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CA AMIENS (1re ch. civ.), 17 mai 2024

Nature : Décision
Titre : CA AMIENS (1re ch. civ.), 17 mai 2024
Pays : France
Juridiction : Amiens (CA), 1re ch. civ.
Demande : 23/04502
Date : 17/05/2024
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 31/10/2023
Décision antérieure : TJ Beauvais (Jex), 27 septembre 2023 : Dnd
Décision antérieure :
  • TJ Beauvais (Jex), 27 septembre 2023 : Dnd
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CERCLAB - DOCUMENT N° 22927

CA AMIENS (1re ch. civ.), 17 mai 2024 : RG n° 23/04502

Publication : Judilibre

 

Extrait : « 2. L'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa version alors en vigueur, dispose que dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Aussi, l'article R.132-2 du code de la consommation alors en vigueur dispose qu'est présumée abusive une clause reconnaissant au professionnel la faculté de résilier le contrat sans préavis d'une durée raisonnable. Une durée de huit jours ne peut être tenue comme raisonnable.

Le contrat de prêt régularisé entre les parties contient un article XI intitulé « exigibilité anticipée-défaillance de l'emprunteur-clause pénale » rédigé comme suit : « le contrat de prêt sera résilié de plein droit et les sommes prêtées deviendront immédiatement et intégralement exigibles, huit jours après une simple mise en demeure adressée à l'emprunteur, par lettre recommandée avec avis de réception ou par acte extrajudiciaire, mentionnant l'intention du prêteur de se prévaloir de la clause de résiliation. (...) ».

En l'espèce, par lettres recommandées datées du 7 juillet 2020, le créancier, constatant la carence des débiteurs, les a mis en demeure de régler les sommes de 3 546,92 euros et de 108,01 euros dans un délai contractuel de 8 jours à défaut de devoir prononcer, par application de l'article XI du contrat de prêt, la déchéance du terme et de rendre immédiatement exigibles l'ensemble des sommes dues. Ces deux lettres recommandées adressées à chacun des époux n'ont pas été réclamées par eux. Cette clause est présumée abusive au sens des dispositions précitées, peu important l'envoi par le créancier d'une lettre recommandée adressée à chacun des coemprunteurs et réceptionnée par eux le 20 mai 2020, contenant une mise en demeure de régler la somme totale de 2.972,08 euros correspondant aux sommes dues alors pour les deux prêts.

Il convient en conséquence, par infirmation du jugement entrepris, de prononcer la nullité des commandements de payer valant saisie immobilière signifiés le 11 mai 2022 à M. X. et Mme Y., épouse X. et la nullité de la procédure de saisie immobilière subséquente. »

 

COUR D’APPEL D’AMIENS

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 17 MAI 2024

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 23/04502. N° Portalis DBV4-V-B7H-I5BE. Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU JUGE DE L'EXECUTION DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BEAUVAIS DU VINGT SEPT SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS.

 

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTS :

Monsieur X.

né le [Date naissance 1] à [Localité 10] ([Pays]), de nationalité XXX, [Adresse 4], [Localité 7], Représenté par Maître Éric KRAMER de la SCP FABIGNON, LARDON-GALEOTE, EVEN, KRAMER, REBOURCET, avocat au barreau de SENLIS

Madame Y. épouse X.

née le [Date naissance 2] à [Localité 11] (([Pays]), de nationalité XXX, [Adresse 4], [Localité 7], Représentée par Maître Éric KRAMER de la SCP FABIGNON, LARDON-GALEOTE, EVEN, KRAMER, REBOURCET, avocat au barreau de SENLIS

 

ET :

INTIMÉE :

SA CRÉDIT IMMOBILIER DE FRANCE DÉVELOPPEMENT (CIFD)

 SA à conseil d'administration au capital de YYY €, immatriculée au RCS de PARIS, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 3], [Localité 8], Représentée par Maître Pierre-François ETTORI substituant Maître Yann BOURHIS de la SCP BOURHIS ET ASSOCIES, avocats au barreau de BEAUVAIS

 

DÉBATS & DÉLIBÉRÉ : L'affaire est venue à l'audience publique du 7 mars 2024 devant la cour composée de Mme Graziella HAUDUIN, Présidente de chambre, Présidente, M. Douglas BERTHE, Président de chambre et Mme Clémence JACQUELINE, Conseillère, qui en ont ensuite délibéré conformément à la loi.

