CA LYON (1re ch. civ. B), 9 avril 2024
- TJ [Localité 2] (4e ch.), 5 avril 2022 : RG n° 21/00102 ; Dnd
CERCLAB - DOCUMENT N° 23041
CA LYON (1re ch. civ. B), 9 avril 2024 : RG n° 22/05412
Publication : Judilibre
Extraits : 1/ « Selon l'article L. 121-1 du code de la consommation, en sa rédaction alors applicable, I. - Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l'une des circonstances suivantes : […] ; III. - Le I est applicable aux pratiques qui visent les professionnels. »
En l'espèce, afin de démontrer que la société Citycare lui a fait croire, de façon mensongère, qu'elle avait, en sa qualité d'infirmière libérale, l'obligation de s'équiper d'un défibrillateur, Mme X. fait valoir, d'une part, qu'elle a été démarchée suite à l'adoption d'une loi du 13 octobre 2016 établissant l'obligation d'installer un défibrillateur automatisé externe dans les établissements recevant du public et, d'autre part, que le conseil de l'ordre des infirmiers les a alertés sur les pratiques de certaines sociétés et, notamment de la société Citycare, tendant à faire croire aux infirmiers qu'ils avaient l'obligation de s'équiper de tels appareils en vertu de cette loi, alors que ça n'était pas le cas. Outre le fait que ces circonstances ne sauraient établir que le commercial de la société Citycare qui a contacté Mme X. l'a effectivement et personnellement trompée sur le caractère obligatoire de cet équipement pour exercer sa profession, force est de constater, en outre, que les communiqués des conseils de l'ordre des infirmiers produits par Mme X. ne mentionnent pas en particulier la société Citycare parmi les sociétés usant de telles pratiques, ainsi qu'elle l'allègue. Ainsi, à défaut pour Mme X. d'établir que la société Citycare aurait eu un comportement déloyal pour l'amener à contracter, il convient de la débouter de sa demande d'annulation du contrat sur le fondement d'une pratique commerciale trompeuse ou même d'un dol. »
2/ « En l'espèce, il n'est pas discuté entre les parties que le contrat a été conclu « hors établissement » et que Mme X., exerçant la profession d'infirmière à titre individuel, n'avait pas de salarié à l'époque de la conclusion du contrat.
S'agissant de la question de savoir si l'objet du contrat litigieux, à savoir la fourniture d'un défibrillateur automatique externe, entre dans le champ de l'activité principale d'infirmière, il y a lieu de se reporter à l'article R. 4311-5 du code de la santé publique, qui dispose que « dans le cadre de son rôle propre, l'infirmier ou l'infirmière accomplit les actes ou dispense les soins suivants visant à identifier les risques et à assurer le confort et la sécurité de la personne et de son environnement et comprenant son information et celle de son entourage: (...) 17° Utilisation d'un défibrillateur semi-automatique et surveillance de la personne placée sous cet appareil (...). » L'utilisation d'un défibrillateur semi-automatique et la surveillance de la personne placée sous cet appareil est ainsi mentionnée au titre des actes professionnels réalisés par les infirmiers, tandis que l'utilisation d'un défibrillateur manuel est également prévue, mais sur prescription médicale, par l'article R. 4311-9 du même code. Le défibrillateur, matériel destiné à rétablir le rythme cardiaque normal lors de fibrillations, est un dispositif qui répond à un besoin d'aide médicale urgente et, à ce titre, son utilisation entre manifestement dans le champ d'activité principale d'une infirmière, l'article R. 4312-43 du code de la santé publique prévoyant notamment qu'en cas d'urgence et en dehors de la mise en œuvre d'un protocole, l'infirmier décide des gestes à pratiquer en attendant que puisse intervenir un médecin.
Ainsi, en louant un matériel à vocation médicale, Mme X. a agi pour les besoins de son activité principale d'infirmière. La circonstance que toute personne soit habilitée à utiliser un défibrillateur automatisé externe ou que cet équipement ne soit pas obligatoire est sans incidence sur l'appréciation du champ de l'activité principale d'infirmier, tel que défini par la loi. Dès lors, Mme X. échoue à démontrer qu'elle satisfait à l'ensemble des critères posés par l'article L. 221-3 précité pour pouvoir prétendre au bénéfice de l'extension des dispositions consuméristes à son profit. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE B
ARRÊT DU 9 AVRIL 2024
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 22/05412. N° Portalis DBVX-V-B7G-OOFB. Décision du Tribunal Judiciaire de [Localité 2] (4e ch.), Au fond, du 5 avril 2022 : RG n° 21/00102.
