CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 3-4), 12 septembre 2024
- TJ Draguignan, 1er octobre 2020 : RG n° 20/03442 ; Dnd
CERCLAB - DOCUMENT N° 22923
CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 3-4), 12 septembre 2024 : RG n° 20/09983 ; arrêt n° 2024/158
Publication : Judilibre
Extrait (arguments de l’intimé) : « Vu l'article 1171 du code civil, - confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. X. et Mme Y. épouse Z. de leurs demandes en prononcé de la nullité de la cession de bail, de la résolution judiciaire du bail, de l'expulsion des défendeurs et de réédification sous astreinte de la cloison séparative du [Adresse 4] ».
Extrait (motifs) : « Contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, en présence d'une clause interdisant ou restreignant la cession du droit au bail insérée dans le bail commercial, M. V. était tenu de recueillir l'accord des propriétaires des locaux avant d'envisager de céder son bail et il ne pouvait pas passer outre le refus exprimé par ces derniers, étant précisé qu'il ne peut être soutenu qu'un tel refus était illégitime. En effet, il y a lieu de rappeler que le cessionnaire, en l'occurrence M. W., exerce une activité de pizzaiolo et que l'installation d'un restaurant au lieu et place d'une activité de d'appareils électriques, téléphones portables et ordinateurs, est source de nuisances tant sonores qu'olfactives et contrevient au règlement de copropriété de l'immeuble (article 10) qui prévoit que « les boutiques pourront être utilisées pour l'exercice de n'importe quel commerce à l'exception des commerces malodorants et bruyants ou entraînant des nuisances. »
La circonstance que par le passé, dans le cadre de la cession intervenue en 2009 entre la société Etablissements G., qui exerçait une activité de détail d'habillement, et la société MG, ayant une activité de soutien aux entreprises, les bailleurs ne s'étaient pas opposés à cette opération en donnant un accord tacite, n'est pas de nature de les priver de la possibilité de refuser ultérieurement une cession du droit au bail, en présence d'une clause claire et précise prohibant toute cession si ce n'est à son successeur et dans son commerce.
De même la mention dans le bail de la destination « tous commerces » est parfaitement indifférente et n'a pas pour conséquence d'autoriser toute cession de bail en dehors de l'accord des bailleurs.
La cession ainsi intervenue est parfaitement irrégulière et inopposable à M. X. et Mme Y. »
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
CHAMBRE 3-4
ARRÊT DU 12 SEPTEMBRE 2024
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n°20/09983. Arrêt n° 2024/158. N° Portalis DBVB-V-B7E-BGNAO. ARRÊT AU FOND. Décision déférée à la Cour : Jugement du tribunal judiciaire de DRAGUIGNAN en date du 1er octobre 2020 enregistré au répertoire général sous le RG n° 20/03442.
APPELANTS :
Monsieur X.
né le [date] à [Localité 10], demeurant [Adresse 2], représenté par Maître Layla TEBIEL de la SCP CABINET BUVAT-TEBIEL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Maître Laure ATIAS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et assisté de Maître Judith FRANK, avocat au barreau de PARIS, plaidant
Madame Y. épouse Z.
née le [date] à [Localité 8] ([pays]), demeurant [Adresse 1], représentée par Maître Layla TEBIEL de la SCP CABINET BUVAT-TEBIEL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Maître Laure ATIAS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, et assistée de Maître Judith FRANK, avocat au barreau de PARIS, plaidant
INTIMÉS :
Monsieur W.
né le [date] à [Localité 13], demeurant [Adresse 9], représenté par Maître Roméo LAPRESA, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
Monsieur V.
demeurant [Adresse 3], défaillant
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile 67BA63CADA2912FDAAAF1683C89BC94F 71192CCF7D68F6ECF7E8E35EE0AB5BBF, l'affaire a été débattue le 4 juin 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Laetitia VIGNON, Conseillère Présidente suppléante, et Madame Gaëlle MARTIN, Conseillère, chargés du rapport.
