TJ LILLE (1re ch.), 21 juin 2024
CERCLAB - DOCUMENT N° 23114
TJ LILLE (1re ch.), 21 juin 2024 : RG n° 22/05941
Publication : Judilibre
Extraits : 1/ « Par ailleurs, le refus d’entrer en négociation n’était pas indépassable pour les preneurs puisque ceux-ci avaient la possibilité, aux termes de l’article 1195 du code civil, de saisir le juge d’une demande de résiliation judiciaire. Il est observé que le simple refus de renégocier un contrat, quoique le débiteur justifierait de changement de circonstances imprévisible, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, ne peut pas être qualifié de manquement contractuel sauf à vider de sa substance le dernier alinéa de l’article 1195 du code civil aux termes duquel le juge peut être saisi en cas d’échec ou de refus de renégociation. »
2/ « Aux termes de l’article 1171 du code civil, « dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite. »
Si la société Grenke Location conteste le caractère d’adhésion du contrat, il est observé que l’ensemble des conditions générales de locations ne sont pas négociables et ont été déterminées à l’avance par elle. Dès lors, la négociation du prix, du matériel loué et de la durée de la location n’est pas exclusive d’une qualification du contrat d’adhésion.
Par ailleurs, l’article 11.1 du contrat, relatif à l’indemnité de résiliation, est stipulé ainsi : « En cas de résiliation anticipée dans les conditions définies à l'article précédent ou en cas de résiliation judiciaire du Contrat, ou de prononcé judiciaire de sa caducité, et plus généralement, en cas de terminaison anticipée du Contrat, quel qu'en soit le motif ou le fondement, le Locataire restera tenu de payer au Bailleur, en compensation du préjudice subi, les loyers échus, les intérêts de retard de paiement éventuels restant dus, et les loyers à échoir jusqu'au terme initialement prévu du Contrat pour la période contractuelle en cours majorés de 10 % à titre de sanction. Les intérêts commenceront à courir à compter de la première présentation au Locataire de la lettre de résiliation. »
En premier lieu, cette clause tend à réparer les préjudices subis par le bailleur en cas de résiliation anticipée du contrat, de sorte qu’elle ne porte pas sur l’adéquation du prix à la prestation. En second lieu, cette clause évalue le préjudice du bailleur en cas de résiliation anticipée du bail à un montant égal aux loyers à échoir jusqu’au terme initialement prévu majorés de 10 %. Enfin, cette clause tend à réparer le préjudice subi par le bailleur en raison de la résiliation anticipée du contrat, quel qu’en soit le fondement, y compris si le preneur n’est pas à l’origine de cette résiliation ou si la résiliation est prononcée aux torts du bailleur. Il est expressément stipulé que la clause tend à sanctionner le preneur alors même que celui-ci peut ne pas être à l’origine de la rupture contractuelle ni fautif. Le caractère exorbitant de cette clause, qui tend à imputer systématiquement un préjudice sans égard au comportement du preneur ou à celui des autres parties contractantes, créé un déséquilibre significatif manifeste.
Ainsi, l’article 11.1 du contrat litigieux intitulé « conséquence de la terminaison anticipée du contrat » sera réputé non écrite. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
PREMIÈRE CHAMBRE
JUGEMENT DU 21 JUIN 2024
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 22/05941. N° Portalis DBZS-W-B7G-WLRT.
JUGEMENT DU 21 JUIN 2024
DEMANDERESSE :
SAS GRENKE LOCATION
[Adresse 4], [Localité 3], représentée par Maître Sylvie TEYSSEDRE, avocat au barreau de LILLE
DÉFENDEURS :
Maître X. ès qualité d’ancien associé de l’AARPI X.-J. & ASSOCIES
[Adresse 1], [Localité 2], représenté par Maître Fabien CHIROLA, avocat au barreau de LILLE
Maître J. ès qualité d’ancien associé de l’AARPI X.-J. & ASSOCIES
[Adresse 1], [Localité 2], représenté par Maître Fabien CHIROLA, avocat au barreau de LILLE
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Président : Marie TERRIER,
Assesseur : Juliette BEUSCHAERT,
Assesseur : Nicolas VERMEULEN,
Greffier : Benjamin LAPLUME,
DÉBATS : Vu l’ordonnance de clôture en date du 20 décembre 2023.
A l’audience publique du 9 avril 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré, les avocats ont été avisés que le jugement serait rendu le 21 juin 2024.