APPELANTE :
La société LOCAM - LOCATION AUTOMOBILES MATERIELS
[Adresse 5], [Localité 2], Représentée par Maître Michel TROMBETTA de la SELARL LEXI, avocat au barreau de [Localité 2]
INTIMÉES :
Mme X.
née le [date] à [Localité 2], [Adresse 4], [Localité 3], Représentée par Maître Anthony SCARFOGLIERO de la SELARL SVMH JUDICIAIRE, avocat au barreau de [Localité 2]
La société CITYCARE
[Adresse 6], [Localité 1], Représentée par Maître Romain LAFFLY de la SELARL LX LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 938, ayant pour avocat plaidant la SCP PIGOT SEGOND - ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS
Date de clôture de l'instruction : 7 décembre 2023
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 11 janvier 2024
Date de mise à disposition : 2 avril 2024 prorogée au 9 avril 2024, les avocats dûment avisés conformément à l'article 450 dernier alinéa du code de procédure civile
Audience présidée par Stéphanie LEMOINE, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Elsa SANCHEZ, greffier.
Composition de la Cour lors du délibéré : - Olivier GOURSAUD, président, - Stéphanie LEMOINE, conseiller, - Bénédicte LECHARNY, conseiller
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Le 3 février 2017, Mme X., infirmière libérale, a souscrit auprès de la société Citycare un contrat de fourniture portant sur un défibrillateur automatique externe (DAE), sa mallette et accessoires auquel était adossé un contrat de louage de la société Locam - Location automobiles matériels - (la société Locam) fixant le loyer au versement de 60 mensualités de 129 euros HT avec une date de première échéance fixée au 10 mars 2017, la dernière échéance se terminant en février 2022. Une convention d'aide à l'équipement à hauteur de 1 000 euros était proposée par la société Citycare le même jour.
Un procès-verbal de livraison et de conformité était établi le 14 février 2017 entre Mme X. et la société Citycare, en qualité de fournisseur du DAE, de la mallette et de ses accessoires.
Par courrier du 22 novembre 2017, Mme X. a informé la société Citycare qu'elle souhaitait exercer sa faculté de rétractation, estimant avoir été trompée par les explications du commercial, aucune obligation légale ne lui imposant d'être équipée d'un DAE dans le cadre de son activité professionnelle.
Par courrier du 30 novembre 2017, la société Citycare l'informait que toute rétractation était désormais impossible, sauf à solliciter une résiliation anticipée du contrat.
Par acte d'huissier de justice du 1er mars 2021, Mme X. a assigné la société Locam et la société Citycare devant le tribunal judiciaire de [Localité 2].
Par jugement du 5 avril 2022, ce tribunal a :
- déclaré la demande recevable,
- déclaré nul le contrat portant sur la fourniture d'un défibrillateur, de la mallette et ses accessoires conclu le 3 février 2017,
- condamné la société Locam à payer à Mme X. la somme de 9.288 euros, correspondant aux loyers versés, outre intérêts au taux légal à compter du jugement, ainsi que celle de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.
Par déclaration du 25 juillet 2022, la société Locam a relevé appel du jugement.
[*]
Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées le 3 mai 2023, la société Locam demande à la cour de :
- juger bien fondé l'appel de la société Locam ;
- Réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
- débouter Mme X. de toutes ses demandes ; La condamner en conséquence à restituer les sommes versées en exécution du jugement infirmé ;
- la condamner à régler à la société Locam une indemnité de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner Mme X. en tous les dépens d'instance et d'appel.
[*]
Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées le 5 juin 2023, Mme X. demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- jugé nul et de nul effet le contrat de location signé par Mme X. le 3 février 2017 avec la société Locam en présence de la société Citycare et en conséquence :
* condamné la société Locam au remboursement des loyers versés par Mme X. au titre de ce contrat, à savoir la somme actualisée de 9.288 € avec intérêt au taux légal à compter du 5 avril 2022,
* condamné solidairement la société Locam et la société Citycare au paiement de la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du cpc.