Madame Laetitia VIGNON, Conseiller Présidente suppléante, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Anne-Laurence CHALBOS, Présidente, Madame Laetitia VIGNON, Conseillère, Madame Gaëlle MARTIN, Conseillère
Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 septembre 2024.
ARRÊT : Défaut, Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 septembre 2024. Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Présidente et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
M. X. et Mme Y. épouse Z. sont tous deux propriétaires indivisaires, respectivement à hauteur de 75 % et 25 % d'un local sis à [Adresse 7] et [Adresse 4] comprenant deux pièces :
- l'une au rez-de-chaussée formant l'entrée de la [Adresse 12],
- l'autre située au 1er étage de la [Adresse 7].
Ce local a été donné à bail commercial pour une durée de 9 années à compter du 1er mai 2007 à la société Etablissements G. dont l'activité était le commerce de détail d'habillement en magasin spécialisé.
Le 24 mars 2009, la société Etablissements G. a cédé son droit au bail à la société MG, société unipersonnelle, dont le gérant est M. V.
M. X. et Mme Y. épouse Z. d'une part, et M. V. d'autre part, ont signé le 29 avril 2016 un contrat de renouvellement du bail pour une période de 9 ans à compter du 1er mai 2016, les clauses, charges et conditions du bail originaire, à l'exception de celle portant sur le montant du loyer, demeurant inchangées.
Par courrier du 1er octobre 2018, M. V., qui précise exercer une activité de vente d'appareils électriques, téléphones portables et ordinateurs, a adressé à l'agence Sierra Immobilier, en charge de la gestion du bien, une demande d'autorisation de cession de son droit au bail au profit de M. W., auto-entrepreneur pizzaiolo et exploitant du fonds de commerce voisin, sollicitant des bailleurs qu'ils renoncent à la clause de cession à un successeur dans le même fonds de commerce insérée au bail et que M. W. et son activité obtiennent leur agrément.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 23 octobre 2018, M. X. a confirmé le refus d'autorisation exprimé par Mme Y. épouse Z. par courriel du 8 octobre 2018.
M. V. et M. W. ont régularisé le 8 novembre 2018 une cession de bail sous conditions suspensives, enregistrée à la recette des impôts de [Localité 5].
Ledit acte mentionne que le présent accord est fait sous la condition résolutoire de :
- l'agrément des propriétaires sur la personne de M. W. et de son activité de restauration,
- de l'accord exprès des propriétaires sur la réouverture d'un passage préexistant entre les lieux situés [Adresse 4] et ceux situés au [Adresse 4] de cette même rue, où se trouvent la cuisine et les dépendances permettant l'exploitation actuelle du fonds de commerce de M. W.
Il indique également que les locaux, objets de la cession de bail, serviront uniquement de salle de restaurant et de consommation de boissons, la cuisine et les dépendances de cette dernière étant exploitées dans le fonds de commerce dont M. W. est propriétaire sis [adresse].
Le 21 novembre 2018, M. V. et M. W. ont notifié au gestionnaire de biens la copie enregistrée du contrat de cession de bail demandant la confirmation à l'agence de l'agrément de M. W. en qualité de nouveau locataire.
Par courrier recommandé du 10 décembre 2018, M. X. a confirmé son refus de renoncer à la clause de cession à un successeur telle que prévue au bail.
Sur autorisation de la présidente du tribunal judiciaire de Draguignan en date du 19 mai 2020, M. X. et Mme Y. épouse Z. ont, par acte du 29 mars 2020, fait assigner à jour fixe M. V. et M. W. aux fins notamment de voir :
- à titre principal, prononcer la nullité de la cession de bail intervenue entre M. V. et M. W.,
- à titre subsidiaire, prononcer la résolution du bail consenti à M. V. au jour de la cession du bail,
- en tout état de cause :
* prononcer l'expulsion de M. W. et celle de tous occupants de son chef,
* condamner solidairement M. V. et M. W. au paiement de la somme de 10.462,52 € au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation impayés, outre la majoration de 20 % de cette somme à titre de clause pénale,
* condamner solidairement M. V. et M. W. à remettre en l'état à leurs frais exclusifs le mur séparatif des deux locaux abattu sans l'accord des bailleurs.
