise par l'association ARGOS qui aurait omis de la retirer du formulaire type qu'elle avait utilisé ; que d'autre part cette clause était particulièrement apparente et lisible dans les actes, forts brefs, valant promesse synallagmatique ; Qu'elle était toute aussi claire et précise et ne nécessitait aucune interprétation, ou explication particulière même envers une personne sans compétence juridique particulière, étant cependant observé que Monsieur Francis X. est chef d'une exploitation agricole importante ; qu'il était manifestement en mesure d'apprécier la portée exacte et les conséquences éventuelles d'une telle clause sans complexité alors qu'il ressort des pièces produites d'une part que les discussions pré-contractuelles ont été approfondies et sinon après, et d'autre part que l'association ARGOS justifie avoir transmis à Monsieur Francis X. le 14 mai 1998 les projets suivants : - le procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire, - les statuts remis à jour, - la résiliation de bail, - l'information aux bailleurs, - la promesse de bail à ferme, - le « résumé baux ruraux à longs termes » ; Que ce courrier de transmission émanant de Monsieur V. demandait aussi à Monsieur Francis X. de faire une vérification attentive des projets susindiqués et de faire part à l'expéditeur de ses remarques ou de son accord ;

Que dans ces conditions particulières d'élaboration des conventions considérées, qui concernaient directement et exclusivement un domaine qui lui était plus que familier, Monsieur Francis X. ne peut de bonne foi soutenir que son consentement a été vicié par l'erreur ou le dol dont les manœuvres constitutives sont en l'état inexistantes, et que l'association ARGOS a manqué à son devoir d'information et de conseil ; que d'ailleurs, il n'est nullement établi que Monsieur Pascal X. et sa mère auraient accepté de signer des promesses synallagmatiques ne contenant aucune possibilité de dédit, d'autant plus que Madame X. avait posé des conditions à son accord ; Attendu qu'ayant accepté en pleine connaissance de cause la stipulation d'une clause de dédit, Monsieur X. ne peut soutenir que le jeu de celle-ci a bouleversé l'économie et anéanti l'intégralité des conventions en cause ;

Attendu encore que Monsieur Francis X. ne rapporte pas la preuve que le dédit a été exercé abusivement ou de mauvaise foi, alors que les promesses ne contiennent aucune obligation de motivation ou de justification du bien fondé du « retrait » unilatéral qui contractuellement autorisé, ne peut, en lui-même, être fautif ; qu'il ne saurait être déduit des circonstances que Monsieur Pascal X. a effectivement voulu nuire à son frère et priver le GAEC de sa viabilité ; qu'il en est de même en ce qui concerne Madame Roberte X. dont il y a aussi lieu de relever que sa promesse était assortie de conditions que Monsieur Francis X. a refusées ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE NANCY

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 24 AVRIL 2007

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 01/03285. ARRÊT n° 967/2007 DU 24 AVRIL 2007. Décision déférée à la Cour : jugement du Tribunal de Grande Instance de BAR LE DUC, R.G. n° 00/00163, en date du 25 octobre 2001.

 

APPELANTS :

- Monsieur Francis X.

le [date] à [ville], demeurant [adresse]

- Madame Ginette Y. épouse X.

née le [date] à [ville], demeurant [adresse]

représentés par la SCP MILLOT-LOGIER & FONTAINE, avoués à la Cour, assistés de Maître Grégoire BOUVIER, avocat au barreau de NANCY

 

INTIMÉS :

- Association ARGOS

dont le siège est [adresse], représentée par la SCP BONET, LEINSTER & WISNIEWSKI, avoués à la Cour, assistée de Maître Jacques LARZILLIERE, avocat au barreau de BAR LE DUC

- Monsieur Pascal X.

demeurant [adresse]

- Madame Roberte Z. épouse X.

demeurant [adresse], représentés par la SCP VASSEUR, avoués à la Cour, assistées de Maître Christian BENOIT, avocat au barreau de SAINT-DIZIER

[minute Jurica page 2]

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 13 mars 2007, en audience publique devant la Cour composée de : Monsieur Guy DORY, Président de Chambre, en son rapport, Monsieur Gérard SCHAMBER, Conseiller, Madame Pascale TOMASINI- KRIER , Conseiller, qui en ont délibéré ;

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Laïla CHOUIEB ;

ARRÊT : contradictoire, prononcé à l'audience publique du 24 avril 2007 date indiquée à l'issue des débats, par Monsieur DORY, Président, conformément à l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile ; signé par Monsieur Guy DORY, Président, et par Mademoiselle Laïla CHOUIEB , greffier présent lors du prononcé ;

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

Monsieur Francis X. et Monsieur Pascal X. étaient détenteurs chacun de 5.625 des 11.250 parts sociales composant le GAEC Reconnu de la Saulx ; en raison de relations professionnelles difficiles, les deux frères ont sollicité l'aide de l'association de gestion agréée ARGOS et lui ont confié pour mission de parvenir à la détermination de la valeur des parts sociales, au retrait de Pascal X. et à la modification des statuts, et d'effectuer diverses démarches ; le 18 mai 1998, Madame Roberte X. (mère), propriétaire, et les époux Francis X. ont signé une promesse synallagmatique de bail à ferme, avec clause de dédit, sur six parcelles situées commune de [nom], commune de [nom], commune de [nom] et commune de [nom] ; le 19 mai 1998, Monsieur Pascal X., propriétaire, et les époux Francis X. ont signé une autre promesse synallagmatique de bail à ferme, avec clause de dédit sur quatre autres parcelles sises territoire de [nom] et territoire de [nom] ; ce même jour, ont été adoptées en assemblée générale extraordinaire du GAEC diverses résolutions portant notamment sur le retrait de Pascal X. et le rachat de ses parts par Francis X. au prix de 1.800.000 Francs ; par courrier du 16 juillet 1998, Madame Roberte X. et Monsieur Pascal X. ont fait savoir à Monsieur Francis X. qu'ils renonçaient à la promesse de bail, en application de la clause de dédit des actes des 18 et 19 mai 1998 ;

