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CA TOULOUSE (3e ch.), 28 mars 2024

Nature : Décision
Titre : CA TOULOUSE (3e ch.), 28 mars 2024
Pays : France
Juridiction : Toulouse (CA), 3e ch.
Demande : 23/03348
Décision : 172/2024
Date : 28/03/2024
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 22/09/2023
Décision antérieure : TJ Albi, 7 septembre 2023 : RG n° 13/02033 ; Dnd
Numéro de la décision : 172
Décision antérieure :
  • TJ Albi, 7 septembre 2023 : RG n° 13/02033 ; Dnd
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CERCLAB - DOCUMENT N° 23013

CA TOULOUSE (3e ch.), 28 mars 2024 : RG n° 23/03348 ; arrêt n° 172/2024 

Publication : Judilibre

 

Extraits : 1/ « Concernant la prescription, par arrêts du 10 juin 2021 (C-776/19 à C- 782/19), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 6, § 1, et l'article 7, § 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, lus à la lumière du principe d'effectivité, doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation nationale soumettant l'introduction d'une demande par un consommateur aux fins de la constatation du caractère abusif d'une clause figurant dans un contrat conclu entre un professionnel et ce consommateur à un délai de prescription.

Aux termes de l'article 2 de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993, est considéré comme consommateur, toute personne physique qui, dans les contrats relevant de la présente directive, agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité professionnelle. Il n'est pas établi que les époux X. ont contracté ce prêt dans un cadre professionnel, le fait que ce prêt ait, pour partie, été réalisé à des fins de placement étant indifférent. La banque ne conteste par ailleurs pas le fait que Mme X. était sans profession à la date de souscription du prêt.

Le fait que le prêt ne soit pas soumis aux dispositions protectrices afférentes aux crédits à la consommation ou aux crédits immobiliers est indifférent à l'application des dispositions protectrices relatives aux clauses abusives. Il s'ensuit que la demande visant à voir déclarer certaines clauses abusives n'est pas prescrite. »

2/ « Aux termes de l'article 7, § 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, les États membres veillent à ce que, dans l'intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l'utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel.

Le juge de l'exécution est compétent pour apprécier le caractère abusif d'une clause contenue dans un acte notarié constituant un titre exécutoire et servant de fondement à la saisie.

Il résulte par ailleurs de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne rendue en application de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, que l'autorité de la chose jugée ne fait pas obstacle, en soi, à ce que le juge national soit tenu d'apprécier, sur la demande des parties ou d'office, le caractère éventuellement abusif d'une clause, même au stade d'une mesure d'exécution forcée, dès lors que cet examen n'a pas déjà été effectué à l'occasion du précédent contrôle juridictionnel ayant abouti à la décision revêtue de l'autorité de la chose jugée.

En l'espèce, l'arrêt de la cour d'appel de Luxembourg du 4 juillet 2018 condamnant les consorts X. n'a pas statué sur le caractère abusif de clauses insérées dans le contrat et la demande formée de ce chef est en conséquence recevable. »

3/ « Dès lors que la cour a admis la recevabilité des demandes visant à voir déclarer abusives certaines clauses, nonobstant l'article 452 du Code de commerce luxembourgeois, il n'y a pas lieu de renvoyer à la CJUE une question relative à la compatibilité de cet article avec la directive 93/13/CEE relative aux clauses abusives. »

4/ « Aux termes de l'article 3 de la directive 93/13/CEE, une clause d'un contrat n'ayant pas fait l'objet d'une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l'exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat. Aux termes de l'article 4 de la même directive, sans préjudice de l'article 7, le caractère abusif d'une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l'objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat, ou d'un autre contrat dont il dépend. L'appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation entre le prix et la rémunération, d'une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d'autre part, pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.

Aux termes de l'article 1 de la loi du Luxembourg du 25 août 1983, dans les contrats conclus entre un professionnel et un consommateur, toute clause ou toute combinaison de clauses qui entraîne dans le contrat un déséquilibre des droits et obligations au préjudice du consommateur est abusive et comme telle nulle et non écrite.

L'article 9 du contrat litigieux, dont il est allégué le caractère abusif, stipule que si le ratio de couverture de gagerie se monte à 90 % du montant du prêt, tel que calculé par le prêteur le cas échéant, suivant la procédure de calcul, le prêteur aura la possibilité, sans aucune notification écrite préalable, mais pas l'obligation de : (a) réclamer le remboursement immédiat du prêt, (b) exiger de l'emprunteur qu'il rétablisse un ratio de couverture de gagerie de plus de 100 % ou, (c) liquider la garantie et en utiliser le produit pour rembourser le prêt, y compris les intérêts accumulés et les frais correspondants, après avoir adressé à l'emprunteur une injonction de payer sous trois jours ouvrés par lettre recommandée. Il résulte toutefois du jugement du tribunal d'arrondissement du Luxembourg du 22 juin 2016 que la déchéance du terme est fondée par la banque sur l'article 18.1.1 du contrat, pour manquement de l'emprunteur à payer une somme acquittable à la date d'échéance et non pour insuffisance de couverture. Les courriers afférents à cette déchéance du terme, datés des 20 septembre 2010 et 29 décembre 2010, établissent qu'était sollicité par la banque un arriéré d'intérêts impayés par les débiteurs et que, consécutivement, et à défaut de régularisation, au visa des articles 18.1.2 et 18.2 du contrat, la déchéance du terme était encourue (pièces 13 et 14 de la banque). L'article 18.2 stipule que si un cas de manquement survient le prêteur peut immédiatement informer l'emprunteur par écrit de l'exigibilité immédiate du prêt, l'article 18.1.1 établissant comme un cas de manquement le défaut de paiement « d'une somme acquittable en vertu des présentes à la date d'échéance ».