Par jugement en date du 1er octobre 2020, le tribunal judiciaire de Draguignan a :
- débouté M. X. et Mme Y. épouse Z. de leurs demandes en prononcé de la nullité de la cession de bail, de la résolution judiciaire du bail, de l'expulsion des défendeurs et de réédification sous astreinte de la cloison séparative du [Adresse 4],
- condamné solidairement M. V. et M. W. à payer à M. X. et Mme Y. épouse Z. la somme de 10.462,52 € au titre des loyers impayés arrêtés au 1er mai 2020 avec intérêts au taux légal sur la somme de 4.042,81 € à compter du 24 juin 2019 et à compter de l'assignation pour le surplus, outre celle de 2092,50 € au titre de la clause pénale prévue au contrat,
- rejeté la demande reconventionnelle en dommages et intérêts formée par M. W.,
- fait masse des dépens,
- condamné M. X. et Mme Y. épouse Z. d'une part et, M. V. et M. W. d'autre part, à en supporter la moitié, dont distraction au profit de Maître Jousselme dans les conditions prévues de l'article 699 du code de procédure civile,
- rappelé que la présente décision est assortie de l'exécution provisoire de droit.
Pour statuer en ce sens, le tribunal a retenu que :
- sur la demande en nullité de la cession de bail :
* le bail du 1er mai 2007 et le contrat de renouvellement du 29 avril 2016 stipulent l'interdiction pour le preneur de céder son droit au bail si ce n'est à son successeur dans son commerce mais en totalité seulement,
* en cas de cession du bail subordonné à la condition expresse de l'accord du bailleur, le refus opposé par ce dernier doit revêtir un caractère légitime,
* la clause faisant interdiction au preneur de céder son droit au bail si ce n'est à son successeur dans son commerce mais en totalité seulement est en contradiction avec la destination ' tous commerces' stipulée dans les clauses particulières du bail,
* les bailleurs ne contestent pas que l'acte du 24 mars 2009 par lequel la société G., ayant une activité de commerce de détail d'habillement a cédé son droit au bail à la société MG ayant une activité de soutien aux entreprises soit intervenu sans mention de l'accord exprès des bailleurs en ce sens,
* eu égard à la contrariété des clauses du bail et à leur pratique antérieure, les bailleurs ne sont pas fondés en leur refus d'autoriser la cession de bail litigieuse,
- sur la demande de résolution judiciaire du bail :
* en l'état du conflit opposant les parties et de la consignation des loyers par M. W., le non-paiement par le locataire de la somme de 4.042, 81 € ne constitue par un motif suffisamment grave pour justifier la résolution judiciaire du bail,
- la violation du refus de cession de bail, en l'état du refus injustifié des bailleurs, ne saurait justifier la résolution judiciaire du bail, ni davantage l'abattement du mur séparatif sans leur autorisation, en ce que l'ouverture existait préalablement au bail et que seule une cloison en brique a été abattue, dont la réédification ne pose aucune difficulté,
- sur la demande en paiement au titre des loyers et indemnités d'occupation impayés :
* en l'absence de nullité de l'acte de cession, le cédant doit répondre solidairement avec le cessionnaire des loyers et accessoires,
* M. V. et M. W. doivent être condamnés solidairement au paiement d'une somme de 10.432,52 € au vu du décompte produit, outre celle de 2.092,50 € au titre de la clause pénale prévue au contrat.
Par déclaration en date du 19 octobre 2020, M. X. et Mme Y. épouse Z. ont interjeté appel de ce jugement.
