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TJ NANTERRE (6e ch.), 22 août 2024

Nature : Décision
Titre : TJ NANTERRE (6e ch.), 22 août 2024
Pays : France
Juridiction : T. jud. Nanterre
Demande : 22/03507
Date : 22/08/2024
Nature de la décision : Admission
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 15/04/2022
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CERCLAB - DOCUMENT N° 23122

TJ NANTERRE (6e ch.), 22 août 2024 : RG n° 22/03507 

Publication : Judilibre

 

Extrait : « La recommandation 04-03 de la Commission des clauses abusives prévoit « que ces clauses qui autorisent la banque à exiger immédiatement la totalité des sommes dues, dès lors, notamment, que l'emprunteur n'a pas observé une quelconque obligation, même mineure, résultant du contrat de prêt ou que l'une quelconque des déclarations faites par l'emprunteur ont été reconnues fausses ou inexactes sont de nature à créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, dans la mesure où, elles tendent à laisser penser que l'établissement de crédit dispose d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier, d'une part l'existence d'une inobservation commise par l'emprunteur et, d'autre part une inexactitude dans les déclarations de l'emprunteur, et qu'au surplus, elles laissent croire que le consommateur ne peut recourir au juge pour contester le bien-fondé de cette déchéance, que ces clauses apparaissent significativement déséquilibrées. »

La clause qui permet au prêteur de prononcer la déchéance du terme en raison de la fourniture de renseignements inexacts lors de la souscription du contrat, dès lors que ceux-ci portent sur des éléments déterminants du consentement du prêteur dans l'octroi du concours financier, que l’emprunteur est appelé à fournir toutes explications utiles dans un délai raisonnable et qu’il conserve la faculté de recourir à un juge pour contester l'application de ladite clause à son égard ne crée aucun déséquilibre significatif au détriment du consommateur.

En l’espèce, l’article 5 intitulé « exigibilité anticipée » stipule au paragraphe 5.1 que « LCL aura la faculté de rendre exigible par anticipation, toutes les sommes dues au titre du prêt, tant en principal qu’en intérêts et accessoires, dans l’un quelconque des cas suivants (…) – inexactitude des renseignements et/ou des justificatifs fournis lors de la demande de prêt, résultant de manœuvres frauduleuses imputables à l’un ou l’autre des emprunteurs, portant sur la situation personnelle, professionnelle, patrimoniale ayant servi de base à l’octroi du prêt (…)

Dans l’un ou l’autre des cas ci-dessus, LCL notifiera, par lettre recommandée avec avis de réception, à l’emprunteur ou aux emprunteurs, ou en cas de décès, à ses ayants droits et à la caution, qu’il se prévaut de la présente clause et que l’exigibilité anticipée lui sera acquise si ladite lettre reste sans effet à l’expiration d’un délai de 15 jours en cas d’impayé(s), 30 jours dans les autres cas ».

Cette clause, qui prévoit la déchéance du terme dans l'hypothèse où les renseignements et justificatifs fournis ayant servi de base à l'octroi du prêt seraient inexacts, en demandant des explications à l’emprunteur avec un délai de trente jours, et alors que rien n'interdit à l'emprunteur de recourir à un juge pour contester l'application de cette clause à son égard, notamment, pour discuter de la fausseté des informations et des documents soumis au prêteur, ne constitue donc pas une clause abusive. Dès lors cette clause, qui n'est pas abusive, ne sera pas déclarée non écrite. »

 

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTERRE

PÔLE CIVIL SIXIÈME CHAMBRE

JUGEMENT DU 22 AOÛT 2024

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 22/03507. N° Portalis DB3R-W-B7G-XNVK

 

DEMANDERESSE :

Société CRÉDIT LYONNAIS

[Adresse 3], [Localité 5], représentée par Maître Magali TARDIEU-CONFAVREUX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R010

 

DÉFENDEURS :

Monsieur X.