Par exploits d'huissier en date des 2 et 7 février 2000, les époux Francis X. ont fait assigner Monsieur Pascal X., Madame Roberte X. et l'association ARGOS devant le Tribunal de Grande Instance BAR-LE-DUC aux fins de voir dire [minute Jurica page 3] que la clause de dédit avait été exercée de mauvaise foi par les promettants, de les voir condamnés en conséquence à réitérer l'acte et à se présenter devant notaire sur première convocation et à payer, solidairement avec l'association ARGOS, la somme de 350.000 Francs à titre de dommages et intérêts ; et subsidiairement, de voir constater que Francis X. avait été évincé de l'exploitation du GAEC dont il avait acquis la totalité des parts le 18 mai 1998 et que le GAEC n'était plus viable du fait de cette éviction, et de voir, en conséquence et par application de l'article 1626 du Code civil, condamner Pascal X. ainsi que l'association ARGOS, solidairement, au paiement de la somme de 4.000.000 Francs, valeur représentative du GAEC, outre 2.000.000 Francs au titre du préjudice économique et financier ; en réponse, Monsieur Pascal X. et Madame Roberte X. ont sollicité qu'il soit dit que la clause de dédit procédait de la commune intention des parties et qu'elle était opposable aux demandeurs, qu'il soit jugé que la dénonciation de leurs promesses respectives était valable et exempte de faute et qu'il soit dit encore que les demandeurs devaient verser la somme de 16.000 Francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Par jugement en date du 25 octobre 2001, le Tribunal de Grande Instance BAR-LE-DUC a débouté les époux Francis X. de l'ensemble de leurs demandes, a déclaré valable la dénonciation par Pascal et Roberte X. des promesses synallagmatiques de bail à ferme en date des 18 et 19 mai 1998 et a condamné solidairement les époux Francis X. à payer la somme de 7.000 Francs aux époux Pascal X. et celle de 7.000 Francs à l'association ARGOS à titre de frais irrépétibles ;

Pour statuer ainsi, le Tribunal a considéré au visa de l'article 1134 du Code civil, que les clauses de dédit, insérées dans des actes de deux pages seulement, avaient été rédigées en termes clairs, précis et dépourvus d'ambiguïté ; que les époux Francis X., qui avaient signé ces deux actes à l'issue de longs pourparlers, ne pouvaient méconnaître le sens et la portée de ces clauses ; qu'aucun abus manifeste n'était établi ; les premiers juges ont encore considéré, au vu notamment de la mention manuscrite du montant de l'indemnité de dédit, qu'il n'y avait pas d'erreur fautive de l'association ARGOS dans la rédaction des actes litigieux ; que les époux requérants ne justifiaient pas avoir subi un préjudice ; que les époux Pascal X. avaient proposé de régler l'indemnité de dédit et que, par ailleurs, les terres dont le GAEC n'était pas propriétaire n'avaient pas été prise en compte pour l'évaluation de la valeur patrimoniale du GAEC, et donc, du prix des parts sociales ; que finalement, les demandeurs avaient librement consenti aux clauses de dédit et étaient mal fondés à se prévaloir d'une obligation de garantie au titre de la cession de parts ;

Monsieur Francis X. et madame Ginette X. ont interjeté appel de la décision par déclaration en date du 11 décembre 2001 ;

À l'appui de leur appel et dans leurs dernières écritures, les époux Francis X. invoquent l'obligation d'exécuter de bonne foi les conventions, les dispositions relatives à l'interprétation des conventions et à la recherche de la commune intention des parties posées dans les articles 1156 et 1161 du Code civil, et l'absence de cause du contrat de l'article 1131 du même code ;

Les appelants rappellent que le juge peut, dans l'interprétation qu'il fait des clauses contractuelles, se fonder sur des éléments de preuves ou indices extrinsèques au contrat ; ils font valoir qu'en l'espèce les premiers juges se sont livrés à une interprétation littérale de la clause sans rechercher l'expression de la volonté réelle des cocontractants à la faveur de ce qui constitue un accord complexe ; il est ainsi soutenu [minute Jurica page 4] que l'introduction de la clause de dédit dans les promesses synallagmatiques de bail est le résultat d'une erreur matérielle imputable à l'association ARGOS et que, comme sa mise en œuvre, elle était contraire à la volonté des parties telle qu'elle résulte d'un faisceau d'indices concordants démontrant qu'à tous les stades de la négociation, la signature de baux à long terme a été admise par les parties à la fois comme une nécessité pour maintenir l'unité économique et les moyens de production du groupement et comme la condition indispensable à l'acquisition des parts de Pascal X. au prix de 1.800.000 Francs ; il est précisé qu'à l'inverse, la faculté de se dédire n'apparaissait dans aucun document préparatoire ni dans aucune manifestation d'intention des vendeurs ; qu'en réalité, l'évaluation des parts, le contrat de vente et les baux à ferme constituaient un tout indissociable ; que même, ces baux à long terme constituaient l'accessoire de cet accord global et la condition déterminante à l'engagement d'achat de Francis X. et son épouse ; il est également soutenu que le recours à la faculté de dédit était constitutif d'un abus manifeste et de mauvaise foi ; que la privation des 16,30 hectares de son frère et des 28,82 hectares de Roberte X. déséquilibrait totalement l'accord passé, Monsieur Francis X. ne trouvant pas alors dans la cession des parts de son frère la juste contrepartie du prix payé ; que la fixation de la valeur de l'opération s'était bien fondée sur l'entité foncière dans sa totalité, soit les 173,86 hectares exploités par le GAEC, ce que confirmaient les dires de l'expert, et non uniquement sur les terres dont le GAEC était propriétaire ; que partant, admettre que l'entité financière soit amputée de 45,12 hectares équivalait à admettre une éviction et une tromperie ; les appelants expliquent encore que la suppression des baux entraîne la suppression des primes à l'hectare et, du fait de la réforme de la PAC en 2006, rend inexploitables les terres litigieuses ; il est ainsi soutenu que l'exercice du dédit fait perdre sa cause au rachat des parts en vidant de sa juste contrepartie l'investissement réalisé ;