A l'audience, la cour était assistée de Mme Vitalienne BALOCCO, greffière assistée de Mme Elise DHEILLY et de M. Édouard LAMBRY, greffiers stagiaires.

Sur le rapport de Mme G. T. et à l'issue des débats, l'affaire a été mise en délibéré et la présidente a avisé les parties de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 17 mai 2024, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile F23D2CC483AC17020CAB97538F82B395.

PRONONCÉ : Le 17 mai 2024, l'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Graziella HAUDUIN, Présidente de chambre et Mme Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffière.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

DÉCISION :

Par acte notarié du 14 décembre 2011, M. X. et Mme Y., épouse X. ont fait l'acquisition d'un terrain sur lequel ils ont fait construire une résidence à [Adresse 4].

Ils ont pour financer ces opérations souscrit auprès du Crédit immobilier de France, aux droits duquel vient le Crédit immobilier de France développement (CIFD), un prêt à taux zéro d'un montant en principal de 27.300 euros d'une durée de 23 ans et un prêt jeune E3 d'un montant en principal de 225.228 euros d'une durée minimale de 35 ans et remboursable avec intérêts au taux hors assurance de 4,40 %.

Le 11 mai 2022, le CIFD a fait délivrer à M. X. et Mme Y. épouse X., un commandement de payer la somme de 259.674,91 euros, ce commandement valant saisie portant sur un immeuble sis [Adresse 4]).

Ce commandement a été publié au service de la publicité foncière de [Localité 9] le 11 juillet 2022, sous le numéro d'archivage provisoire 60004P01S00023.

Suivant exploit délivré le 6 septembre 2022, le CIFD a fait assigner les époux X. devant le juge de l'exécution en vue de l'audience d'orientation du 14 juin 2023.

Par jugement du 27 septembre 2023, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Beauvais a notamment :

- dit que la déchéance du terme des prêts n°[Numéro identifiant 5] et [Numéro identifiant 6] contractés par Mme X. et M. X. est régulière,

- ordonné la vente forcée des droits et biens immobiliers visés au commandement de payer valant saisie immobilière,

- fixé l'audience d'adjudication au mercredi 10 janvier 2024 à 14 heures au tribunal judiciaire de Beauvais,

- dit que la mise à prix se fera sur la somme de 150.0020 euros,

- rappelé que dans l'hypothèse où aucune enchère ne serait portée la société Crédit immobilier de France développement sera déclarée adjudicataire pour la mise à prix initiale, soit 112.400 euros,

- mentionné que le montant retenu pour la créance du poursuivant est de 259.674,91 euros, arrêtée au 4 avril 2022.

Le 31 octobre 2023, M. X. et Mme Y., épouse X. ont interjeté appel à l'encontre de cette décision.

Par ordonnance en date du 8 novembre 2023, ils ont été autorisés à assigner à jour fixe le CIFD à l'audience du 7 mars 2024 à 9h30.

[*]

Aux termes de leurs conclusions communiquées par voie électronique le 11 novembre 2023, M. X. et Mme Y., épouse X. demandent à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau de :

- dire que l'article 11 des conditions générales des prêts constitue une clause abusive,

* en conséquence, la réputer non écrite,

* dire que le CIFD n'a pas régulièrement prononcé la déchéance du terme,

* dire que le CIFD ne justifie pas d'une créance liquide et exigible,

* prononcer la nullité des commandements de payer valant saisie signifiés à M. et Mme X. le 11 mai 2022 et publiés au service de la publicité foncière de [Localité 9] le 11 juillet 2022 – XXX - volume 2022 S n°YY, saisie rectificative du 20 juillet 2022 valant reprise pour ordre de la formalité initiale, publiée le 27 juillet 2022 volume 2022 S n°ZZ,

* prononcer la nullité de la procédure de saisie immobilière subséquente,

* ordonner la mainlevée desdits commandements aux frais du CIFD,

* subsidiairement, pour le cas où la décision entreprise serait confirmée en ce qu'elle a ordonné la vente forcée, confirmer ses dispositions en ce que la mise à prix a été jugée manifestement insuffisante et a fixé la nouvelle mise à prix à 150.000 euros,

* condamner le CIFD à payer à M.et Mme X. la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamner le CIFD aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Éric Kramer.

Les époux X., appelants, invoquent l'irrégularité du prononcé de la déchéance du terme résultant de l'application d'une clause abusive. Ils font valoir que la mise en demeure datée du 7 juillet 2020 de régler les sommes de 3 546,92 euros et 108,01 euros dans le délai de 8 jours à compter de la réception de la présente, n'a pas été réceptionnée par eux, en raison de leur absence durant la période estivale.