Vu l’article 804 du Code de procédure civile 67BA63CADA2912FDAAAF1683C89BC94F, Nicolas VERMEULEN, juge préalablement désigné par le Président, entendu en son rapport oral, et qui, ayant entendu la plaidoirie, en a rendu compte au Tribunal.
JUGEMENT : contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 21 Juin 2024 par Marie TERRIER, Président, assistée de Benjamin LAPLUME, Greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Exposé du litige :
Suivant convention en date du 15 mars 2017, la société Grenke Location a consenti à l’AARPI X.-J. & associés un contrat de location longue durée portant sur du matériel de téléphonie à usage professionnel moyennant 21 loyers trimestriels d’un montant de 1.425 euros HT.
Maître X. et de Maître J., associés de l’association, ont débuté les opérations de dissolution amiable le 5 juin 2021.
Suivant lettre recommandée en date du 13 octobre 2020, la société Grenke Location a notifié la résiliation anticipée du contrat en raison d’impayés locatifs et a mis en demeure les associés de l’AARPI de procéder au paiement d’une somme de 13.596,31 euros.
Se plaignant d’impayés locatifs, par actes d'huissier en date du 19 septembre 2022, la société Grenke Location a fait assigner M. X. et Mme J. devant le tribunal judiciaire de Lille en paiement de diverses sommes.
Sur ce, M. X. et Mme J. ont constitué avocat.
L’ordonnance de clôture a été prononcée suivant ordonnance du 20 décembre 2023 et l’audience de plaidoiries a été fixée à l’audience du 9 avril 2024.
[*]
Au terme de ses conclusions récapitulatives, notifiées par voie électronique le 20 juin 2023, la société Grenke Location, demande de :
- Débouter Maître X. et de Maître J. de l’ensemble de leurs moyens et demandes ;
En conséquence :
- Condamner Maître X., ès qualité d’ancien associé de l’AARPI X.-J. & ASSOCIES et de liquidateur à payer à lui 50% de la somme en principal de 14.546,31 €, soit 7.273,15 €, augmentée des intérêts au taux légal majoré de cinq points sur la somme de 13.530,00 € soit sur la somme de 6.765 € à compter du 13.10.2020, date de la dernière mise en demeure extrajudiciaire jusqu’au complet paiement ;
- Condamner Maître J., ès qualité d’ancien associé de l’AARPI X.-J. & ASOCIES et de liquidateur, à payer à la société GRENKE LOCATION 50% de la somme en principal de 14.546,31 €, soit 7.273,15 €, augmentée des intérêts au taux légal majoré de cinq points sur la somme de 13.530,00 € soit sur la somme de 6.765 € à compter du 13.10.2020, date de la dernière mise en demeure extrajudiciaire jusqu’au complet paiement ;
- Ordonner la capitalisation des intérêts ;
- Les condamner chacun à payer à la société GRENKE LOCATION une indemnité de 2.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile avec intérêts au taux légal en sus
- Les condamner solidairement aux entiers frais et dépens de la procédure ;
- Rappeler que le jugement à intervenir exécutoire par provision sans caution, au besoin moyennant caution ;
- Ordonner la distraction des dépens par application de l’article 699 du Code de Procédure Civile au profit de Maître Sylvie TEYSSEDRE, Avocat au Barreau de Lille ;
[*]
Au terme de leurs conclusions récapitulatives, notifiées par voie électronique le 3 mai 2023, M. X. et Mme J. demandent de :
Sur la résiliation,
- Prononcer la résiliation du contrat de location financière aux torts exclusifs de la société GRENKE LOCATION au titre des règles de l’imprévision et ce, à la date du 31 mars 2020 ;
A titre subsidiaire,
- Prononcer la caducité du contrat de location financière aux torts exclusifs de la société GRENKE LOCATION et ce, à la date du 31 mars 2020 ;
A titre très subsidiaire,
- Prononcer la résiliation du contrat de location financière aux torts exclusifs de la société GRENKE LOCATION au titre des manquements contractuels graves du bailleur et ce, à la date du 31 mars 2020 ;
A défaut de résiliation, sur l’indemnité de résiliation,
- Juger que la clause instituant l’indemnité de résiliation doit être réputée non écrite, et débouter la SAS GRENKE LOCATION de toutes ses demandes financières.
A titre subsidiaire,
- Juger que la clause instituant l’indemnité de résiliation doit être requalifiée en clause pénale et réduire l’indemnité à la somme de 1000 €.