Le juge de l'exécution n'a le pouvoir d'examiner les clauses litigieuses que si elles sont en lien avec la saisie immobilière et sa régularité, au visa de l'article L. 213-6 du Code de l'organisation judiciaire. Dès lors que la déchéance du terme n'a pas été prononcée pour défaut de couverture, comme prévu à l'article 9 du contrat, mais pour défaut de paiement d'intérêts exigibles, comme prévu à l'article 18.2 du contrat, les appelants ne peuvent exciper du caractère abusif d'une clause étrangère à la régularité de la saisie.

L'article 11 du contrat a pour but d'informer l'emprunteur sur « le risque et la responsabilité en matière d'investissement » et la possibilité, compte tenu du caractère qualifié de spéculatif des placements, de se voir réclamer une somme supérieure à la facilité de caisse accordée. Cet article ne conditionne ni l'exigibilité ni la liquidité de la créance, son caractère éventuellement non écrit n'empêchant pas la banque de poursuivre l'exécution de son titre exécutoire. Par ailleurs, il n'est pas démontré que les sommes sollicitées dépassent le montant de la facilité de caisse accordée.

De même, le prononcé du caractère non écrit de l'article 21 du contrat, relatif à la compétence des juridictions luxembourgeoise pour connaître de l'exécution du contrat, n'aurait pas pour effet de remettre en cause la compétence du juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Albi pour connaître de la saisie immobilière pratiquée sur un bien de son ressort, en vertu de l'article R 311-2 du Code des procédures civiles d'exécution.

Concernant l'article 3 du contrat, il offre la possibilité à l'emprunteur, et non au prêteur, de modifier « la désignation du prêt en une autre devise » que l'euro. Les appelants ne sont donc pas fondés à alléguer qu'il est abusif alors que l'appréciation de cette conversion est à l'initiative de l'emprunteur, que l'article L. 313-64 du Code de la consommation, auquel ils font référence, n'était pas applicable à la date de souscription et qu'aux termes du contrat, le droit applicable était le droit luxembourgeois et non le droit français. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

TROISIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 28 MARS 2024

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 23/03348. Arrêt n° 172/2024. N° Portalis DBVI-V-B7H-PWW5. Décision déférée du 7 septembre 2023 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'ALBI (13/02033).

 

APPELANTS :

Monsieur X.

[Adresse 13], [Adresse 13], Représenté par Maître Emmanuelle DESSART de la SCP DESSART, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et Maître Maxence LAUGIER, avocat plaidant au barreau de LILLE

Madame Y. épouse X.

[Adresse 13], [Adresse 13], Représentée par Maître Emmanuelle DESSART de la SCP DESSART, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et Maître Maxence LAUGIER, avocat plaidant au barreau de LILLE

 

INTIMÉE :

Société LANDSBANKI LUXEMBOURG représentée par Monsieur Z., Avocat, pris en sa qualité de Liquidateur à la Liquidation Judiciaire de la société LANDSBANKI LUXEMBOURG SA

désigné à cette fonction suivant jugement du 27 avril 2022 du Tribunal d'arrondissement de Luxembourg, Chez EBC, European Consulting Sarl [Adresse 3], Luxembourg, Représentée par Maître Ophélie BENOIT-DAIEF de la SELARL LX PAU-TOULOUSE, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et Maître Thierry GICQUEAU de la SELARL GICQUEAU VERGNE AVOCATS, avocat plaidant au barreau de PARIS

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 novembre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant P. BALISTA, Conseiller, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : C. BENEIX-BACHER, président, E. VET, conseiller, P. BALISTA, conseiller

Greffier, lors des débats : I. ANGER

ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties - signé par P. BALISTA, Conseiller pour le Président empêché, et par I. ANGER, greffier de chambre

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Selon offre acceptée le 6 juillet 2007, la Sa Landsbanki Luxembourg, société de droit luxembourgeois, a consenti à M. X. et Mme Y. épouse X., de nationalité britannique, une facilité de crédit dite « Equity Release » correspondant à un prêt in fine d'un montant total de 490.000 €, dont seule une partie était directement remise aux emprunteurs, le surplus étant investi dans un portefeuille de titres à des fins de rendement.

Le remboursement de ce prêt était garanti par la mise en gage d'un contrat d'assurance vie souscrit auprès de la Sa Lex Life and Pension et des fonds détenus par la banque ainsi que par une hypothèque conventionnelle de premier rang sur un bien immobilier appartenant aux emprunteurs, consistant en une maison à usage d'habitation avec terrain sis commune de [ville C.], au lieudit « Le V. », d'une contenance de 6 ha 15 a et 42 ca.