Les appelants font valoir qu'il convient, quand bien même la clause aurait un caractère déterminant, de l'éradiquer à l'instar de ce qui s'applique en matière de clause abusive, et ce, afin de permettre la survie du contrat et éviter que la sanction de l'illicéité ne se retourne contre ceux qu'elle entend protéger ; qu'il y a donc lieu de faire application de l'article 14 des statuts du GAEC selon lequel l'associé qui cède ses parts doit maintenir l'intégrité du fonds cultural, ce qui suppose le maintien après cession de la mise à disposition des terres ;

Subsidiairement, les appelants invoquent la nullité de la convention de cession des parts du GAEC ; ils font d'abord valoir qu'il ne s'agit pas d'une demande nouvelle à hauteur de Cour puisqu'elle tend aux mêmes fins que les demandes formulées en première instance ; qu'en effet, il ne s'agit pas de rétablir les parties dans l'état où elles se trouvaient avant la constitution de l'acte mais d'obtenir une nullité aménagée à savoir une indemnité correspondant aux prestations non-restituables ; les appelants font ensuite valoir sur le fond qu'il faut, pour apprécier l'intention des parties, se placer au jour du contrat ; qu'en l'espèce, la cause du contrat existait en son entier le 19 mai 1998 et que sa disparition ultérieure avait conduit à faire perdre à la vente sa validité en application de l'article 1131 du Code Civil ; les appelants invoquent également le dol à raison des manœuvres employées par Monsieur Pascal X. et Madame Roberte X. qui ont « offert » des baux à long terme sans restriction en gardant le silence sur la possibilité qu'ils se ménageaient de dénoncer les promesses ; ils ajoutent que la disparition du GAEC n'empêche aucunement d'arbitrer la nullité pour l'avenir, puisque d'ailleurs, les parts en litige existent toujours entre les mains de l'EARL ayant droit du GAEC ; Monsieur Francis X. et Madame Ginette X. ajoutent encore que dans l'hypothèse où la Cour ne retiendrait pas « l'éradication/inopposabilité » de la clause ou la nullité partielle de la convention mais anéantirait la convention dans son ensemble, le maintien des parts sociales dans leur patrimoine devrait être ordonné [minute Jurica page 5] et l'action aux fins de reprise des parts de Pascal X. écartée sur le fondement de l'exception d'indignité au motif de l'immoralité qu'il y a pour ce dernier de se prévaloir de sa propre turpitude pour obtenir satisfaction ; dans l'éventualité d'une annulation pleine et entière avec effet rétroactif et de la réintroduction subséquente de Pascal X. au sein du GAEC, les époux Francis X. soutiennent que leurs pertes patrimoniales devraient être chiffrées à 4.000.000 Francs (outre 1.800.000 Francs), valeur représentative de l'ensemble du GAEC dont ils se trouvent spolié ; enfin, dans l'hypothèse où tant les effets du dédit que le contrat de vente seraient maintenus, les appelants invoquent la responsabilité des époux Pascal et Roberte X. sur une base délictuelle - abus de droit - ou contractuelle - garantie d'éviction à laquelle est tenue le vendeur au titre des articles 1626 et 1628 du Code civil - ; ils font valoir que la clause de dédit avait fixé une indemnité de 900 Francs l'hectare « nonobstant la réparation d'un éventuel préjudice » ; que dans le cas d'espèce d'un dédit illégitimement exercé, l'auteur de ce dédit, révélateur d'une intention de nuire, se doit d'en réparer l'ensemble des conséquences ; que les vendeurs ont par ailleurs commis une éviction qui fonde le droit à indemnisation de l'acheteur ; les appelants soutiennent que l'indemnité de dédit ne suffit évidemment pas à couvrir l'étendue de leur préjudice constitué par une dépréciation de la valeur des parts et une perte de rentabilité considérable affectant définitivement le fonctionnement de la personne morale ; qu'il y aurait donc lieu, sur ce fondement également, à une indemnisation équivalente à la valeur de l'entreprise ; qu'en outre une somme de 350.000 Francs peut être mise en compte au titre de l'exercice 1998-1999 étant considéré qu'à cette époque, non seulement ils ont été dépossédés de 41 hectares 573 ares alors qu'ils avaient versé plus de 1.800.000 Francs mais que plus, Monsieur Pascal X. a œuvré pour récupérer effectivement l'exploitation des terres litigieuses ; qu'ainsi, ils n'ont pu mettre en culture leurs propres parcelles qu'en automne 1998 ; que cette réparation pourrait être reconduite année par année si du fait de la disparition des baux il y avait pour eux impossibilité de disposer normalement de l'ensemble des surfaces nécessaires à une bonne exploitation ;

