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CA AMIENS (1re ch. civ.), 7 mai 2024

Nature : Décision
Titre : CA AMIENS (1re ch. civ.), 7 mai 2024
Pays : France
Juridiction : Amiens (CA), 1re ch. civ.
Demande : 22/01719
Date : 7/05/2024
Nature de la décision : Admission, Infirmation
Mode de publication : Judilibre
Décision antérieure : CA Amiens (1re ch. civ.), 5 décembre 2023 : RG n° 22/01719 ; Cerclab n° ??, sur appel de TJ Amiens, 18 octobre 2021 : Dnd
Décision antérieure :
  • CA Amiens (1re ch. civ.), 5 décembre 2023 : RG n° 22/01719 ; Cerclab n° ??, sur appel de TJ Amiens, 18 octobre 2021 : Dnd
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CERCLAB - DOCUMENT N° 22925

CA AMIENS (1re ch. civ.), 7 mai 2024 : RG n° 22/01719

Publication : Judilibre ; JurisData n° 2024-008909

 

Extrait : « Aux termes de l'article 1178, alinéa 2, du code civil, le contrat annulé est censé n'avoir jamais existé.

L'article L. 221-23, alinéa 2, du code de la consommation prévoit que, pour les contrats conclus hors établissement, lorsque les biens sont livrés au domicile du consommateur au moment de la conclusion du contrat, le professionnel récupère les biens à ses frais s'ils ne peuvent pas être renvoyés normalement par voie postale en raison de leur nature. Cette disposition est d'ordre public en vertu de l'article L. 221-29 du code de la consommation.

Enfin, selon l'article L. 212-1, alinéas 1 et 2, du code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

L'article 15.1 des conditions générales de location stipule : « En cas de cessation du contrat de location, pour quelque cause que ce soit, le locataire doit, à ses frais, restituer au loueur l'intégralité des biens loués au titre du présent contrat de location sur le site qui sera désigné par ce dernier, en bon état d'entretien et de fonctionnement. [...] »

Cette clause est nulle consécutivement à l'annulation du contrat, sauf à considérer qu'elle est autonome par rapport au contrat, ce que la société NBB Lease France 1 ne soutient pas. A supposer même qu'elle survive au contrat, elle ne s'applique pas à l'espèce, puisqu'elle vise la cessation du contrat, et non son l'annulation judiciaire. En toutes hypothèses, elle devrait être réputée non écrite en raison de son caractère abusif, puisqu'elle constitue un frein à l'exercice du droit de retour et au droit de remboursement consacrés par les dispositions d'ordre public de l'article L. 221-23, alinéa 2, du code de la consommation et a donc pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. En effet, l'imprimante étant un objet encombrant, elle ne peut être renvoyée normalement par la voie postale, de sorte que les frais de retour devraient incomber au professionnel.

Il sera, par conséquent, dit que la société NBB Lease France 1 doit venir récupérer l'imprimante à ses frais. »

 

COUR D’APPEL D’AMIENS

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 7 MAI 2024

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 22/01719. N° Portalis DBV4-V-B7G-IM76. Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE D'AMIENS DU DIX HUIT OCTOBRE DEUX MILLE VINGT ET UN.

 

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE :

Madame X. épouse Y.

née le [date] à [Localité 9], de nationalité Française, [Adresse 6], [Localité 7], Représentée par Me Frédéric CATILLION substituant Me Emilie CHRISTIAN, avocats au barreau d'AMIENS, Ayant pour avocat plaidant Me Nadège YONAN-MERCADIER, avocat au barreau de ROUEN

 

ET :

INTIMÉES :

SA NBB LEASE FRANCE 1

inscrite au RCP de PARIS agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 3], [Localité 5], Représentée par Maître Fabrice CHIVOT de la SELARL CHIVOT-SOUFFLET, avocat au barreau D'AMIENS, Ayant pour avocat plaidant Maître Carolona CUTURI-ORTEGA, de la SCP JOLY- CUTURI-WOJAS, avocats dynamis Europe (ADE) avocat au barreau de BORDEAUX

SELARL Maître W. P. ès qualités de « Mandataire liquidateur » de la « SAS HF SOLUTIONS » HF SOLUTIONS

Société par actions simplifiée au capital de XXX € ayant son siège social [Adresse 1] à [Localité 10] et immatriculée au RCS de BEAUVAIS sous le numéro YYY, prise en la personne de Maître W. P. liquidateur., [Adresse 2], [Localité 8], Assignée à secrétaire le 30 mai 2022

SAS HF SOLUTIONS

agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 1], [Localité 4], Assignée selon les conditions de l’article 659 du code de procédure civile 263932D62B51AB080628770C56A5FF53 le 8 juin 2022

 

DÉBATS : A l'audience publique du 5 mars 2024, l'affaire est venue devant Mme Myriam SEGOND, magistrat chargé du rapport siégeant sans opposition des avocats en vertu de l’article 805 du Code de procédure civile 71192CCF7D68F6ECF7E8E35EE0AB5BBF. Ce magistrat a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 7 mai 2024.

La Cour était assistée lors des débats de Mme Vitalienne BALOCCO, greffière assistée de Mme Elise DHEILLY et M. Edouard LAMBRY, greffiers stagiaires.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Le magistrat chargé du rapport en a rendu compte à la Cour composée de Mme Agnès FALLENOT, Présidente, M. Vincent ADRIAN et Mme Myriam SEGOND, Conseillers, qui en ont délibéré conformément à la Loi.