Y ajoutant
- condamner solidairement la société Locam et la société Citycare à la somme de 2.000 € en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- condamner solidairement la société Locam et la société Citycare aux entiers dépens.
[*]
Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées le 26 septembre 2023, la société Citycare demande à la cour de :
- réformer dans toutes ses dispositions le jugement rendu le 5 avril 2022 par le tribunal judiciaire de [Localité 2], et notamment en ce qu'il a :
« - Déclaré la demande recevable,
- Déclaré nul et de nul effet le contrat portant sur la fourniture du défibrillateur, de la mallette et de ses accessoires conclu par Mme X. et la société Citycare le 3 février 2017,
- Rejeté pour le surplus les demandes des parties,
- Condamné solidairement la société Locam et la société Citycare au paiement de la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné la société Locam et la société Citycare aux dépens,
- Dit n'y avoir lieu d'écarter l'exécution provisoire de la présente décision ».
Et, statuant à nouveau,
- débouter Mme X. de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
- condamner Mme X. à payer à la société Citycare la somme de 4.000 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,
- condamner Mme X. aux dépens de première instance et d'appel.
[*]
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé aux conclusions précitées en application de l'article 455 du code de procédure civile.
La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 7 décembre 2023.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
1. Sur la nullité du contrat sur le fondement d'une pratique commerciale trompeuse
Mme X. soutient qu'elle a été victime de pratiques commerciales trompeuses et demande que soit prononcée la nullité du contrat conclu avec la société Locam. Elle fait notamment valoir que:
- la société Citycare, qui l'a démarchée, a usé de pratiques commerciales trompeuses, telles que définies à l'article L. 121-2 du code de la consommation, en lui faisant croire que suite à une loi adoptée le 13 octobre 2016, elle avait, en sa qualité d'infirmière, l'obligation de s'équiper d'un défibrillateur,
- le conseil régional des infirmiers de Haut-de-France a alerté les infirmiers libéraux sur le démarchage par des sociétés peu scrupuleuses qui incitent à signer des contrats pour s'équiper de ce matériel en faisant croire qu'il est obligatoire,
- elle était convaincue qu'elle était obligée de s'équiper,
- dès le 22 novembre 2017, elle a dénoncé la démarche abusive du commercial de la société Citycare et a souhaité se rétracter,
- l'exécution du contrat ne démontre pas son intention de réparer le vice mais d'échapper aux conséquences financières de la résiliation anticipée.
La société Citycare fait notamment valoir que :
- les pratiques commerciales trompeuses dont se prévaut Mme X. ne sont pas sanctionnées par la nullité du contrat,
- Mme X. ne rapporte pas la preuve des manoeuvres dont elle aurait été personnellement victime au moment de la signature du contrat,
- elle a accepté le matériel sans réserve le 14 février 2017, 11 jours après la signature du contrat,
- entre novembre 2017 et janvier 2020, où elle a affirmé vouloir mettre un terme au contrat, plusieurs années se sont écoulées pendant lequel elle a exécuté le contrat, de sorte qu'il est démontré qu'elle a souhaité réparer le vice qu'elle invoque.
La société Locam fait valoir que Mme X. ne rapporte pas la preuve de pratiques trompeuses.
Réponse de la cour
Selon l'article L. 121-1 du code de la consommation, en sa rédaction alors applicable,
I. - Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l'une des circonstances suivantes :
1° Lorsqu'elle crée une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commercial, ou un autre signe distinctif d'un concurrent ;
2° Lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l'un ou plusieurs des éléments suivants :
a) L'existence, la disponibilité ou la nature du bien ou du service ;
b) Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir : ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, son origine, sa quantité, son mode et sa date de fabrication, les conditions de son utilisation et son aptitude à l'usage, ses propriétés et les résultats attendus de son utilisation, ainsi que les résultats et les principales caractéristiques des tests et contrôles effectués sur le bien ou le service ;
c) Le prix ou le mode de calcul du prix, le caractère promotionnel du prix et les conditions de vente, de paiement et de livraison du bien ou du service ;
d) Le service après-vente, la nécessité d'un service, d'une pièce détachée, d'un remplacement ou d'une réparation ;
e) La portée des engagements de l'annonceur, la nature, le procédé ou le motif de la vente ou de la prestation de services ;
f) L'identité, les qualités, les aptitudes et les droits du professionnel ;
g) Le traitement des réclamations et les droits du consommateur ;
3° Lorsque la personne pour le compte de laquelle elle est mise en oeuvre n'est pas clairement identifiable.