En cas de validation de l’indemnité de résiliation,
- Condamner la SAS GRENKE LOCATION à verser à Monsieur X. et à Madame J. la somme de 7000 € chacun à titre de dommages et intérêts sur le fondement des dispositions de l’article 1231-1 du Code civil, avec intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir ;
- Ordonner la compensation de ladite somme avec le montant de l’indemnité de résiliation allouée à la société GRENKE LOCATION ;
En tout état de cause,
- Débouter la SAS GRENKE LOCATION de toutes ses éventuelles demandes, fins et conclusions ;
- Condamner la SAS GRENKE LOCATION à verser à Monsieur X. et Madame [P] X.-J. la somme de 2000 € chacun, sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;
- Mettre à la charge de la SAS GRENKE LOCATION les entiers frais et dépens de l’instance, en ce compris les frais d’huissier de Justice exposés à l’occasion de la présente procédure.
- En application de l'article 455 du code de procédure civile, il sera renvoyé aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties.
L'affaire a été mise en délibéré au 21 juin 2024.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Motifs de la décision :
La société Grenke Location sollicite le paiement de diverses sommes en précisant avoir prononcé la résiliation anticipée du contrat en raison d’impayés locatifs des débiteurs ; ceux-ci contestent les griefs qui leur sont imputés et demandent la résiliation du contrat aux torts du bailleur à la date du 31 mars 2020. Il y a lieu d’examiner la demande reconventionnelle en résiliation du contrat avant les demandes principales en paiement de la société Grenke Location.
Sur la demande reconventionnelle en résiliation.
A titre reconventionnel, M. X. et Mme J. exposent, sur le fondement de l’article 1195 du code civil, qu’ils sont locataires de matériels qui ne peuvent fonctionner qu’avec des lignes analogiques ; que par décision n° 2018-1523 du 5 décembre 2018, il a été mis fins aux ventes des offres de voix des lignes analogiques ; qu’en préparant leur déménagement professionnel, ils ont appris qu’ils ne pourraient plus utiliser le matériel loué ; que ces éléments caractérisent un changement de circonstances imprévisible qui rend l’exécution excessivement onéreuse.
En raison d’une prestation inexistante, à défaut de système opérationnel de téléphonie, ils ont pris la décision de cesser le paiement des loyers à compter de l’échéance d’avril 2020.
Ils soutiennent que l’article stipulé au bail selon lequel les locataires sont responsables du choix du matériel n’est pas exclusif de l’application des dispositions de l’article 1195 du code civil.
A titre subsidiaire, sur le fondement de l’article 1186 du code civil, ils énoncent que le matériel s’est avéré non opérationnel en raison des évolutions technologiques en matière de téléphonie, de sorte que l’un des éléments essentiels du contrat a disparu. Ils sollicitent ainsi la caducité du contrat à compter du 31 mars 2020.
A titre plus subsidiaire, ils soutiennent, le fondement de l’article 1104 du code civil, que le refus de rechercher une solution amiable suite au changement de circonstances imprévisible est constitutif d’une mauvaise foi. Ils demandent ainsi la résiliation du contrat à compter du 30 mars 2020 aux torts du bailleur.
En réponse, la société Grenke Location soutient que le caractère imprévisible de la modification de la technologie lors de la conclusion du contrat de location n’est pas démontré. Elle conteste également le caractère excessivement onéreux qui résulterait du changement de technologie.
La société Grenke location prétend également que le changement technologique n’avait pas d’impact sur l’utilisation du matériel loué puisque la technologie par ligne analogique était opérationnelle jusqu’en 2023.
Enfin, elle estime qu’elle n’a pas commis de faute contractuelle en précisant qu’il n’y avait pas de nécessité de renégocier le contrat en l’absence de changement de circonstances imprévisible et que celui-ci pouvait être exécuté jusqu’à son terme.
SUR CE,
Sur la demande reconventionnelle en résiliation sur le fondement de l’imprévision.
L’article 1195 du code civil dispose que « Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l'exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n'avait pas accepté d'en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation.
En cas de refus ou d'échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu'elles déterminent, ou demander d'un commun accord au juge de procéder à son adaptation. A défaut d'accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d'une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu'il fixe. »
En l’espèce, au cours de la relation contractuelle, M. X. et Mme J. ont pris contact avec la société Grenke Location afin de renégocier les termes du contrat. Ainsi, par courriel du 15 février 2018, Mme J. a sollicité une modification des termes du contrat sans en préciser les raisons.