[Adresse 6], [Localité 7]

Madame Y. épouse X.

[Adresse 6], [Localité 7]

représentés par Maître Chantal TEBOUL ASTRUC, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A235

 

En application des dispositions de l’article 802 du code de procédure civile 4874EF6375EB25A472E6FF57BE5005CB, l’affaire a été débattue le 7 mai 2024 en audience publique devant Anne LECLERC, Juge, statuant en Juge Unique, assistée de Sylvie CHARRON, Greffier.

JUGEMENT : prononcé en premier ressort, par décision contradictoire et mise à disposition au greffe du tribunal conformément à l’avis donné à l’issue des débats.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Selon offre émise le 25 janvier 2018, reçue le 26 janvier suivant et acceptée le 6 février 2018, la société Crédit Lyonnais (ci-après le « Crédit Lyonnais ») a consenti à M. X. et à Mme X. née Y. son épouse un prêt immobilier n° 5000434XXAH d'un montant de 420.000 euros remboursable en 240 mensualités au taux de 1,77 % et au TAEG annoncé de 2,40 %.

Ce prêt était destiné à l'acquisition d'un bien immobilier.

Dans le cadre de la constitution de leur dossier de prêt, M. et Mme X. ont notamment remis au Crédit Lyonnais la copie de relevés d'un compte joint n°[XXXXXXXXXX01] du Crédit Industriel et Commercial d'août à octobre 2017 ainsi qu'un compromis de vente signé le 19 décembre 2017 à l'étude de Maître Z., notaire à [Localité 8] (60).

Par lettre recommandée avec avis de réception du 21 avril 2020, reçue le 24 avril 2020 par Mme X., le Crédit Lyonnais a indiqué que les documents et/ou justificatifs fournis à l'appui de la demande de prêt étaient inexacts et qu'il appartenait à l'emprunteur de contacter la banque pour lui fournir des explications ainsi que les originaux des pièces dans un délai de trente jours et, à défaut, qu'elle prononcerait l'exigibilité anticipée dudit prêt en application des stipulations de son article 5.

Par lettres recommandées avec accusé de réception du 3 mars 2021, reçues le 5 mars 2021, le Crédit Lyonnais a informé M. et Mme X. qu'il n'avait pas reçu de réponse satisfaisante, que les impayés n'étaient pas régularisés, que les fonds prêtés avaient été utilisés à d'autres fins, que la propriété du bien acheté avait été transférée et qu'il prononçait la déchéance du terme en application de l'article 5 du contrat de prêt. La banque a mis en demeure M. et Mme X. de lui régler la somme de 408.022,68 euros au titre dudit prêt.

Sans réponse, le Crédit Lyonnais a fait assigner, par acte d'huissier du 15 avril 2022, M. et Mme X. devant ce tribunal, au visa des articles 1101 et suivants du code civil aux fins de recouvrer sa créance soit la somme de 412.337,65 euros, outre les intérêts au taux de 1,77 % sur la somme de 381.451,82 euros à compter du 22 avril 2021 et au taux légal sur la somme de 26.612,67 euros à compter de la même date, d'ordonner la capitalisation des intérêts et de lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

[*]

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 10 mars 2023, le Crédit Lyonnais demande au tribunal de :

« Vu les articles 1101 et suivants du code civil,

- Condamner solidairement M. X. et Madame Y. épouse X. à payer au Crédit Lyonnais la somme de 412.337,65 euros augmentée des intérêts au taux conventionnel de 1,77 % sur la somme de 381.451,82 euros à compter du 22 avril 2021 jusqu'à parfait paiement, et des intérêts au taux légal sur la somme de 26.612,67 euros à compter de la même date jusqu'à par-fait paiement,

- Condamner solidairement M. X. et Mme Y. épouse X. à payer au Crédit Lyonnais la somme de 4.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

- Rappeler que l'exécution provisoire de la décision est de droit conformément à l'article 514 du code de procédure civile, nonobstant toutes voies de recours et sans constitution de garantie. »

