CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA GRENOBLE (2e ch. civ.), 28 mai 2024

Nature : Décision
Titre : CA GRENOBLE (2e ch. civ.), 28 mai 2024
Pays : France
Juridiction : Grenoble (CA), 2e ch. civ.
Demande : 23/03429
Date : 28/05/2024
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 28/09/2023
Décision antérieure : TJ Grenoble (Jme), 4 juillet 2023 : RG n° 21/02571 ; Dnd
Décision antérieure :
  • TJ Grenoble (Jme), 4 juillet 2023 : RG n° 21/02571 ; Dnd
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 22975

CA GRENOBLE (2e ch. civ.), 28 mai 2024 : RG n° 23/03429

Publication : Judilibre

 

Extrait : « Il résulte des dispositions de l'article L. 212-1 du code de la consommation que dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Afin d'apprécier si ce texte peut trouver application en l'espèce, il faut donc déterminer si la SCI a agi en tant que professionnel de la construction, lorsqu'elle a signé le contrat d'architecte et il faut donc apprécier sa compétence à partir du critère de spécialité défini par son objet social. L'étude de l'extrait KBIS de la SCI porte en activité « activités des marchands de biens immobiliers ». Cette activité consiste à acquérir des biens immobiliers pour les revendre et si elle confère à la SCI la qualité de professionnel de l'immobilier, elle ne démontre pas que celle-ci ait acquis les compétences techniques d'un professionnel de la construction.

La clause de saisine préalable du conseil régional de l'ordre des architectes entre donc dans le champ d'application de l''article L. 212-1 du code de la consommation. Cependant, cette clause tend à instaurer un préalable de conciliation obligatoire avant la saisine du tribunal et n'a donc pour effet que de retarder légèrement la procédure judiciaire, sans l'empêcher et elle peut être mise en mouvement à l'initiative de la partie la plus diligente. Elle ne crée donc aucun déséquilibre entre les droits et obligations des parties au contrat et il n'y a pas lieu de la déclarer abusive et nulle.

L'examen de cette clause démontre que si les parties « conviennent de saisir pour avis le conseil régional de l'ordre des architectes avant toute procédure judiciaire, sauf conservatoire » et que « cette saisine intervient à l'initiative de la partie la plus diligente », aucune sanction n'est prévue par le contrat en cas de non-respect de cette clause et notamment pas l'irrecevabilité des demandes invoquée par M. Z.

Il n'y a donc pas lieu de faire application d'une sanction non prévue au contrat et il y a donc lieu d'infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a déclaré irrecevable l'action en responsabilité contractuelle à l'encontre de M. Z. »

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 28 MAI 2024

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 23/03429 - N° Portalis DBVM-V-B7H-L7EZ. Appel d'une ordonnance (R.G. n°  21/02571) rendue par le tribunal judiciaire de Grenoble en date du 4 juillet 2023, suivant déclaration d'appel du 28 septembre 2023.

 

APPELANTS :

Mme X. épouse Y.

née le [date] à [Localité 10], de nationalité Française, [Adresse 2], [Localité 6]

M. Y.

né le [date] à [Localité 10], de nationalité Française, [Adresse 2], [Localité 6]

représenté par Maître Laurence BORDES-MONNIER de la SELARL MONNIER-BORDES, avocat au barreau de GRENOBLE

 

INTIMÉS :

M. Z.

de nationalité Française [Adresse 3], [Localité 6], représenté par Maître Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE substitué par Maître Floris RAHIN, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, et la SCP REFFAY & ASSOCIES, Société d'Avocats Interbarreaux inscrite aux Barreaux de l'AIN et de LYON

SAS EIFFAGE CONSTRUCTION ALPES DAUPHINE

représentée par son représentant légal en exercice, venant aux droits de son établissement EIFFAGE CONSTRUCTION ISERE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, [Adresse 7], [Localité 5], représentée par Maître Pascale HAYS, avocat au barreau de GRENOBLE et Me Véronique BIMET, avocat au Barreau de Grenoble

SCI RÉSIDENCE DU GOLF D'URIAGE

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 9], [Localité 1]

SCP BTSG ès qualités de « Mandataire liquidateur » de la « Société MIGNOLA CARRELAGES »

[Adresse 4], [Localité 8], non représentées

 

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ : Mme Emmanuèle Cardona, présidente, Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère, Mme Ludivine Chetail, conseillère,

DÉBATS : A l'audience publique du 19 mars 2024, Mme Emmanuèle Cardona, présidente chargée du rapport, assistée de Caroline Bertolo, greffière, a entendu seule les avocats en leurs conclusions, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile 71192CCF7D68F6ECF7E8E35EE0AB5BBF 62A4AFF67744D65F0E43E5BE25D1E94D .