[*]
Aux termes de leurs dernières conclusions déposées et notifiées le 26 janvier 2024, M. X. et Mme Y. épouse Z. demandent à la cour de :
Vu les articles 788 à 792 du code de procédure civile,
Vu les articles 126 et suivants du code de procédure civile,
Vu les articles 1178, 1717, 1217, 1240 et 1224 et suivants du code civil,
- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Draguignan en ce qu'il a :
* condamné solidairement M. V. et M. W. à payer à M. X. et Mme Y. épouse Z. la somme de 10.462,52 € au titre des loyers impayés arrêtés au 1er mai 2020 avec intérêts au taux légal sur la somme de 4.042,81 € à compter du 24 juin 2019 et à compter de l'assignation pour le surplus, outre celle de 2092,50 € au titre de la clause pénale prévue au contrat,
* rejeté la demande reconventionnelle en dommages et intérêts formée par M. W.,
- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Draguignan en ce qu'il a :
* débouté M. X. et Mme Y. épouse Z. de leurs demandes en prononcé de la nullité de la cession de bail, de la résolution judiciaire du bail, de l'expulsion des défendeurs et de réédification sous astreinte de la cloison séparative du [Adresse 4],
* fait masse des dépens,
* condamné M. X. et Mme Y. épouse Z. d'une part et, M. V. et M. W. d'autre part, à en supporter la moitié,
En conséquence,
- prononcer l'irrégularité de la cession du bail du local sis à [Localité 6] [Adresse 4] (anciennement [Adresse 11]), intervenue entre M. V. et M. W.,
- prononcer l'inopposabilité de ladite cession à M. X. et Mme Y. épouse Z.,
A titre principal,
- prononcer la nullité de la cession de bail entre M. V. et M. W.,
A titre subsidiaire,
- prononcer la résolution du bail au jour de la cession de bail intervenue entre M. V. et M. W.,
En tout état de cause,
- ordonner l'expulsion de M. W. et de tous occupants de son chef des locaux en cause, avec l'assistance de la force publique et d’un serrurier s'il y a lieu, et ce sous astreinte de 200 € par jour de retard,
- condamner solidairement M. V. et M. W. à payer à M. X. et Mme Y. épouse Z. la somme de 38.433,34 € (période du 1er décembre 2018 au 26 octobre 2023) au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation avec intérêts au taux légal sur la somme de 4.042,81 € à compter du 24 juin 2019 et à compter de l'assignation pour le surplus, outre la majoration de 20 % sur lesdites sommes au titre de la clause pénale prévue au contrat,
- condamner solidairement M. V. et M. W. à remettre en l'état à leurs frais exclusifs le mur séparatif des deux locaux sis [Adresse 4] abattu par M. W. sans l'accord de M. X. et Mme Y. épouse Z. et ce sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir,
- condamner solidairement M. V. et M. W. à payer à M. X. et Mme Y. épouse Z. la somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts,
- autoriser M. X. et Mme Y. épouse Z. à conserver le dépôt de garantie d'un montant de 1.000 €,
- condamner solidairement M. V. et M. W. à verser la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner solidairement M. V. et M. W. aux dépens de l'instance, en ce compris les frais d'huissier, que la SCP Buvat-Tebiel pourra recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
[*]
M. W., suivant ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 22 mars 2024, demande à la cour de :
Vu l'article 779 du code de procédure civile,
Vu l'article 1171 du code civil,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. X. et Mme Y. épouse Z. de leurs demandes en prononcé de la nullité de la cession de bail, de la résolution judiciaire du bail, de l'expulsion des défendeurs et de réédification sous astreinte de la cloison séparative du [Adresse 4],
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné solidairement M. V. et M. W. par application de la clause stipulant qu'en cas de cession, le cédant répondra solidairement avec le cessionnaire au paiement des loyers et accessoires,
- accorder à M. W. la possibilité de s'acquitter de la somme due par un paiement fractionné en 24 mensualités égales,
- réformer le quantum de la clause pénale et statuant à nouveau, réduire la clause pénale à la somme de 1 €,
- juger que M. X. et Mme Y. épouse Z. ont repris possession du local,
- juger que le mur séparatif des deux locaux a été remis en état,
- débouter M. X. et Mme Y. épouse Z. de leurs demandes, fins et conclusions,
- condamner M. X. et Mme Y. épouse Z. à payer la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
[*]
M. V. n'a pas constitué avocat. Il a été assigné par acte extra-judiciaire du 19 janvier 2021, remis à domicile. Il sera donc statué par défaut.