S'agissant de la responsabilité de l'Association ARGOS, les appelants lui reprochent deux fautes alternatives ; ils font valoir qu'il peut tout d'abord s'agir d'une négligence matérielle résultant de l'utilisation d'un formulaire adéquat ; ils soutiennent ensuite qu'à défaut, ARGOS aurait, en faisant délibérément figurer cette clause de dédit, commis un manquement au devoir de renseignement et de conseil ; ils précisent que l'association ne leur a pas explicité cette clause ni ne leur a recommandé de la faire disparaître alors même que celle-ci pouvait avoir de graves conséquences à leur encontre et que la pérennité des moyens de production avait été recommandée à plusieurs reprises par l'Association ARGOS elle-même ; que si la qualité du conseil est une obligation de moyen, la délivrance de l'information est une obligation de résultat ; que surtout l'information constitue l'objet principal de l'activité de ARGOS et donc, une obligation renforcée pour elle ; qu'au demeurant, aucune de ces deux obligations n'a été remplie ; que ARGOS ne pourrait s'exonérer de sa responsabilité qu'en établissant qu'elle a attiré l'attention sur la clause de dédit ce qui n'est pas le cas ; qu'en l'espèce, eu égard à leur faute commune, la condamnation solidaire de Pascal X., Roberte X. et de l'Association ARGOS s'impose ; Monsieur Francis X. et Madame Ginette X. contestent que l'existence des baux ait servi à minorer la valeur des parts transmises et soutiennent que ces baux étaient destinés à leur assurer une sécurité juridique pour que les recommandations de ARGOS tendant à voir maintenir l'unité foncière, ne soit pas vouées à l'échec ; les appelants soutiennent encore que la faute de l'Association ARGOS a participé à la violation de l'article 14 des statuts du GAEC et méconnu le cadre juridique dans lequel évoluaient les parties (responsabilité délictuelle du tiers complice ou auteur d'un dol) ; qu'ainsi, dans l'hypothèse d'une confirmation de la décision, l'Association ARGOS devra voir sa responsabilité appréciée distinctement et se voir condamnée à les [minute Jurica page 6] garantir de l'intégralité du prix des parts sociales payé en pure perte ; pour finir, Monsieur Francis X. et Madame Ginette X. réaffirment que si ARGOS a sciemment introduit la clause de dédit, elle s'est rendue coupable d'une manœuvre dolosive en ce sens qu'elle a omis d'attirer leur attention d'acheteurs sur les conséquences d'une mise en œuvre de cette disposition et qu'elle a alors délibérément favorisé Pascal X. et Roberte X. ; que le caractère dolosif de l'insertion de cette clause de dédit se révèle au regard de ses conseils par ailleurs fermes, de la nécessité d'assurer la pérennité du moyen de production et de conclure les baux ; les appelants affirment enfin qu'ils ne disposaient pas des connaissances juridiques nécessaires pour s'apercevoir qu'il y avait matière à anéantir l'engagement à bail ;

Monsieur Francis X. et Madame Ginette X. demandent à la Cour de :

- déclarer l'appel de Monsieur Francis X. et son épouse recevable et bien fondé et y faisant droit,

- infirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions et statuant à nouveau :

- vu les articles 1156, 1161, 1334, 1131, 1135, 1315, 1116, 1626, 1628, 1382 du Code Civil,

- vu l'article 14 des statuts organisant la mise à disposition des terrains,

- interpréter la volonté des parties et en restituer la réalité,

- ordonner l'application et le respect de l'article 14 des statuts du GAEC par les parties,

- constater que celles-ci ont contracté moyennant la conclusion de baux à long terme, sans restriction,

- constater que Monsieur Pascal X. et Madame Roberte X. avaient offert de passer de tels baux et que l'accord en retour de Monsieur Francis X. a été donné sur la base de leur existence, constituant une des causes, si ce n'est la condition de son engagement,

- déclarer purement et simplement inopérantes les clauses de dédit figurant dans les actes de promesse synallagmatique de bail,

- dire que Madame Roberte X. et son fils Pascal X. sont irrecevables à s'en prévaloir,

- dire que statutairement, la mise à disposition des terres culturales est indissociable de la cession des parts sociales,

- dire que cette indivisibilité est incompatible avec une faculté de dédit qui ne peut être retenu comme valablement exprimé,

- annuler lesdites clauses de dédit ou les déclarer contraire à la commune intention des parties,

- condamner les consorts X. à régulariser les baux à ferme dans les termes des promesses souscrits en 1998 sans faculté de dédits,

- [minute Jurica page 7] condamner les consorts X. à réparer l'ensemble des conséquences préjudiciables que leur abstention a pu générer au détriment de Monsieur Francis X.,

- constater qu'elles sont de nature matérielle et financière,

- les chiffrer à 350.000 Francs (53.357,16 €) pour l'année 1998/1999, année du blocage de l'exploitation pendant deux mois jusqu'à ce que la DDA redonne à Francis X. le droit de les exploiter provisoirement,

- subsidiairement, constater qu'à l'occasion du dédit opéré par Pascal X. et Roberte X., il a été préjudicié à l'économie de l'ensemble de la transaction,

- dire que celle-ci a été privée de cause et doit être privée d'effet dans toute la mesure utile,

- dire qu'à défaut, elle est nulle, à raison d'un vice du consentement dont a été victime Monsieur Francis X., favorisé par les manœuvres de son cocontractant,

- dire qu'il a en tout état de cause commis une erreur sur la substance en acquérant des parts valorisées pour 1.800.000 Francs (274.408,23 €),

- limiter les effets de l'annulation et tenir comte des fautes du vendeur pour l'appréciation des conséquences de celle-ci,

- ordonner la restitution du prix encaissé par Pascal et Roberte X., soit 1.800.000 Francs (274.408,23 €) avec intérêts et capitalisation depuis le moi de mai 1998 et ordonner le rechiffrage des parts sans tenir compte de la moindre possibilité de bail et ce à dire d'expert avec évaluation du préjudice futur résultant de la perte définitive du bénéfice des terrains sur lesquels l'exploitant du GAEC devait pouvait tenir compte en fonction des bénéfices qu'il pouvait en attendre et de l'impossibilité de leur trouver un remplacement matériel,

