CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

TA PARIS (2e sect. 1re ch.), 10 juillet 2024

Nature : Décision
Titre : TA PARIS (2e sect. 1re ch.), 10 juillet 2024
Pays : France
Juridiction : Paris (TA)
Demande : 2224428
Date : 10/07/2024
Nature de la décision : Rejet
Mode de publication : Base de données
Date de la demande : 24/11/2022
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 23077

TA PARIS (2e sect. 1re ch.), 10 juillet 2024 : req. n° 2224428 

Publication : Judilibre

 

Extraits : 1/ « 8. D'autre part, aux termes de l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi ». Il en résulte le principe selon lequel nul n'est tenu de s'accuser, dont découle le droit de se taire. Ces exigences s'appliquent non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction ayant le caractère d'une punition.

9. Si la requérante soutient que son gérant n'a pas été informé de son droit de se taire lors de son audition et que le procès-verbal porte atteinte au droit de ne pas s'auto-incriminer, il résulte toutefois de l'instruction que les sanctions en litige ont été prises en raison des manquements constatés à partir de l'examen des bons de commandes communiqués, pour les besoins de l'enquête, dans le cadre des pouvoirs dévolus à l'administration par les dispositions de l'article L. 512-8 du code de la consommation précité et non sur les éléments résultant de l'audition du 30 septembre 2021. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que cette audition a été réalisée au motif qu'il existait des raisons plausibles de soupçonner que la requérante a commis ou tenté de commettre une infraction. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance du droit de se taire, du droit de ne pas s'auto-incriminer, et en tout état de cause, de l'article 61-1 du code de procédure pénale, doivent être écartés. »

2/ « 15. Si la requérante admet qu'elle a commis une erreur en indiquant dans ses conditions générales de vente les coordonnées de l'association française de défense des consommateurs européens, qui n'est pas reconnue comme un médiateur compétent au sens des dispositions précitées, et soutient qu'elle justifie satisfaire à ses obligations à compter du 4 octobre 2021 et a modifié ses bons de commande, cette circonstance est toutefois sans incidence sur l'application des dispositions précitées dès lors qu'il est constant qu'à la date de la décision attaquée, la requérante ne communiquait pas l'identité et les coordonnées du médiateur compétent à ses clients. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PARIS

DEUXIÈME SECTION PREMIÈRE CHAMBRE

JUGEMENT DU 10 JUILLET 2024

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Numéro de requête : 2224428. Numéro de rôle : 176664.

 

DEMANDEUR :

Société Futur Eco Habitat

 

DÉFENDEUR :

Direction départementale de la protection des populations des Bouches-du-Rhône

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 24 novembre 2022 et le 5 avril 2024, la société Futur Eco Habitat, représentée par Maître Eyrignoux, demande au tribunal :

1°) d'annuler la décision du 19 septembre 2022 par laquelle le directeur départemental de la protection des populations des Bouches-du-Rhône lui a infligé une amende administrative pour un montant total de 6.000 euros assortie de mesures de publications de cette décision ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2.000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision attaquée est entachée d'un vice de procédure en l'absence d'éléments permettant de justifier la compétence des agents ayant dressé le procès-verbal ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- le principe du contradictoire a été méconnu ;

- le procès-verbal du 30 septembre 2021 est irrégulier en ce qu'il omet de mentionner les informations prévues à l'article 61-1 du code de procédure pénale ;

- la décision attaquée est entachée d'un vice de procédure en l'absence d'information du droit de se taire lors de l'audition de son gérant ;

- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors que le procès-verbal d'audition porte atteinte au droit de ne pas s'auto-incriminer ;

- le numéro de téléphone surtaxé n'est pas destiné à recueillir l'appel d'un consommateur en vue d'obtenir la bonne exécution d'un contrat ou le traitement d'une réclamation ;

- l'inscription du numéro de téléphone du consommateur sur les bons de commande ne constitue pas un recueil de données qui nécessite une information sur le droit de s'inscrire sur la liste d'opposition au démarchage téléphonique et a pour seule finalité la bonne exécution du contrat ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors que le défaut d'information de l'identité et des coordonnées d'un médiateur agréé sur les bons de commande est une erreur.

[*]

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 mai 2023, la direction départementale de la protection des populations des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Futur Eco Habitat ne sont pas fondés.