Elle en a rendu compte à la cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu à l'audience de ce jour.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

Par acte du 26 mai 2016 M. Y. et Mme X. épouse Y. ont acheté en état futur d'achèvement, un appartement et un garage double sur la commune de [ville V.], auprès de la SCI [Adresse 11].

La société Eiffage Construction est intervenue en qualité d'entreprise générale, une mission de maîtrise d'œuvre étant confiée à M. Z.

Le procès-verbal de livraison a été signé le 5 juillet 2016 avec réserves et de nouvelles réserves ont été signalées le 6 août 2016 pour le plancher des deux chambres.

Une expertise a été ordonnée en référé et par actes du mois de mai 2021, M. et Mme Y. ont fait assigner devant le tribunal judiciaire de Grenoble la société Eiffage Construction Alpes Dauphine, la SCI [Adresse 11], M. Z. et la société BTSG, liquidateur de la société Mignola Carrelages, aux fins d'obtenir réparation des désordres sur le fondement de la responsabilité décennale et subsidiairement, de la responsabilité contractuelle.

La société Eiffage et la SCI ont saisi le juge de la mise en état aux fins de voir déclarer l'action des époux Y. irrecevable à leur encontre, pour les désordres apparents non réservés à la réception.

M. Z. a également soulevé l'irrecevabilité de l'action à son encontre, pour non-respect du préalable obligatoire de conciliation.

Par ordonnance juridictionnelle du 4 juillet 2023 le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Grenoble a :

- rejeté la fin de non-recevoir au titre des désordres apparents non réservés à la réception,

- déclaré irrecevable l'action en responsabilité contractuelle à l'encontre de M. Z.,

- réservé les dépens.

M. et Mme Y. ont interjeté appel le 28 septembre 2023 en ce que leur action en responsabilité contractuelle à l'encontre de M. Z. a été déclarée irrecevable, intimant M. Z., les sociétés Eiffage Construction Isère, [Adresse 11] et BTSG, ès qualités de liquidateur de Mignola Carrelages.

[*]

Aux termes de leurs conclusions ils demandent à la cour de :

- réformer l'ordonnance en ce qu'elle a déclaré irrecevable leur action en responsabilité contractuelle à l'encontre de M. Z.,

- dire recevable leur appel,

- dire recevable leur action en responsabilité contractuelle,

- condamner in solidum les sociétés [Adresse 11], Eiffage Construction et Mignola Carrelages représentée par la société BTSG à leur payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils soutiennent que selon la jurisprudence de la 3ème chambre de la Cour de cassation, la clause de saisine préalable du conseil régional de l'ordre des architectes est abusive, dès lors que la qualité de professionnelle de la construction ou pas doit être appréciée au regard de l'objet social de la SCI, qui est une société de promotion immobilière.

[*]

M. Z. conclut à la confirmation de l'ordonnance et à la condamnation des appelants à lui payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il expose que les dispositions des articles L. 212-1 et R. 212-2 du code de la consommation ne sont pas applicables, dès lors que la SCI n'est pas un consommateur, mais a conclu dans le cadre de son activité professionnelle. Il ajoute que la clause n'est pas abusive dès lors qu'elle n'a pour effet que de retarder légèrement la procédure judiciaire.

[*]

La société Eiffage Construction s'en rapporte sur l'appel interjeté par les époux Y. et conclut à la confirmation de l'ordonnance pour le surplus et au débouté des demandes la concernant, ainsi qu'à la condamnation des appelants à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle expose n'être pas concernée par l'appel et avoir été attraite de manière abusive à la procédure.

[*]

La SCI et la SCP BTSG n'ont pas constitué avocat.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIVATION :

Il résulte des dispositions de l'article 795 du code de procédure civile que les ordonnances du juge de la mise en état ne peuvent être frappées d'appel ou de pourvoi en cassation qu'avec le jugement statuant sur le fond.