- condamner les consorts X. à la réparation de l'entier préjudice supporté par Monsieur et Madame Francis X. à l'occasion de la remise en cause du contrat,

- chiffrer celui-ci à 350.000 Francs (53.357,16 €) pour 1999, à titre de préjudice matériel,

- dire que Monsieur Pascal X. ne peut obtenir du fait de sa turpitude la restitution des parts du GAEC en cas d'annulation de toute la convention,

- fixer en cas d'annulation totale de la convention sans application de restriction au principe de la rétroactivité à 4.000.000 Francs (609.796,07 €) le préjudice patrimonial de Monsieur et Madame Francis X. s'ajoutant à l'obligation de restitution du prix en totalité,

- constater l'éviction ou abus de droit commis par les vendeurs dans l'hypothèse du maintien de l'exercice du dédit,

- ordonner l'indemnisation de l'acheteur à hauteur de ses préjudices matériels et patrimoniaux réclamés ci-dessus et ce en réparation de la faute commise soit 350.000 Francs (53.357,17 €) pour 1998/1999 et 4.000.000 Francs,

- [minute Jurica page 8] constater la responsabilité pleine et entière de l'association ARGOS par la réalisation de la situation dommageable déplorée par Monsieur et Madame Francis X.,

- constater que celle-ci a manqué à ses obligations de diligence, de renseignement et de conseil, et commis une faute caractérisée commune avec celle de Pascal et Roberte X.,

- dire qu'elle devra être condamnée in solidum avec ceux-ci au paiement de tous les quantums mis à leur charge,

- dire qu'en cas de succès de la procédure en faveur des époux X., ARGOS devra in solidum avec Pascal et Madame veuve X. quoiqu'il en soit réparer leur préjudice matériel et moral suscité par le procès,

- le chiffrer toutes causes confondues à 350.000 Francs (53.357,17 €) par an depuis 1998 outre frais, dépens et article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- dire qu'en cas de confirmation du jugement en faveur de Pascal et Roberte X., l'association ARGOS devra voir sa responsabilité propre appréciée séparément,

- la condamner à réparer l'entier préjudice financier patrimonial et moral des époux X. c'est à dire la valeur des parts sociales 1.800.000 Francs avec intérêts et capitalisation depuis le paiement, les défauts d'encaissement de revenus 350.000 Francs (53.357,17 €) pour 1998/1999 et les conséquences de la perte de l'outil de travail,

- condamner également in solidum Pascal X. et Roberte X. ainsi que l'association ARGOS à 30.000 Francs (4.573,47 €) en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- les condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel,

- autoriser la SCP MILLOT-LOGIER & FONTAINE, avoués associés à la Cour, à faire application des dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Monsieur Pascal X. et Madame Roberte X., dans leurs dernières écritures, répondent d'abord, que l'insertion de la clause de dédit n'est pas le fruit d'une erreur mais le résultat d'une demande conjointe des parties ; qu'en effet, les projets initiaux proposaient des formulations différentes quant à la détermination de l'indemnité de dédit ce qui tend à démontrer que le principe de la clause était acquis dans l'esprit des parties ; qu'en outre, l'Association ARGOS, rompue à la rédaction de ce type d'acte, n'aurait pas commis deux fois la même erreur ; que même si cela avait été le cas, la clause aurait été décelée par l'une des parties en présence compte tenue non seulement de ses implications évidentes et considérables mais encore, de la brièveté des contrats ; les intimés soutiennent donc que sur ce point la clause de dédit est parfaitement opposable aux époux Francis X. ;

Les intimés font ensuite valoir que les prétendus engagements qu'ils auraient souscrits à l'occasion des négociations ne sauraient faire échec aux termes des promesses de bail postérieures qui, ne reprenant pas lesdits engagements, se substituent à eux dans l'expression de la commune intention des parties et régissent seules désormais les rapports entre elles ; qu'ainsi, la mise en œuvre de la clause litigieuse ne peut constituer un acte de mauvaise foi ou un abus évident ; les intimés ajoutent que la [minute Jurica page 9] présence même de clauses de dédit réellement voulues par les parties contredit la thèse de l'accord global et du caractère accessoire des promesses de bail car alors, les parties n'auraient pas souscrit à cette clause imprimant un caractère de précarité quant au bénéfice des terres concernées ; qu'encore, la présence de ces clauses démontre que la souscription et la pérennisation des baux litigieux ne pouvaient avoir constitué, dans l'esprit des parties, la cause impulsive et déterminante des engagements inhérents au prétendu accord global ; par ailleurs, Monsieur Pascal X. et Madame Roberte X. soutiennent qu'il n'y a pas lieu pour le juge d'interpréter une stipulation contractuelle litigieuse dès lors qu'elle est, comme dans le cas d'espèce, rédigée en termes clairs, précis et dépourvus d'ambiguïté ; qu'à défaut, le juge en dénaturerait le sens ; ils ajoutent que les appelants sont d'autant plus mal venus invoquer le caractère déterminant de la souscription des baux dans leur engagement que la situation locative a précisément été retenue comme facteur de minoration dans l'évaluation de la part sociale ; ils soutiennent qu'en effet, les terres dont le GAEC n'était pas propriétaire n'ont pas été valorisées ;