Les parties ne versent aucun autre élément de tentative de renégociation avant un courriel du 15 janvier 2020, envoyé par Mme J., aux termes duquel elle sollicite, en application de l’article 1195 du code civil, une renégociation du fait de l’impossibilité d’utiliser le matériel objet du contrat de location dans les nouveaux locaux où les associés envisagent de s’installer.
Le tribunal comprend du courriel en date du 15 janvier 2020 que M. X. et Mme J. ne sont pas dans l’impossibilité d’utiliser le matériel loué dans leurs locaux professionnels situés [Adresse 5] à [Localité 2] ; qu’en revanche, les locataires prétendent que le matériel loué sera inutilisable dans leurs futurs locaux professionnels.
C’est dans ces conditions que M. X. et Mme J. ont décidé unilatéralement de cesser le paiement des loyers à compter de l’échéance du mois d’avril 2020.
Toutefois, le déménagement des locaux professionnels M. X. et Mme J. n’est intervenu que le 31 mars 2022, de sorte que le matériel loué était utilisable au moins jusqu’à la date à laquelle les preneurs ont décidé de procéder aux transferts des lignes. Cette date n’est pas précisée par M. X. et Mme J. mais il peut raisonnablement être supposé qu’elle se situe courant le premier trimestre 2022.
Or, M. X. et Mme J. ont refusé de procéder au paiement des loyers à compter de l’échéance d’avril 2020, date à laquelle l’impossibilité d’user du matériel loué dans les locaux professionnels situés [Adresse 5] à [Localité 2] n’est pas démontrée.
Il n’est donc pas justifié de changement de circonstances imprévisible à la date du 30 mars 2020 qui motiverait une résiliation contractuelle à cette date.
Par ailleurs, à admettre que le matériel loué était obsolète à brève échéance à la date du 30 mars 2020, il est observé que, dans le cadre des négociations issues d’un changement de circonstances imprévisible, les parties ne peuvent pas unilatéralement mettre fin au contrat, celle y ayant intérêt devant saisir le juge d’une telle demande.
Or, il a été rappelé ci-dessus que M. X. et Mme J. ont décidé, unilatéralement et sans notification ni préavis, de cesser d’honorer les loyers à partir de l’échéance d’avril 2020, ce qui est révélateur de leur volonté de rompre unilatéralement le bail qui les liait avec la société Grenke Location.
Or, en refusant d’exécuter le contrat à compter d’avril 2020, de manière unilatérale et alors que le déménagement n’était pas intervenu, M. X. et Mme J. ont commis une faute contractuelle.
Ainsi, leur demande reconventionnelle en résiliation du contrat pour imprévision à la date du 30 mars 2020 s’analyse en une tentative de régularisation a postériori de la décision unilatérale de cesser d’honorer les loyers à compter de l’échéance d’avril 2020.
M. X. et Mme J. ne sont donc pas fondés à en solliciter la résiliation à titre reconventionnel sur le fondement de l’imprévision.
Sur la demande reconventionnelle subsidiaire en constat de la caducité
L’alinéa 1 de l’article 1186 du code civil dispose que « Un contrat valablement formé devient caduc si l'un de ses éléments essentiels disparaît. »
En l’espèce, au cours de la relation contractuelle, un changement législatif est intervenu par décision n° 2018-1523 du 5 décembre 2018 aux termes de laquelle la cessation des lignes analogiques a été fixée en trois étapes.
Le tribunal constate que si l’arrêt des ventes des offres de voix des lignes analogiques est décidé dès la fin de l’année 2018, en revanche, le début de l’arrêt technique des accès à ces lignes commence « au plus tôt à partir de 2023 ».
Ainsi, M. X. et Mme J. n’étaient pas dans l’impossibilité d’utiliser le matériel loué en mars 2020 dans leurs locaux professionnels, d’autant plus que le déménagement de leurs locaux professionnels n’est intervenu qu’à compter du 31 mars 2022.
Dès lors, ils ne sont pas fondés à prétendre que l’une des conditions essentielles du contrat ait disparu le 30 mars 2020.
En conséquence, ils seront déboutés de leur demande qui tend à constater la caducité du contrat à la date du 31 mars 2020.
Sur la demande reconventionnelle subsidiaire en résiliation pour faute.
L’article 1104 du code civil dispose que « les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi ».