[*]

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 10 février 2023, M. et Mme X. demandent au tribunal de :

« Vu les dispositions légales invoquées aux présentes et la Recommandation n°04-03 de la Commission des clauses abusives,

Vu la jurisprudence applicable à l'espèce

Vu les pièces versées aux débats,

Recevant les époux X. en leurs demandes fins et conclusions

Y faisant droit

A titre principal

- Juger que la clause de déchéance du terme stipulée à l'article 5.1 de l'offre de prêt acceptée le 6 février 2018 par les époux X. portant sur l'« inexactitude des renseignements et / ou des justificatifs fournis lors de la demande de prêt » est abusive et comme telle nulle et de nul effet, à tout le moins réputée non écrite et inopposable aux époux X.,

A titre plus subsidiaire si cette contestation n'était pas retenue,

- Juger que la déchéance du terme notifiée le 3 mars 2021 est illicite faute de mise en demeure préalable conforme à l'article 5.1 précité ayant porté sur les motifs notifiés dans la déchéance dont s'agit, et contenant interpellation explicite et suffisante des emprunteurs,

Encore plus subsidiairement si les contestations précédentes n'étaient pas retenues :

- Juger que le Crédit Lyonnais n'établit pas les griefs invoqués dans la notification du 3 mars 2021,

- Juger le Crédit Lyonnais mal fondé à invoquer la légitimité d'une résiliation unilatérale du contrat qu'il aurait exercée à cette date du 3 mars 2021,

En conséquence :

- Débouter le Crédit Lyonnais de ses demandes, fins et conclusions,

- Ordonner le rétablissement de M. et Mme X. dans le bénéfice du contrat de prêt,

- Leur Accorder les plus larges délais de paiement pour s'acquitter des échéances du prêt postérieures à la déchéance du terme,

- Condamner le Crédit Lyonnais au paiement de la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en sus des dépens avec distraction au profit de la société Astruc avocats, en application de l'article 699 du code de procédure civile,

- Juger n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire au profit du Crédit Lyonnais. »

[*]

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer à leurs dernières conclusions en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'instruction a été close par ordonnance du 13 novembre 2023 et les plaidoiries fixées pour le 7 mai 2024. A l'issue de l'audience, l'affaire a été mise en délibéré au 22 août 2024.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur les demandes de « juger » :

Il est rappelé que ces demandes formulées au dispositif des conclusions ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile et que le tribunal n'y répondra que s'il s'agit de moyens développés dans les écritures et venant au soutien des autres demandes exprimées au dispositif.

 

Sur la demande principale en paiement :

Sur la validité de la clause d'exigibilité anticipée :

En substance, le Crédit Lyonnais fait valoir, en réponse au moyen soulevé par M. et Mme X. de la nullité de la clause de déchéance du terme, que la Commission des clauses abusives, dans la recommandation n° 05-01 du 25 février 2005 a reconnu la validité de principe de la clause résolutoire pour fourniture de renseignements inexacts dès lors que l'inexactitude sanctionnée porte sur des éléments substantiels. Sur le fondement de l'article L. 212-1 du code de la consommation, la banque expose que l'obligation de bonne foi ou de loyauté est essentielle et justifie la gravité de la sanction encourue, à savoir la résolution du contrat.

Elle estime que l'emprunteur n'est pas empêché par le contrat de faire valoir des moyens de défense.

La banque explique que la clause n'est pas vague quant aux documents visés puisqu'il s'agit de ceux fournis par l'emprunteur à l'occasion de l'octroi du prêt.

Elle insiste sur le fait que la mise en demeure est datée du 21 avril 2020 et que la déchéance du terme a été prononcée le 3 mars 2021 laissant ainsi le temps à l'emprunteur d'y remédier et qu'elle est conforme aux dispositions de l'article L.313-7 du code de la consommation en ce qu'elle vise les « manœuvres frauduleuses » de l'emprunteur.

