CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

TJ CHARTRES (1re ch.), 12 juin 2024

Nature : Décision
Titre : TJ CHARTRES (1re ch.), 12 juin 2024
Pays : France
Juridiction : T. jud. Chartres
Demande : 19/01621
Date : 12/06/2024
Nature de la décision : Rejet
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 19/07/2019
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 23110

TJ CHARTRES (1re ch.), 12 juin 2024 : RG n° 19/01621

Publication : Judilibre

 

Extrait : « En l’espèce, il convient tout d’abord de constater que la clause définissant l’incapacité totale de travail présente au sein de la notice d’information constitue l’objet du contrat d’assurance souscrit auprès de la société Carma qui vise, selon les termes dudit contrat, à « garantir les personnes assurées contre les risques de décès, perte totale et irréversible d’autonomie, incapacité totale de travail, de perte d’emploi et de défaut de perception de pension alimentaire ».

La clause litigieuse indique que l’incapacité totale de travail s’entend de la situation dans laquelle « l’adhérent est dans l’impossibilité totale, constatée médicalement par le médecin conseil de l’assureur, d’exercer une quelconque activité professionnelle, même à temps partiel ».

Contrairement à ce qu’affirme Mme X., la clause contenue au sein de la notice d’information n’est pas ambiguë puisque contradictoire avec le contenu du document précontractuel définissant l’interruption totale de travail comme la « cessation totale d’activité pour raison de santé, soit de façon temporaire, soit à la suite d’une réduction permanente de certaines aptitudes ». D’une part, ce document mentionne bien que la définition précise des garanties accordées figure dans la notice d’information. D’autre part, la signification de l’expression « cessation totale d’activité » n’est pas sémantiquement incompatible avec la définition donnée au sein de la notice d’information. En outre, la clause litigieuse est exprimée dans des termes simples et dépourvue d’ambiguïté, l’emploi de l’adjectif indéfini « quelconque » ne pouvant être entendu que comme synonyme de « n’importe quel » ou « quel qu’il soit » et prévoit de manière explicite que les conditions d’activation de la garantie ne se limitent pas à la cessation de l’activité professionnelle habituellement exercée par l’assurée.

Dès lors, en ce qu’elle définit l’objet principal du contrat et est rédigée en des termes clairs et compréhensibles, le caractère abusif de la clause litigieuse n’a pas à être apprécié par le tribunal. Il convient donc de rejeter la demande présentée par Mme X. tendant à la voir réputée non-écrite. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE CHARTRES

PREMIÈRE CHAMBRE

JUGEMENT DU 12 JUIN 2024

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 19/01621. N° Portalis DBXV-W-B7D-FDHP.

 

DEMANDERESSE :

Madame X.

née le [Date naissance 1] à [Localité 10], demeurant [Adresse 2] - [Localité 4], représentée par la SCP SOUCHON CATTE LOUIS PLAINGUET, demeurant [Adresse 7] - [Localité 5], avocats au barreau de CHARTRES, vestiaire : T 61

 

DÉFENDERESSE :

SA CARMA

dont le siège social est sis [Adresse 8] - [Localité 9], représentée par la SELARL LESTER GAMEIRO NENEZ TIANO AVOCATS ASSOCIES, demeurant [Adresse 6] - [Localité 3], avocats au barreau de CHARTRES, vestiaire : T 30

 

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : Stéphanie CLARINI

Assesseurs : Florence HENOUX, Jean THIBAUD

Greffier : Vincent GREF

DÉBATS : Après l’ordonnance de clôture du 21 mars 24, à l’audience du 17 avril 2024 où siégeaient les magistrats susnommés, les avocats ont été entendus en leurs plaidoiries. A l’issue des débats, il a été indiqué que la décision sera rendue par mise en disposition le 12 juin 2024.

JUGEMENT : - Mis à disposition au greffe le 12 juin 2024 – Contradictoire - En premier ressort - Signé par Stéphanie CLARINI, Vice-Présidente, et par Vincent GREF, Greffier.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Par acte sous seing privé du 13 février 2014, la société Carrefour banque a consenti à Mme X. un contrat de regroupement de crédits d’un montant de 30.000 € en capital, remboursable en 120 échéances mensuelles de 387,70 €, au taux nominal de 9,46 % et au taux effectif global de 9,89 %. Une assurance décès, perte totale et irréversible d’autonomie, incapacité totale de travail, perte d’emploi, défaut de perception de la pension alimentaire a été souscrite le même jour par la société Carrefour banque auprès de la société Carma en garantie de ce prêt.