[*]
La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 14 mai 2024.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
M. X. et Mme Y. épouse Z. soutiennent que la cession litigieuse viole non seulement le contrat de bail initial et notamment l'article 6 relatif à la cession et sous-location ainsi que les dispositions légales de l'article 1717 du code civil et la jurisprudence constante de la Cour de cassation.
Ils font valoir que M. V. et M. W. avaient parfaitement conscience qu'ils devaient respecter cet article du bail en ce qu'ils ont sollicité l'accord des propriétaires par courrier et ont signé une cession de bail sous conditions suspensives, subordonnant notamment la cession à l'accord requis pour finalement s'en affranchir délibérément en l'absence d'obtention de cet accord. Ils considèrent que le refus qu'ils ont opposé était parfaitement légitime en ce que le commerce de restauration est source de nuisances sonores et olfactives dans un immeuble, que le règlement de copropriété prohibe les commerces malodorants et bruyants, et qu'en outre l'activité de restauration constitue également un risque accru d'incendie. Ils ajoutent qu'en s'installant de force dans les lieux en dépit du refus formel et répété des propriétaires, M. W. démontre son manque total d'honorabilité et a de surcroît fait preuve d'une parfaite insolvabilité, le montant de la dette s'élevant, à la remise des clés le 23 octobre 2023, à la somme de 38.433,34 €. S'agissant de leur pratique antérieure telle que retenue par le tribunal, ils soutiennent que l'accord tacite donné était lié à la nature de l'activité exercée qui n'est nullement comparable avec celle de commerce de bouche exercée par M. W.
M. W. sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il estime que le refus opposé par les bailleurs est discrétionnaire et incohérent, que les propriétaires ont par le passé donné leur consentement à une cession de bail portant sur un commerce différent de celui du preneur originaire et que le bail autorise l'exercice de tous commerces, de sorte que la clause prévue à article 6 qui est invoqué par les appelants créé un déséquilibre manifeste entre les obligations des parties. Il en tire pour conséquence que le refus des bailleurs est illégitime et marqué par la mauvaise foi.
L'article 1717 du code civil dispose que le preneur a le droit de sous-louer, et même de céder son bail à un autre, si cette faculté ne lui a pas été interdite. Elle peut être interdite pour le tout ou partie. Cette clause est toujours de rigueur.
Le bail commercial originaire consenti au profit de la société Etablissements G. comporte un article intitulé « cession et sous-location » ainsi libellée :
« Le preneur ne pourra, en outre, céder son droit au présent bail si ce n'est à son successeur dans son commerce, mais en totalité seulement.
En cas de cession, il demeurera garant et répondra solidairement avec le cessionnaire et tous ses successeurs du paiement des loyers et accessoires et de l'entière exécution des conditions du présent bail. Une copie de la cession enregistrée devra être remise au bailleur sans frais pour lui, dans le mois de la signature et le tout, à peine de nullité de la cession à l'égard du bailleur et de résiliation des présentes si bon lui semble, le tout indépendamment de la signification prescrite par l'article 1690 du code civil. »
L'acte régularisé entre M. X. et Mme Y. d'une part et, M. V. d'autre part, 29 avril 2016, précise que ledit bail est renouvelé pour une durée de neuf années à compter du 1er mai 2016, pour un loyer annuel porté à la somme de 6.656,40 € et stipule que « Toutes les autres clauses, charges et conditions du bail originaire ainsi que celles qui auraient dû être modifiées par des avenants ultérieurs à ce bail demeurent inchangées. »
Par courrier du 1er octobre 2018, M. V. a formulé une demande de cession de bail à l'agence Sierra Immobilier, gestionnaire du bien, en ces termes « La lecture du bail révèle que je ne peux céder mon bail et mon droit au bail qu'à un successeur dans mon commerce. M. W. n'est pas successeur dans mon commerce qui consiste à la vente d'appareils électriques, téléphones portables et ordinateurs. C'est pourquoi je sollicite par votre intermédiaire, des propriétaires que ces derniers renoncent :
- à la clause de cession à un successeur dans le même fonds de commerce,
- que M. W. et son activité obtienne leur agrément ».
