CA DOUAI (8e ch. sect. 1), 18 avril 2024
- TJ Lille, 6 septembre 2021 : RG n° 20/003659 ; Dnd
CERCLAB - DOCUMENT N° 23027
CA DOUAI (8e ch. sect. 1), 18 avril 2024 : RG n° 21/05743 ; arrêt n° 24/323
Publication : Judilibre
Extraits : 1/ « Par ailleurs, la fin de non-recevoir tirée du défaut de fondement des demandes des époux X. sera rejetée, les appelants visant au sein de leurs écritures les dispositions des articles 2309, 2314, 1134 du code civil dans leur rédaction applicables au litige, L. 111-8 et L. 212-1 du code de la consommation. »
2/ « En second lieu, bien que peu compréhensible dans leur argumentaire, les époux X. semblent soutenir le moyen selon lequel une clause se trouvant page 1 du contrat de prêt cautionné intitulée « dispositions spécifiques au démarchage » est abusive, en ce que le délai de rétractation de 14 jours de l'emprunteur prévu en cas de démarchage à domicile aurait également dû profiter à la caution. Ils soutiennent dès lors qu'ils sont en droit de se rétracter.
Toutefois, cette clause de style concernant « les dispositions spécifiques au démarchage » n'était pas applicable en l'espèce, le prêt professionnel conclu entre la société Artois cash et la Caisse de Crédit agricole n'ayant pas été conclu dans le cadre d'un démarchage à domicile, pas plus les cautionnements des époux X. Cette clause n'étant pas applicable, il n'y a pas lieu de se pencher sur son caractère prétendument abusif, et l'argumentation nébuleuse des époux X. sera en conséquence rejetée. Par ailleurs, les actes de prêt et de cautionnement ne stipulent pas que la banque aurait prévu de s'exonérer d'informer la caution « des événements majeurs bouleversant le risque d'impayés » (sic), ni « l'obligation de la caution de s'informer de l'évolution de la société » (sic). Il n'a pas donc pas lieu de décharger les époux X. de leurs engagements de caution. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 1
ARRÊT DU 18 AVRIL 2024
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 21/05743. Arrêt n° 24/323. N° Portalis DBVT-V-B7F-T6MI. Jugement (RG n° 20/003659) rendu le 6 septembre 2021 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Lille.
APPELANTS :
Monsieur X.
né le [Date naissance 1] - de nationalité Française, [Adresse 5], [Localité 7]
Madame Y. épouse X.
née le [Date naissance 4] - de nationalité Française, [Adresse 5], [Localité 7]
Représentés par Maître Benoît De Berny, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
INTIMÉE :
Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Nord de France (Crédit Agricole Nord de France)
prise en la personne de Madame [Z., Chef du Service Contentieux, DGA/CTX, spécialement habilitée par délégation de pouvoirs en date du 8 janvier 2019, [Adresse 2], [Localité 6], Représentée par Maître Martine Mespelaere, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
DÉBATS à l'audience publique du 7 février 2024 tenue par Catherine Ménegaire magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Fabienne Dufossé
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Yves Benhamou, président de chambre, Samuel Vitse, président de chambre, Catherine Ménegaire, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 18 avril 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Yves Benhamou, président et Gaëlle Przedlacki, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 7 février 2024
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Par acte sous-seing privé en date du 14 avril 2014, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France a consenti à la SARL Artois cash une ouverture de crédit en compte-courant ayant pour objet « divers trésorerie » numéro [XXXXXXXXXX03] d'un montant de 20'000 euros au taux d'intérêt annuel variable de 4,21750 %.
Le 14 avril 2014, M. X. et Mme Y. épouse X., associés de la SARL Artois cash, se sont portés cautions solidaires du remboursement de l'ouverture de crédit consenti à cette société, chacun dans la limite de la somme de 6.760 euros, couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard, pour une durée de 120 mois.
