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CA DOUAI (ch. 2 sect. 1), 6 juin 2024

Nature : Décision
Titre : CA DOUAI (ch. 2 sect. 1), 6 juin 2024
Pays : France
Juridiction : Douai (CA), 2e ch. sect. 1
Demande : 22/05228
Date : 6/06/2024
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 10/11/2022
Décision antérieure : T. com. Lille Métropole, 18 octobre 2022 : RG n° 2021004883 ; Dnd
Décision antérieure :
  • T. com. Lille Métropole, 18 octobre 2022 : RG n° 2021004883 ; Dnd
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CERCLAB - DOCUMENT N° 23031

CA DOUAI (ch. 2 sect. 1), 6 juin 2024 : RG n° 22/05228 

Publication : Judilibre

 

Extraits : 1/ « Le tribunal ayant retenu que la société ATL justifiait employer cinq salariés au moment de la conclusion du contrat et que ce dernier avait été conclu hors établissement, la cour n'a à trancher que la question de l'objet du contrat au regard de l'activité principale de l'appelante.

Il est constant que la société ATL exerce une activité de transport de personnes dans la région de Chamonix. En outre, aucun élément ne permet de retenir que la société ATL soit un professionnel de la réalisation de sites internet, ni qu'elle dispose des connaissances lui permettant d'apprécier les caractéristiques du site internet proposé. Dès lors, il n'apparaît pas que la réalisation et la mise en ligne d'un site internet entrent dans le champ de l'activité principale de la société ATL et il sera fait application des dispositions protectrices du code de la consommation. »

2/ « De la combinaison des articles L. 221-8 et L. 221-9 du code de la consommation, inclus dans la section 3 visée par l'article L. 221-3 du même code et opérant renvoi aux dispositions de l'article L. 221-5 du même code, opérant lui-même renvoi aux dispositions de l'article L.111-1 du même code et de l'article L.242-1 prévoyant la sanction de la nullité du contrat conclu hors établissement en l'absence de diverses mentions, il résulte que le contrat doit satisfaire à diverses prescriptions.

Parmi celles énoncées à l'article L.111-1 du code de la consommation, figure, au 3°, la mention de la date ou du délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service.

Or, il convient de relever que ni le bon de commande ni le contrat de licence d'exploitation de site internet ne comporte aucune mention de cette nature, ni au recto ni au sein des conditions générales attachées.

Dès lors, le jugement sera réformé en ce qu'il a débouté la société ATL de sa demande de nullité et l'a condamnée au paiement de l'ensemble des échéances et de la clause pénale, et la nullité du contrat sera prononcée pour violation des dispositions d'ordre public du code de la consommation. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 1

ARRÊT DU 6 JUIN 2024

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 22/05228. N° Portalis DBVT-V-B7G-USW4. Jugement RG n° 2021004883 rendu le 18 octobre 2022 par le tribunal de commerce de Lille Métropole ADD60B86C47378FC6751CE400346CAB5.

 

APPELANTE :

SAS Alpes Transport Limousine

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, ayant son siège social [Adresse 1], représentée par Maître Virginie Levasseur, avocat au barreau de Douai, avocat constitué, assistée de Maître Bassirou Kebe, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant

 

INTIMÉES :

SARL Cometik

ayant son siège social, [Adresse 3], défaillante à qui la déclaration d'appel et les conclusions ont été signifiées le 18 novembre 2022 à personne morale

SCP Alpha Mandataires judiciaires, représentée par Maître W. en sa qualité de mandataire judiciaire de la société Cometik

ayant son siège social [Adresse 2], défaillante à qui l'assignation en reprise d'instance et en intervention a été signifiée le 19 décembre 2023 à personne morale

 

DÉBATS à l'audience publique du 3 avril 2024 tenue par Aude Bubbe magistrat chargé d'instruire le dossier et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile 71192CCF7D68F6ECF7E8E35EE0AB5BBF).

Les parties ont été avisées que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Valérie Roelofs

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Dominique Gilles, président de chambre, Pauline Mimiague, conseiller, Aude Bubbe, conseiller

ARRÊT RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 06 juin 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Dominique Gilles, président et Valérie Roelofs, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 13 mars 2024

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Spécialisée dans le transport de personnes dans la région de Chamonix, la SAS Alpes Transport Limousine (société ATL) a conclu, avec la SARL Cometik, le 17 janvier 2019, un contrat aux fins de réalisation et d'exploitation d'un site Internet pour une durée de 48 mois.