A la lecture de ce courrier, M. V. avait parfaitement connaissance de l'article 6 du bail originaire prohibant toute cession du bail sauf à un successeur dans son commerce, sauf accord exprès des bailleurs de renoncer à cette clause.
Il ressort des pièces produites que les bailleurs ont exprimé un double refus immédiat à cette cession les 8 et 22 octobre 2018.
En dépit de cette absence d'accord, M. V. et M. W. ont régularisé le 8 novembre 2018, une « cession de droit au bail sous conditions suspensives ».
Il est indiqué que cette cession est conclue moyennant le prix de 5.000 € et que le présent accord est fait sous la condition résolutoire de :
« 1. l'agrément des propriétaires sur la personne de M. W. et de son activité de restauration,
2. de l'accord exprès des propriétaires sur la réouverture d'un passage préexistant entre les locaux situés [Adresse 4] leur appartenant et les locaux situés au [adresse], où se trouvent la cuisine et les dépendances permettant l'exploitation actuelle du fonds de commerce de M. W. (...) ».
L'acte comprend également un paragraphe « cession- sous-location » qui reproduit l'article 6 du bail originaire suivi de la mention suivante « M. V. déclare, sous sa responsabilité, avoir reçu desdits propriétaires par l'intermédiaire de leur mandataire (...) l'autorisation de céder le bail objet des présentes, à M. W. sous condition que les locaux soient uniquement utilisés à titre de salles à manger et à consommation de boissons. Sous les mêmes conditions il avait été donné l'autorisation de rétablir le passage par l'aménagement d'une porte entre les locaux situés aux [Adresse 4] », déclaration qui est pour le moins contradictoire avec les conditions résolutoires insérées dans le même contrat.
Les bailleurs ont à nouveau exprimé formellement leur opposition à cette cession par courriers recommandés en date du 10 décembre 2018, suivis d'une mise en demeure adressée par l'intermédiaire de leur conseil du 14 mars 2019.
Il n'est pas contesté que M. V. et M. W. ont passé outre ce refus, ce dernier s'étant installé dans les locaux pour y exercer son activité de pizzaiolo.
Contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, en présence d'une clause interdisant ou restreignant la cession du droit au bail insérée dans le bail commercial, M. V. était tenu de recueillir l'accord des propriétaires des locaux avant d'envisager de céder son bail et il ne pouvait pas passer outre le refus exprimé par ces derniers, étant précisé qu'il ne peut être soutenu qu'un tel refus était illégitime. En effet, il y a lieu de rappeler que le cessionnaire, en l'occurrence M. W., exerce une activité de pizzaiolo et que l'installation d'un restaurant au lieu et place d'une activité de d'appareils électriques, téléphones portables et ordinateurs, est source de nuisances tant sonores qu'olfactives et contrevient au règlement de copropriété de l'immeuble (article 10) qui prévoit que « les boutiques pourront être utilisées pour l'exercice de n'importe quel commerce à l'exception des commerces malodorants et bruyants ou entraînant des nuisances. »
La circonstance que par le passé, dans le cadre de la cession intervenue en 2009 entre la société Etablissements G., qui exerçait une activité de détail d'habillement, et la société MG, ayant une activité de soutien aux entreprises, les bailleurs ne s'étaient pas opposés à cette opération en donnant un accord tacite, n'est pas de nature de les priver de la possibilité de refuser ultérieurement une cession du droit au bail, en présence d'une clause claire et précise prohibant toute cession si ce n'est à son successeur et dans son commerce.
De même la mention dans le bail de la destination « tous commerces » est parfaitement indifférente et n'a pas pour conséquence d'autoriser toute cession de bail en dehors de l'accord des bailleurs.
La cession ainsi intervenue est parfaitement irrégulière et inopposable à M. X. et Mme Y.