Suivant jugement rendu par le tribunal de commerce d'Arras du 22 janvier 2020, la SARL Artois cash a été placée en liquidation judiciaire, Maître Soinne ayant été désigné en qualité de liquidateur judiciaire.
Le 28 février 2020, la Caisse de régionale de crédit agricole mutuel Nord de France à déclaré sa créance au passif de la société Artois cash au titre de l'ouverture de crédit en compte-courant pour un montant de 18.433,86 euros.
Par courriers recommandés du 28 février 2020, parvenus à leurs destinataires le 11 mars 2020, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France a mis en demeure les cautions de lui payer chacun la somme de 6.760 euros, dans la limite de leur engagement.
Par acte d'huissier du 17 décembre 2020, la banque a fait assigner M. X. et Mme Y. en justice aux fins de les voir condamner à lui payer chacun la somme de 6.760 euros avec intérêts au taux légal à compter du 28 février 2020.
Par jugement contradictoire du 6 septembre 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lille a :
- condamné M. X. à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France la somme de 6.760 euros avec intérêts au taux légal à compter du 11 mars 2020,
- condamné Mme Y. épouse X. à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France la somme de 6.760 euros avec intérêts au taux légal à compter du 11 mars 2020,
- ordonné la capitalisation des intérêts dus pour une année entière,
- débouté les parties de leurs autres demandes,
- condamné M. X. et Mme Y. aux dépens d'instance,
- condamné M. X. et Mme Y. à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France la somme de 1.200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration reçue par le greffe de la cour le 2 novembre 2021, M. X. et Mme Y. ont relevé appel de ce jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté les parties de leurs autres demandes.
[*]
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 24 janvier 2024, les appelants demandent à la cour de :
« 1/ principalement,
- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. X. au paiement de la somme de 6.760 euros avec intérêts et Mme Y. au paiement de la même somme avec intérêts, outre capitalisation,
- débouter la banque Crédit Agricole de l'ensemble de ses demandes, si tant est qu'il puisse être justifié d'un cautionnement par la production des originaux,
2/ subsidiairement décharger les époux X.-Y. de toute obligation pour avoir perdu toute possibilité de subrogation l'encontre de la société Artois cash,
3/ plus subsidiairement,
- arrêter le montant de la dette cautionnée de M. X. et Mme Y. à hauteur de 327,30 euros,
- condamner le Crédit agricole à restituer la somme payée de 14.857,11 euros, sauf à conserver 327,30 euros,
4/ plus subsidiairement,
- condamner le Crédit agricole à payer aux époux X.-Y. la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour les avoir trompés sur le montant de leur dette cautionnée,
en tant que de besoin,
- condamner le Crédit agricole à payer à chacun des époux X.-Y. une somme équivalente à ce qu'elle aurait réclamé, en raison de ses négligences,
- infirmer le jugement ce qu'il les a condamnés aux dépens et aux frais irrépétibles,
- condamner le Crédit Agricole à payer aux époux M. X. et Mme Y. la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. »
Sur les fins de non-recevoir soulevées par la Caisse de Crédit agricole mutuel Nord de France, les appelants exposent que leur demande de dommages et intérêts à hauteur de 5.000 euros est recevable ; que postérieurement à leurs premières conclusions d'appel, ils ont reçu une lettre d'information annuelle les informant de leurs engagements de caution et confirmant le détail des montants restant dus au 31/12/2021 à hauteur de 327,30 euros, cette lettre constituant un élément nouveau intervenu en appel, postérieurement à leur premières conclusions. Ils se fondent sur cet élément nouveau pour contester la créance de la banque et demander la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour « tromperie sur l'importance du crédit cautionné ».
Sur le fond, les appelants contestent la créance de la banque qui, selon eux, n'est que d'un montant de 327,30 euros, seule somme utilisée par la société Artois Cash, conformément à l'information annuelle arrêtée au 31 décembre 2021, dont ils sont en droit de se prévaloir. Ils soutiennent également qu'ils ne sont pas « obligés à la dette du compte », la convention de trésorerie cautionnée dont se prévaut le Crédit agricole étant stipulée comme autonome à l'égard du compte courant.