Par jugement contradictoire du 18 octobre 2022, sur assignation de la société Cometik du 20 avril 2021, le tribunal de commerce de Lille Métropole a :

- jugé que la vente ou la location d'un site internet de vitrine ou marchand entrait dans le champ de l'activité principale de la société ATL, comme outil de communication indispensable à son activité commerciale et a écarté l'application du code de la consommation au contrat incriminé signé avec la société Cometik,

- écarté les moyens développés par la société ATL pour se prévaloir de la nullité du contrat,

- écarté les moyens développés par la société ATL pour faire valoir l'inexécution du contrat,

- débouté la société ATL de l'ensemble de ses demandes,

- condamné la société ATL à verser à la société Cometik les sommes de :

- 11.280 euros au titre des échéances échues ou à échoir jusqu'au terme du contrat de licence d'exploitation de site internet signé le 17 janvier 2019,

- 1.000 euros au titre de la clause pénale issue des conditions générales du contrat de licence d'exploitation de site internet signé le 17 janvier 2019,

- 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 10 novembre 2022, la société ATL a relevé appel de l'ensemble des chefs de ce jugement aux fins d'infirmation.

[*]

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 28 mars 2023, la société ATL demande à la cour de :

- infirmer le jugement en l'ensemble des chefs critiqués,

Statuant à nouveau,

- déclarer les dispositions du code de la consommation visées par l'article L. 221-3 applicables au litige,

A titre principal,

- déclarer le contrat litigieux anéanti par l'effet de la rétractation exercée par la société ATL,

En conséquence,

- débouter la société Cometik de l'ensemble de ses demandes,

A titre subsidiaire,

- annuler le contrat litigieux pour les motifs suivants :

- violation de l'obligation d'information sur le droit de rétractation,

- violation de l'obligation d'information sur le délai de livraison,

- violation de l'obligation d'information sur le prix,

- violation de l'obligation d'information sur les caractéristiques essentielles,

- contenu indéterminé,

- erreur sur les qualités essentielles du site internet,

- violation de l'obligation d'information sur l'exclusion du droit de rétractation pour les biens nettement personnalisés, si la cour estime que le contrat porte sur un bien nettement personnalisé,

- débouter la société Cometik de l'intégralité de ses demandes,

A titre plus subsidiaire,

- déclarer que la société Cometik a violé son obligation de délivrance, en l'absence de mise au point effective du site internet litigieux,

En conséquence,

- prononcer la résolution du contrat litigieux et ce, avec effet rétroactif à la date de sa conclusion, et débouter la société Cometik de toutes ses demandes,

En tout état de cause,

- débouter la société Cometik de l'ensemble de ses demandes,

- condamner la société Cometik à payer à la société ATL la somme de 3.000 euros pour les frais irrépétibles exposés en première instance et la somme de 3.000 euros pour les frais irrépétibles exposés en appel, ainsi qu'aux entiers frais et dépens, en ce compris les frais de constat d'huissier.

[*]

Par acte du 18 novembre 2022, la société ATL a fait signifier ses conclusions et sa déclaration d'appel à la société Cometik.

Par jugement du 25 septembre 2023, le tribunal de commerce de Lille Métropole a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la société Cometik, désignant la SCP Alpha mandataires, représentée par Maître W., ès qualité de mandataire judiciaire.

Par assignation en reprise d'instance et en intervention du 19 décembre 2023, la société ATL a fait signifier ses conclusions et sa déclaration d'appel à la SCP Alpha mandataires, représentée par Maître W., ès qualité de mandataire judiciaire de la société Cometik.

La SCP Alpha mandataires, représentée par Maître W., ès qualité de mandataire judiciaire de la société Cometik, n'a pas constitué avocat.

[*]

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens.

La clôture de l'instruction est intervenue le 13 mars 2024 et l'affaire a été renvoyée à l'audience de plaidoiries du 3 avril 2024.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Sur le droit de rétractation :

Retenant que le site internet commandé par la société ATL, destiné à développer son activité de transport de voyageurs et sa visibilité, était en lien direct avec son activité au sens de l'article L. 221-3 du code de la consommation, le tribunal a écarté l'application du code de la consommation.

Au visa de l'article L. 221-3 du code de la consommation, la société ATL souligne qu'elle emploie moins de cinq salariés, que la convention a été conclue hors établissement et que l'objet du contrat n'entre pas dans le champ de son activité principale, qui est le transport de personnes. Elle souligne que le contrat ne contient aucune information quant à son droit de rétractation, alors même que la société Cometik a été mise en demeure par la DGCCRF dès 2015 d'apporter cette information aux professionnels qu'elle démarchait, lorsqu'ils embauchaient moins de cinq salariés.

L'article L. 221-3 du code de la consommation prévoit que « les dispositions des sections 2, 3 et 6 du présent chapitre applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq. »

Le tribunal ayant retenu que la société ATL justifiait employer cinq salariés au moment de la conclusion du contrat et que ce dernier avait été conclu hors établissement, la cour n'a à trancher que la question de l'objet du contrat au regard de l'activité principale de l'appelante.