En défense, M. et Mme X., se fondent sur les dispositions de l'article L. 212-1 du code de la consommation et la recommandation 04-03 de la Commission des clauses abusives pour expliquer que les termes mêmes de la clause ne déterminent ni la gravité de l'inexactitude invoquée ni le type de document qui serait concerné.

Ils estiment que la mise en œuvre de la clause litigieuse est laissée à la discrétion de la banque ce qui par suite, créée un déséquilibre significatif entre les parties au détriment du consommateur. Ils demandent en conséquence que l'article 5.1 du contrat de prêt soit déclaré nul ou à tout le moins réputé non écrit et leur soit déclaré inopposable.

* * *

L'article L. 212-2 du code de la consommation dispose que « dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Sans préjudice des règles d'interprétation prévues aux articles 1156 à 1161,1163 et 1164 du code civil, le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat. Il s'apprécie également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque les deux contrats sont juridiquement liés dans leur conclusion ou leur exécution.

L'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.

Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la commission des clauses abusives, détermine des types de clauses qui, eu égard à la gravité des atteintes qu'elles portent à l'équilibre du contrat, doivent être regardées, de manière irréfragable, comme abusives au sens du premier alinéa.

Un décret pris dans les mêmes conditions, détermine une liste de clauses présumées abusives ; en cas de litige concernant un contrat comportant une telle clause, le professionnel doit apporter la preuve du caractère non abusif de la clause litigieuse. »

La recommandation 04-03 de la Commission des clauses abusives prévoit « que ces clauses qui autorisent la banque à exiger immédiatement la totalité des sommes dues, dès lors, notamment, que l'emprunteur n'a pas observé une quelconque obligation, même mineure, résultant du contrat de prêt ou que l'une quelconque des déclarations faites par l'emprunteur ont été reconnues fausses ou inexactes sont de nature à créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, dans la mesure où, elles tendent à laisser penser que l'établissement de crédit dispose d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier, d'une part l'existence d'une inobservation commise par l'emprunteur et, d'autre part une inexactitude dans les déclarations de l'emprunteur, et qu'au surplus, elles laissent croire que le consommateur ne peut recourir au juge pour contester le bien-fondé de cette déchéance, que ces clauses apparaissent significativement déséquilibrées. »

La clause qui permet au prêteur de prononcer la déchéance du terme en raison de la fourniture de renseignements inexacts lors de la souscription du contrat, dès lors que ceux-ci portent sur des éléments déterminants du consentement du prêteur dans l'octroi du concours financier, que l’emprunteur est appelé à fournir toutes explications utiles dans un délai raisonnable et qu’il conserve la faculté de recourir à un juge pour contester l'application de ladite clause à son égard ne crée aucun déséquilibre significatif au détriment du consommateur.

En l’espèce, l’article 5 intitulé « exigibilité anticipée » stipule au paragraphe 5.1 que « LCL aura la faculté de rendre exigible par anticipation, toutes les sommes dues au titre du prêt, tant en principal qu’en intérêts et accessoires, dans l’un quelconque des cas suivants (…) – inexactitude des renseignements et/ou des justificatifs fournis lors de la demande de prêt, résultant de manœuvres frauduleuses imputables à l’un ou l’autre des emprunteurs, portant sur la situation personnelle, professionnelle, patrimoniale ayant servi de base à l’octroi du prêt (…)

Dans l’un ou l’autre des cas ci-dessus, LCL notifiera, par lettre recommandée avec avis de réception, à l’emprunteur ou aux emprunteurs, ou en cas de décès, à ses ayants droits et à la caution, qu’il se prévaut de la présente clause et que l’exigibilité anticipée lui sera acquise si ladite lettre reste sans effet à l’expiration d’un délai de 15 jours en cas d’impayé(s), 30 jours dans les autres cas ».