Les époux X. font valoir que la banque a engagé sa responsabilité en s'immisçant fautivement dans le fonctionnement du compte bancaire de la société Artois cash et en acceptant de passer des opérations qui présentaient des anomalies apparentes, graves et répétés qu'elle ne pouvait ignorer ; que la banque a payé des virements au profit du dirigeant de la société et de ses familiers, alors que concomitamment, elle a rejeté des prélèvement utiles à la société, dont ceux de l'Urssaf et du Trésor public. Ils rappellent qu'en cas d'anomalie apparente, la banque devait refuser les opérations. Ils soutiennent que le devoir de mise en garde s'impose au banquier prêteur à l'égard de la caution au visa des articles 2309 et 2314 du code civil qui prévoient que la caution est déchargée pour ne pas pouvoir exercé son recours indemnitaire, et que la banque a commis une faute en n'informant pas la caution de l'évolution anormale de la société, du changement de gérant et de son exploitation déficitaire, empêchant celle-ci de prendre les mesures qui s'imposaient, l'obligation d'information étant d'ordre public selon l'article L. 111-8 du code de la consommation. Ils ajoutent qu'ils doivent également être déchargés de leurs obligations au titre du droit de rétractation, le contrat de prêt cautionné contenant des clauses abusives.
[*]
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 2 février 2024, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France demande à la cour de :
Vu les dispositions des articles 1103, 1231-1, 1905 et suivants et 2288 et suivants du code civil, les articles 9, 908, 910-4, 954 et 564 et suivants du code de procédure civile,
in limine litis,
- déclarer irrecevable la demande de condamnation du Crédit agricole Nord de France au paiement de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts comme étant une demande nouvelle,
- déclarer irrecevable la demande de condamnation du Crédit agricole Nord de France au paiement de dommages et intérêts comme ayant été formulée tardivement au mépris des dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile,
- déclarer les contestations formées par M. X. et Mme Y. irrecevables faute de fondement juridique,
sur le fond,
- confirmer le jugement d'appel en toutes ses dispositions,
- débouter M. X. et Mme Y. de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- déclarer que le Crédit agricole Nord de France a remis à la cour l'original de l'engagement de caution à l'audience de plaidoirie,
- condamner M. X. en sa qualité de caution au paiement de la somme de 6.760 euros assortis des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 28 février 2020,
- condamner Mme Y. en sa qualité de caution au paiement de la somme de 6.760 euros assortis des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 28 février 2020,
- ordonner la capitalisation des intérêts échus dus pour une année entière et ce par application de l'article 1343-2 du code civil,
- condamner M. X. et Mme Y. au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- les condamner aux entiers dépens.
Au visa de l'article 564 du code de procédure civile, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France soulève l'irrecevabilité de la demande de dommages et intérêts de 5.000 euros formée par les époux X. au motif qu'elle est nouvelle en appel. Sur le fondement de l'article 910-4 du même code, elle ajoute que cette demande est en tout état de cause irrecevable pour n'avoir pas été formée par les appelants dès leurs premières conclusions d'appel notifiées le 19 janvier 2022, mais aux termes de leurs deuxièmes conclusions notifiées le 23 février 2022. Elle souligne également que les demandes des époux X. sont irrecevables, leur fondement juridique n'étant pas précisé.
Sur le fond, l'intimée fait valoir que les engagements de caution des époux X. ont été souscrits à titre professionnel et non en qualité de consommateur, ce qui exclut l'application des dispositions protectrices du code de la consommation, notamment relatives aux clauses abusives et au démarchage à domicile, et que donc c'est à tort qu'ils demandent à être déchargé de leurs engagement de caution au titre de la rétractation.