Il est constant que la société ATL exerce une activité de transport de personnes dans la région de Chamonix.

En outre, aucun élément ne permet de retenir que la société ATL soit un professionnel de la réalisation de sites internet, ni qu'elle dispose des connaissances lui permettant d'apprécier les caractéristiques du site internet proposé.

Dès lors, il n'apparaît pas que la réalisation et la mise en ligne d'un site internet entrent dans le champ de l'activité principale de la société ATL et il sera fait application des dispositions protectrices du code de la consommation.

En application des articles L. 221-18 du code de la consommation, inclus dans la section 6 visée par l'article L. 221-3 du même code, le délai de rétractation est de quatorze jours à compter de la conclusion du contrat dans le cas d'un contrat de prestation de service et à compter de la réception du bien, pour les contrats de vente de biens.

Or, il convient de relever que le bon de commande de site internet daté 17 janvier 2019 contient, en son article 5, la mention expresse que « en cas d'annulation du présent BDC (bon de commande) par le client dans un délai de 14 jours suivant la signature, l'annulation du présent BDC aura lieu sans frais sur simple demande par courrier en recommandé avec AR sauf en cas de demande expresse de l'exécution du présent contrat. En cas d'annulation après l'établissement du CDC (cahier des charges), le client versera [...] une somme forfaitaire de 500 euros HT au titre des frais administratifs et techniques. La signature par le client du procès-verbal de conformité du site est le fait déclencheur de l'exigibilité des échéances. [...] »

Par ailleurs, il ressort de la copie du contrat de licence d'exploitation de site internet, également daté du 17 janvier 2019, qu'un bordereau de rétractation est présent en bas de page, au pied des conditions générales du contrat (Pièce 4, page 9).

Dès lors, la société ATL ayant fait état de sa volonté de se rétracter par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception du 3 mai 2019, soit plus de quatorze jours après le 17 janvier 2019, elle n'a pas pu valablement mettre en œuvre son droit de rétractation, étant précisé, au surplus, que la réception du site internet est intervenue le 18 mars 2019.

Dès lors, il n'y aura pas lieu de prononcer l'anéantissement du contrat de ce chef.

 

Sur la nullité du contrat :

De la combinaison des articles L. 221-8 et L. 221-9 du code de la consommation, inclus dans la section 3 visée par l'article L. 221-3 du même code et opérant renvoi aux dispositions de l'article L. 221-5 du même code, opérant lui-même renvoi aux dispositions de l'article L.111-1 du même code et de l'article L.242-1 prévoyant la sanction de la nullité du contrat conclu hors établissement en l'absence de diverses mentions, il résulte que le contrat doit satisfaire à diverses prescriptions.

Parmi celles énoncées à l'article L.111-1 du code de la consommation, figure, au 3°, la mention de la date ou du délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service.

Or, il convient de relever que ni le bon de commande ni le contrat de licence d'exploitation de site internet ne comporte aucune mention de cette nature, ni au recto ni au sein des conditions générales attachées.

Dès lors, le jugement sera réformé en ce qu'il a débouté la société ATL de sa demande de nullité et l'a condamnée au paiement de l'ensemble des échéances et de la clause pénale, et la nullité du contrat sera prononcée pour violation des dispositions d'ordre public du code de la consommation.

 

Sur les demandes accessoires :

En application de l'article 700 du code de procédure civile et des articles L. 622-17 et L. 622-22 du code de commerce, sera fixée au passif de la procédure collective de la société Cometik la somme de 3.000 euros, au titre des frais irrépétibles en cause d'appel, comprenant les frais de constat d'huissier, qui ne constituent pas des dépens, sans qu'il y ait lieu de fixer une somme à ce titre pour la première instance, étant précisé que le jugement est infirmé en ce qu'il a condamné la société ATL à verser à la société Cometik la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En application de l'article 696 du code de procédure civile et des articles L.622-17 et L.622-22 du code de commerce, seront fixés au passif de la procédure collective de la société Cometik les dépens de première instance et d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement, uniquement en ce qu'il a débouté la société ATL de sa demande d'anéantissement du contrat ;

Réforme le jugement pour le surplus

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Prononce la nullité du bon de commande et du contrat de licence d'exploitation du site internet, datés du 17 janvier 2019 ;

Fixe au passif de la procédure collective de la société Cometik la créance de la société ATL à la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Rejette les demandes plus amples ou contraires ;

Fixe au passif de la procédure collective de la société Cometik les dépens de première instance et d'appel.

Le greffier                                         Le président

Valérie Roelofs                                 Dominique Gilles