Il s'agit d'un manquement suffisamment grave de la part du preneur justifiant le prononcé de la résolution du bail aux torts de M. V.
M. W., cessionnaire n'a en conséquence aucun droit au maintien dans les lieux vis-à-vis des bailleurs et c'est donc à juste titre que les appelants sollicitent son expulsion ainsi que celle de tous occupants de son chef des locaux leur appartenant.
Toutefois, il ressort des explications des parties et du procès-verbal de constat dressé le 26 octobre 2023 que M. W. a quitté les lieux et remis les clés du local à l'huissier lequel a constaté que :
- d'une part, les locaux étaient vides et inexploités,
- et d'autre part, que l'ouverture ayant fait l'objet d'un précédent constat en 2019 a été rebouchée, de sorte que la cloison séparative qui avait été abattue, a été remise en état.
En conséquence, les demandes formées par M. X. et Mme Y. tendant à :
- ordonner l'expulsion de M. W. et de tous occupants de son chef des locaux en cause, avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier s'il y a lieu, et ce sous astreinte de 200 € par jour de retard,
- condamner solidairement M. V. et M. W. à remettre en l'état à leurs frais exclusifs le mur séparatif des deux locaux sis [Adresse 4] abattu par M. W. sans l'accord de M. X. et Mme Y. épouse Z. et ce sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir,
sont sans objet.
Sur les loyers, charges et indemnités d'occupation :
M. X. et Mme Y. sollicitent la condamnation solidaire de M. W. et de M. V. au paiement des loyers, charges et indemnités d'occupation jusqu'au 26 octobre 2023, date de remise effective des clés par M. W.
En effet, M. W. est redevable d'une indemnité d'occupation en contrepartie de l'occupation des locaux litigieux sans droit ni titre.
Les bailleurs ayant refusé la cession, le cédant est tenu solidairement à l'exécution du contrat conformément à l'article 1216-1 du code civil.
En outre, l'article 6 du bail énonce que « En cas de cession, il demeurera garant et répondra solidairement avec le cessionnaire et tous ses successeurs du paiement des loyers et accessoires et de l'entière exécution des conditions du présent bail ».
Par voie de conséquence, M. V. est également tenu solidairement au paiement des loyers, charges et indemnité d'occupation.
Il ressort du décompte produit par les bailleurs, qui ne fait l'objet d'aucune contestation par M. W., que
- au jour de la signification du commandement de payer le 24 juin 2019, la dette locative s'élevait à la somme de 4.042,81 €,
- au 1er mai 2020, elle s'établissait à 10.462,52 €,
- à la date de la remise des clés en octobre 2023, en l'absence du moindre paiement effectué, elle atteint un total de 38.433,34 €.
Il y a lieu de souligner que M. W. avait déclaré dans ses conclusions en première instance avoir procédé en partie à une consignation des loyers mais n'a jamais été en mesure d'en justifier.
M. W. et M. V. seront donc solidairement tenus au paiement de la somme de 38.433,34 € au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation arrêtés au 26 octobre 2023, avec intérêts au taux légal à compter du 24 juin 2019, date du commandement de payer, sur la somme de 4.042,81 € et à compter du présent arrêt pour le surplus.
Les appelants sollicitent l'application d'une majoration de 20 % en application de l'article 10 du bail « clause pénale ».
M. W. sollicite sa réduction à la somme de 1 €.
L'article 10 du bail énonce que « A défaut de paiement de toutes sommes à son échéance, notamment du loyer et de ses accessoires, et dès mise en demeure délivrée par le bailleur ou son mandataire au preneur ou dès délivrance d'un commandement de payer ou encore après engagement d'instance, les sommes dues par le preneur seront automatiquement majorées de 20 % à titre d'indemnité forfaitaire et ce, sans préjudice de tous frais quelle qu'en soit la nature, engagés pour le recouvrement des sommes ou de toutes indemnités qui pourraient être mises à la charge du preneur. En outre en cas de résiliation judiciaire ou de plein droit du présent bail, le montant du dépôt de garantie restera acquis au bailleur à titre d'indemnité minimale en réparation du préjudice résultant de cette cession ».