La Caisse fait également valoir qu'elle n'a pas manqué à son obligation d'information, M. X. et Mme Y. ayant été parfaitement informés du changement de gérant de la société Artois cash, pour avoir participé à l'assemblée générale du 30 septembre 2017, et qu'en leur qualité d'associé, ils connaissaient les bilans de la société et étaient mieux placés qu'elle pour connaître ses difficultés économiques, qu'elle même ignorait, puisqu'ils ont nécessairement participé aux assemblées générales d'approbation des comptes. La banque ajoute qu'en raison de son devoir de non-immixtion dans les affaires de ses clients professionnels, elle n'avait pas à vérifier si les opérations étaient des actes de gestion contraires aux intérêts de la société, et que la preuve d'un soutien abusif n'est pas davantage rapportée. Elle soutient qu'elle a respecté son devoir de mise en garde à l'égard des cautions lors de la conclusion de leurs engagements en 2014 et qu'elle ne pouvait pas prévoir les difficultés économiques invoquées, qui dateraient de l'année 2018, et qu'elle a respecté son obligation d'information annuelle des cautions.
Sur le quantum de sa créance, la banque soutient qu'elle a été admise au passif de la société par le juge commissaire, l'admission ou le rejet ayant autorité de la chose jugée, et que M. X. et Mme Y. n'ont formé aucun recours à l'encontre de l'admission ; que le montant utilisé par la société Artois cash au titre de l'ouverture de crédit n'est évidemment pas de 327,30 euros ; que les époux M. X. opèrent volontairement une confusion entre le solde débiteur du compte courant qui ne serait pas cautionné et le crédit de trésorerie cautionné, alors qu'il n'existe pas deux lignes de crédit distinctes, et qu'ils sont par conséquent redevables du paiement du solde débiteur du compte courant de la société Artois Cash n° 16565060907, dans la limite de leurs engagements.
La banque fait enfin valoir que la demande de dommage et intérêts de 5.000 euros est infondée, les époux X. ne justifiant d'aucun préjudice.
[*]
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux écritures des parties pour le surplus de leurs moyens.
La clôture de l'affaire a été rendue le 7 février 2024, le jour des plaidoiries.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Sur les fins de non-recevoir soulevées par la banque :
L'article 564 du code de procédure civile dispose qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
L'article 910-4 du même code dispose qu'à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.
En l'espèce, la demande de dommages et intérêts de 5.000 euros formée pour la première fois par les époux X. en cause d'appel, aux termes de leur deuxièmes conclusions devant la cour notifiées le 23 février 2022, fait suite à l'envoi par la banque au premier trimestre 2022 d'un courrier information sur l'étendue des engagements des cautions au 31 décembre 2021, lequel mentionne que les engagements dûs ne sont que d'un montant de 327,30 au lieu de 18 433,86 euros. Ce courrier d'information constitue un fait nouveau survenu postérieurement à l'appel, ainsi qu'aux premières conclusions des appelants notifiées le 19 janvier 2022.
Dès lors, cette demande de dommages et intérêts de 5.000 euros est recevable.
Par ailleurs, la fin de non-recevoir tirée du défaut de fondement des demandes des époux X. sera rejetée, les appelants visant au sein de leurs écritures les dispositions des articles 2309, 2314, 1134 du code civil dans leur rédaction applicables au litige, L. 111-8 et L. 212-1 du code de la consommation.
Sur la demande [...] en paiement de la banque :
- Sur la décharge de la caution :
Les époux X. demandent à être déchargés de leur engagement de caution sur le fondement de l'article 2314 du code civil qui dispose que « La caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits, hypothèques, et privilèges du créancier, ne peut plus par le fait du créancier, s'opérer en faveur de la caution. Toutes clause contraire est réputé non écrite ».
La mise en œuvre de la décharge prévue par ces dispositions suppose la réunion de trois conditions, soit la perte d'un droit préférentiel, la perte d'un droit préférentiel par la faute du créancier, et l'existence d'un préjudice.
