CA RIOM (1re ch. civ.), 2 avril 2024
- TJ Clermont-Ferrand (Jme), 1er septembre 2023 : RG n° 22/02298 ; Dnd
CERCLAB - DOCUMENT N° 22989
CA RIOM (1re ch. civ.), 2 avril 2024 : RG n° 23/01508
Publication : Judilibre
Extrait : « L'article 8 du contrat d'architecture conclu le 20 mars 2018 entre Mme Y. et M. X. est ainsi rédigé : « LITIGES En cas de différend portant sur le respect des clauses du présent contrat, les parties conviennent de saisir le Conseil Régional de l'Ordre des architectes dont relève l'architecte avant toute procédure judiciaire, sauf conservatoire. Le Conseil Régional peut, soit émettre un avis sur l'objet du différend soit organiser une procédure de règlement amiable. En matière de recouvrement d'honoraires, la saisine du conseil régional est facultative. »
Cette clause est validée de manière très constante par la Cour de cassation (Chambre mixte 12 décembre 2014, nº 13-19.684 ; Cass., 3e civ., 16 novembre 2017, nº 16-24.642 ; Cass. 3e Civ., 16 février 2022, nº 21-10.704), sauf l'hypothèse de l'application de l'article 1792 du code civil (Cass. 3e civ., 23 mai 2007, nº 06-15.668 ; Cass. 3e civ., 9 octobre 2007, nº 06-16.404 ; Cass., 3e civ., 11 mai 2022, nº 21-16.023), ce qui n'est pas le cas en l'espèce s'agissant de l'installation d'une cuisine qui n'a pas donné satisfaction, le meuble de rangement suspendu au-dessus de l'évier ayant chuté le 23 juin 2021 (cf. procès-verbal de constat du 25 juin 2021).
La seule limite consisterait en ce que cette clause supprime ou entrave l'exercice d'actions en justice ou de voies de recours par le consommateur, au sens de l'article R. 212-2 10° du code de la consommation. Or tel n'est pas le cas en l'espèce de la clause litigieuse, qui n'a d'autre but que de favoriser un mode rapide et non contentieux de règlement du litige, et n'a nullement pour effet d'entraver ou de supprimer l'exercice de l'action en justice du client de l'architecte, aussi bien en référé qu'au fond.
En conséquence, M. X. est parfaitement fondé à soulever pour ce motif l'irrecevabilité des demandes de Mme Y. »
COUR D’APPEL DE RIOM
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 2 AVRIL 2024
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 23/01508. N° Portalis DBVU-V-B7H-GCBF. Ordonnance Mixte, origine Juge de la mise en état de CLERMONT-FERRAND, décision attaquée en date du 1er septembre 2023, enregistrée sous le R.G. n° 22/02298.
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré : M. Philippe VALLEIX, Président, M. Daniel ACQUARONE, Conseiller, Mme Laurence BEDOS, Conseiller
En présence de : Mme Marlène BERTHET, greffier lors de l'appel des causes et du prononcé
ENTRE :
APPELANT :
M. X.
[Adresse 2], [Localité 3], Représenté par Maître Olivier TOURNAIRE de la SELARL TOURNAIRE - MEUNIER, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND, Timbre fiscal acquitté
ET :
INTIMÉE :
Mme Y.
[Adresse 5], [Adresse 1], [Localité 4], Représentée par Maître Lydie JOUVE de la SCP TREINS-POULET-VIAN ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND, Timbre fiscal acquitté
DÉBATS : L'affaire a été débattue à l'audience publique du 15 février 2024, en application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. ACQUARONE, rapporteur.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE ; Prononcé publiquement le 2 avril 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. Signé par M. VALLEIX, président et par Mme BERTHET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
I. Procédure :
Par contrat du 20 mars 2018 Mme Y. a confié à M. X., architecte, une mission de direction des travaux de rénovation de son appartement situé à [Localité 4] (Puy-de-Dôme). Les travaux consistaient notamment en la réalisation d'un meuble de rangement de cuisine situé au-dessus du plan de travail et de l'évier. Ce travail en particulier avait été confié à la société M. F..
À la suite de l'effondrement du meuble de cuisine le 23 juin 2021, Mme Y. a fait constater les dégâts par huissier le 25 juin, et le 30 mai 2022 elle a assigné devant le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand la société M. F. et M. X. afin d'obtenir la réparation des désordres.
Par conclusions d'incident du 29 novembre 2022 M. X. a soulevé devant le juge de la mise en état l'irrecevabilité des demandes de Mme Y., pour n'avoir pas saisi préalablement le conseil régional de l'ordre des architectes, conformément à l'article 8 du contrat les liant.
