CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 17 mai 2024
- T. com. Paris, 17 février 2022 : RG n° 2020016138 ; Dnd
CERCLAB - DOCUMENT N° 23159
CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 17 mai 2024 : RG n° 22/05483
Publication : Judilibre
Extrait : « En l'absence de faute contractuelle de la société CRH susceptible de justifier la résolution des contrats aux torts du prestataire, les stipulations contractuelles susvisées mettant à la charge du client une indemnité de résiliation sont applicables.
C'est en vain que la société Nincsem Sosem revendique l'application des dispositions de l'article L. 224-28 du code de la consommation, en ce qu'elles limitent la durée minimum d'exécution du contrat de fourniture d'un service de communications électroniques à une durée de vingt-quatre mois tout en prévoyant la possibilité offerte au consommateur de résilier le contrat à compter de la fin du douzième mois en contrepartie d'une indemnité plafonnée.
Il est exact que les conditions posées par l'article L. 221-3 du même code, qui étend l'application de certaines dispositions du droit de la consommation aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels, dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq, ne sont pas applicables dans le cas présent. Ce texte renvoie, en effet, uniquement aux dispositions des sections 2, 3 et 6 du chapitre Ier d'un Titre II relatif aux « Règles de formation et d'exécution de certains contrats », sans faire référence au chapitre IV dans lequel est inséré l'article L. 224-28.
Les dispositions protectrices de l'article L. 224-28 visent, quant à elles, exclusivement le « consommateur », défini par l'article liminaire du code de la consommation, dans sa version antérieure au 1er juillet 2016, comme toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, par opposition aux professionnels et non-professionnels. En tant que société commerciale, l'appelante ne peut donc solliciter le bénéfice de ces dispositions.
Enfin, contrairement à ce que soutient la société Nincsem Sosem, l'article L. 224-24 du code de la consommation visant les contrats conclus entre des professionnels et des non-professionnels sont applicables uniquement aux contrats relatifs au gaz de pétrole liquéfiés. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 5 CHAMBRE 11
ARRÊT DU 17 MAI 2024
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 22/05483 (10 pages). N° Portalis 35L7-V-B7G-CFO7F. Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 février 2022 - Tribunal de Commerce de Paris - RG n° 2020016138.
APPELANTE :
SAS NINCSEN SOSEM
prise en la personne de ses représentants légaux [Adresse 2], [Localité 3], immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro XXX, Représentée par Maître Camille VANNEAU, avocat au barreau de PARIS, toque C1815
INTIMÉE :
SARL CRH
prise en la personne de ses représentants légaux [Adresse 1], [Localité 4], immatriculée au RCS de CRETEIL sous le numéro YYY, Représentée par Maître Sandra OHANA de l'AARPI OHANA ZERHAT CABINET D'AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050, Assistée de Maître Alexandra BELAUD, avocate au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile B85D525D8D5030285E5B8CDF386E109B 71192CCF7D68F6ECF7E8E35EE0AB5BBF, l'affaire a été débattue le 13 Mars 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Caroline GUILLEMAIN, conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : M. Denis ARDISSON, Président de chambre, Mme Marie-Sophie L'ELEU DE LA SIMONE, conseillère, Madame CAROLINE GUILLEMAIN, conseillère, Qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : M.Damien GOVINDARETTY
ARRÊT : - contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile F23D2CC483AC17020CAB97538F82B395. - signé par Denis ARDISSON, Président de chambre et par Damien GOVINDARETTY, Greffier, présent lors de la mise à disposition.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
La SAS Nincsem Sosem, dont le nom commercial est Neovian, exerce une activité de conseil et d'assistance à la gestion des affaires.
La SARL CRH ayant pour nom commercial Conectia est spécialisée dans le domaine des télécommunications, notamment les services de téléphonie, d'opération et de maintenance.
Le 23 mai 2018, la société Nincsem Sosem a souscrit auprès de la société CRH deux contrats portant respectivement sur un « Service Téléphonie Fixe » et un « Service Internet Data », pour une période minimale de trente-six mois.
Puis, le 30 août 2018, la société Nincsem Sosem a conclu avec la société CRH un contrat dit de maintenance et service curatif, prenant effet au 1er septembre 2018, pour une durée de cinq ans.
A la suite d'incidents affectant le fonctionnement des services de téléphonie et d'internet, la société Nincsem Sosem a, par lettre recommandée avec accusé de réception, datée du 4 juillet 2019, indiqué à la société CRH qu'elle résiliait le contrat de maintenance.
Après avoir constaté l'absence d'utilisation des services de téléphonie et d'internet, depuis le 29 mai 2019, la société CRH a, dans les mêmes formes, pris acte de la résiliation anticipée de l'ensemble des contrats, le 3 septembre 2019, et sollicité le paiement de diverses factures.
Les 25 octobre 2019, la société CRH a adressé à la société Nincsem Sosem une mise en demeure de payer.
N'ayant pas obtenu satisfaction, la société CRH a, suivant exploit du 5 mars 2020, fait assigner la société Nincsem Sosem devant le tribunal de commerce de Paris, afin d'obtenir sa condamnation à lui payer les factures de résiliation des contrats.