Cette clause, qui prévoit la déchéance du terme dans l'hypothèse où les renseignements et justificatifs fournis ayant servi de base à l'octroi du prêt seraient inexacts, en demandant des explications à l’emprunteur avec un délai de trente jours, et alors que rien n'interdit à l'emprunteur de recourir à un juge pour contester l'application de cette clause à son égard, notamment, pour discuter de la fausseté des informations et des documents soumis au prêteur, ne constitue donc pas une clause abusive.

Dès lors cette clause, qui n'est pas abusive, ne sera pas déclarée non écrite.

 

Sur la validité de la clause de déchéance du terme :

Le Crédit Lyonnais, en réponse au moyen des défendeurs qui estiment que la mise en demeure préalable adressée par la banque ne comporte pas l'énonciation des motifs permettant la déchéance du terme, indique que les lettres des 21 avril 2020 et 3 mars 2021 font état de documents inexacts fournis par les emprunteurs, impartissent aux destinataires un délai de 30 jours pour s'expliquer, préviennent qu'à défaut de réponse satisfaisante la banque se prévaudra de la déchéance du terme prévue à l'article 5 et enfin que le capital restant dû deviendra exigible.

La banque souligne que les défendeurs ont choisi ne pas répondre à cette mise en demeure et ne s'expliquent pas sur les relevés de banque du Crédit Industriel et Commercial qu'ils ont produit à l'appui de leur demande de prêt qui sont faux ni sur la discordance entre l'adresse pour laquelle l'emprunt a été souscrit et celle pour laquelle ils ont utilisés les fonds. Elle expose que le bien dont l'acquisition a motivé la demande de prêt pour la somme de 420.000 euros était d'un prix différent de celui finalement acquis pour 300.000 euros.

La banque ajoute que la déchéance du terme était encore encourue en raison d'impayés persistants.

En défense, M. et Mme X. font valoir qu'ils n'ont pas été mis en demeure préalablement à la notification de la déchéance du terme. Ils indiquent que la lettre du 21 avril 2020 ne comporte pas les termes de « mise en demeure », qu'ils ont seulement été invités à prendre contact avec la banque, qu'ils ne pouvaient pas comprendre de quel inexactitude la banque entendait se prévaloir et qu'ils n'étaient donc pas en mesure de s'expliquer.

Ils estiment en outre qu'il n'existe pas d'adéquation entre la lettre de mise en demeure du 21 avril 2020 dont se prévaut la banque et les motifs invoqués aux termes de la lettre prononçant la déchéance du terme le 3 mars 2021 qui mentionne des impayés, ne leur permettant pas ainsi de s'exécuter.

Les défendeurs contestent l'existence d'impayés au mois de mars 2021.

S'agissant du bien immobilier visé au contrat de prêt, ils indiquent que l'acquisition du bien cadastré AH [Cadastre 2] correspond bien à celle visée à l'offre de prêt. Ils considèrent en conséquence que la déchéance du terme est illicite, infondée et injustifiée.

* * *

L'article 9 du code de procédure civile dispose que « il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ».

L'article 1103 du code civil applicable au litige, le contrat ayant été souscrit après le 1er octobre 2016, dispose que « les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits » et l'article 1104 du même code ajoute « les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi ».

L'article 1353 du même code dispose que « celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. »

En l'espèce, les défendeurs ne contestent pas la réception de la mise en demeure adressée le 21 avril 2020 par le Crédit Lyonnais. Aux termes de cette lettre il est indiqué « il s'avère que les renseignements et/ou justificatifs que vous avez fournis à l'appui de votre demande de prêt et déterminants dans notre décision d'octroi du prêt sont inexacts.

Nous vous invitons à nous contacter dans un délai de trente jours (30 jours) à compter de la réception de la présente afin de nous fournir des explications sur ces renseignements et/ou justificatifs ainsi que les originaux desdites pièces.

En l'absence de réponse ou de réponse satisfaisante de votre part sur ces renseignements et/ou justificatifs, nous nous prévaudrons de la déchéance du terme en application de l'article 5 : exigibilité anticipée des conditions générales de votre offre de prêt.