Toutefois, elles sont susceptibles d'appel dans les cas et conditions prévus en matière d'expertise ou de sursis à statuer.

Elles le sont également, dans les quinze jours à compter de leur signification, lorsque :

1° Elles statuent sur un incident mettant fin à l'instance, elles ont pour effet de mettre fin à celle-ci ou elles en constatent l'extinction ;

2° Elles statuent sur une exception de procédure ou une fin de non-recevoir ; lorsque la fin de non-recevoir a nécessité que soit tranchée au préalable une question de fond, l'appel peut porter sur cette question de fond ;

En l'espèce, l'ordonnance du 4 juillet 2023 n'a pas été signifiée aux époux Y. et leur appel du 28 septembre 2023 est donc recevable.

Le contrat conclu entre la SCI [Adresse 11] et M. Z. contient une clause « LITIGES », prévoyant en cas de différend portant sur le respect des clauses du contrat, la saisine pour avis du conseil régional de l'ordre des architectes, à l'initiative de la partie la plus diligente.

Pour débouter les époux Y. de leur demande visant à voir déclarer abusive et nulle cette clause, sur le fondement du code de la consommation, le juge de la mise en état a retenu :

- que la SCI a nécessairement agi à des fins professionnelles, puisqu'en qualité de marchand de biens elle a promu la réalisation et la commercialisation de l'immeuble,

- que la clause a donc bien été conclue entre deux professionnels,

- qu'elle n'était pas abusive et s'imposait aux époux Y.

Il résulte des dispositions de l'article L. 212-1 du code de la consommation que dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Afin d'apprécier si ce texte peut trouver application en l'espèce, il faut donc déterminer si la SCI a agi en tant que professionnel de la construction, lorsqu'elle a signé le contrat d'architecte et il faut donc apprécier sa compétence à partir du critère de spécialité défini par son objet social.

L'étude de l'extrait KBIS de la SCI porte en activité « activités des marchands de biens immobiliers ». Cette activité consiste à acquérir des biens immobiliers pour les revendre et si elle confère à la SCI la qualité de professionnel de l'immobilier, elle ne démontre pas que celle-ci ait acquis les compétences techniques d'un professionnel de la construction.

La clause de saisine préalable du conseil régional de l'ordre des architectes entre donc dans le champ d'application de l''article L. 212-1 du code de la consommation.

Cependant, cette clause tend à instaurer un préalable de conciliation obligatoire avant la saisine du tribunal et n'a donc pour effet que de retarder légèrement la procédure judiciaire, sans l'empêcher et elle peut être mise en mouvement à l'initiative de la partie la plus diligente.

Elle ne crée donc aucun déséquilibre entre les droits et obligations des parties au contrat et il n'y a pas lieu de la déclarer abusive et nulle.

L'examen de cette clause démontre que si les parties « conviennent de saisir pour avis le conseil régional de l'ordre des architectes avant toute procédure judiciaire, sauf conservatoire » et que « cette saisine intervient à l'initiative de la partie la plus diligente », aucune sanction n'est prévue par le contrat en cas de non-respect de cette clause et notamment pas l'irrecevabilité des demandes invoquée par M. Z.

Il n'y a donc pas lieu de faire application d'une sanction non prévue au contrat et il y a donc lieu d'infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a déclaré irrecevable l'action en responsabilité contractuelle à l'encontre de M. Z.

La société Eiffage Construction a été intimée à la présente procédure alors qu'elle n'était pas concernée par l'appel des époux Y. et il convient de faire application de l'article 700 du code de procédure civile à son profit.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt par défaut, après en avoir délibéré conformément à la loi :

Infirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a déclaré irrecevable l'action en responsabilité contractuelle des époux Y. à l'encontre de M. Z.,

statuant de nouveau et y ajoutant,

Déclare recevable l'action en responsabilité contractuelle des époux Y. à l'encontre de M. Z.,

Condamne M. et Mme Y. à payer à la société Eiffage Construction Alpes Dauphiné la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. Z. à payer à M. et Mme Y. la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute M. Z. de ses demandes,

Condamne M. Z. aux dépens de l'instance d'appel.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Mme Emmanuèle Cardona, présidente de la deuxième chambre civile et par Mme Caroline Bertolo, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE                                         LA PRÉSIDENTE