La caution doit donc justifier de la perte d'un droit préférentiel - c'est à dire un droit susceptible de conférer à son titulaire un avantage particulier pour le recouvrement de sa créance et une plus grande facilité que le droit de gage général - qu'elle aurait pu exercer dans le cadre de son recours subrogatoire à l'encontre du débiteur principal, ce droit perdu par la faute du créancier ayant existé au moment où la caution s'était engagée.
Or, les époux X. ne démontrent nullement la perte d'un droit préférentiel par la faute du Crédit agricole, lui ayant fait perdre le bénéfice de la subrogation, étant au surplus observé que la banque a dûment déclaré sa créance au passif de la société Artois cash le 28 février 2020.
En second lieu, bien que peu compréhensible dans leur argumentaire, les époux X. semblent soutenir le moyen selon lequel une clause se trouvant page 1 du contrat de prêt cautionné intitulée « dispositions spécifiques au démarchage » est abusive, en ce que le délai de rétractation de 14 jours de l'emprunteur prévu en cas de démarchage à domicile aurait également dû profiter à la caution. Ils soutiennent dès lors qu'ils sont en droit de se rétracter.
Toutefois, cette clause de style concernant « les dispositions spécifiques au démarchage » n'était pas applicable en l'espèce, le prêt professionnel conclu entre la société Artois cash et la Caisse de Crédit agricole n'ayant pas été conclu dans le cadre d'un démarchage à domicile, pas plus les cautionnements des époux X. Cette clause n'étant pas applicable, il n'y a pas lieu de se pencher sur son caractère prétendument abusif, et l'argumentation nébuleuse des époux X. sera en conséquence rejetée. Par ailleurs, les actes de prêt et de cautionnement ne stipulent pas que la banque aurait prévu de s'exonérer d'informer la caution « des événements majeurs bouleversant le risque d'impayés » (sic), ni « l'obligation de la caution de s'informer de l'évolution de la société » (sic).
Il n'a pas donc pas lieu de décharger les époux X. de leurs engagements de caution.
Sur le quantum de la créance de la banque :
Il est rappelé que par acte sous-seing privé du 14 avril 2014, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France a consenti à la SARL Artois cash une ouverture de crédit en compte courant n°[XXXXXXXXXX03] ayant pour objet de financer des besoins en trésorerie de la société, d'un montant de 20'000 euros au taux d'intérêt annuel variable de 4,21750 %.
Le 14 avril 2014, M. X. et Mme Y. épouse X., associés de la SARL Artois cash, se sont portés cautions solidaires du remboursement de l'ouverture de crédit consentie à cette société, chacun dans la limite de la somme de 6.760 euros, couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard pour la durée de 120 mois.
Il ressort du contrat d'ouverture de crédit n° [XXXXXXXXXX03] que la banque a consenti à la société Artois cash « une ouverture de crédit en compte courant qui fonctionnera dans la limite du montant autorisé de 20.000 euros ». Il est indiqué « que la provision des chèques, ordres de virements, traites et billets à ordre régulièrement domiciliées, pourra être constituée par l'ouverture de crédit, sous la seule réserve que le montant autorisé ne soit jamais dépassé (...) ».
Contrairement à ce que soutiennent les appelants, en se portant caution de l'ouverture de crédit en compte courant de la société Artois cash, ils ont nécessairement garanti le solde débiteur dudit compte, sans qu'il y ait lieu de distinguer entre l'ouverture de crédit et le compte courant.
Selon l'article 1315 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance « Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui produit l'extinction de son obligation. »
Pour justifier du montant de sa créance, la banque produit aux débats sa déclaration de créance d'un montant de 18 433,86 euros, ainsi qu'un relevé du compte bancaire n° 1656060907 de la société Artois cash arrêté au 20 janvier 2020 mentionnant un solde débiteur d'un montant de 19 456,21 euros. La banque ne justifie pas que cette créance a été admise eu passif de la société Artois cash.
M. X. et Mme Y. contestent le quantum de créance de la banque au motif qu'ils ont reçu en janvier 2022, l'information annuelle relative au détail des montants restant dus au 31/12/2021, mentionnant un « montant utilisé » de 327,30 euros, et « montant total vous engageant : 327,30 euros », et qu'il sont en droit d'opposer cette information quant aux sommes dont ils sont encore redevables.