A cet égard et à toutes fins, nous vous indiquons que le capital restant dû à ce jour s'élève à 382.852,71 € - trois cent quatre-vingt deux mille huit cent cinquante-deux euros et soixante et onze centimes à parfaire des intérêts jusqu'à parfait paiement outre l'indemnité d'exigibilité anticipée ».

Il ressort de cette lettre, contrairement à ce qu'indiquent les défendeurs, une interpellation explicite et suffisante d'avoir à fournir des explications et les documents produits à l'appui de la demande de prêt, en original. Le délai imparti aux réceptionnaires, conforme aux stipulations de l'article 5.1 du contrat de prêt, à savoir 30 jours, est clairement énoncé. Si les mots « mise en demeure » ne sont pas expressément utilisés, la conséquence de l'absence de réponse par les emprunteurs dans le délai imparti, à savoir la déchéance du terme, est très précisément rappelée et permet aux réceptionnaires de comprendre qu'il s'agit là d'une mise en demeure. La banque a en outre mentionné les conséquences de la déchéance du terme, soit l'exigibilité du capital restant dû, outre les intérêts et l'indemnité d'exigibilité anticipée.

Dès lors, la notification de la déchéance du terme prononcée le 3 mars 2021 par la banque, que les défendeurs ne contestent pas avoir reçue, a bien été précédée d'une mise en demeure de s'exécuter, intervenue le 21 avril 2020, rappelant le délai pour s'exécuter et qui est restée sans suite de la part des défendeurs.

M. et Mme X. ne contestent pas l'inexactitude des relevés de compte du Crédit Industriel et Commercial produits à l'appui de leur demande de prêt. Celle-ci ressort de la réponse apportée par le Crédit Industriel et Commercial sur interrogation du Crédit Lyonnais le 21 octobre 2021 qui indique que les relevés sont « non conformes ». Le tribunal relève à ce titre que la dernière page de relevé du 7 octobre 2017 relative aux dépenses de « carte gold » de M. X. a fait l'objet d'un montage puisque dans la colonne « commerce » figurent les villes où ont été effectués les paiements et que les noms figurant dans la colonne « ville » sont identiques à ceux du relevé de « carte gold » de M. X. du 6 septembre 2017 mais pour des montants différents.

En outre, il ressort de l'offre de prêt du 25 janvier 2018 que celle-ci porte sur l'acquisition d'un appartement par M. et Mme X. à usage de logement principal locatif situé [Adresse 4] à [Localité 9]. Cette désignation correspond au compromis de vente établi le 19 décembre 2017 par Maître Z., notaire à [Localité 8], et produit à la banque en vue d'obtenir l'offre de prêt. La désignation du bien en page 3 est la suivante « dans un ensemble immobilier situé à [Adresse 4] (…) au deuxième étage, un appartement comprenant : un salon donnant sur rue avec cuisine ouverte et ilot central, une chambre sur cour, salle de bain ». Le prix visé audit compromis est de 445.000 euros et soumis à la condition suspensive d'obtention d'un prêt de 400.000 euros.

C'est donc avec une particulière mauvaise foi que M. et Mme X. prétendent que ce compromis de vente serait conforme à l'acquisition qu'ils ont effectués alors qu'il ressort de l'acte de vente produit en pièce n°14 par le Crédit Lyonnais dressé le 21 février 2018 par Maître W., notaire au sein de la société « [A] [E] et [F] [R] », à laquelle la banque a versé les fonds objets du prêt, ainsi qu'elle en justifie, que le bien acquis par M. X. seul est désigné comme suit : « dans un ensemble immobilier situé à [Adresse 10] (...) une boutique sur rue, située à droite de l'entrée de l'immeuble avec arrières-boutique ayant une sortie directe sur le vestibule de l'immeuble et une sortie sur courette ». Le prix stipulé à l'acte est de 300.000 euros, soit une somme très inférieure au prêt obtenu au regard du compromis de vente.