La durée du prêt était fixée à 20 ans avec un TEG affiché de 6,44 %.

Par jugement du 12 décembre 2008, le tribunal d'arrondissement de Luxembourg a prononcé la liquidation judiciaire de la Sa Landsbanki Luxembourg et désigné Mme W. en qualité de liquidateur.

Suivant réquisitoire du 21 juillet 2009, une information judiciaire a été ouverte auprès d'un juge d'instruction du tribunal de grande instance de Paris au cours de laquelle la société Landsbanki Luxembourg a été mise en examen des chefs d'exercice illégal de l'activité de prestataire de services d'investissement en France, pour des faits commis de 2006 à 2008, et d'escroquerie en France, sur la même période.

Par lettre recommandée du 20 septembre 2010, la Sa Landsbanki Luxembourg a mis en demeure les époux X. de lui payer la somme totale de 72.197,65 € sous quinzaine, en paiement des intérêts dus, sous peine de déchéance du terme.

Par lettre du 29 décembre 2010, la Sa Landsbanki Luxembourg a indiqué aux époux X. que les sommes réclamées par lettre du 4 octobre 2010 n'avaient pas été acquittées et qu'à la suite de la liquidation des gages, par le rachat de la police d'assurance Lex Life, leur dette s'élevait à la somme totale de 378.574,43 €.

Par acte du 13 septembre 2013, la Sa Landsbanki Luxembourg a fait délivrer aux époux X. un commandement de payer valant saisie immobilière pour un montant total de 370.120,04 € arrêté au 30 septembre 2012.

En l'absence de paiement volontaire, ce commandement a été publié le 27 septembre 2013 au service de la publicité foncière d'[Localité 9] sous la référence 2013 S n°XX.

Par acte du 12 novembre 2013, la Sa Landskanki Luxembourg, représentée par son liquidateur judiciaire, Mme W., a fait assigner les époux X. devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'Albi en audience d'orientation.

Par ordonnance du 31 mars 2014, le juge d'instruction du tribunal de grande instance de Paris a ordonné la saisie pénale de la créance appartenant à la société Landsbanki Luxembourg selon contrat de prêt du « 9 octobre 2007 » conclu avec les époux X.

Par jugement du 5 décembre 2014, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'Albi a sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale.

Par ordonnance du 24 septembre 2015 rendue par un juge d'instruction du tribunal de grande instance de Paris, la société Landsbanki Luxembourg a été renvoyée devant le tribunal correctionnel du chef d'escroquerie.

Par jugement du 28 août 2017, confirmé par arrêt de la cour d'appel de Paris du 31 janvier 2020, le tribunal correctionnel de Paris a renvoyé la société Landsbanki Luxembourg des fins de la poursuite et ordonné la restitution à cette dernière des créances détenues sur les parties civiles.

Cet arrêt est devenu définitif à la suite de la non-admission du pourvoi par décision du 17 novembre 2021 de la Cour de cassation.

Par jugement du 22 juin 2016 du tribunal d'arrondissement de Luxembourg, confirmé par arrêt de la cour d'appel de Luxembourg le 4 juillet 2018, les époux X. ont été condamnés à payer à la Sa Landsbanki Luxembourg la somme de 431.380,84 € avec les intérêts au taux conventionnel.

L'instance a été reprise devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'Albi.

Par jugement du 7 septembre 2023, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Albi a :

- déclaré irrecevables les demandes de M. X. et de Mme Y. épouse X. tendant à voir annulée la procédure de saisie immobilière, fondées sur la nullité pour dol des contrats de prêt, de gage et d'affectation hypothécaire, sur l'existence de clauses abusives, sur la résolution du contrat de prêt et sur le manquement de la banque à son devoir de mise en garde,

- déclaré recevables le surplus des demandes de M. X. et de Mme Y. épouse X.,

- débouté M. X. et Mme Y. épouse X. de l'intégralité de leurs demandes,

- déclaré en conséquence la société Landsbanki Luxembourg SA représentée par son liquidateur judiciaire, recevable à poursuivre la saisie des biens et droits immobiliers visés au commandement de payer valant saisie immobilière délivré le 13 septembre 2013,

- ordonné la vente forcée des biens et droits immobiliers visés au commandement de payer valant saisie immobilière délivré le 13 septembre 2013,

- mentionné la créance de la société Landsbanki Luxembourg SA représentée par son liquidateur judiciaire, à la somme de 398.986,39 € en principal, intérêts et autres accessoires, arrêtée provisoirement au 14 juin 2014,

- fixé l'audience d'adjudication au vendredi ler décembre 2023 à 10 heures 30, salle 1 du tribunal judiciaire d'Albi,

- désigné M. V., membre de la Sas Exesud, commissaires de justice à [Localité 9], pour procéder à la visite des lieux les vendredis 17 et 24 novembre 2023 à 14h00, pendant la durée d'une heure, avec l'assistance si besoin d'un serrurier et d'une autorité de police ou de deux témoins majeurs et de tout professionnel qualifié utile à la procédure de saisie,

- dit qu'en cas d'empêchement, M. U. pourvoira à son remplacement,

- dit que les mesures de publicité sont celles de droit commun prévues aux articles R. 322-31 à R. 322-36 du code des procédures civiles d'exécution,

- rappelé que ces mesures de publicité ne doivent pas faire apparaître le caractère forcé de la vente ou le nom du débiteur,

- condamné M. X. et Mme Y. épouse X. à payer à la société Landsbanki Luxembourg SA représentée par son liquidateur judiciaire, la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de vente.