Il apparaît que M. V. a procédé à une cession de son bail au profit de M. W., en dépit du refus manifesté par les propriétaires mais a fait le choix de passer outre cette absence d'accord en permettant à M.W. de prendre possession des lieux en parfaite illégalité, étant précisé que les intimés se sont abstenus d'effectuer le moindre règlement au titre des loyers à compter du 1er décembre 2018, soit pendant près de 5 ans et refusant, par ailleurs, de libérer les locaux. Dans ces conditions, la clause pénale telle que contractuellement prévue entre les parties ne présente pas un caractère excessif justifiant sa réduction, les bailleurs ayant été privés de toute ressource résultant de la location de leur bien pendant plusieurs années.
M. V. et M. W. seront solidairement condamnés à payer la somme de 7.686 € au titre de la majoration de 20 % prévue au bail.
En application de l'article 10 du contrat, les bailleurs sont autorisés à conserver le montant du dépôt de garantie de 1.000 €.
Les appelants sollicitent l'allocation de 20.000 € à titre de dommages et intérêts, compte tenu des agissements frauduleux des intimés, que M. V. a perçu le prix de cession tandis que M. W. a pu jouir gratuitement des lieux jusqu'en octobre 2023.
Or, le préjudice qu'ils allèguent est raisonnablement compensé par l'application de la clause pénale de 20% sur les sommes dues au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation.
Ils seront donc déboutés de ce chef de demande.
M. W., de son côté, réclame la possibilité de régler sa dette en 24 mensualités égales. Il produit uniquement pour seuls éléments, ses avis d'impôts 2019, 2020 et 2021, à savoir des pièces anciennes, lesquelles, en tout état de cause révèlent que manifestement il n'est pas en mesure de s'acquitter du paiement de sa dette dans le délai de deux ans imparti par les textes.
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Vu l'article 696 du code de procédure civile,
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe et par défaut,
Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Draguignan déféré,
Et statuant à nouveau,
Dit que la cession de bail du local sis à [Adresse 4]
(anciennement [Adresse 11]), intervenue entre M. V. et M. W. est irrégulière et inopposable à M. X. et Mme Y. épouse Z.,
Prononce la résolution du bail consentie par M. X. et Mme Y. épouse Z. au profit de M. V. et portant sur des locaux sis à [Adresse 7] et [Adresse 4], aux torts du preneur,
Constate que M. W. a restitué les clés du local sis à [Localité 6] [Adresse 4] le 26 octobre 2023 et que le mur séparatif a été remis en état,
Dit, qu'en conséquence, les demandes formées par M. X. et Mme [D] Y. tendant à :
- ordonner l'expulsion de M. W. et de tous occupants de son chef des locaux en cause, avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier s'il y a lieu, et ce sous astreinte de 200 € par jour de retard,
- condamner solidairement M. V. et M. W. à remettre en l'état à leurs frais exclusifs le mur séparatif des deux locaux sis [Adresse 4] abattu par M. W. sans l'accord de M. X. et Mme Y. épouse Z. et ce sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir,
sont sans objet,
Condamne solidairement M. V. et M. W. à payer à M. X. et Mme Y. épouse Z. la somme de 38.433, 34 € au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation dus pour la période du 1er décembre 2018 au 26 octobre 2023, avec intérêts au taux légal à compter du 24 juin 2019, date du commandement de payer, sur la somme de 4.042,81 € et à compter du présent arrêt pour le surplus, outre la somme de 7.686 € au titre de la clause pénale insérée au bail,
Dit M. X. et Mme Y. épouse Z. sont autorisés à conserver le dépôt de garantie,
Déboute M. X. et Mme Y. épouse Z. de leur demande de dommages et intérêts,
Déboute M. W. de sa demande de délais de paiement,
Condamne solidairement M. V. et M. W. à payer à M. X. et Mme Y. épouse Z. la somme de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne solidairement M. V. et M. W. aux dépens de première instance et de la procédure d'appel, qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT