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CA DOUAI (3e ch.), 28 mars 2024

Nature : Décision
Titre : CA DOUAI (3e ch.), 28 mars 2024
Pays : France
Juridiction : Douai (CA), 3e ch.
Demande : 23/01571
Décision : 24/113
Date : 28/03/2024
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 31/03/2023
Décision antérieure : TJ Dunkerque, 31 janvier 2023 : RG n° 21/00843 ; Dnd
Numéro de la décision : 113
Décision antérieure :
  • TJ Dunkerque, 31 janvier 2023 : RG n° 21/00843 ; Dnd
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CERCLAB - DOCUMENT N° 23023

CA DOUAI (3e ch.), 28 mars 2024 : RG n° 23/01571 ; arrêt n° 24/113 

Publication : Judilibre

 

Extrait : 1/ « Il résulte des articles 1103 et 1104 du code civil que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; elles doivent être exécutées de bonne foi de sorte que les co-contractants sont tenus d'un devoir de loyauté dans l'exécution de leurs obligations.

Il appartient par conséquent à l'assuré d'établir que sont réunies les conditions requises pour mettre en jeu la garantie. À défaut de rapporter une telle preuve, la garantie n'est pas acquise.

Concernant la charge de la preuve, c'est à l'assureur invoquant une exclusion de garantie qu'il incombe de démontrer la réunion des conditions de celle-ci. En revanche, il revient à l'assuré qui réclame à l'assureur l'exécution de son obligation de garantie en raison d'un sinistre, d'établir que celui-ci est survenu dans des circonstances de fait conformes aux prévisions de la police.

En application de l'article 1353 du code civil, il appartient à l'assuré de rapporter la preuve du vol. L'assuré doit établir la réalité du vol et prouver que le sinistre s'est produit dans les circonstances prévues par le contrat. »

2/ « L'assuré considère que la clause stipulant que le vol et la tentative de vol doivent être « constatés par la présence de traces matérielles résultant d'une effraction ou tentative d'effraction mécanique, telles que le forcement de l'antivol de direction, effraction des serrures, modification des branchements électriques du démarreur, ou électronique » est abusive au motif qu'elle limiterait indûment les moyens de preuve à disposition de l'assuré et en ce qu'elle oblige un profane à démontrer la façon dont un vol a été commis sans laisser de trace matérielle d'effraction.

Sous couvert de définir l'effraction, l'assureur ne peut valablement limiter à des indices prédéterminés la preuve du sinistre alors qu'en application de l'article 1315 du code civil, cette preuve est libre. Or, il convient en premier lieu de constater que la clause litigieuse ne retient pas une définition restrictive des traces matérielles d'effraction mécanique ou électronique et offre simplement des exemples de traces matérielles d'effraction.

Pour autant, exiger la preuve de trace matérielle d'une effraction électronique ne correspond plus à la réalité des techniques modernes mises en œuvre pour le vol, de telles techniques ne laissant aucune trace matérielle, ainsi que le documente M. X.

Ainsi, conditionner la mise en œuvre de la garantie à la démonstration de traces matérielles inexistantes contrevient aux dispositions de l'article R. 132-2 du code de la consommation qui précisent que sont présumées abusives au sens des dispositions du premier et deuxième alinéa de l'article L. 132-1, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, les clauses ayant pour objet ou pour effet de limiter indûment les moyens de preuve à la disposition du non-professionnel ou du consommateur.

En affirmant qu'imposer à l'assureur de prendre en charge le sinistre hors de toute trace d'effraction serait de nature à créer un déséquilibre significatif au profit de l'assuré, Pacifica ne rapporte pas la preuve contraire exigée par l'article R. 132-2 sus visé alors que le caractère abusif de la clause résulte du fait qu'elle limite les moyens de preuve de l'effraction dont la cour indique qu'il s'agit d'une condition de la garantie.

En considération du caractère divisible des stipulations de cette clause, elle ne sera déclarée abusive, et par conséquent réputée non écrite, qu'en ce qu'elle impose de constater la présence de traces matérielles en cas d'effraction électronique.

Il appartient dès lors à l'assuré de démontrer que son véhicule a été l'objet d'une effraction électronique. »

 

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE DOUAI

TROISIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 28 MARS 2024

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 23/01571. Arrêt n° 24/113. N° Portalis DBVT-V-B7H-U2T6. Jugement (RG n° 21/00843) rendu le 31 Janvier 2023 par le tribunal judiciaire de Dunkerque.

 

APPELANT :

Monsieur X.

exerçant la profession de […], né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 6], de nationalité Française, [Adresse 2], [Localité 3], Représenté par Maître Nathalie Pelletier, avocat au barreau de Dunkerque, avocat au barreau de Dunkerque

 

INTIMÉE :

SA Pacifica

[Adresse 5], [Localité 4], Représentée par Maître Vincent Troin, avocat au barreau de Boulogne-sur-Mer, avocat constitué, substitué par Maître OBRY, avocat au barreau de Boulogne sur Mer

 

DÉBATS à l'audience publique du 17 janvier 2024 tenue par Claire Bertin magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Harmony Poyteau

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Guillaume Salomon, président de chambre, Claire Bertin, conseiller, Yasmina Belkaid, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 28 mars 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Harmony Poyteau, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 4 décembre 2023

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

1. Les faits et la procédure antérieure :

M. X. est propriétaire d'un véhicule Peugeot 308 immatriculé EB811CG et a souscrit auprès de la SA Pacifica (Pacifica) un contrat d'assurance automobile prenant effet le 25 août 2019 pour garantir son véhicule.

Le 24 octobre 2019, M. X. a déposé plainte à la gendarmerie pour le vol de son véhicule dans la nuit du 23 au 24 octobre 2019 et a déclaré le sinistre à son assureur.

Le même jour, les gendarmes ont retrouvé le véhicule de M. X. accidenté à neuf kilomètres de son domicile.

Par courrier du 19 février 2020, Pacifica a opposé à M. X. un refus de garantie au motif qu'aucune effraction mécanique ou électronique n'avait pu être constatée sur son véhicule et qu'en cas de reprogrammation d'une nouvelle clé, les anciennes clés ne pourraient pas en permettre le démarrage.

Estimant que la garantie lui était due et que la responsabilité de son assureur était engagée, à l'issue d'opérations d'expertises amiables contradictoires réalisées en janvier et février 2021, par acte du 6 mai 2021, M. X. a fait assigner Pacifica devant le tribunal judiciaire de Dunkerque pour la voir condamner à mettre œuvre la garantie vol du contrat d'assurance et à l'indemniser des préjudices subis.

 

2. Le jugement dont appel :

Par jugement rendu le 31 janvier 2023, le tribunal judiciaire de Dunkerque a notamment :

- débouté M. X. de sa demande de garantie du sinistre et des préjudices consécutifs par Pacifica ;

- débouté M. X. de sa demande d'indemnisation de son préjudice pour résistance abusive ;

- débouter M. X. de sa demande d'indemnisation de son préjudice de jouissance par Pacifica ;

- condamné M. X. à verser à Pacifica la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles ;

- débouté M. X. de sa demande de condamnation de Pacifica au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. X. aux entiers dépens.

 

3. La déclaration d'appel :

Par déclaration du 31 mars 2023, M. X. a formé appel de ce jugement en toutes ses dispositions.

 

4. Les prétentions et moyens des parties :

4.1. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 29 juin 2023, M. X. demande à la cour de :

=> réformer le jugement en ce qu'il l'a débouté de l'intégralité de ses demandes, l'a condamné à payer à Pacifica la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles, et l'a condamné aux entiers dépens ;

en conséquence,

- condamner Pacifica à mettre en œuvre la garantie vol du contrat d'assurance qu'il a souscrit et à le garantir de l'ensemble des dommages subis à la suite du vol de son véhicule le 23 octobre 2019 ;

- condamner Pacifica au paiement d'une somme de 16.500 euros correspondant à la valeur du véhicule assuré ;

- condamner Pacifica à prendre en charge les frais de gardiennage du véhicule assuré pendant le temps de l'immobilisation de celui-ci, soit du 24 octobre 2019 au 29 juin 2023, sauf à parfaire, la somme de 14.191,20 euros ;

- condamner Pacifica au paiement d'une somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

- condamner Pacifica au paiement d'une indemnité de 20 euros par jour en réparation du préjudice de jouissance à compter du 23 novembre 2019, date d'exigibilité de l'indemnité contractuelle jusqu'au jour du paiement par Pacifica des indemnités dues ;

- condamner Pacifica au paiement de la somme de 550 euros au titre des frais d'expertise Autotech conseils ;

- condamner Pacifica à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Pacifica aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction pour ces derniers au profit de la Scp Joly Pelletier conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

- débouter Pacifica de toutes ses demandes, fins et conclusions.

À l'appui de ses prétentions, M. X. fait valoir que :

- la garantie vol du contrat couvre le vol présentant des traces matérielles résultant d'une effraction mécanique ou électronique, mais aussi le vol sans effraction ;

- il appartient à l'assureur de rapporter la preuve que le vol n'a pu avoir lieu dans les circonstances relatées par l'assuré ;

- l'expert qu'il a dû missionner a conclu que son véhicule avait été volé par la méthode du « mouse jacking », technique de vol ne laissant aucune trace d'effraction ;

- il ne saurait être exigé du profane qu'il soit tenu d'expliquer à son assureur la façon dont un vol a été commis sans laisser de trace matérielle de son effraction, sauf à créer, au détriment du premier, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, ce qui est prohibé par l'article L. 212-1 du code de la consommation, une clause étant abusive lorsqu'elle limite indûment les moyens de - preuve à la disposition du non professionnel ou du consommateur ;

- enfin, la procédure pénale a été classée en l'absence d'identification d''auteur(s) et un témoin a vu les trois voleurs après l'accident de telle sorte que la preuve du vol est rapportée et Pacifica devra mettre en œuvre sa garantie et l'indemniser pour les frais de gardiennage, son préjudice de jouissance et les frais d'expertise qu'il a dû supporter ;

- son assureur a également fait preuve d'une résistance abusive, notamment en refusant dans un premier temps de lui communiquer le rapport d'expertise non contradictoire dont il se prévalait pour opposer son refus de garantie.

[*]

4.2. Aux termes de ses conclusions notifiées le 28 septembre 2023, Pacifica, intimée et appelante incidente, demande à la cour, au visa de l'article 1231-1 du code civil, de :

- dire mal appelé, bien jugé le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Dunkerque le 31 janvier 2023 ;

=> confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

à titre principal,

- dire n'y avoir lieu à engager sa responsabilité contractuelle ;

- débouter M. X. de toutes ses demandes formulées à son encontre au titre de la réparation de ses préjudices allégués et présentés sur le fondement des articles 1231-1 du code civil, L. 212-1 du code de la consommation et de la jurisprudence qu'il verse aux débats ;

à titre subsidiaire,

- réduire l'indemnisation du préjudice matériel de M. X. ;

en conséquence,

- la condamner au paiement de la somme de 16.100 euros au titre du remboursement de la valeur du véhicule ;

- débouter M. X. de sa demande de paiement de la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts au titre de la résistance abusive ;

- débouter M. X. de sa demande de paiement de la somme de 14.191,20 euros au titre des frais de gardiennage, à défaut la réduire à une somme ne pouvant excéder 279 euros ;

- débouter M. X. de sa demande de condamnation de la somme de 20 euros par jour en réparation de son préjudice de jouissance à compter du 23 novembre 2019 jusqu'au jour du paiement des indemnités dues ;

- débouter M. X. de sa demande de paiement de la somme de 550 euros au titre des frais d'expertise Autotech conseils ;

en tout état de cause,

- condamner M. X. à payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. X. aux entiers dépens de l'instance.

À l'appui de ses prétentions, Pacifica fait valoir que :

- lors d'un « vol à la souris », technique de vol permettant de dérober un véhicule sans effraction, le voleur doit pirater le système informatique afin de le reconfigurer pour pouvoir ensuite démarrer le véhicule et donc programmer de nouvelles clés, ce qui empêche les anciennes clés de fonctionner et correspond à une effraction électronique ;

- or, un faisceau d'indices permet d'affirmer que son véhicule n'a pas été volé : l'assuré ne rapporte la preuve d'aucune effraction apparente, ses anciennes clés fonctionnent toujours et l'expertise contradictoire n'a pas conclu à l'existence d'une effraction électronique, aucune trace de démontage des prises OBD et aucune apparition de codes défaut n'a été relevées, l'expert missionné par M. X. étant d'ailleurs de cet avis ;

- les conditions générales exposent clairement ce qui est garanti et ce qui ne l'est pas et il n'y a pas de clause abusive au sens de l'article L. 212-1 du code de la consommation puisque les moyens de preuves à disposition de l'assuré pour prouver la réalité du vol ne sont aucunement limités, étant précisé que le contrat n'impose pas la présence des éléments cités par les jurisprudences produites par M. X. pour constituer une effraction et impose uniquement pour le vol sans effraction qu'un expert d'assurance effectue une expertise du système électronique du véhicule ;

- par ailleurs, le contrat exclut les dommages résultant directement ou indirectement d'un acte intentionnel ou d'une négligence de la part du propriétaire ou de l'utilisateur du véhicule garanti et le formalisme de cette clause respecte la législation ;

- or, le véhicule a été retrouvé avec les portes déverrouillées et M. X. ne prouve ni l'absence de négligence ni le respect des préconisations en matière de sécurité ;

- dès lors que les conditions de la garantie ne sont pas réunies et qu'une exclusion de garantie peut être opposée, il ne peut lui être reproché un manquement contractuel ;

- subsidiairement, les conditions générales prévoient une franchise de 400 euros à déduire de l'indemnisation, une limitation de garantie à hauteur de 30 jours pour les frais de gardiennage et que chaque partie supporte les honoraires de son expert.

[*]

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

[*]

Par message RPVA du 23 février 2024, la cour a ordonné la réouverture des débats, sans révocation de l'ordonnance de clôture, invitant les parties à formuler toutes observations utiles avant le 1er mars 2024 sur les points et faits adventices suivants :

- le procès-verbal de synthèse de gendarmerie selon lequel il existe une ou plusieurs raisons plausibles de présumer qu'un vol a été commis, et le classement sans suite de l'enquête pénale, lequel n'est motivé ni pour absence d'infraction ni pour infraction insuffisamment caractérisée ;

- le courrier du 9 avril 2021, par lequel Pacifica a demandé au procureur de la République de Dunkerque un exemplaire du procès-verbal n° 01368-2019, précisant intervenir comme assureur du véhicule « volé » de M. X., et s'interrogeant sur le point de savoir si les auteurs avaient été identifiés ;

- le caractère abusif, au sens de l'article L. 212-1 du code de la consommation, de la clause de garantie vol en l'absence d'effraction restreignant sa mise en œuvre à la seule hypothèse où le vol est « obligatoirement constaté et attesté par voie d'expertise diligentée par Pacifica ».

[*]

Suivant note en délibéré du 28 février 2024, le conseil de M. X. observe que :

- les indications figurant sur le procès-verbal de synthèse confirment la réalité du vol du véhicule ;

- la lettre de Pacifica (pièce 27.42) démontre que l'assureur n'a jamais entendu contester la réalité du vol ;

- la clause du contrat est abusive en ce qu'elle crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat et doit être réputée non écrite ; cette analyse s'applique en l'espèce dès lors que la clause du contrat limite indûment les moyens de preuve à la disposition du non-professionnel ou du consommateur.

[*]

Par note communiquée électroniquement le 29 février 2024, le conseil de Pacifica fait valoir que :

- l'enquête pénale n'a pas conclu que le véhicule avait été frauduleusement soustrait et la cour n'est pas liée par le motif de classement sans suite de la procédure pénale ;

- le témoin n'a pas assisté au vol ;

- l'utilisation du terme « volé » dans le courrier par lequel elle demandait au procureur de la République l'avancée de l'enquête pénale ne vaut pas reconnaissance de garantie ;

- en l'absence d'effraction, la clause garantit la disparition du véhicule, sa détérioration ainsi que le vol et la tentative de vol par ruse ou violence sans limiter les moyens de preuve à disposition de l'assuré dès lors qu'elle n'indique pas que l'expertise diligentée par l'assureur sera le seul élément pris en compte pour attester ou non de l'existence du vol du véhicule en l'absence d'effraction.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur les conditions d'application de la garantie :

Il résulte des articles 1103 et 1104 du code civil que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; elles doivent être exécutées de bonne foi de sorte que les co-contractants sont tenus d'un devoir de loyauté dans l'exécution de leurs obligations.

Il appartient par conséquent à l'assuré d'établir que sont réunies les conditions requises pour mettre en jeu la garantie. À défaut de rapporter une telle preuve, la garantie n'est pas acquise.

Concernant la charge de la preuve, c'est à l'assureur invoquant une exclusion de garantie qu'il incombe de démontrer la réunion des conditions de celle-ci. En revanche, il revient à l'assuré qui réclame à l'assureur l'exécution de son obligation de garantie en raison d'un sinistre, d'établir que celui-ci est survenu dans des circonstances de fait conformes aux prévisions de la police.

En application de l'article 1353 du code civil, il appartient à l'assuré de rapporter la preuve du vol. L'assuré doit établir la réalité du vol et prouver que le sinistre s'est produit dans les circonstances prévues par le contrat.

Sur ce,

Les conditions générales prévoient une garantie couvrant le vol et le vandalisme du véhicule qui stipule :

« Ce que nous garantissons : les dommages subis par le véhicule, consécutifs à :

- sa disparition

- sa détérioration,

lors d'un vol ou d'une tentative de vol du véhicule, le vol et la tentative étant constatés par la présence de traces matérielles résultant d'une effraction ou tentative d'effraction mécanique, telles que le forcement de l'antivol de direction, effraction des serrures, modification des branchements électriques du démarreur, ou électronique. »

(…)

Ce que nous garantissons également :

« en l'absence d'effraction, les dommages subis par le véhicule, consécutifs à :

- sa disparition

- sa détérioration,

lors d'un vol ou d'une tentative de vol, par ruse ou par violence devant être obligatoirement constaté et attesté par voie d'expertise diligentée par PACIFICA.

L'expertise se déroulera avec votre accord pour accéder aux données exploitables dans le système électronique de votre véhicule. ».

Le contrat prévoit donc une garantie en cas de vol constaté par la présence de traces matérielles résultant d'une effraction ou d'une tentative d'effraction mécanique ou électronique et une garantie en l'absence d'effraction pour le vol par ruse ou par violence.

M. X., soutenant que son véhicule a été volé, affirme que la garantie vol doit être mise en œuvre aux motifs, d'une part, que la clause relative au vol avec effraction est abusive et d'autre part, que son contrat couvre également le vol en l'absence d'effraction.

 

Sur la clause abusive :

En application de l'article L. 212-1 du code de la consommation, « dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Sans préjudice des règles d'interprétation prévues aux articles 1188, 1189, 1191 et 1192 du code civil, le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat. Il s'apprécie également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque les deux contrats sont juridiquement liés dans leur conclusion ou leur exécution.

L'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.

Les clauses abusives sont réputées non écrites. »

Sur ce,

L'assuré considère que la clause stipulant que le vol et la tentative de vol doivent être « constatés par la présence de traces matérielles résultant d'une effraction ou tentative d'effraction mécanique, telles que le forcement de l'antivol de direction, effraction des serrures, modification des branchements électriques du démarreur, ou électronique » est abusive au motif qu'elle limiterait indûment les moyens de preuve à disposition de l'assuré et en ce qu'elle oblige un profane à démontrer la façon dont un vol a été commis sans laisser de trace matérielle d'effraction.

Sous couvert de définir l'effraction, l'assureur ne peut valablement limiter à des indices prédéterminés la preuve du sinistre alors qu'en application de l'article 1315 du code civil, cette preuve est libre. Or, il convient en premier lieu de constater que la clause litigieuse ne retient pas une définition restrictive des traces matérielles d'effraction mécanique ou électronique et offre simplement des exemples de traces matérielles d'effraction.

Pour autant, exiger la preuve de trace matérielle d'une effraction électronique ne correspond plus à la réalité des techniques modernes mises en œuvre pour le vol, de telles techniques ne laissant aucune trace matérielle, ainsi que le documente M. X.

Ainsi, conditionner la mise en œuvre de la garantie à la démonstration de traces matérielles inexistantes contrevient aux dispositions de l'article R. 132-2 du code de la consommation qui précisent que sont présumées abusives au sens des dispositions du premier et deuxième alinéa de l'article L. 132-1, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, les clauses ayant pour objet ou pour effet de limiter indûment les moyens de preuve à la disposition du non-professionnel ou du consommateur.

En affirmant qu'imposer à l'assureur de prendre en charge le sinistre hors de toute trace d'effraction serait de nature à créer un déséquilibre significatif au profit de l'assuré, Pacifica ne rapporte pas la preuve contraire exigée par l'article R. 132-2 sus visé alors que le caractère abusif de la clause résulte du fait qu'elle limite les moyens de preuve de l'effraction dont la cour indique qu'il s'agit d'une condition de la garantie.

En considération du caractère divisible des stipulations de cette clause, elle ne sera déclarée abusive, et par conséquent réputée non écrite, qu'en ce qu'elle impose de constater la présence de traces matérielles en cas d'effraction électronique.

Il appartient dès lors à l'assuré de démontrer que son véhicule a été l'objet d'une effraction électronique.

 

Sur la preuve de l'effraction électronique :

Il est constant que le 24 octobre 2019, M. X. a déclaré à son assureur le vol de son véhicule survenu dans la nuit du 23 au 24 octobre 2019, qu'il a déposé plainte pour ce sinistre et que le véhicule a été retrouvé accidenté le jour même à moins de neuf kilomètres de son domicile.

Néanmoins, Pacifica lui a opposé un refus de garantie au motif qu'aucune effraction n'avait été constatée et que les clés en possession de M. X. ne devraient plus fonctionner si le véhicule avait bien été l'objet d'un « vol à la souris ».

La cour rappelle que l'assuré est présumé de bonne foi lorsqu'il déclare un vol à son assureur, après avoir valablement déposé plainte et déclaré le sinistre dans le délai contractuel imparti, ce qui est le cas en l'espèce.

Afin de justifier du vol, M. X. produit le rapport d'expertise automobile de M. Z., qu'il a mandaté afin d'effectuer une expertise contradictoire non seulement de son véhicule, mais également de donner son avis sur la documentation relative à la technique de « mouse jacking », et sur la procédure pénale.

Aux termes de son rapport, M. Z. explique dans un premier temps que le vol « mouse jacking » consiste en un piratage électronique par utilisation d'un radar captant les fréquences d'ouverture et de démarrage du véhicule et d'un logiciel permettant de configurer le système informatique du véhicule afin de le démarrer et de le voler sans effraction et qu'en conséquence, ce mode opératoire « ne laisse aucune trace, alors même que le véhicule a été volé ». Puis, dans un second temps, il conclut que « sur un plan technique et au regard de l'électronique embarqué du véhicule, rien ne démontre qu'il n'a pas été volé et tous les indices porte[nt] à croire qu'il a été dérobé selon la méthode dite du « Mouse Jacking. ».

Ainsi, contrairement à ce qu'affirme Pacifica, l'expert Z. est en désaccord avec les conclusions du cabinet Bca qu'elle-même avait mandaté.

Pour retenir la thèse du vol, M. Z. se fonde sur un faisceau d'indices relevés dans la procédure pénale.

M. X. produit la procédure pénale enseignant que :

- le motif du classement sans suite est l'absence d'identification des auteurs de l'infraction malgré une empreinte digitale relevée ;

- les gendarmes retiennent dans leur procès-verbal de synthèse qu'il existe une ou plusieurs raisons plausibles de présumer qu'un vol a été commis ;

- un témoin s'est manifesté auprès des gendarmes pour indiquer qu'il avait vu trois personnes âgées d'une vingtaine d'années quitter le véhicule après l'accident en renonçant aux affaires se trouvant dans le coffre après que l'un d'eux a répondu « on laisse tomber » ;

- les membres de la famille de l'assuré ne présentaient aucune blessure laissant présager leur présence dans le véhicule au moment de l'accident.

Quand bien même la cour n'est pas liée par le motif de classement sans suite de la procédure pénale, il s'observe que la procédure pénale n'a pas été classée sans suite au motif d'une absence d'infraction.

Par ailleurs, M. X., qui avait déclaré notamment que sa carte bancaire et son chéquier se trouvaient dans son véhicule, justifie avoir demandé leur mise en opposition auprès de sa banque le jour même.

De plus, M. X. verse au débat un article de presse datant de février 2020, soit quelques mois après le vol de son véhicule, informant de la recrudescence des faits de « mouse jacking » dans la région et en particulier dans la commune où il réside.

Enfin, il doit être observé, même s'il ne s'agit pas d'une reconnaissance de garantie que, par courrier du 9 avril 2021, Pacifica s'est présenté en tant qu'assureur du véhicule « volé » de M. X. au procureur de la République de Dunkerque afin d'obtenir la communication d'un procès-verbal. Si Pacifica soutient que ce courrier ne peut s'analyser en une interprétation de garantie, contrairement à ce qu'elle soutient, ce courrier a été rédigé postérieurement aux rapports d'expertise.

Il résulte de ce qui précède que l'assuré démontre que son véhicule a bien été volé par effraction électronique et que les conditions de mise en 'uvre de sa garantie vol sont réunies.

 

Sur la clause d'exclusion de garantie :

Pour contester sa garantie, Pacifica invoque une clause stipulant :

« Afin de réduire les risques de vol, vous vous engagez à verrouillez vos portes, toit ouvrant et coffre et à fermer les vitres de votre véhicule lorsque vous le quittez.

Le non-respect de ces mesures de prévention entraîne la non-prise en charge du sinistre par Pacifica. ».

Pacifica soutient à cet égard que M. X. a commis une négligence dès lors que sa voiture a été retrouvée avec les ouvrants non verrouillés et se prévaut d'une clause intitulée « Prévention » pour dénier sa garantie.

Alors que cet assureur qualifie lui-même cette clause d'exclusion de garantie, il considère qu'il appartient à l'assuré de prouver qu'il n'a commis aucune négligence.

Pour autant, c'est à l'assureur invoquant une exclusion de garantie qu'il incombe de démontrer la réunion des conditions de celle-ci.

Par conséquent, la charge de la preuve de la négligence alléguée repose sur Pacifica.

Sur ce point, Pacifica ne rapporte pas la preuve que M. X. a quitté son véhicule en oubliant de le verrouiller. Une telle abstention ne peut se déduire du fait que le véhicule a été retrouvé déverrouillé dès lors que la technique de vol employée permet l'accès à bord du véhicule sans laisser de trace d'effraction.

En conséquence, les conditions de l'exclusion de garantie ne sont pas démontrées et l'assureur est mal fondé à s'opposer à la mise en œuvre de sa garantie.

Le jugement sera ainsi réformé en ce qu'il a débouté M. X. de sa demande de garantie du sinistre.

 

Sur l'indemnisation du véhicule et la franchise :

Conformément à l'article 1134 du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

L'article L. 121-1 du code des assurances dispose que l'assurance relative aux biens est un contrat d'indemnité et que l'indemnité due par l'assureur à l'assuré ne peut pas dépasser le montant de la valeur de la chose assurée au moment du sinistre.

En vertu du principe indemnitaire prévu aux articles L. 121-1 et suivants du code des assurances, l'assuré ne peut obtenir, du fait de l'assurance, aucun profit, ni ne subir aucune perte. En revanche, il n'est tenu d'exécuter ses garanties que dans les limites contractuelles de celles-ci. Il résulte de ces dispositions que l'assureur est tenu de mettre en œuvre les garanties du contrat d'assurance lorsque que les conditions prévues par le contrat sont réunies.

Sur ce,

Il est observé que les parties s'accordent sur la valeur du véhicule pour un montant de 16.500 euros et il conviendra de déduire le montant de la franchise contractuelle de 400 euros.

Pacifica sera ainsi condamnée à verser à M. X. la somme de 16.100 euros au titre du remboursement de la valeur du véhicule.

Le jugement querellé sera donc réformé.

 

Sur les frais de gardiennage :

M. X. sollicite une somme de 14.191,20 euros pour l'immobilisation de son véhicule du 24 octobre 2019 au 29 juin 2023 calculée sur une base de 10,80 euros TTC par jour.

Si M. X. ne produit aucune facture relative à de tels frais, Pacifica ne conteste toutefois pas le montant journalier retenu par les experts mais demande de réduire l'indemnisation de ces frais en raison de la limite contractuelle de garantie de 30 jours.