S'agissant de l'annulation pour absence de cause de la convention ou dol, les intimés font valoir qu'une telle demande est irrecevable comme étant une demande nouvelle à hauteur d'appel ; subsidiairement ils soutiennent que les époux Francis X., ayant procédé depuis la transaction à la transformation du GAEC en EARL, doivent être considérés comme ayant irrévocablement acceptés l'acte de cession de parts dont ils arguent de la nullité ; que le GAEC ayant disparu, il est désormais impossible de rétablir les parties dans l'état où elles se trouvaient avant la conclusion de l'acte litigieux ;

En dernier lieu, Monsieur Pascal X. et Madame Roberte X. contestent la demande de dommages et intérêts formulée à leur encontre et font à cet effet valoir qu'ayant dénoncé les promesses de bail dans le strict respect des dispositions contractuelles, aucune faute ne peut leur être reprochée ; qu'en outre, il n'y a pas de lien de causalité entre leur dénonciation et les préjudices dont se prévalent les appelants puisque ceux-ci, bien que faisant état d'une perte d'exploitation considérable, n'ont pas, en dépit du jeu de la clause de dédit, cessé l'exploitation des terres concernées ; qu'ils ont même continué après 1998 à percevoir les primes agricoles relatives à l'ensemble des terres du GAEC dissous, y compris celles objets du présent litige ; que le groupement conserve, déduction faite des 44 hectares litigieux, 129 hectares et reste donc exploitable et viable ; qu'enfin, à défaut de disposition contractuelle en ce sens il n'y a pas lieu d'accorder réparation aux appelants pour une privation de terres consécutive à l'exercice non fautif d'une clause régulière de dédit ;

Monsieur Pascal X. et Madame Roberte X. demande à la Cour de :

- voir confirmer le jugement déféré,

- déclarer Monsieur et Madame X. Francis mal fondés en leur appel et les débouter de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions contraires au jugement entrepris,

- déclarer les époux X. Francis irrecevables en leur demande formée pour la première fois en cause d'appel, visant à l'annulation de l'acte de cession des parts du GAEC,

- condamner solidairement les époux X. Francis à payer à Monsieur Pascal X. et à Madame Roberte X. la somme de 2.288 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens tant de [minute Jurica page 10] première instance que d'appel, dont distraction au profit des avoué et avocat des intimés ;

L'Association ARGOS, quant à elle fait d'abord valoir que l'insertion des clauses de dédit a procédé non d'une erreur de sa part mais de la demande même des parties et de leur commune intention ; que pour satisfaire à cette volonté, des projets de rédaction ont été soumis aux parties qui, au terme d'un délai de réflexion, ont elles-mêmes fixé l'indemnité de dédit ; pour ces mêmes raisons l'Association ARGOS soutient qu'elle n'avait, en établissant les promesses de bail à ferme, ni outrepassée sa mission ni commis de faute ; s'agissant ensuite des parts sociales du GAEC, l'intimée affirme que la fixation du prix a résulté d'une négociation entre les deux associés et que l'évaluation du GAEC qu'elle a effectuée a seulement servi de base à ces pourparlers ; que déjà à cette époque, l'évaluation n'a pas tenu compte des terres louées ; qu'au contraire, les baux ont été considérés comme un élément de minoration de la valeur des parts sociales, le risque étant évalué à moyen terme comme élevé ; elle ajoute qu'à la suite des négociations, cette valeur a encore été minorée ; qu'ainsi, la garantie des baux à ferme n'est pas incluse dans le prix de cession des parts sociales ; d'autre part, l'Association ARGOS conteste le préjudice dont se prévalent les époux Francis X. et allègue à cet effet que Madame Roberte X. a continué à encaisser les fermages échus en 1998, 1999 et 2000 ; qu'en conséquence, soit celle-ci a renoncé à sa faculté de dédit, soit le GAEC est toujours locataire de ses terres en vertu de baux antérieurs qui se continuent ; que Francis X. n'a donc pas subi d'interruption dans la jouissance desdites terres ; qu'au surplus, il ressort des indications de Monsieur Pascal X. que Francis X. est toujours en possession de l'ensemble des terres, ce que ce dernier ne contredit pas ; qu'encore, il ne peut prétendre à la perte de son outil de travail alors que le patrimoine du GAEC se compose de matériel, bâtiment et autres meubles qui ne sont nullement affectés et que de surcroît le groupement continue sous la forme d'une EARL ; qu'ainsi, il n'y a pas de préjudice ; qu'enfin, le cumul des indemnités réclamées, au titre de la valeur des parts sociales et au titre des « conséquences de la perte de l'outil de travail », est en plus injustifié s'agissant d'un seul et même préjudice ; l'Association ARGOS rappelle que le fondement contractuel et le fondement délictuel ne se cumulent pas ; elle soutient par ailleurs n'avoir en aucune façon manqué à un devoir de renseignement, de conseil ou de diligence, ce qui du reste ne constitue pas en soi un le 'dol manifeste' allégué par les appelants ; qu'en tout état de cause elle n'était pas concernée par les accords survenus entre les deux frères pour la cession des parts sociales puisqu'elle n'est intervenue que dans le cadre des propositions financières de Francis X. ; l'intimé fait encore valoir que, n'ayant elle-même jamais perçu le prix de cette transaction, elle ne pouvait, pas plus que Madame veuve X., être condamnée à restituer ce prix ; qu'ensuite, l'obligation de garantie à laquelle les appelants entendent la soumettre, pour étrange qu'elle lui paraisse, est en tout état de cause subordonnée aux règles de preuve de la responsabilité civile ; l'Association ARGOS énonce enfin que Madame Ginette X., n'étant pas partie au contrat de cession de part du GAEC, n'a pas qualité pour agir en nullité de l'acte ; que n'étant ni associée de l'EARL ni exploitante agricole, elle n'a pas non plus qualité pour demander la régularisation d'un quelconque bail à ferme ou pour solliciter des dommages et intérêts ; qu'enfin, l'EARL, personne juridique distincte de Monsieur Francis X. et Madame Ginette X., n'est pas partie à la procédure et ne peut donc voir les appelants agir en ses lieu et place ;

L'intimé argue de la mauvaise foi des appelants et de l'exagération manifeste de leur prétention pour demander des dommages et intérêts à hauteur de 10.000 € ;

L'Association ARGOS demande à la Cour de :

- [minute Jurica page 11] déclarer le sieur Francis X. et la dame Ginette X. née Y. mal fondés en leur appel, les en débouter,

- confirmer le jugement entrepris,

- en tant que de besoin, déclarer irrecevable comme nouvelle la demande des époux Francis X. tendant à voir prononcer la nullité de l'acte de cession de parts du GAEC, constater en toute hypothèse que le sieur Francis X. a fait apport de ses parts à l'EARL qu'il a créé et qu'il a ainsi ratifié cette cession,

- déclarer en conséquence également pour cette raison et pour défaut de qualité à agir, irrecevable sa demande tendant à voir prononcer la nullité de l'acte de cession et irrecevables toutes les demandes annexes des époux Francis X. dirigées contre la concluante,

- subsidiairement, débouter les époux Francis X. de l'ensemble de leurs demandes, fins, moyens et prétentions,

- les condamner pour appel abusif au paiement envers l'association ARGOS de la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts,

- les condamner également au paiement envers ARGOS d'une indemnité de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile pour participation aux frais non répétibles de la procédure d'appel ainsi enfin qu'aux entiers dépens d'appel, les quels seront recouvrés directement par la SCP BONET-LEINSTER-WISNIEWSKI, avoués associés à la Cour, et ce conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

Attendu sur la recevabilité des demandes qu'il est constant que Madame X. n'était pas associée du GAEC (ce qu'elle a d'ailleurs expressément reconnu dans l'acte de cession cf. § « intervention du conjoint du cessionnaire ») ni partie aux promesses synallagmatiques de bail à ferme ; que dans ces conditions, elle est dépourvue de toute qualité pour agir, peu important qu'elle soit commune en biens avec Monsieur Francis X. ; que ses demandes seront donc déclarées irrecevables ;

Attendu d'autre part que la recevabilité des demandes de Monsieur Francis X. ne dépend pas de l'intervention de l'EARL, alors que les actes litigieux (promesses et cessions de parts) ont été conclus entre des personnes physiques, toutes présentes en cause d'appel et sans intervention du GAEC ou de l'EARL constituée après la cession ;

Attendu que les époux Francis X. avaient demandé au premier juge de constater que le GAEC n'était plus viable du fait de l'éviction qu'ils invoquaient et en conséquence de condamner Monsieur Pascal X., ainsi que l'association ARGOS, solidairement au paiement de 4.000.000 Francs, valeur représentative du GAEC, outre 2.000.000 Francs au titre des préjudices économique et financier causés au demandeur mis dans l'impossibilité d'exercer sa profession ;

Que dans ces conditions la demande d'annulation de la cession des parts du GAEC ne peut être considérée comme nouvelle à hauteur de Cour, alors qu'elle relève des dispositions de l'article 566 du Nouveau Code de Procédure Civile, en ce que la prétendue impossibilité d'exploitation du GAEC était de nature à remettre en question les conditions de cession des parts à Monsieur Francis X., désormais détenteur [minute Jurica page 12] de l'intégralité de celles-ci ;

Que la demande est donc recevable ;

Attendu qu'il apparaît au vu des pièces produites que l'association ARGOS, conseil en entreprise, a examiné la situation du GAEC en novembre 1995, considérant alors qu'il apparaissait « comme une entité économique qu'il serait bon de conserver dans son intégralité » ; que le plan d'action prévoyait que les terres en propriété seraient estimées par un notaire et devraient être soit louées par bail à long terme ou vendues à l'associé restant ;

Qu'il convient de rappeler que le GAEC exploitait 173,86 ha de terres dont 16,30 ha appartenant à Monsieur Pascal X. et 28,82 ha appartenant à la mère des associés, Madame Roberte X. ; que le document d'évaluation de l'entreprise élaboré en février 1998 par l'association relève que l'« importance des baux à des tiers et de la relation avec les propriétaires qui peut évoluer » constitue un des éléments mettant en cause la pérennité du GAEC ;

Que le 4 mars 1998, Monsieur Pascal X., s'est notamment engagé, en cas d'accord sur une valeur de 350 Francs par part, à concéder à son frère un bail à long terme sur les terres lui appartenant et à obtenir un tel bail par sa mère ;

Que cependant il est constant que le prix unitaire des parts a finalement été fixé à 320 Francs, montant correspondant à l'offre de Francis X. ;

Attendu que les promesses synallagmatiques de bail à ferme conclues les 18 et 19 mai 1998 entre Francis X. et son frère d'une part et sa mère d'autre part stipulaient une régularisation avant le 1er août 1998 ; que les parties se reconnaissaient réciproquement la faculté de se dédire de leur engagement, moyennant le versement d'une indemnité de 900 Francs/ha, étant précisé que « de même si une partie venait à commettre des manœuvres entraînant une impossibilité de régularisation dans les délais convenus, elle sera tenue de verser une indemnité égale à l'indemnité ci-dessus définie, nonobstant la réparation d'un éventuel préjudice » ;

Attendu enfin que la cession de parts a été effectuée lors de l'assemblée générale extraordinaire du GAEC tenue le 19 mai 1998 ;

Attendu que Monsieur Francis X. soutient à juste titre que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ;

Attendu qu'il ne résulte d'aucun élément des productions que l'insertion de la clause de dédit a été le fruit d'une erreur matérielle commise par l'association ARGOS qui aurait omis de la retirer du formulaire type qu'elle avait utilisé ; que d'autre part cette clause était particulièrement apparente et lisible dans les actes, forts brefs, valant promesse synallagmatique ;

Qu'elle était toute aussi claire et précise et ne nécessitait aucune interprétation, ou explication particulière même envers une personne sans compétence juridique particulière, étant cependant observé que Monsieur Francis X. est chef d'une exploitation agricole importante ; qu'il était manifestement en mesure d'apprécier la portée exacte et les conséquences éventuelles d'une telle clause sans complexité alors qu'il ressort des pièces produites d'une part que les discussions pré-contractuelles ont été approfondies et sinon après, et d'autre part que l'association ARGOS justifie avoir transmis à Monsieur Francis X. le 14 mai 1998 les projets suivants :

- [minute Jurica page 13] le procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire,

- les statuts remis à jour,

- la résiliation de bail,

- l'information aux bailleurs,

- la promesse de bail à ferme,

- le « résumé baux ruraux à longs termes » ;

Que ce courrier de transmission émanant de Monsieur V. demandait aussi à Monsieur Francis X. de faire une vérification attentive des projets susindiqués et de faire part à l'expéditeur de ses remarques ou de son accord ;

Que dans ces conditions particulières d'élaboration des conventions considérées, qui concernaient directement et exclusivement un domaine qui lui était plus que familier, Monsieur Francis X. ne peut de bonne foi soutenir que son consentement a été vicié par l'erreur ou le dol dont les manœuvres constitutives sont en l'état inexistantes, et que l'association ARGOS a manqué à son devoir d'information et de conseil ; que d'ailleurs, il n'est nullement établi que Monsieur Pascal X. et sa mère auraient accepté de signer des promesses synallagmatiques ne contenant aucune possibilité de dédit, d'autant plus que Madame X. avait posé des conditions à son accord ;

Attendu qu'ayant accepté en pleine connaissance de cause la stipulation d'une clause de dédit, Monsieur X. ne peut soutenir que le jeu de celle-ci a bouleversé l'économie et anéanti l'intégralité des conventions en cause ;

Attendu encore que Monsieur Francis X. ne rapporte pas la preuve que le dédit a été exercé abusivement ou de mauvaise foi, alors que les promesses ne contiennent aucune obligation de motivation ou de justification du bien fondé du « retrait » unilatéral qui contractuellement autorisé, ne peut, en lui-même, être fautif ; qu'il ne saurait être déduit des circonstances que Monsieur Pascal X. a effectivement voulu nuire à son frère et priver le GAEC de sa viabilité ; qu'il en est de même en ce qui concerne Madame Roberte X. dont il y a aussi lieu de relever que sa promesse était assortie de conditions que Monsieur Francis X. a refusées ;

Attendu que l'acte de cession de parts du GAEC ne contient aucune condition ou seulement une quelconque mention ou référence relative à la conclusion de baux à long terme avec le cédant et sa mère, de manière à maintenir l'intégralité de la surface exploitée ; qu'en d'autres termes, il n'est pas établi que l'existence de ces baux ait été la condition déterminante du consentement de Monsieur Francis X. à la cession des parts ou la cause de celle-ci alors que les conventions litigieuses concernent des parties différentes et sont parfaitement distinctes ; que d'autre part, le jeu licite de la clause dédit n'a pas pu avoir pour effet de priver totalement ou partiellement les parts du GAEC de leur valeur, alors que celle-ci n'a pas été assise sur l'existence des futurs baux objets des promesses synallagmatiques ; qu'il ne peut non plus avoir pour conséquence d'engager la responsabilité de Monsieur Pascal X. au titre d'une violation de l'article 14 des statuts du GAEC ;

Attendu qu'en définitive, l'appel de Monsieur et Madame Francis X. est dénué de fondement ;

[minute Jurica page 14] Que le jugement sera seulement réformé en ce qu'il a déclaré recevables les demandes de Madame Ginette X. née Y. ; que les époux X. seront condamnés aux dépens d'appel outre le paiement sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile de 2.000 € à l'association ARGOS et 2.000 € à Monsieur Pascal X. et Madame Roberte X. ;

Qu'il n'y a pas lieu à dommages et intérêts pour appel abusif ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant en audience publique et contradictoirement,

Réforme le jugement uniquement en ce qu'il a déclaré recevables les demandes de Madame Ginette X. ;

Statuant à nouveau de ce chef :

Déclare irrecevables les demandes de Madame Ginette X. ;

Confirme le jugement pour le surplus ;

Déclare recevable à hauteur de Cour mais mal fondée la demande de Monsieur Francis X. tendant notamment à l'annulation de la cession de parts ;

En conséquence, rejette ces demandes ;

Condamne in solidum les époux X. à payer :

- DEUX MILLE EUROS (2.000 €) (au total) à Monsieur Pascal X. et à Madame Roberte X.,

- DEUX MILLE EUROS (2.000 €) à l'association ARGOS ;

sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Dit n'y avoir lieu à dommages et intérêts pour appel abusif ;

Condamne les appelants aux dépens d'appel qui pourront être directement recouvrés par la SCP BONET-LEINSTER-WISNIEWSKI, avoués associés à la Cour, et la SCP VASSEUR, avoué associé à la Cour, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

L'arrêt a été prononcé à l'audience publique du vingt quatre avril deux mille sept par Monsieur DORY, Président de la première chambre civile de la Cour d'Appel de NANCY, conformément à l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile, assisté de Mademoiselle CHOUIEB, Greffier.

Et Monsieur le Président a signé le présent arrêt ainsi que le Greffier.

Signé : L. CHOUIEB. - Signé : G. DORY.