Le 19 juin 2015, la société Carma, actionnée par Mme X. au titre de la garantie perte d’emploi, lui répondait par courrier que sa garantie n’était pas mobilisable car celle-ci ne bénéficiait plus de prestation du pôle emploi depuis le 20 mai 2015.

Le 17 juillet 2018, Mme X. se voyait notifier par la caisse d’assurance maladie un changement de catégorie au titre de sa pension d’invalidité à compter du 3 mai 2018, étant reconnue dès lors en catégorie 2.

Le 24 juillet 2018, Mme X. adressait une lettre recommandée avec accusé de réception à la société Carma déclarant un sinistre et notifiant sa classification en invalidité de catégorie 2.

Par courrier du 22 octobre 2018, la société Carma lui répondait que sa garantie ne pouvait être actionnée puisqu’elle avait déclaré le sinistre le 13 août 2018, plus de deux années après la survenance de celui-ci le 20 mai 2015.

Par exploit d’huissier délivré le 19 juillet 2019, Mme X. a assigné la société Carma devant le tribunal judiciaire de Chartres aux fins de prise en charge des échéances de l’emprunt.

Par jugement en date du 15 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Chartres a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action de la demanderesse et statué avant-dire droit en ordonnant une expertise confiée à M. Y. en vue d’examiner Mme X. et dire si celle-ci est dans l’incapacité totale d’exercer une quelconque activité professionnelle, même à temps partiel, et préciser, le cas échéant, à partir de quelle date elle a été dans une telle situation.

L’expert a rendu son pré-rapport le 11 mai 2022 devenu définitif, après les dires des parties, le 22 août 2022.

[*]

Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 13 mars 2024, Mme X. demande au tribunal, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, de :

- dire la clause définissant l’incapacité totale de travail contenue dans la notice d’information réputée non écrite et inopposable,

- condamner la société Carma à prendre en charge les échéances de remboursement de l’emprunt à compter du 17 juillet 2018, conformément aux dispositions contractuelles et application faite du délai de franchise de 90 jours,

- débouter la société de ses demandes reconventionnelles,

- condamner la société Carma à lui payer la somme de 2.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

- condamner la société Carma à lui payer la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Au soutien de sa demande de voir réputée non écrite la clause définissant l’incapacité totale de travail au sein de la notice d’information et de condamnation de la société Carma au paiement des échéances de remboursement, Mme X. fait valoir, au visa des articles L. 212-1, L. 241-1 et R. 212-1 du code de la consommation et L. 520-1 du code des assurances que ladite clause présente un caractère abusif. Elle affirme en effet que la clause litigieuse n’est pas rédigée de façon claire et compréhensible et qu’elle crée un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties.

La demanderesse soutient que l’absence de clarté de la clause résulte de la contradiction entre les termes du document précontractuel d’information, stipulant que l’assureur couvre la cessation totale d’activité temporaire ou permanente, ce qui doit s’entendre comme l’activité professionnelle exercée par l’assurée, et le contenu de la notice d’information, qui indique que seule « l’impossibilité totale d’exercer une quelconque activité professionnelle, même à temps partiel » n’est couverte par le contrat. Mme X. souligne ainsi que cette contradiction a fait naître une confusion et rendait incompréhensible l’étendue du champ contractuel. Elle ajoute que cette confusion résulte également de la référence, au sein de la notice d’information, au premier jour d’« arrêt de travail » comme point de départ du délai de prescription de l’action, ce qui sous-entend que l’incapacité totale de travail vise l’activité professionnelle de l’assurée et non une quelconque activité professionnelle.

En outre, elle affirme que cette clause crée un déséquilibre significatif entre ses obligations et celles de l’autre partie en ce qu’elle rend impossible l’activation du mécanisme d’indemnisation prévue par le contrat et conduit à ce qu’aucune contrepartie réelle ne pèse sur l’assureur. En effet, Mme X. fait valoir qu’il est impossible, pour l’assurée, de démontrer, en tenant compte de la prescription biennale et du délai de franchise de 90 jours, l’existence d’une impossibilité définitive d’exercer une quelconque activité professionnelle constatée médicalement. Elle juge à ce titre le rapport d’expertise judiciaire en date du 22 août 2022 tant incohérent, en ce qu’il a relevé une aggravation des différentes pathologies sans en tirer de conséquences sur l’étendue de son incapacité de travail, qu’incomplet, puisque l’évaluation de cette incapacité doit nécessairement prendre en compte des éléments extra-médicaux, tels que la réalité du marché de l’emploi et la situation personnelle de l’assurée. La demanderesse soutient ainsi qu’elle était, en tenant compte de tous ces éléments, dans l’impossibilité de retrouver un emploi.