Toutefois, les lettres de mise en demeure du 28 février 2020, précisant aux cautions qu'au jour de la liquidation judiciaire le solde débiteur du compte s'élève à 18.433,86 euros, et qu'elles sont dès lors redevables de la somme de 6.700 euros, dans la limite de leur engagement, n'ont fait l'objet d'aucune contestation de la part de M. X. et Mme Y.
Ils ne contestent pas davantage, dans le cadre de l'instance, le montant du solde débiteur du compte courant de la société Artois cash arrêté au jour de la liquidation, ni ne rapportent la preuve qui leur incombe en vertu de l'article 1315 de code civil que des règlements libératoires seraient intervenus postérieurement au 20 janvier 2020, étant relevé que leur règlement de la somme de 14.857,11 euros le 10 novembre 2021 a été effectué en exécution d'un autre jugement rendu par le juge des contentieux de la protection de Lille le 15 juillet 2019, pour un dossier dans lequel M. X. et Mme Y. étaient poursuivis en qualité de caution de la société Hainaut Cash, ce règlement ne s'imputant donc pas sur les sommes dues dans le cadre de la présente instance.
Dès lors, au regard des pièces produites aux débats, notamment du relevé de compte susvisé, de la déclaration de créance et des mises en demeure du 28 février 2020, il y a de constater que la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France justifie d'une créance certaine, liquide et exigible d'un montant de 18.433,86 euros. Confirmant le jugement déféré, M. X. et Mme Y. seront donc condamnés à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France, chacun, la somme de 6.700 euros, dans la limite de leur engagement de caution, et ce avec intérêts au taux légal à compter du 11 mars 2020, date de réception de la mise en demeure.
Cette condamnation sera prononcée en deniers ou quittances afin de tenir compte d'éventuels règlements intervenus postérieurement au jugement.
Par ailleurs, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a ordonné la capitalisation des intérêts due pour une année entière en application de l'article 1343-2 du code civil. La capitalisation sera ordonnée à compter de la demande, soit à compter de l'assignation du 17 décembre 2020.
Sur la demande de restitution de la somme de 14.857,11 euros formée par les époux X. :
Ainsi que rappelé plus haut, il résulte des éléments produits que les époux X. ont réglé le 10 novembre 2021 à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France la somme de 14 857,11 euros, en exécution d'un autre jugement rendu par le juge des contentieux de la protection de Lille le 15 juillet 2019, pour un dossier dans lequel ils étaient poursuivis en qualité de caution de la société Hainaut Cash.
Les époux X. seront déboutés de leur demande de restitution de cette somme dont le versement a été exécuté en vertu d'un jugement, dont il n'est pas allégué, ni démontré qu'il aurait fait l'objet d'un appel de leur part et aurait été réformé.
Sur la responsabilité de la banque et les demande de dommages et intérêts :
L'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, devenu 1231-1 dispose que 'Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.'
Il est de principe constant que la banque dispensatrice de crédits n'a pas immiscer dans les affaires de son client pour apprécier l'opportunité des opérations auxquelles il procède. Dès lors, que les opérations étaient autorisées par une personne ayant pouvoir d'agir sur le compte de la société Artois cash, il ne peut être fait grief à la banque de n'avoir pas examiné si ces actes de gestion étaient contraires aux intérêts de la société, ni d'avoir accepté de passer des opérations, dont le caractère anormal n'est au surplus aucunement démontré par les cautions, la preuve d'un soutien abusif n'étant pas davantage rapportée.