II. - Une pratique commerciale est également trompeuse si, compte tenu des limites propres au moyen de communication utilisé, elle omet, dissimule ou fournit de façon inintelligible, ambiguë ou à contretemps une information substantielle ou lorsqu'elle n'indique pas sa véritable intention commerciale dès lors que celle-ci ne ressort pas déjà du contexte.
Dans toute communication commerciale destinée au consommateur mentionnant le prix et les caractéristiques du bien ou du service proposé, sont considérées comme substantielles les informations suivantes :
1° Les caractéristiques principales du bien ou du service ;
2° L'adresse et l'identité du professionnel ;
3° Le prix toutes taxes comprises et les frais de livraison à la charge du consommateur, ou leur mode de calcul, s'ils ne peuvent être établis à l'avance ;
4° Les modalités de paiement, de livraison, d'exécution et de traitement des réclamations des consommateurs, dès lors qu'elles sont différentes de celles habituellement pratiquées dans le domaine d'activité professionnelle concerné ;
5° L'existence d'un droit de rétractation, si ce dernier est prévu par la loi.
III. - Le I est applicable aux pratiques qui visent les professionnels.
En l'espèce, afin de démontrer que la société Citycare lui a fait croire, de façon mensongère, qu'elle avait, en sa qualité d'infirmière libérale, l'obligation de s'équiper d'un défibrillateur, Mme X. fait valoir, d'une part, qu'elle a été démarchée suite à l'adoption d'une loi du 13 octobre 2016 établissant l'obligation d'installer un défibrillateur automatisé externe dans les établissements recevant du public et, d'autre part, que le conseil de l'ordre des infirmiers les a alertés sur les pratiques de certaines sociétés et, notamment de la société Citycare, tendant à faire croire aux infirmiers qu'ils avaient l'obligation de s'équiper de tels appareils en vertu de cette loi, alors que ça n'était pas le cas.
Outre le fait que ces circonstances ne sauraient établir que le commercial de la société Citycare qui a contacté Mme X. l'a effectivement et personnellement trompée sur le caractère obligatoire de cet équipement pour exercer sa profession, force est de constater, en outre, que les communiqués des conseils de l'ordre des infirmiers produits par Mme X. ne mentionnent pas en particulier la société Citycare parmi les sociétés usant de telles pratiques, ainsi qu'elle l'allègue.
Ainsi, à défaut pour Mme X. d'établir que la société Citycare aurait eu un comportement déloyal pour l'amener à contracter, il convient de la débouter de sa demande d'annulation du contrat sur le fondement d'une pratique commerciale trompeuse ou même d'un dol.
2. Sur la nullité du contrat sur le fondement de la violation de l'obligation pré-contractuelle d'information de la faculté de rétractation :
Mme X. soutient que le contrat est nul, à défaut pour les diverses dispositions consuméristes relatives au droit de rétractation d'avoir été respectées. Elle fait notamment valoir que :
- elle n'a pas été informée de son droit de se rétracter, en application de l'article L. 221-5 du code de la consommation et le contrat est démuni de bordereau de rétractation,
- il ne s'agit pas d'un contrat de location purement financier,
- il existe une interdépendance entre le contrat du fournisseur du matériel, la société Citycare, et le contrat de location de mise à disposition du matériel, la société Locam,
- un contrat de location d'un défibrillateur n'entre pas dans le champ de l'activité principale d'une infirmière libérale, dont l'activité principale n'est pas une activité de secourisme mais une activité de soins au domicile de ses patients,
- elle n'avait pas de salarié à l'époque des faits.
La société Locam fait notamment valoir en réplique que :
- Mme X. n'est pas fondée à se prévaloir des dispositions consuméristes, le défibrillateur ayant été commandé pour les besoins de son activité professionnelle d'infirmière,
- le code de la santé publique vise l'usage d'un défibrillateur parmi les actes réalisés par les infirmiers,
- le fait que la détention d'un défibrillateur ne soit pas obligatoire est indifférent.