En conséquence et à défaut pour M. et Mme X. d'avoir déféré à la mise en demeure qui leur a été notifiée par la banque dans le délai imparti sur les déclarations et documents inexacts, lesquels présentaient nécessairement des éléments déterminants du consentement du prêteur dans l'octroi du concours financier, pour un montant bien supérieur au prix d'acquisition du bien finalement acheté, caractérisant ainsi les manœuvres des défendeurs, la déchéance du terme est valable, sans qu'il y ait lieu de répondre aux autres moyens soulevés par la banque relatif aux impayés.

 

Sur les sommes dues :

Aux termes de l'article 1103 du code civil, « les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ».

En l'espèce, le contrat de prêt stipule à l'article 6 intitulé « indemnités - intérêts de retard » que « dans les cas où pour une cause quelconque, LCL demanderait le remboursement immédiat du capital devenu exigible par anticipation, toutes les sommes restant dues porteront des intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. De plus une indemnité de 7% du capital et des intérêts échus et non payés, outre les frais taxables occasionnés, serait due par l'emprunteur ».

Ainsi qu'il a été décidé ci-dessus, la déchéance du terme du prêt a été régulièrement prononcée par la banque le 3 mars 2021.

Par suite, la créance du Crédit Lyonnais à l'encontre de M. et Mme X., qui n'en contestent pas le quantum, est établie à concurrence de la somme de 408.019 euros, se décomposant comme suit:

- capital restant dû au 3 mars 2021 : 380.181,06 euros

- échéances impayées au 3 mars 2021 : 1.225,27 euros

Sous-Total : 381.406,33 euros

- indemnité de 7 % 26.612,67 euros

Total : 408.019 euros

M. et Mme X. seront dès lors condamnés solidairement au paiement de cette somme, assortie des intérêts au taux conventionnel de 1,77% sur la somme de 381 406,33 euros à compter du 3 mars 2021, et des intérêts au taux légal sur la somme de 26 612,67 euros à compter du présent jugement en raison de son caractère indemnitaire.

 

Sur la demande reconventionnelle de rétablissement dans le bénéfice du contrat de prêt et de délais :

M. et Mme X. dans le dispositif de leurs dernières conclusions notifiées le 10 février 2023, demandent le rétablissement dans le bénéfice du contrat de prêt et de leur accorder les plus larges délais de paiement.

Compte tenu du sens de la décision, ils seront déboutés de leur demande de rétablissement.

S'agissant de la demande de délai de paiement, M. et Mme X. ne développant pas de moyens dans la discussion à l'appui de leur prétention, le tribunal n'examinera pas leur demande conformément aux dispositions de l'article 768 du code de procédure civile.

 

Sur les demandes accessoires :

Parties perdantes au procès, M. et Mme X. seront condamnés solidairement à payer au Crédit Lyonnais la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

En application de l'article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

Compte tenu de la nature de l'affaire et de son ancienneté, il n'y a pas lieu en l'espèce d'écarter l'exécution provisoire de droit.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire, en premier ressort, et par mise à disposition au greffe,

CONDAMNE solidairement M. X. et Mme Y. épouse X. à payer à la société Crédit Lyonnais les sommes de :

- 408.019 euros, assortie des intérêts au taux contractuel de 1,77 % sur la somme de 381.406,33 euros à compter du 3 mars 2021, et des intérêts au taux légal sur la somme de 26.612,67 euros à compter du présent jugement le tout jusqu'au parfait paiement,

- 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DIT n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de droit de la présente décision,

DÉBOUTE M. X. et Mme Y. épouse X. de leur demande de rétablissement dans le bénéfice du contrat de prêt.

CONDAMNE solidairement M. X. et Mme Y. épouse X. aux entiers dépens de l'instance.

signé par Anne LECLERC, Juge et par Sylvie CHARRON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER                                LE PRÉSIDENT