[*]

Aux termes de ses conclusions communiquées par voie électronique le 27 novembre 2023, le CIFD demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, de débouter les époux X. de l'ensemble de leurs demandes, sauf à voir maintenir à titre subsidiaire la mise à prix à 150.000 euros et de les condamner à supporter les dépens et à lui verser la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le CIFD fait valoir que l'article XI des conditions générales du prêt prévoit l'envoi d'une simple mise en demeure mentionnant notamment l'intention du prêteur de se prévaloir de la clause de résiliation, que le délai de huit jours apparaît suffisamment raisonnable eu égard au montant relativement peu élevé des échéances, que la clause précitée ne peut être considérée comme abusive et qu'elle n'a pas été mise en œuvre de mauvaise foi car précédée d'une mise en demeure le 14 mai 2020, non suivie d'effet, en sorte que la dette a augmenté. Le créancier ajoute que les époux X. ont attendu plus d'une année après le commandement, lui-même délivré tardivement, avant d'émettre un chèque de 8.000 euros qui n'a jamais été envoyé, comme deux autres chèques produits au débat. La saisie demeure donc le seul moyen de lui permettre d'être désintéressé de sa créance.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

1. Aux termes de l'article 954 du code de procédure civile, la cour statue sur les prétentions récapitulées au dispositif des écritures.

Les mentions tendant à voir constater ou dire et juger figurant au dispositif des conclusions ne constituent pas des prétentions au sens du code de procédure civile mais tout au plus un récapitulatif des moyens développés par les parties, ne conférant pas, hormis les cas prévus par la loi, de droit à la partie qui les requiert, de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces points.

2. L'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa version alors en vigueur, dispose que dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Aussi, l'article R.132-2 du code de la consommation alors en vigueur dispose qu'est présumée abusive une clause reconnaissant au professionnel la faculté de résilier le contrat sans préavis d'une durée raisonnable.

Une durée de huit jours ne peut être tenue comme raisonnable.

Le contrat de prêt régularisé entre les parties contient un article XI intitulé « exigibilité anticipée-défaillance de l'emprunteur-clause pénale » rédigé comme suit : « le contrat de prêt sera résilié de plein droit et les sommes prêtées deviendront immédiatement et intégralement exigibles, huit jours après une simple mise en demeure adressée à l'emprunteur, par lettre recommandée avec avis de réception ou par acte extrajudiciaire, mentionnant l'intention du prêteur de se prévaloir de la clause de résiliation. (...) ».

En l'espèce, par lettres recommandées datées du 7 juillet 2020, le créancier, constatant la carence des débiteurs, les a mis en demeure de régler les sommes de 3 546,92 euros et de 108,01 euros dans un délai contractuel de 8 jours à défaut de devoir prononcer, par application de l'article XI du contrat de prêt, la déchéance du terme et de rendre immédiatement exigibles l'ensemble des sommes dues. Ces deux lettres recommandées adressées à chacun des époux n'ont pas été réclamées par eux.

Cette clause est présumée abusive au sens des dispositions précitées, peu important l'envoi par le créancier d'une lettre recommandée adressée à chacun des coemprunteurs et réceptionnée par eux le 20 mai 2020, contenant une mise en demeure de régler la somme totale de 2.972,08 euros correspondant aux sommes dues alors pour les deux prêts.

Il convient en conséquence, par infirmation du jugement entrepris, de prononcer la nullité des commandements de payer valant saisie immobilière signifiés le 11 mai 2022 à M. X. et Mme Y., épouse X. et la nullité de la procédure de saisie immobilière subséquente.

3. Le CIFD, qui succombe, sera condamnée à supporter les dépens de première instance et d'appel, avec distraction au profit de l'avocat de M. X. et Mme Y., épouse X.

4. Les circonstances justifient qu'il ne soit pas fait application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une quelconque des parties.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et par mise à disposition ;

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau :

Prononce la nullité des commandements de payer valant saisie immobilière signifiés le 11 mai 2022 à M. X. et Mme Y., épouse X. et la nullité de la procédure de saisie immobilière subséquente ;

Condamne le Crédit immobilier de France développement, aux dépens de première instance et d'appel, avec distraction au profit de l'avocat de M. X. et Mme Y., épouse X. ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE                             LA PRÉSIDENTE