M. X. et Mme Y. ont interjeté appel de cette décision suivant déclaration du 22 septembre 2023, critiquant l'ensemble des chefs du jugement sauf celui les ayant déclarés recevables dans le surplus de leurs demandes.

Suivant ordonnance du 26 septembre 2023, les époux X. ont été autorisés à assigner à jour fixe devant la 3ème chambre de la cour d'appel, à l'audience du 13 novembre 2023 à 14 h.

[*]

Par conclusions notifiées par Rpva le 10 novembre 2023, auxquelles il est fait référence pour l'exposé de l'argumentaire, M. X. et Mme Y. ont demandé à la cour de :

- infirmer le jugement du 7 septembre 2023 en toutes ses dispositions, statuant à nouveau,

- juger recevables les demandes de Monsieur et Madame X.,

- juger que la banque Landsbanki Luxembourg SA, prise en la personne de son liquidateur judiciaire, ne justifie pas d'un titre exécutoire, constatant une créance certaine, liquide et exigible à l'encontre de Monsieur et Madame X.,

- juger que la banque Landsbanki SA, prise en la personne de son liquidateur judiciaire, ne dispose pas d'une créance certaine, liquide et exigible à l'encontre de Monsieur et Madame X., au motif de l'irrégularité de la mise en œuvre de la déchéance du terme, au motif de la nullité des contrats de prêt, de gage, et d'affectation hypothécaire, au motif de la perte de chance de ne pas contracter et de la déchéance partielle en résultant,

- réputer non écrites, en tant que clauses abusives, les clauses des articles 3, 9, 11 et 21 du contrat de prêt,

- déclarer inexistant sinon nul le contrat de prêt dans la mesure où les clauses réputées non écrites constituent l'objet principal du contrat,

- en conséquence, annuler la procédure de saisie immobilière et débouter la banque Landsbanki Luxembourg SA, prise en la personne de son liquidateur judiciaire, de toutes ses demandes, fins et prétentions,

- déclarer la banque Landsbanki Luxembourg SA, prise en la personne de son liquidateur judiciaire, irrecevable en son exception d'incompétence et la débouter de toutes ses demandes, fins et prétentions,

- subsidiairement poser à la CJUE la question préjudicielle suivante : «Convient-il d'interpréter l'article 6 et l'article 7 de la directive 93/13/CEE du conseil du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs IJO 1993, L 95, p. 29] ainsi que les principes d'effectivité, de sécurité juridique et de proportionnalité en ce sens qu'ils s'opposent à l'interprétation juridictionnelle d'une réglementation nationale (article 452 du code de commerce luxembourgeois) selon laquelle, à raison de la liquidation judiciaire du professionnel, la règle de la suspension des poursuites individuelles rendrait irrecevable la défense du consommateur se prévalant de l'existence de clauses abusives entachant le contrat qui les lie '»,

- à titre très subsidiaire, juger que la dette de Monsieur et Madame X. ne sautait excéder la somme effectivement libérée de 122.500 €, octroyer les plus larges délais de paiement,

- à titre infiniment subsidiaire, autoriser la vente amiable des immeubles dont s'agit (sis [Adresse 10], cadastré [Cadastre 11], [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 12] à [Cadastre 8] d'une contenance de 6ha 15a 42ca) et fixer une mise à prix qui ne saurait être inférieure à 400.000 €,

- en tout état de cause,

- condamner Maître Z., en qualité de liquidateur judiciaire de la banque Landsbanki Luxembourg SA, à payer à Monsieur et Madame X.-Y. la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens, dont distraction au profit de l'avocat constitué.

[*]

Par conclusions notifiées par Rpva le 10 novembre 2023, auxquelles il est fait référence pour l'exposé de l'argumentaire, la Sa Landsbanki Luxembourg a demandé à la cour de :

- confirmer en toutes se dispositions le jugement d'orientation du 7 septembre 2023,

- juger irrecevable et mal fondés Monsieur et Madame X. en l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,

à titre subsidiaire,

- débouter Monsieur et Madame X. de l'intégralité de leurs demandes et rejeter leurs contestations,

en tout état de cause,

- fixer la créance de la Banque à la somme de 398.986,39 € en principal et intérêts selon décompte provisoirement arrêté au 24 septembre 2012,

- ordonner le renvoi du présent dossier devant le juge de l'exécution chargée des saisies immobilières du Tribunal Judiciaire d'Albi afin que soit poursuivie la vente forcée du bien saisi et soit fixée une nouvelle date d'audience d'adjudication,

- condamner Monsieur et Madame X. à payer à la Landsbanki Luxembourg la somme de 6.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- ordonner l'emploi des dépens en frais privilégiés de vente.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur l'existence d'un titre exécutoire :

Aux termes de l'article L. 311-2 du Code des procédures civiles d'exécution, tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut procéder à une saisie immobilière dans les conditions fixées par le présent livre et par les dispositions qui ne lui sont pas contraires du livre Ier.

Constituent des titres exécutoires, au sens de l'article L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution, les actes notariés revêtus de la formule exécutoire.

En l'espèce, la banque ne se prévaut pas de la condamnation des époux X., par la cour d'appel de Luxembourg, le 4 juillet 2018, à payer la somme de 431.380,84 € avec les intérêts au taux conventionnel, en exécution du contrat de prêt et ne prétend pas que cet arrêt a force exécutoire en France.

Elle fonde sa demande en saisie sur l'acte notarié du 2 août 2007 qui constitue, pour la banque, un titre exécutoire.

Les appelants font valoir que l'acte notarié portant affectation hypothécaire ne constitue pas un titre exécutoire, que les conditions particulières du prêt ne sont pas reprises dans l'acte notarié qui n'est pas une réitération du prêt par acte authentique de sorte qu'il ne peut fonder la saisie immobilière.

L'acte notarié du 2 août 2007, reçu par Maître A., notaire à [Localité 14], intitulé affectation hypothécaire, fait suite à la conclusion d'un contrat de prêt d'un montant de 490.000 €, suivant offre préalable acceptée par les appelants le 6 juillet 2007.

Cet acte notarié, avant de préciser les conditions de mise en place de l'affectation hypothécaire, rappelle les conditions essentielles du contrat de prêt, notamment le taux d'intérêt applicable, les modalités de paiement de ces intérêts, la période d'intérêt, la durée du prêt, soit « VINGT ANS à compter de la date de signature du contrat ».

L'acte notarié du 2 août 2007 comporte également la formule exécutoire du notaire, la copie exécutoire étant délivrée « à Landsbanki Luxembourg Sa à concurrence de la somme globale de quatre cent quatre-vingt dix mille euros (490.000 EUR) pour valoir titre exécutoire » (pièce n°5 de la banque).

Il est indiqué en première page du contrat de prêt sous signature privée (pièce n°1 des appelants) qu'il « a été annexé à la minute d'un acte reçu par Maître A., notaire à [Localité 14], soussigné, le 2 août 2007 », avec la signature du notaire.

L'offre de prêt sous seing privé signée fait en conséquence partie intégrante de l'acte authentique pour y avoir été annexée dans les conditions prévues à l'article 22 du décret n° 71-941 du 26 novembre 1971, étant constant que cette offre comporte une clause d'exigibilité anticipée de plein droit de toutes les sommes dues au titre du prêt en cas de non-paiement d'une échéance.

Dès lors que le contrat de prêt a été annexé à l'acte notarié du 2 août 2007, que celui-ci rappelle les conditions essentielles du prêt, et que le notaire a délivré une copie exécutoire à concurrence de la somme de 490.000 €, pour valoir titre exécutoire, les appelants ne sont pas fondés à indiquer que la banque ne dispose pas d'un titre exécutoire.

 

Sur la nullité des contrats souscrits :

Les appelants font valoir que la suspension des poursuites individuelles, résultant de l'article 452 du Code de commerce luxembourgeois, ne s'oppose pas à leurs demandes en nullité des contrats de prêt, de gage, et d'affectation hypothécaire, leur exception de nullité n'étant pas une demande en paiement formée contre la banque mais une défense visant à voir écarter la demande en paiement du solde du prêt.

La banque intimée expose que les demandes en nullité sont irrecevables d'une part parce que seul le juge luxembourgeois est compétent pour en connaître et d'autre part parce que l'article 452 du Code de commerce luxembourgeois interdit, à compter de la déclaration de faillite, l'exercice d'une action de nature patrimoniale.

Elle ajoute que la demande en nullité formée en 2022 est, au regard du délai de prescription de droit commun, prescrite pour avoir été intentée plus de cinq ans après la conclusion du contrat en 2007.

Aux termes de l'article 452 du Code de commerce luxembourgeois, à partir du jugement déclaratif de faillite, toute action mobilière ou immobilière, toute voie d'exécution sur les meubles ou sur les immeubles ne pourra être suivie, intentée ou exercée que contre les curateurs de la faillite.

Il s'en évince un principe de suspension des poursuites individuelles applicable aux actions patrimoniales introduites postérieurement au jugement déclaratif de faillite par les créanciers chirographaires.

Toutefois en l'espèce, les demandes en nullité du contrat de prêt et de l'hypothèque y afférentes ne tendent pas à la reconnaissance d'une créance des consorts X. à l'égard de la banque et, en ce qu'elles ont pour objet d'écarter les prétentions de la banque, ne constituent pas une action ou une poursuite individuelle dont la suspension s'impose en vertu de l'article 452 du Code de commerce précité.

Elles ne peuvent en conséquence être déclarées irrecevables de ce seul chef.

Concernant la prescription, aux termes de l'article 1304 du Code civil du Luxembourg, dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans.

Ce temps ne court dans le cas de violence que du jour où elle a cessé ; dans le cas d'erreur ou de dol, du jour où ils ont été découverts.