En l’espèce, par courriels en date des 15 février 2018 et 15 janvier 2020, M. X. et Mme J. ont sollicité la renégociation des termes et conditions du bail régularisé le 15 mars 2017. Le tribunal comprend du courriel en date du 21 janvier 2020 que la société Grenke Location a refusé de nouvelles négociations.
Toutefois, il a été rappelé ci-avant que le matériel loué n’était pas inutilisable dans les locaux professionnels situés [Adresse 5] à [Localité 2] et que le déménagement des locaux professionnels n’est intervenu qu’à la fin du premier trimestre 2022. Ainsi, la société Grenke Location n’a commis aucun manquement contractuel justifiant la résiliation du contrat à ses torts.
Par ailleurs, le refus d’entrer en négociation n’était pas indépassable pour les preneurs puisque ceux-ci avaient la possibilité, aux termes de l’article 1195 du code civil, de saisir le juge d’une demande de résiliation judiciaire. Il est observé que le simple refus de renégocier un contrat, quoique le débiteur justifierait de changement de circonstances imprévisible, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, ne peut pas être qualifié de manquement contractuel sauf à vider de sa substance le dernier alinéa de l’article 1195 du code civil aux termes duquel le juge peut être saisi en cas d’échec ou de refus de renégociation.
M. X. et Mme J. seront donc déboutés de leur demande en résiliation.
Sur la demande principale en paiement.
La société Grenke Location sollicite le paiement des loyers échus, d’une indemnité de résiliation et d’une somme d’un montant correspondant à 10 % des loyers à échoir.
Elle précise que le bail du 15 mars 2017 ne peut pas être qualifié de contrat d’adhésion en ce que plusieurs clauses ont été négociées, tel le prix, le matériel loué ou la durée de la location.
Elle soutient également que la clause relative à l’indemnité de résiliation ne créé pas de déséquilibre significatif.
Elle prétend également que la clause relative à l’indemnité de résiliation n’est pas excessive, de sorte que le juge n’a pas à la modérer.
En réponse, M. X. et Mme J. allèguent que le contrat régularisé avec la société Grenke Location doit être qualifié de contrat d’adhésion et que la clause relative à l’indemnité de résiliation créé un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties. Ils énoncent que le bail ne stipule presqu’aucune obligation à la charge de la société Grenke Location. Ainsi, ils estiment que la clause qui met à la charge du preneur, en cas de résiliation anticipée, la totalité des mensualités restant à courir jusqu’au terme initial, doit être réputée non écrite. Ils énoncent que le déséquilibre est d’autant plus important qu’ils ont été dans l’obligation de restituer le matériel.
A titre subsidiaire, ils prétendent que l’indemnité de résiliation est une clause pénale et que celle-ci est excessive, de sorte que les indemnités doivent être modérées à hauteur de 1.000 euros.
SUR CE,
En l’espèce, la société Grenke Location verse aux débats un décompte selon lequel les preneurs demeurent redevables des sommes suivantes :
Loyers échus impayés : 3.990 euros ;Intérêts courus impayés : 66,31 euros ;Indemnité de résiliation : 9.500 euros ; Majoration de 10 % sur les loyers à échoir : 950 euros ;Frais de recouvrement : 40 euros ; Total : 14.546,31 euros.
M. X. et Mme J., comparants, ne contestent pas la dette de loyers échus impayés dans son principe ou son montant. En revanche, il s’oppose au paiement d’une indemnité de résiliation.
Aux termes de l’article 1171 du code civil, « dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite. »
Si la société Grenke Location conteste le caractère d’adhésion du contrat, il est observé que l’ensemble des conditions générales de locations ne sont pas négociables et ont été déterminées à l’avance par elle. Dès lors, la négociation du prix, du matériel loué et de la durée de la location n’est pas exclusive d’une qualification du contrat d’adhésion.
Par ailleurs, l’article 11.1 du contrat, relatif à l’indemnité de résiliation, est stipulé ainsi : « En cas de résiliation anticipée dans les conditions définies à l'article précédent ou en cas de résiliation judiciaire du Contrat, ou de prononcé judiciaire de sa caducité, et plus généralement, en cas de terminaison anticipée du Contrat, quel qu'en soit le motif ou le fondement, le Locataire restera tenu de payer au Bailleur, en compensation du préjudice subi, les loyers échus, les intérêts de retard de paiement éventuels restant dus, et les loyers à échoir jusqu'au terme initialement prévu du Contrat pour la période contractuelle en cours majorés de 10 % à titre de sanction. Les intérêts commenceront à courir à compter de la première présentation au Locataire de la lettre de résiliation. »
En premier lieu, cette clause tend à réparer les préjudices subis par le bailleur en cas de résiliation anticipée du contrat, de sorte qu’elle ne porte pas sur l’adéquation du prix à la prestation.