La société Citycare fait notamment valoir que :
- il n'existe aucun contrat de fourniture la liant avec Mme X., ni de maintenance ou de garantie d'un défibrillateur,
- l'activité purement locative de la société Locam participe des services financiers et échappe au droit commun pour relever du code monétaire et financier, de sorte qu'elle est exclue du champ d'application des dispositions du code de la consommation,
- dans le cadre de leur activité, les infirmiers sont amenés à utiliser des défibrillateurs, soit de manière autonome, soit sur prescription médicale,
- le courrier du 22 novembre 2017 de Mme X. n'avait pas pour objet la rétractation mais la résiliation du contrat.
Réponse de la cour
Il résulte de l'article L. 221-3 du code de la consommation, que les dispositions des sections 2, 3, 6 du présent chapitre applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, et notamment celles concernant le droit de rétractation, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.
En l'espèce, il n'est pas discuté entre les parties que le contrat a été conclu « hors établissement » et que Mme X., exerçant la profession d'infirmière à titre individuel, n'avait pas de salarié à l'époque de la conclusion du contrat.
S'agissant de la question de savoir si l'objet du contrat litigieux, à savoir la fourniture d'un défibrillateur automatique externe, entre dans le champ de l'activité principale d'infirmière, il y a lieu de se reporter à l'article R. 4311-5 du code de la santé publique, qui dispose que « dans le cadre de son rôle propre, l'infirmier ou l'infirmière accomplit les actes ou dispense les soins suivants visant à identifier les risques et à assurer le confort et la sécurité de la personne et de son environnement et comprenant son information et celle de son entourage: (...) 17° Utilisation d'un défibrillateur semi-automatique et surveillance de la personne placée sous cet appareil (...). »
L'utilisation d'un défibrillateur semi-automatique et la surveillance de la personne placée sous cet appareil est ainsi mentionnée au titre des actes professionnels réalisés par les infirmiers, tandis que l'utilisation d'un défibrillateur manuel est également prévue, mais sur prescription médicale, par l'article R. 4311-9 du même code.
Le défibrillateur, matériel destiné à rétablir le rythme cardiaque normal lors de fibrillations, est un dispositif qui répond à un besoin d'aide médicale urgente et, à ce titre, son utilisation entre manifestement dans le champ d'activité principale d'une infirmière, l'article R. 4312-43 du code de la santé publique prévoyant notamment qu'en cas d'urgence et en dehors de la mise en œuvre d'un protocole, l'infirmier décide des gestes à pratiquer en attendant que puisse intervenir un médecin.
Ainsi, en louant un matériel à vocation médicale, Mme X. a agi pour les besoins de son activité principale d'infirmière.
La circonstance que toute personne soit habilitée à utiliser un défibrillateur automatisé externe ou que cet équipement ne soit pas obligatoire est sans incidence sur l'appréciation du champ de l'activité principale d'infirmier, tel que défini par la loi.
Dès lors, Mme X. échoue à démontrer qu'elle satisfait à l'ensemble des critères posés par l'article L. 221-3 précité pour pouvoir prétendre au bénéfice de l'extension des dispositions consuméristes à son profit.
Il en résulte qu'elle n'est pas fondée à solliciter la nullité du contrat, pour défaut de respect de l'obligation d'information pré-contractuelle prévue à l'article L. 221-5 du code de la consommation ou à raison de l'absence de formulaire type de rétractation.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, il convient d'infirmer le jugement et de débouter Mme X. de sa demande de nullité du contrat conclu avec la société Locam et de ses demandes subséquentes en restitution des loyers versés.
3. Sur les autres demandes :
Le jugement est infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'indemnité de procédure.
La cour estime que l'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société Locam et de la société Citycare et condamne Mme X. à leur payer à chacune la somme de 1.000 euros à ce titre.
Les dépens de première instance et d'appel sont à la charge de Mme X.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
statuant de nouveau et y ajoutant,
Déboute Mme X. de ses demandes d'annulation du contrat de location conclu avec la société Locam le 3 février 2017 et en remboursement des loyers versés,
Condamne Mme X. à payer à la société Locam, la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme X. à payer à la société Citycare, la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
Condamne Mme X. aux dépens de première instance et d'appel et accorde aux avocats qui en ont fait la demande le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
La Greffière, Le Président,