Le contrat stipule en effet que « les frais de gardiennage sont également pris en charge, à partir du jour où Pacifica Assistance reçoit les éléments nécessaires à l'organisation du rapatriement jusqu'à celui de l'enlèvement avec un maximum de 30 jours. ».

Alors qu'en cause d'appel, M. X. ne forme pas une demande indemnitaire sur le terrain de la responsabilité contractuelle de son assureur, il convient d'indemniser les frais de gardiennage dans les limites contractuelles des garanties souscrites.

Par conséquent, Pacifica sera condamnée à lui payer la somme de 324 euros au titre des frais de gardiennage.

 

Sur le préjudice de jouissance :

Le contrat ne prévoyant aucune indemnisation du préjudice de jouissance, une telle indemnisation ne pourra être prononcée à l'encontre de l'assureur dans le cadre d'une action en exécution du contrat.

M. X. sera donc débouté de sa demande et le jugement sera confirmé de ce chef.

 

Sur les frais d'expertise :

Le contrat stipule qu'en cas de désaccord sur le montant de l'indemnité, une expertise contradictoire peut être organisée et que chaque partie supportera alors les honoraires de son expert.

Dès lors que le contrat ne prévoit aucune indemnisation des frais d'expertise supportés par l'assuré, M. X. sera débouté de sa demande au titre de ces frais.

 

Sur la résistance abusive :

En application de l'article 1240 du code civil dans sa rédaction postérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, l'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi, d'erreur grossière équipollente au dol, de faute, même non grossière ou dolosive, ou encore de légèreté blâmable, dès lors qu'un préjudice en résulte.

L'assureur ne commet pas de faute lorsqu'il conteste sa garantie en opposant des moyens sérieux, même si ses prétentions sont rejetées.

Par ailleurs, si Pacifica a refusé dans un premier temps de communiquer le premier rapport de son expert, aucune résistance abusive n'est pour autant démontrée par M. X. dès lors que la demande de communication de ce rapport date du 27 janvier 2020 et que le rapport a été communiqué sans retard excessif au conseil de l'assuré le 30 mars 2020.

En conséquence, M. X. sera débouté de sa demande et le jugement dont appel sera confirmé de ce chef.

 

Sur les dépens et les frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile :

Le sens du présent arrêt conduit :

- d'une part à réformer le jugement attaqué sur ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile,

- et d'autre part, à condamner Pacifica, outre aux entiers dépens de première instance et d'appel, à payer à M. X. la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des procédures de première instance et d'appel.

En application de l'article 699 du code de procédure civile, la cour autorisera la Scp Joly - Pelletier à recouvrer directement contre Pacifica les dépens de première instance et d'appel dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement rendu le 31 janvier 2023 par le tribunal judiciaire de Dunkerque en ce qu'il a débouté M. X. de sa demande d'indemnisation de son préjudice pour résistance abusive et de sa demande d'indemnisation de son préjudice de jouissance par la SA Pacifica,

Le réforme en ses autres dispositions,

Statuant à nouveau sur les chefs réformés et y ajoutant,

Dit que la clause figurant en page 10 des conditions générales du contrat 'assurance automobile' édition de janvier 2019 souscrit par M. X. auprès de la SA Pacifica est abusive en ce qu'elle réduit les moyens de preuve de l'effraction électronique en exigeant « la présence de traces matérielles »,

Déclare que cette clause est par conséquent réputée non écrite uniquement en ce qu'elle impose de constater la présence de traces matérielles pour prouver l'effraction électronique,

Condamne la SA Pacifica à exécuter sa garantie vol du contrat d'assurance souscrit par M. X. à la suite du vol de son véhicule,

Condamne la SA Pacifica à payer à M. X. une somme de 16 100 euros au titre de la valeur du véhicule après déduction de la franchise contractuelle,

Condamne la SA Pacifica à payer à M. X. une somme de 324 euros au titre des frais de gardiennage,

Condamne la SA Pacifica aux dépens de première instance et d'appel,

Autorise la Scp Joly - Pelletier à recouvrer directement contre la SA Pacifica les dépens de première instance et d'appel dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision,

Condamne la SA Pacifica à payer à M. X. la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des procédures de première instance et d'appel.

Le greffier                                                                Le président

Harmony POYTEAU                                        Guillaume SALOMON