[*]

Par ordonnance du 8 avril 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 24 avril 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la consommation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marchand,

- les conclusions de M. Halard, rapporteur public,

- et les observations de Maître Pawlotsky, représentant la société Futur Eco Habitat.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Considérant ce qui suit :

1. La société Futur Eco Habitat a fait l'objet d'un contrôle le 30 septembre 2021 sur la foire internationale de Marseille et de son site internet le 16 février 2022. Par un courrier du 24 mai 2022, la requérante a été informée des manquements constatés et de l'intention de l'administration de prononcer à son encontre des sanctions administratives. Par décision du 19 septembre 2022, le directeur départemental de la protection des populations des Bouches-du-Rhône a prononcé à son encontre une amende administrative d'un montant total de 6.000 euros assortie de mesures de publication de ces amendes. Par la présente requête, la société Futur Eco Habitat demande au tribunal l'annulation de cette décision.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-2 du code de la consommation : « Les agents habilités peuvent exercer les pouvoirs qu'ils tiennent des dispositions du présent livre et mettre en œuvre les mesures prévues au chapitre Ier du titre II sur toute l'étendue du territoire national ». Aux termes de l'article L. 511-3 du même code : « Les agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes sont habilités à rechercher et constater les infractions ou les manquements aux dispositions mentionnées à la présente section dans les conditions définies par celles-ci. ».

3. Il ressort des pièces du dossier que M. B D et M. A C, inspecteurs de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes sont, en application des dispositions précitées, habilités à rechercher et à constater les manquements sur lesquels se fondent l'amende administrative en cause. Par suite, le moyen tiré de l'absence d'habilitation doit être écarté.

4. En deuxième lieu, la décision du 19 septembre 2022, vise les articles L. 121-16, L. 223-2 et L. 616-1 du code de la consommation ainsi que le courrier du 24 mai 2022 invitant la société Futur Eco Habitat à présenter ses observations et le courrier du 1er août 2022 par lequel la requérante a transmis ses observations. Elle mentionne également avec une précision suffisante les motifs de faits ayant conduit à prononcer l'amende en litige ainsi que les modalités de calcul de cette amende. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 522-5 du code de la consommation : « Avant toute décision, l'autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation informe par écrit la personne mise en cause de la sanction envisagée à son encontre, en lui indiquant qu'elle peut se faire assister par le conseil de son choix et en l'invitant à présenter, dans un délai précisé par le décret mentionné à l'article L. 522-10, ses observations écrites et, le cas échéant, ses observations orales ».

6. Si la requérante soutient que ses observations présentées le 1er août 2022 n'ont pas été prises en considération, la décision attaquée fait toutefois mention de ces observations et y répond. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire doit être écarté.

7. En quatrième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 512-8 du code de la consommation : « Les agents habilités peuvent exiger la communication de documents de toute nature propres à faciliter l'accomplissement de leur mission. Ils peuvent les obtenir ou en prendre copie, par tout moyen et sur tout support, ou procéder à la saisie de ces documents en quelques mains qu'ils se trouvent. ». Aux termes de l'article L. 512-10 du code de la consommation : « Les agents habilités peuvent recueillir, sur place ou sur convocation, tout renseignement, toute justification ou tout document nécessaire aux contrôles. / Les agents habilités en application de l'article L. 511-3 peuvent procéder, sur convocation ou sur place, aux auditions de toute personne susceptible d'apporter des éléments utiles à leurs constatations. Ils en dressent procès-verbal, qui doit comporter les questions auxquelles il est répondu. Les personnes entendues procèdent elles-mêmes à sa lecture, peuvent y faire consigner leurs observations et y apposent leur signature. Si elles déclarent ne pas pouvoir lire, lecture leur en est faite par l'agent préalablement à la signature. En cas de refus de signer le procès-verbal, mention en est faite sur celui-ci. / Conformément à l'article 28 du code de procédure pénale, l'article 61-1 du même code est applicable lorsqu'il est procédé à l'audition d'une personne à l'égard de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction ».

8. D'autre part, aux termes de l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi ». Il en résulte le principe selon lequel nul n'est tenu de s'accuser, dont découle le droit de se taire. Ces exigences s'appliquent non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction ayant le caractère d'une punition.

9. Si la requérante soutient que son gérant n'a pas été informé de son droit de se taire lors de son audition et que le procès-verbal porte atteinte au droit de ne pas s'auto-incriminer, il résulte toutefois de l'instruction que les sanctions en litige ont été prises en raison des manquements constatés à partir de l'examen des bons de commandes communiqués, pour les besoins de l'enquête, dans le cadre des pouvoirs dévolus à l'administration par les dispositions de l'article L. 512-8 du code de la consommation précité et non sur les éléments résultant de l'audition du 30 septembre 2021. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que cette audition a été réalisée au motif qu'il existait des raisons plausibles de soupçonner que la requérante a commis ou tenté de commettre une infraction. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance du droit de se taire, du droit de ne pas s'auto-incriminer, et en tout état de cause, de l'article 61-1 du code de procédure pénale, doivent être écartés.

10. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 121-16 du code de la consommation : « Le numéro de téléphone destiné à recueillir l'appel d'un consommateur en vue d'obtenir la bonne exécution d'un contrat conclu avec un professionnel ou le traitement d'une réclamation ne peut pas être surtaxé. / Ce numéro est indiqué dans le contrat et la correspondance. ».

11. Si la requérante soutient que les numéros surtaxés figurant sur les bons de commande ne sont pas destinés à recueillir les appels de consommateurs concernant l'exécution de leur contrat et que ces bons indiquent systématiquement le numéro du vendeur à contacter, il ne résulte pas de l'instruction que le numéro de téléphone destiné à la bonne exécution d'un contrat ou au traitement d'une réclamation est clairement indiqué dans le contrat et la correspondance. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 121-16 du code de la consommation doit être écarté.

12. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 223-2 du code de la consommation : « Lorsqu'un professionnel est amené à recueillir auprès d'un consommateur des données téléphoniques, il l'informe de son droit à s'inscrire sur la liste d'opposition au démarchage téléphonique. / Lorsque ce recueil d'information se fait à l'occasion de la conclusion d'un contrat, le contrat mentionne, de manière claire et compréhensible, l'existence de ce droit pour le consommateur. »

13. La société Futur Eco Habitat soutient que la décision attaquée ne prend pas en considération les finalités du recueil d'information et que les données téléphoniques de ses clients sont conservées sur papier dans le but unique de les informer de la réalisation des prestations. Toutefois, la circonstance que le professionnel intéressé ne procède à aucun démarchage téléphonique et ne commercialise pas les informations qu'il recueille auprès de ses clients reste sans incidence pour l'application des dispositions citées au point précédent. Aussi, dès lors qu'il n'est pas contesté que la requérante recueillait les coordonnées de ses clients sans les informer de la possibilité de s'inscrire sur la liste d'opposition au démarchage téléphonique, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 223-2 du code de la consommation doit être écarté.

14. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 616-1 du code de la consommation : « Tout professionnel communique au consommateur, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat, les coordonnées du ou des médiateurs compétents dont il relève. / Le professionnel est également tenu de fournir cette même information au consommateur, dès lors qu'un litige n'a pas pu être réglé dans le cadre d'une réclamation préalable directement introduite auprès de ses services. ». Aux termes de l'article R. 616-1 de code : « En application de l'article L. 616-1, le professionnel communique au consommateur les coordonnées du ou des médiateurs de la consommation dont il relève, en inscrivant ces informations de manière visible et lisible sur son site internet, sur ses conditions générales de vente ou de service, sur ses bons de commande ou, en l'absence de tels supports, par tout autre moyen approprié. Il y mentionne également l'adresse du site internet du ou de ces médiateurs. ».

15. Si la requérante admet qu'elle a commis une erreur en indiquant dans ses conditions générales de vente les coordonnées de l'association française de défense des consommateurs européens, qui n'est pas reconnue comme un médiateur compétent au sens des dispositions précitées, et soutient qu'elle justifie satisfaire à ses obligations à compter du 4 octobre 2021 et a modifié ses bons de commande, cette circonstance est toutefois sans incidence sur l'application des dispositions précitées dès lors qu'il est constant qu'à la date de la décision attaquée, la requérante ne communiquait pas l'identité et les coordonnées du médiateur compétent à ses clients.

16. En dernier lieu, il ne résulte pas de l'instruction que l'amende administrative d'un montant total de 6.000 euros est au regard de la nature des faits reprochés et de leur gravité disproportionnée. Si la requérante se prévaut de sa situation financière, elle ne produit aucun élément à l'appui de ses allégations.

17. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de la société Futur Eco Habitat doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Futur Eco Habitat est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la société Futur Eco Habitat et à la direction départementale de la protection des populations des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 25 juin 2024, à laquelle siégeaient : Mme Evgénas, présidente, Mme Laforêt, première conseillère, Mme Marchand, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juillet 2024.

La rapporteure,                    La présidente,                       La greffière,

A. MARCHAND                  J. EVGENAS            M-C. POCHOT