PRONONCÉ DE L'ARRÊT : Le 7 mai 2024, l'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Agnès FALLENOT, Présidente de chambre et Mme Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffière.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

DÉCISION :

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

Mme Y. ayant conclu le 15 février 2019 un contrat hors établissement de location financière d'une imprimante HP 477 auprès de la société NBB Lease France 1, et le 28 février 2019 un contrat de maintenance de cette imprimante auprès de la société HF Solutions, depuis mise en liquidation judiciaire, elle a fait assigner ces deux sociétés afin d'obtenir l'annulation du contrat de location financière pour manquement par le professionnel à son obligation précontractuelle d'information sur le droit de rétractation, ainsi que la caducité du contrat de maintenance.

Par arrêt mixte du 5 décembre 2023, cette cour a notamment infirmé le jugement et, statuant à nouveau, prononcé l'annulation du contrat de location du 15 février 2019 et la caducité du contrat de maintenance du 28 février 2019, condamné la société NBB Lease France 1 à restituer à Mme Y. la somme de 6.963,24 euros au titre des loyers perçus, avec intérêts au taux légal à compter du 30 décembre 2019, et rejeté l'exception de compensation soulevée par la société NBB Lease France 1 avec une indemnité d'usage du bien.

Avant-dire droit, sur la demande de restitution de l'imprimante HP 477, la cour a invité les parties à présenter leurs observationss sur :

- l'effet de la nullité du contrat sur la clause 15.1 des conditions générales de location relatives aux restitutions,

- l'interprétation de la notion de cessation prévue par cette clause,

- le caractère abusif de cette clause.

Les frais du procès ont été réservés.

L'affaire a été rappelée à l'audience des plaidoiries du 5 mars 2024.

Par note en délibéré notifiée par RPVA le 12 février 2024, Mme Y. fait valoir que le matériel ne peut être renvoyé normalement par voie postale. Elle soutient qu'en application de l'article 1178, alinéa 2, du code civil, la nullité du contrat de location ne saurait laisser subsister la clause 15.1 des conditions générales de location relatives aux restitutions. Elle précise qu'en cas de survie de la clause, cette dernière ne serait pas applicable, puisqu'elle vise la cessation du contrat distincte de son annulation prononcée par la cour, et qu'en toutes hypothèses, elle présente un caractère abusif, en ce qu'elle constitue un frein à l'exercice du droit de retour et au droit de remboursement consacrés par la loi, et a donc pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat (avis n°17-01 de la commission des clauses abusives du 18 mai 2017).

Par note en délibéré notifiée par RPVA le 15 janvier 2024, la société NBB Lease France 1 soutient que la restitution de l'imprimante par voie postale est parfaitement possible et que la clause ne revêt aucun caractère abusif, étant précisé que le contrat de location financière n'a entraîné aucun transfert de propriété au profit de Mme Y.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIVATION :

1. Sur la restitution de l'imprimante :

Aux termes de l'article 1178, alinéa 2, du code civil, le contrat annulé est censé n'avoir jamais existé.

L'article L. 221-23, alinéa 2, du code de la consommation prévoit que, pour les contrats conclus hors établissement, lorsque les biens sont livrés au domicile du consommateur au moment de la conclusion du contrat, le professionnel récupère les biens à ses frais s'ils ne peuvent pas être renvoyés normalement par voie postale en raison de leur nature.

Cette disposition est d'ordre public en vertu de l'article L. 221-29 du code de la consommation.

Enfin, selon l'article L. 212-1, alinéas 1 et 2, du code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

L'article 15.1 des conditions générales de location stipule : « En cas de cessation du contrat de location, pour quelque cause que ce soit, le locataire doit, à ses frais, restituer au loueur l'intégralité des biens loués au titre du présent contrat de location sur le site qui sera désigné par ce dernier, en bon état d'entretien et de fonctionnement. [...] »

Cette clause est nulle consécutivement à l'annulation du contrat, sauf à considérer qu'elle est autonome par rapport au contrat, ce que la société NBB Lease France 1 ne soutient pas.

A supposer même qu'elle survive au contrat, elle ne s'applique pas à l'espèce, puisqu'elle vise la cessation du contrat, et non son l'annulation judiciaire.

En toutes hypothèses, elle devrait être réputée non écrite en raison de son caractère abusif, puisqu'elle constitue un frein à l'exercice du droit de retour et au droit de remboursement consacrés par les dispositions d'ordre public de l'article L. 221-23, alinéa 2, du code de la consommation et a donc pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. En effet, l'imprimante étant un objet encombrant, elle ne peut être renvoyée normalement par la voie postale, de sorte que les frais de retour devraient incomber au professionnel.

Il sera, par conséquent, dit que la société NBB Lease France 1 doit venir récupérer l'imprimante à ses frais.

 

2. Sur les frais du procès :

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et frais irrépétibles seront infirmées.

Partie perdante, la société NBB Lease France 1 sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, à payer à Mme Y. la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et déboutée de sa demande de ce chef.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant par arrêt réputé contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe, après débats publics, en dernier ressort,

Dit que Mme Y. devra laisser l'imprimante à la disposition de la société NBB Lease France 1 à charge pour cette dernière de faire le nécessaire pour en reprendre possession à ses frais,

Infirme les dispositions du jugement relatives aux dépens et frais irrépétibles,

Condamne la société NBB Lease France 1 aux dépens de première instance et d'appel,

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société NBB Lease France 1 à payer à Mme [C] Y. la somme de 4.000 euros,

La déboute de sa propre demande de ce chef.

LA GREFFIERE                                         LA PRÉSIDENTE