La Cour d'Appel de Luxembourg a, le 4 juillet 2008, dit que les époux X. n'étaient plus, en raison de la prescription, en droit d'invoquer la nullité pour erreur des contrats par voie d'exception, en l'état d'une demande formulée devant elle le 30 août 2016 (pièce n°27 de la banque).

Les appelants fondent leur nullité pour dol dans la présente instance sur la nature du contrat, qui ne serait pas un simple prêt mais une opération d'investissement à crédit, sur la possibilité qu'avait la banque de prononcer la déchéance du terme pour une insuffisance du taux de couverture dont la détermination était, aux termes des articles 1.5 et 9 du contrat de prêt, à son entière discrétion.

Les époux X. avaient connaissance, dès la conclusion du contrat en juillet 2007, qu'une partie du prêt était souscrit à des fins de placement, le contrat précisant que les sommes mises à disposition devaient être « utilisées par l'emprunteur pour effectuer des investissements », que le prêt in fine était d'une durée de 20 ans mais exigeait le paiement annuel d'intérêts, aux termes de l'article 6.1 du contrat.

Ils avaient de même connaissance, dès la signature du contrat en 2007, de l'article 1.5 relatif à la détermination du ratio de couverture par le seul prêteur, et de l'article 9 relatif à l'exigence d'un maintien de ratio de couverture suffisant.

Il s'en déduit que la prescription pour dol des chefs invoqués a couru dès la signature du contrat.

La demande en nullité pour dol, pour être formée en 2022, quinze ans après cette signature, est donc prescrite.

De même, les appelants ne peuvent invoquer une exception de nullité pour dol qui serait perpétuelle alors que tel n'est le cas que pour un contrat qui n'a pas reçu exécution.

En l'espèce, il est constant que le prêt a été exécuté, les époux X. s'étant fait remettre une partie des fonds prêtés dès 2007, le surplus ayant fait l'objet de placements.

Dès lors que les appelants ne justifient pas avoir soulevé leurs demandes de nullité pour dol des contrats dans les 5 ans de la découverte des faits leur permettant de l'exercer, de telles demandes sont irrecevables, au visa de l'article 1304 précité, le fait qu'un jugement de sursis à statuer ait été rendu par le juge de l'exécution le 5 décembre 2014 étant indifférent, la prescription étant acquise à cette date.

 

Sur le caractère abusif de clauses du contrat :

Concernant les clauses du contrat de prêt, les appelants excipent du caractère abusif des clauses 3, 9, 11 et 21 du contrat et du caractère imprescriptible du contrôle de ces clauses.

La société intimée fait valoir que la demande est prescrite, que le droit de la consommation français n'est pas applicable, que le prêt consenti n'était pas un crédit à la consommation ni un crédit immobilier de sorte que les dispositions protectrices du consommateur ne trouvent pas à s'appliquer.

Concernant la prescription, par arrêts du 10 juin 2021 (C-776/19 à C- 782/19), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 6, § 1, et l'article 7, § 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, lus à la lumière du principe d'effectivité, doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation nationale soumettant l'introduction d'une demande par un consommateur aux fins de la constatation du caractère abusif d'une clause figurant dans un contrat conclu entre un professionnel et ce consommateur à un délai de prescription.

Aux termes de l'article 2 de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993, est considéré comme consommateur, toute personne physique qui, dans les contrats relevant de la présente directive, agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité professionnelle.

Il n'est pas établi que les époux X. ont contracté ce prêt dans un cadre professionnel, le fait que ce prêt ait, pour partie, été réalisé à des fins de placement étant indifférent.

La banque ne conteste par ailleurs pas le fait que Mme X. était sans profession à la date de souscription du prêt.

Le fait que le prêt ne soit pas soumis aux dispositions protectrices afférentes aux crédits à la consommation ou aux crédits immobiliers est indifférent à l'application des dispositions protectrices relatives aux clauses abusives.

Il s'ensuit que la demande visant à voir déclarer certaines clauses abusives n'est pas prescrite.

Aux termes de l'article 7, § 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, les États membres veillent à ce que, dans l'intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l'utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel.

Le juge de l'exécution est compétent pour apprécier le caractère abusif d'une clause contenue dans un acte notarié constituant un titre exécutoire et servant de fondement à la saisie.

Il résulte par ailleurs de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne rendue en application de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, que l'autorité de la chose jugée ne fait pas obstacle, en soi, à ce que le juge national soit tenu d'apprécier, sur la demande des parties ou d'office, le caractère éventuellement abusif d'une clause, même au stade d'une mesure d'exécution forcée, dès lors que cet examen n'a pas déjà été effectué à l'occasion du précédent contrôle juridictionnel ayant abouti à la décision revêtue de l'autorité de la chose jugée.

En l'espèce, l'arrêt de la cour d'appel de Luxembourg du 4 juillet 2018 condamnant les consorts X. n'a pas statué sur le caractère abusif de clauses insérées dans le contrat et la demande formée de ce chef est en conséquence recevable.

La loi applicable au contrat était celle du Grand-Duché du Luxembourg, au visa de l'article 21 du contrat de prêt.

Aux termes de l'article 3 de la directive 93/13/CEE, une clause d'un contrat n'ayant pas fait l'objet d'une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l'exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat.