À l'issue des débats, par ordonnance du 1er septembre 2023, le juge de la mise en état a statué comme suit :
« Le juge de la mise en état, statuant publiquement par ordonnance contradictoire, mise à disposition au greffe et conformément aux dispositions des articles 794 et 795 du code de procédure civile :
DÉBOUTE M. X. de sa fin de non-recevoir,
DÉBOUTE M. X. de sa demande au titre des frais irrépétibles,
RÉSERVE les dépens,
RENVOIE l'affaire à la mise en état du 15 octobre 2023 avec injonction à M. X. d'avoir à conclure au fond d'ici cette date. »
Dans les motifs de sa décision le juge de la mise en état a notamment écrit :
Selon les dispositions de l'article L. 212-1 du code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Les dispositions de l'article R. 212-2, 10 du même code prévoit alors que dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont présumées abusives, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, les clauses ayant pour objet ou pour effet de supprimer ou entraver l'exercice d'actions en justice ou des voies de recours par le consommateur, notamment en obligeant le consommateur à saisir exclusivement une juridiction d'arbitrage non couverte par des dispositions légales ou à passer exclusivement par un mode alternatif de règlement des litiges.
Il en ressort que la clause invoquée par M. X., qui contraint Mme Y., dont le statut de consommatrice n'est pas contesté, à recourir obligatoirement en cas de litige à une médiation avant la saisine du juge, est présumée abusive, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire.
Or, aux termes de ses écritures, M. X. ne développe aucun moyen ou argument de nature à renverser la présomption édictée par l'article R. 212-2 susvisée.
La fin de non-recevoir tirée du non-respect de la clause 8 du contrat liant les parties sera donc rejetée.
* * *
M. X. a fait appel de cette décision le 28 septembre 2023, précisant :
« Objet/Portée de l'appel : Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués en ce que l'ordonnance attaquée : DÉBOUTE M. X. de sa fin de non-recevoir, DÉBOUTE M. X. de sa demande au titre des frais irrépétibles, RÉSERVE les dépens. »
Dans ses conclusions suite du 12 octobre 2023, M. X. demande à la cour de :
« Vu les Articles 789, 794 et 795 du Code de procédure civile,
INFIRMER la décision dont appel.
DÉCLARER irrecevable les demandes formées par Madame Y. contre Monsieur X.
CONDAMNER Madame Y. à payer et porter à Monsieur X. la somme de 1.000 € sur le fondement de l'Article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont distinction au profit de la société TOURNAIRE MEUNIER. »
* * *
Pour sa défense, dans des conclusions du 24 novembre 2023, Mme Y. demande à la cour de :
« Confirmer l'ordonnance du 1er septembre 2023
Rejeter la fin de non-recevoir évoquée par Monsieur X.
Déclarer la demande de Madame Y. recevable
En toute hypothèse
Débouter Monsieur X. de sa demande fondée sur l'article 700 du Code de Procédure civile
CONDAMNER monsieur X. à payer et porter à Madame Y. la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile
Statuer ce que de droit sur les dépens. »
* * *
La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fait ici expressément référence au jugement entrepris ainsi qu'aux dernières conclusions déposées, étant précisé que le litige se présente céans de la même manière qu'en première instance.
L'affaire, instruite selon les modalités de l'article 905 du code de procédure civile est venue devant la cour à son audience du jeudi 15 février 2024.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
II. Motifs :
L'article 8 du contrat d'architecture conclu le 20 mars 2018 entre Mme Y. et M. X. est ainsi rédigé :
LITIGES
En cas de différend portant sur le respect des clauses du présent contrat, les parties conviennent de saisir le Conseil Régional de l'Ordre des architectes dont relève l'architecte avant toute procédure judiciaire, sauf conservatoire. Le Conseil Régional peut, soit émettre un avis sur l'objet du différend soit organiser une procédure de règlement amiable.
En matière de recouvrement d'honoraires, la saisine du conseil régional est facultative.
Cette clause est validée de manière très constante par la Cour de cassation (Chambre mixte 12 décembre 2014, nº 13-19.684 ; Cass., 3e civ., 16 novembre 2017, nº 16-24.642 ; Cass. 3e Civ., 16 février 2022, nº 21-10.704), sauf l'hypothèse de l'application de l'article 1792 du code civil (Cass. 3e civ., 23 mai 2007, nº 06-15.668 ; Cass. 3e civ., 9 octobre 2007, nº 06-16.404 ; Cass., 3e civ., 11 mai 2022, nº 21-16.023), ce qui n'est pas le cas en l'espèce s'agissant de l'installation d'une cuisine qui n'a pas donné satisfaction, le meuble de rangement suspendu au-dessus de l'évier ayant chuté le 23 juin 2021 (cf. procès-verbal de constat du 25 juin 2021).
La seule limite consisterait en ce que cette clause supprime ou entrave l'exercice d'actions en justice ou de voies de recours par le consommateur, au sens de l'article R. 212-2 10° du code de la consommation. Or tel n'est pas le cas en l'espèce de la clause litigieuse, qui n'a d'autre but que de favoriser un mode rapide et non contentieux de règlement du litige, et n'a nullement pour effet d'entraver ou de supprimer l'exercice de l'action en justice du client de l'architecte, aussi bien en référé qu'au fond.
En conséquence, M. X. est parfaitement fondé à soulever pour ce motif l'irrecevabilité des demandes de Mme Y.
Il n'est pas inéquitable que chaque partie garde ses frais irrépétibles.
Chaque partie gardera ses dépens de première instance et d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
Infirme l'ordonnance ;
Statuant à nouveau, déclare irrecevables les demandes formées par Mme Y. contre M. X. ;
Déboute les parties de leurs autres demandes ;
Dit que chaque partie gardera ses dépens de première instance et d'appel.
Le greffier Le président