Mme X. sollicite donc du tribunal l’application de la définition de l’incapacité totale de travail telle qu’elle résulte du document précontractuel et, par conséquent, l’activation du mécanisme d’indemnisation prévue par le contrat en tenant compte de son classement en invalidité catégorie 2 et de la réalité du marché de l’emploi au regard de sa situation personnelle et professionnelle.

[*]

Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 10 octobre 2023, la société Carma demande au tribunal, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, de :

- au principal, débouter Mme X. de l’ensemble de ses demandes,

- à titre subsidiaire :

* limiter, dans l’hypothèse où Mme X. démontrait avoir subi une perte de rémunération, la prestation due par elle au montant de la perte de rémunération de Mme X., en prenant en compte le délai de franchise de 90 jours à compter du 17 juillet 2018,

* limiter, dans l’hypothèse ou Mme X. démontrait ne pas exercer de profession fiscalement déclarée au moment du sinistre, limiter la prestation due par elle à la moitié du montant des échéances du prêt, en prenant en compte le délai de franchise de 90 jours à compter du 17 juillet 2018,

- en toute hypothèse, condamner Mme X. au paiement de la somme de 2.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens avec distraction au profit de la Selarl Lester Gameiro Nenez-Tiano.

Pour s’opposer aux demandes formulées par Mme X., la société Carma soutient, d’une part, que Mme X. ne démontre pas qu’elle réunit les conditions requises pour l’application de l’assurance et, d’autre part, que la clause définissant l’incapacité totale de travail ne constitue pas une clause abusive.

Elle fait tout d’abord valoir, sur le fondement de l’article 1353 du code civil et de l’article 9 du code de procédure civile, que la preuve de l’incapacité totale de travail au sens de la clause contenue dans la notice d’information n’est pas rapportée. La société défenderesse expose en effet que le placement en invalidité de catégorie 2 par la sécurité sociale lui est inopposable, que la demanderesse n’a pas, malgré les stipulations de la notice d’information du contrat d’assurance, transmis d’attestation médicale établie par le médecin traitant attestant de l’incapacité totale de travail et que l’expertise judiciaire établie le 22 août conclut que Mme X. n’était pas, entre 2015 et 2019, date de sa mise à la retraite, dans l’incapacité totale d’exercer une activité professionnelle, même à temps partiel. En réponse aux moyens soulevés par Mme X. quant à l’incohérence des conclusions d’expertise, la société Carma soutient que le constat de l’aggravation des pathologies de Mme X. n’a pas eu, comme l’affirme l’expert, pour effet de la rendre inapte à tout emploi.

La société défenderesse expose en outre, au visa de l’article L. 212-1 du code de la consommation et de l’application qui en est faite, que la clause litigieuse constitue l’objet principal du contrat, ce qui signifie qu’elle ne peut, sous réserve qu’elle soit rédigée de façon claire et compréhensible, donner lieu à une appréciation de son caractère abusif. Elle soutient ainsi que la clause contenue dans la notice d’information, stipulant que l’indemnisation ne s’applique que si une impossibilité complète d’exercer une activité professionnelle est médicalement constatée, est entièrement dépourvue d’ambiguïté. En réponse au moyen soulevé par la demanderesse relatif à la contradiction entre le document précontractuel et le contenu de la notice d’information, la société Carma affirme, d’une part, que le premier document lui est inopposable en ce qu’il a été diffusé par la société Carrefour banque, personne morale distincte de la société Carma et, d’autre part, que la « cessation d’activité » évoquée par le document contractuel ne renvoie pas, contrairement à ce qu’affirme la demanderesse, à l’activité exercée par cette dernière mais bien à une quelconque activité professionnelle.

La société Carma affirme enfin que, à considérer que la clause litigieuse n’est pas claire et compréhensible, elle ne présente pas de caractère abusif en ce qu’elle constitue un mode de prise en charge classique de la part de l’assureur et que les conditions posées ne vident pas de sa substance la garantie souscrite par Mme X.

La société Carma justifie sa demande subsidiaire de limiter l’étendue de la prise en charge des échéances du prêt en se fondant sur les stipulations contractuelles contenues au sein de la notice d’information. La société défenderesse fait en effet valoir que les prestations de l’assureur sont limitées, en cas d’activité salariée de l’assurée, à la perte de rémunération consécutive au fait générateur et, si l’assurée n’a pas d’activité professionnelle fiscalement déclarée, à la moitié des échéances de l’emprunt souscrit. Elle ajoute que les stipulations contractuelles prévoient que les prestations s’arrêtent au 65ème anniversaire de l’assurée, ce qui correspond en l’espèce au 10 mars 2022.