Aux termes de l'article 4 de la même directive, sans préjudice de l'article 7, le caractère abusif d'une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l'objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat, ou d'un autre contrat dont il dépend. L'appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation entre le prix et la rémunération, d'une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d'autre part, pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.

Aux termes de l'article 1 de la loi du Luxembourg du 25 août 1983, dans les contrats conclus entre un professionnel et un consommateur, toute clause ou toute combinaison de clauses qui entraîne dans le contrat un déséquilibre des droits et obligations au préjudice du consommateur est abusive et comme telle nulle et non écrite.

L'article 9 du contrat litigieux, dont il est allégué le caractère abusif, stipule que si le ratio de couverture de gagerie se monte à 90 % du montant du prêt, tel que calculé par le prêteur le cas échéant, suivant la procédure de calcul, le prêteur aura la possibilité, sans aucune notification écrite préalable, mais pas l'obligation de :

(a) réclamer le remboursement immédiat du prêt, (b) exiger de l'emprunteur qu'il rétablisse un ratio de couverture de gagerie de plus de 100 % ou, (c) liquider la garantie et en utiliser le produit pour rembourser le prêt, y compris les intérêts accumulés et les frais correspondants, après avoir adressé à l'emprunteur une injonction de payer sous trois jours ouvrés par lettre recommandée.

Il résulte toutefois du jugement du tribunal d'arrondissement du Luxembourg du 22 juin 2016 que la déchéance du terme est fondée par la banque sur l'article 18.1.1 du contrat, pour manquement de l'emprunteur à payer une somme acquittable à la date d'échéance et non pour insuffisance de couverture.

Les courriers afférents à cette déchéance du terme, datés des 20 septembre 2010 et 29 décembre 2010, établissent qu'était sollicité par la banque un arriéré d'intérêts impayés par les débiteurs et que, consécutivement, et à défaut de régularisation, au visa des articles 18.1.2 et 18.2 du contrat, la déchéance du terme était encourue (pièces 13 et 14 de la banque).

L'article 18.2 stipule que si un cas de manquement survient le prêteur peut immédiatement informer l'emprunteur par écrit de l'exigibilité immédiate du prêt, l'article 18.1.1 établissant comme un cas de manquement le défaut de paiement « d'une somme acquittable en vertu des présentes à la date d'échéance ».

Le juge de l'exécution n'a le pouvoir d'examiner les clauses litigieuses que si elles sont en lien avec la saisie immobilière et sa régularité, au visa de l'article L. 213-6 du Code de l'organisation judiciaire.

Dès lors que la déchéance du terme n'a pas été prononcée pour défaut de couverture, comme prévu à l'article 9 du contrat, mais pour défaut de paiement d'intérêts exigibles, comme prévu à l'article 18.2 du contrat, les appelants ne peuvent exciper du caractère abusif d'une clause étrangère à la régularité de la saisie.

L'article 11 du contrat a pour but d'informer l'emprunteur sur « le risque et la responsabilité en matière d'investissement » et la possibilité, compte tenu du caractère qualifié de spéculatif des placements, de se voir réclamer une somme supérieure à la facilité de caisse accordée.

Cet article ne conditionne ni l'exigibilité ni la liquidité de la créance, son caractère éventuellement non écrit n'empêchant pas la banque de poursuivre l'exécution de son titre exécutoire.

Par ailleurs, il n'est pas démontré que les sommes sollicitées dépassent le montant de la facilité de caisse accordée.

De même, le prononcé du caractère non écrit de l'article 21 du contrat, relatif à la compétence des juridictions luxembourgeoise pour connaître de l'exécution du contrat, n'aurait pas pour effet de remettre en cause la compétence du juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Albi pour connaître de la saisie immobilière pratiquée sur un bien de son ressort, en vertu de l'article R 311-2 du Code des procédures civiles d'exécution.

Concernant l'article 3 du contrat, il offre la possibilité à l'emprunteur, et non au prêteur, de modifier « la désignation du prêt en une autre devise » que l'euro. Les appelants ne sont donc pas fondés à alléguer qu'il est abusif alors que l'appréciation de cette conversion est à l'initiative de l'emprunteur, que l'article L. 313-64 du Code de la consommation, auquel ils font référence, n'était pas applicable à la date de souscription et qu'aux termes du contrat, le droit applicable était le droit luxembourgeois et non le droit français.

 

Sur la question préjudicielle :

Dès lors que la cour a admis la recevabilité des demandes visant à voir déclarer abusives certaines clauses, nonobstant l'article 452 du Code de commerce luxembourgeois, il n'y a pas lieu de renvoyer à la CJUE une question relative à la compatibilité de cet article avec la directive 93/13/CEE relative aux clauses abusives.

 

Sur la résolution :

Concernant la résolution du contrat déclarée irrecevable par le premier juge, la cour observe que le dispositif des conclusions des appelants ne porte pas mention d'une demande de résolution du contrat de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer de ce chef, au visa de l'article 954 du Code de procédure civile.

 

Sur le caractère liquide et exigible de la créance :

M. X. et Mme Y. épouse X. font valoir que le ratio du taux de couverture étant faux, il n'a pu entraîner la déchéance du terme.