Par ailleurs, M. X. et Mme Y. étant associés de la société Artois Cash, ils sont également mal fondés à reprocher à la banque un manquement fautif, en ce qu'elle ne les aurait pas informés des difficultés financières de la société, dans la mesure où ils ont nécessairement été convoqués aux assemblées générales d'approbation des comptes de cette société, et pouvaient obtenir tout document comptable et financier la concernant. Au surplus, ils ne rapportent pas la preuve que la banque aurait eu des informations sur les difficultés économiques de la société qu'eux-mêmes auraient ignorer. Ils invoquent une obligation d'information prévus par les articles L.111-8 et L. 111-12 du code de la consommation, or ces articles n'existaient pas à la date de conclusion des cautionnements.
M. X. et Mme Y. sont encore particulièrement mal fondés à reprocher à la banque de ne pas les avoir tenus informés du changement de gérant de la société Artois cash, alors qu'ils ont signé le procès-verbal d'assemblée générale ordinaire du 30 septembre 2017 ayant voté le changement de gérant, produit par la banque aux débats.
Par ailleurs, au visa des articles 2309 et 2314 du code civil, les époux X. font grief à la banque d'avoir manqué à son obligation de mise en garde en les empêchant d'exercer leur recours indemnitaire pré-faillite.
Or, il est rappelé que la banque est tenue, en application de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, à un devoir de mise en garde à l'égard de la caution non avertie lorsque, au jour de son engagement, celui-ci n'est pas adapté aux capacités financières de la caution ou s'il existe un risque d'endettement né de l'octroi du prêt garanti, lequel résulte de l'inadaptation du prêt aux capacités financière de l'emprunteur.
A supposer même que M. X. et Mme Y. fussent des cautions non-averties, force est de constater qu'ils ne démontrent aucunement que leur cautionnement, au jour de leur souscription, étaient inadaptés à leurs capacités financières, ni que l'ouverture de crédit de 20.000 euros consentie en 2014 entraînait un risque d'endettement excessif pour la société Artois cash et étaient inadapté à ses capacités financières. En outre, selon les appelants, les difficultés économiques de la société Artois Cash remonteraient à l'année 2018, et elle a été placée en liquidation juciaire le 22 janvier 2020. La banque ne pouvait donc alerter les cautions lors de la souscription de leurs engagements en 2014 de difficultés économiques survenues plusieurs années après.
Les appelants ne rapportent donc pas la preuve que la banque leur devait un devoir spécifique de mise en garde.
Enfin, M. X. et Mme Y. ne contestent pas que la Caisse de crédit agricole mutuel Nord de France leur adressé chaque année depuis 2014 la lettre les informant de leur engagement de la caution conformément aux exigences légales.
Il résulte de ce qui précède que M. X. et Mme Y. ne démontrent pas que la banque a commis des fautes, et partant ils seront déboutés de leurs demande tendant à voir « condamner le Crédit agricole à payer à chacun des époux X. une somme équivalente à celle qu'il aurait réclamée, en raison de ses négligences ».
Les époux X. ne rapportent pas davantage la preuve qui leur incombe, en vertu de l'article 9 du code de procédure civile, que la lettre d'information annuelle des engagements des cautions au 31 décembre 2021 constituerait une « tromperie » (sic) commise par la banque, ni d'un quelconque préjudice qui en serait résulté pour eux. Ils seront en conséquence déboutés de leur demande de dommages et intérêts complémentaires de 5.000 euros.
Sur les demandes accessoires :
Les motifs du premier juge méritant d'être adoptés, le jugement est confirmé en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
M. X. et Mme Y., qui succombent, sont condamné aux dépens d'appel en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.
Il ne paraît pas inéquitable de les condamner à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France la somme de 2.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant par arrêt contradictoire ;
Rejette les fins de non-recevoir soulevées par la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France ;
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant ;
Ordonne la capitalisation des intérêts dus pour une année entière à compter de l'assignation du 17 décembre 2020 ;
Déboute M. X. et Mme Y. de l'ensemble de leurs demandes ;
Condamne M. X. et Mme Y. à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord de France la somme de 2.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. X. et Mme Y. aux dépens d'appel.
Le greffier Le président
Gaëlle PRZEDLACKI Yves BENHAMOU