Pour s’opposer aux demandes indemnitaires de Mme X., la société Carma fait valoir que la demanderesse ne justifie pas avoir subi de préjudice moral.

La société Carma justifie sa propre demande reconventionnelle indemnitaire en réparation du caractère abusif de la procédure en exposant que Mme X. n’a engagé aucune démarche amiable et n’a pas produit de pièces médicales justifiant de son incapacité totale de travail au sens des stipulations contractuelles.

[*]

Pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs dernières écritures notifiées en application de l'article 455 du code de procédure civile.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 21 mars 2024, fixée pour plaidoirie à l’audience du 17 avril 2024, date à laquelle elle a été mise en délibéré au 12 juin 2024.

Les conseils des parties ont été informés que le jugement est mis à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 du code de procédure civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1) Sur la demande tendant à voir réputée non écrite et inopposable la clause définissant l’incapacité totale de travail contenue au sein de la notice d’information :

Selon l’article L. 212-1 alinéa premier du code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Le même article prévoit dans son alinéa 7, que le caractère abusif d’une clause portant sur la définition de l’objet principal du contrat ne peut être apprécié que si celle-ci n’est pas rédigée de manière claire et compréhensible.

En l’espèce, il convient tout d’abord de constater que la clause définissant l’incapacité totale de travail présente au sein de la notice d’information constitue l’objet du contrat d’assurance souscrit auprès de la société Carma qui vise, selon les termes dudit contrat, à « garantir les personnes assurées contre les risques de décès, perte totale et irréversible d’autonomie, incapacité totale de travail, de perte d’emploi et de défaut de perception de pension alimentaire ».

La clause litigieuse indique que l’incapacité totale de travail s’entend de la situation dans laquelle « l’adhérent est dans l’impossibilité totale, constatée médicalement par le médecin conseil de l’assureur, d’exercer une quelconque activité professionnelle, même à temps partiel ».

Contrairement à ce qu’affirme Mme X., la clause contenue au sein de la notice d’information n’est pas ambiguë puisque contradictoire avec le contenu du document précontractuel définissant l’interruption totale de travail comme la « cessation totale d’activité pour raison de santé, soit de façon temporaire, soit à la suite d’une réduction permanente de certaines aptitudes ». D’une part, ce document mentionne bien que la définition précise des garanties accordées figure dans la notice d’information. D’autre part, la signification de l’expression « cessation totale d’activité » n’est pas sémantiquement incompatible avec la définition donnée au sein de la notice d’information. En outre, la clause litigieuse est exprimée dans des termes simples et dépourvue d’ambiguïté, l’emploi de l’adjectif indéfini « quelconque » ne pouvant être entendu que comme synonyme de « n’importe quel » ou « quel qu’il soit » et prévoit de manière explicite que les conditions d’activation de la garantie ne se limitent pas à la cessation de l’activité professionnelle habituellement exercée par l’assurée.

Dès lors, en ce qu’elle définit l’objet principal du contrat et est rédigée en des termes clairs et compréhensibles, le caractère abusif de la clause litigieuse n’a pas à être apprécié par le tribunal. Il convient donc de rejeter la demande présentée par Mme X. tendant à la voir réputée non-écrite.

 

2) Sur la demande de condamnation à la prise en charge par la société Carma des échéances du prêt :

En vertu de l’article 1134 du code civil, dans sa version applicable au litige, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Aux termes de l’article 1315 du code civil, dans sa version applicable au litige, et de l’application qui en est faite en matière de contrat d’assurance, il appartient à celui qui réclame le bénéfice de l’assurance d’établir que sont réunies les conditions requises par la police d’assurance pour mettre en jeu la garantie. En outre, il est constant que sont inopposables aux assureurs les décisions de l’organisme de sécurité sociale pour établir l’incapacité totale de travail justifiant de mettre en œuvre la garantie souscrite.

En l’espèce, Mme X. a fait valoir, pour prétendre bénéficier de la garantie souscrite, qu’elle a été reconnue en invalidité de catégorie 2 à compter du 3 mai 2018 et a produit le 17 juillet 2018 la notification de pension d’invalidité de la caisse de sécurité sociale.

L’expertise judiciaire en date du 22 août 2022 conclut, en réponse à la question posée par le tribunal, « qu’entre 2015, date du premier sinistre, et la mise à la retraite en 2019 de Mme X., celle-ci n’était pas dans l’incapacité totale d’exercer une quelconque activité professionnelle, même à temps partiel ». En réponse aux observations formulées par la demanderesse quant à l’incohérence entre le constat d’une aggravation des pathologies et l’absence de conséquences sur ses restrictions professionnelles, l’expert a indiqué que les restrictions demeuraient identiques en 2022, à l’exception des manutentions, dont le poids maximal passait de 3 kilogrammes à 2 kilogrammes.

Si Mme X. fait valoir que l’incapacité de travail doit également s’apprécier en tenant compte de facteurs socio-économiques, il n’en demeure pas moins que la définition posée au sein de la notice d’assurance précédemment évoquée exige que celle-ci soit « médicalement constatée ». Or, la demanderesse ne rapporte pas d’éléments médicaux contredisant les conclusions de l’expertise judiciaire.

Mme X. ne répondant pas aux conditions posées pour l’activation de la garantie souscrite, il convient de rejeter sa demande de condamnation à la prise en charge des échéances du prêt souscrit le 13 février 2014.

 

3) Sur la demande de dommages et intérêts formulée par Mme X. à l’encontre de la société Carma :

En vertu de l’article 1315 du code civil, dans sa version applicable au litige, il incombe à celui qui réclame l’exécution d’une obligation de prouver son existence.

En l’espèce Mme X., allègue d’un préjudice moral consécutif à une faute de la société Carma sans apporter d’éléments démontrant leur existence.

Il convient donc de rejeter la demande de condamnation au paiement de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral.

 

4) Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts formulée par la société Carma à l’encontre de Mme X. :

Il résulte des dispositions de l’article 1240 et de l’application qui en est faite que l’exercice d’une action en justice, qui demeure libre, ne peut être considérée comme abusive que dans des circonstances particulières le rendant fautif, en rapportant notamment la preuve de manœuvres constitutives d’une mauvaise foi.

En l’espèce, le fait que Mme X. réclame le versement des prestations garanties par le contrat d’assurance souscrit sans engager de démarche amiable préalable et verser un certificat médical ne permet pas d’établir, comme l’affirme la société Carma, que Mme X. a agi de mauvaise foi.

Il convient donc de rejeter la demande reconventionnelle de dommages et intérêts formulée par la société Carma.

 

5) Sur les frais du procès et l’exécution provisoire :

5.1) Sur les dépens :

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

Mme X., qui succombe à l’instance, sera condamnée aux dépens, qui comprendront le coût de l’expertise judiciaire.

La Selarl Lester Gameiro Nenez-Tiano sera autorisée à les recouvrer en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

 

5.2) Sur les frais irrépétibles :

Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.

En l’espèce, l’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’une ou l’autre des parties.

 

5.3) Sur l’exécution provisoire :

Selon l'article 514 du code de procédure civile, dans sa version antérieure au décret du 11 décembre 2019, l'exécution provisoire ne peut pas être poursuivie sans avoir été ordonnée si ce n'est pour les décisions qui en bénéficient de plein droit.

L'article 515 du même code indique que, hors les cas où elle est de droit, l'exécution provisoire peut être ordonnée, à la demande des parties ou d'office, chaque fois que le juge l'estime nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, à condition qu'elle ne soit pas interdite par la loi.

En l'espèce, la présente décision sera assortie de l'exécution provisoire au regard de l'ancienneté de l'affaire.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, en premier ressort, et prononcé par mise à disposition au greffe,

DÉBOUTE Mme X. de sa demande tendant à voir réputée non écrite et inopposable la clause définissant l’incapacité totale de travail contenue dans la notice d’information du contrat d’assurance emprunteur souscrit par la société Carrefour banque le 13 février 2014 auprès de la société Carma ;

DÉBOUTE Mme X. de sa demande de prise en charge par la société Carma des échéances du contrat de regroupement de crédit souscrit le 13 février 2014 ;

DÉBOUTE Mme X. de sa demande de dommages et intérêts en réparation d’un préjudice moral à l’encontre de la société Carma ;

DÉBOUTE la société Carma de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive à l’encontre de Mme X. ;

DÉBOUTE Mme X. et la société Carma de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Mme X. aux dépens qui comprendront le coût de l’expertise judiciaire ;

DIT que la Selarl Lester Gameiro Nenez-Tiano pourra recouvrer sur la partie condamnée ceux des dépens dont elle aurait fait l’avance sans avoir reçu provision en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

ORDONNE l’exécution provisoire du présent jugement.

LE GREFFIER                                           LA PRÉSIDENTE

Vincent GREF                                             Stéphanie CLARINI