En second lieu, cette clause évalue le préjudice du bailleur en cas de résiliation anticipée du bail à un montant égal aux loyers à échoir jusqu’au terme initialement prévu majorés de 10 %.
Enfin, cette clause tend à réparer le préjudice subi par le bailleur en raison de la résiliation anticipée du contrat, quel qu’en soit le fondement, y compris si le preneur n’est pas à l’origine de cette résiliation ou si la résiliation est prononcée aux torts du bailleur. Il est expressément stipulé que la clause tend à sanctionner le preneur alors même que celui-ci peut ne pas être à l’origine de la rupture contractuelle ni fautif. Le caractère exorbitant de cette clause, qui tend à imputer systématiquement un préjudice sans égard au comportement du preneur ou à celui des autres parties contractantes, créé un déséquilibre significatif manifeste.
Ainsi, l’article 11.1 du contrat litigieux intitulé « conséquence de la terminaison anticipée du contrat » sera réputé non écrite.
Par ailleurs, les intérêts courus et les frais de recouvrement ne sont pas justifiés.
En conséquence, M. X. et Mme J. seront condamnés au paiement des loyers échus impayés à la date de la résiliation contractuelle, soit à une somme d’un montant de 3.990 euros. En l’absence de solidarité légale ou conventionnelle, la dette sera divisible. Cette somme portera intérêts au taux légal majoré de cinq points à compter du 23 octobre 2020, date de la réception de la mise en demeure, conformément à l’article 17 du bail litigieux.
La capitalisation des intérêts sera ordonnée.
Sur la demande subsidiaire en paiement de dommages-intérêts.
L’article 1231-1 du code civil dispose que « Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure. »
En l’espèce, M. X. et Mme J. allèguent que la société Grenke Location n’a pas exécuté de bonne foi la convention et se réfèrent à leurs moyens développés dans le cadre de leur demande reconventionnelle en résiliation pour faute.
Il a été rappelé ci-dessus qu’aucun manquement contractuel ne peut être imputé à la société Grenke Location du fait de son refus de renégocier, de sorte que M. X. et Mme J. sont mal fondés en leurs demandes de dommages-intérêts.
En conséquence, il y a lieu de les débouter de leur demande.
Sur les demandes accessoires.
Selon l'article 696 du code de procédure civile la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.
L'article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
M. X. et Mme J., partie perdante, seront condamnés aux dépens. Pour les mêmes raisons que celles déjà évoquées, il n’y a pas lieu de prévoire que cette condamnation sera solidaire.
Ils seront également condamnés au paiement d’une somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Il est rappelé que le jugement est exécutoire à titre provisoire.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le tribunal, statuant publiquement, en premier ressort, par jugement contradictoire, et par mise à disposition au greffe
DEBOUTE M. X. et Mme J. de leur demande en résiliation du bail à la date du 30 mars 2020 pour imprévision ;
DEBOUTE M. X. et Mme J. de leur demande tendant à constater la caducité du bail à la date du 30 mars 2020 ;
DEBOUTE M. X. et Mme J. de leur demande en résiliation du bail à la date du 30 mars 2020 aux torts du bailleur ;
DIT que la clause 11.1 du bail consenti le 15 mars 2017 est réputée non écrite ;
CONDAMNE M. X. et Mme J. à payer à la société Grenke Location la somme de 3.990 euros avec intérêts au taux légal majoré de cinq points à compter du 23 octobre 2020 au titre des loyers échus et impayés ;
ORDONNE la capitalisation des intérêts ;
DEBOUTE M. X. et Mme J. de leurs demandes de dommages-intérêts ;
DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
CONDAMNE M. X. et Mme J. à payer à la société Grenke Location Location automobiles matériels la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. X. et Mme J. aux dépens qui seront recouvrés directement par Maître Sylvie Teyssedre pour les dépens dont elle a fait l’avance sans avoir reçu provision.
RAPPELLE que la présente décision est assortie de l’exécution provisoire.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE
Benjamin LAPLUME Marie TERRIER