Comme relevé à bon droit par le premier juge, les appelants ne sont pas fondés à indiquer que la déchéance du terme a été prononcée en raison d'une insuffisance du ratio de couverture alors que la déchéance du terme est le résultat d'intérêts impayés par les emprunteurs, cette déchéance n'étant soumise à aucune forme particulière si ce n'est l'information par écrit des appelants.

Les appelants font encore valoir que le décompte des sommes dues est faux, que la banque n'a pas converti immédiatement leur dette en euros lors du jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire en 2008, que cette conversion n'a été effectuée qu'en 2011, que la créance n'est donc pas liquide.

Ils ajoutent que la banque doit être déchue partiellement de son prêt du fait d'un manquement à ses obligations de les informer du risque encouru à souscrire un prêt multi-devises, de la disproportion existante entre leurs revenus et le montant du prêt.

Ils allèguent une perte de chance de ne pas contracter.

Le manquement de la banque à son obligation d'information envers un emprunteur est sanctionné par la résolution du contrat ou par l'allocation de dommages et intérêts et non par une déchéance du droit à se prévaloir du prêt, dont le fondement textuel n'est pas précisé.

La cour n'est pas saisie d'une demande en dommages et intérêts ni d'une demande en résolution du contrat pour manquement contractuel de la banque.

Par ailleurs, les appelants ne justifient par aucune pièce de la disproportion entre leur engagement et leur patrimoine, ne produisant aucune pièce sur leur solvabilité à la date de l'octroi du prêt.

Il s'en déduit que la demande de déchéance du prêt doit être écartée.

Comme relevé à bon droit par le premier juge, concernant la conversion de la dette des appelants en euros, les appelants ne justifient pas que l'importance de la dette est le résultat d'une absence de conversion de cette dette en euros, conversion qui ne s'imposait, aux termes du jugement prononçant la liquidation de la banque du 12 décembre 2008 (pièce n°12 de la banque), que pour les créances et non pour les dettes.

Dès lors que les appelants étaient débiteurs et non créanciers de la société Landsbanki Luxembourg, ils n'établissent pas la nécessité de conversion qu'ils allèguent.

Le commandement valant saisie du 13 septembre 2013 comporte un décompte ventilé des sommes sollicitées en principal et intérêts, pour un montant total de 370.120,04 €, avec pour chaque période de calcul, le montant des intérêts en fonction du taux applicable.

La banque produit également un décompte ventilé, pour une somme de 398.986,39 € en principal, intérêts et autres accessoires, arrêtée provisoirement au 14 juin 2014.

Les appelants ne justifient d'aucune erreur de calcul dans le décompte ni d'un paiement libératoire, n'ont formulé aucune doléance dans le délai de 30 jours, comme prévu à l'article 16 de la convention d'ouverture de compte, pour contester les extraits et décomptes fournis par la banque, lesquels, à défaut de contestation dans ce délai, étaient considérés comme exacts.

La banque ayant fait jouer la clause de déchéance du terme, dont le formalisme était limité à l'information écrite des emprunteurs, après rappel à ces derniers des retards constatés, le caractère liquide et exigible de la créance est établi.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a déclaré la banque recevable à poursuivre la saisie des biens immobiliers.

 

Sur la demande de délais :

Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a écarté tout délai de grâce, en l'absence de production du moindre justificatif sur la situation financière des appelants et en l'état d'une procédure de saisie initiée depuis plus de 10 ans.

 

Sur la vente amiable :

Les appelants ne produisent aucun avis de valeur actualisé du bien objet de la saisie, aucun mandat de vente émanant d'agences immobilières ni aucune offre d'achat alternative à une vente forcée.

C'est donc à bon droit que le premier juge les a déboutés de leur demande de vente amiable.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a ordonné la vente forcée du bien immobilier objet de l'instance.

 

Sur les demandes annexes :

L'équité ne commande pas application de l'article 700 du Code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel.

Partie perdante, les consorts X. supporteront les dépens d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant en dernier ressort, par mise à disposition au greffe, dans les limites de sa saisine,

Confirme le jugement du 7 septembre 2023 du juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Albi sauf en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes fondées sur l'existence de clauses abusives.

Statuant de ce chef,

Déclare recevables les demandes de M. X. et Mme Y. épouse X. au titre de clauses abusives.

Déboute M. X. et Mme Y. épouse X. de leurs demandes fondées sur l'existence de clauses abusives.

Y ajoutant,

Déboute M. X. et Mme Y. épouse X. de leur demande de question préjudicielle.

Déboute M. X. et Mme Y. épouse X. de leur demande en déchéance du prêt.

Ordonne le renvoi du dossier devant le juge de l'exécution chargé des saisies immobilières du Tribunal Judiciaire d'Albi afin que soit poursuivie la vente forcée du bien saisi et soit fixée une nouvelle date d'audience d'adjudication.

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel.

Condamne M. X. et Mme Y. épouse X. aux dépens d'appel.

LE GREFFIER                                P/LE PRESIDENT EMPÊCHÉ

I. ANGER                                         Le CONSEILLER

                                                           P. BALISTA