Par jugement en date du 17 février 2022, le tribunal a :
- Constaté que la SARL CRH avait exécuté ses obligations contractuelles relatives aux contrats de « Service Téléphonie fixe » et de « Service internet Data » du 23 mai 2018 - date de leur signature par les parties - au 29 mai 2019, et du contrat de maintenance du 1er septembre 2018 au 4 juillet 2019 ;
- Constaté que l'EURL Nincsem Sosem avait résilié unilatéralement, et de façon anticipée, lesdits contrats de « Service téléphonie fixe » et « Service internet Data », signés le 23 mai 2018, sans en informer la SARL CRH ;
- Constaté que l'EURL Nincsem Sosem avait formellement résilié unilatéralement, et de façon anticipée, le contrat de maintenance du 30 août 2018 ;
- Condamné l'EURL Nincsem Sosem à régler la somme de 15.000 € à la SARL CRH, à titre d'indemnité de résiliation anticipée des contrats ;
- Débouté l'EURL Nincsem Sosem de sa demande de dommages intérêts à l'encontre de la SARL CRH ;
- Condamné l'EURL Nincsem Sosem à payer à la SARL CRH la somme de 3.000 €, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples et contraires ;
- Condamné l'EURL Nincsem Sosem aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 74,50 € dont 12,20 € de TVA.
La SAS Nincsem Sosem a formé appel du jugement, par déclaration du 14 mars 2022.
[*]
Par conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats, le 18 juillet 2022, la SARL CRH a interjeté un appel incident.
Dans ses dernières conclusions, communiquées par voie électronique, la SAS Nincsem Sosem demande à la Cour, au visa de l'article L. 224-28 de l'ordonnance du 14 mars 2016 (sic) et de l'article L. 224-24 du code de la consommation, de :
« INFIRMER le jugement rendu le 17 février 2022 par le tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a :
- Constaté que la SARL CRH a exécuté ses obligations contractuelles relatives aux contrats de « Service Téléphonie fixe » et de « Service Internet Data » du 23 mai 2018 « date de leur signature par les parties » au 29 mai 2019, et du contrat de maintenance du 1er septembre 2018 au 4 juillet 2019,
- Constaté que l'EURL NINCSEN SOSEM a résilié unilatéralement et de façon anticipée lesdits contrats de « Service téléphonie fixe » et « Service internet data » signés le 23 mai 2018 sans en informer la SARL CRH,
- Constaté que l'EURL NINCSEN SOSEM a formellement résilié unilatéralement et de façon anticipée le contrat de maintenance du 30 août 2018,
- Condamné l'EURL NINCSEN SOSEM à régler la somme de 15.000 euros à la SARL CRH à titre d'indemnité de résiliation anticipée des contrats,
- Débouté l'EURL NINCSEN SOSEM de sa demande de dommages et intérêts de 20.550 euros à l'encontre de la SARL CRH,
- Condamné l'EURL NINCSEN SOSEM à payer à la SARL CRH la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, déboutant pour le surplus,
- Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples et contraires,
- Condamné l'EURL NINCSEN SOSEM aux dépens de la présente instance dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 74,50 euros dont 12,20 euros de TVA,
En conséquence, (...) :
A titre principal :
- DÉBOUTER la société CRH de l'intégralité de ses demandes,
- CONDAMNER la société CRH à verser à la société NINCSEN SOSEM la somme de 20.550 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice causé,
A titre subsidiaire :
- LIMITER les condamnations de la société NINCSEN SOSEM à la somme de 2.750 euros au titre de la résiliation anticipée des trois contrats souscris auprès de la société CRH,
En tout état de cause,
- CONDAMNER la société CRH à verser à la société NINCSEN SOSEM la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- CONDAMNER la société CRH aux entiers dépens. »
[*]
Dans ses dernières conclusions, transmises par voie électronique, le 26 janvier 2024, la SARL CRH demande à la Cour, sur le fondement des articles 1103, 1113, 1119, 1212, 1231-1, 1231-5, 1240 du code civil, L. 441-1 du code de commerce et L. 221-3 du code de la consommation, de :
« - CONFIRMER le jugement déféré en ce qu'il a constaté que la société NINCSEM SOSEM (NEOVIAN) avait résilié de manière unilatérale et fautive les contrats signés et débouté NEOVIAN de ses demandes, fins et conclusions ;
INFIRMER le jugement déféré en ce qu'il a considéré que la clause de résiliation s'analysait en une clause pénale et condamné la société NINCSEM SOSEM (NEOVIAN) à payer la somme modulée de 15.000,00€ à titre d'indemnité de résiliation ;
Et statuant à nouveau de :
- CONDAMNER NINCSEM SOSEM NEOVIAN à payer à CRH la somme de 33.792,00 € dont elle est redevable au titre des contrats signés, assortie des intérêts à taux légal à compter de la mise en demeure du 25 octobre 2019 ;
- DEBOUTER NINCSEM SOSEM NEOVIAN de sa demande reconventionnelle, et plus généralement de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
- CONDAMNER NINCSEM SOSEM NEOVIAN à payer à CRH la somme de 5.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNER NINCSEM SOSEM NEOVIAN à payer les entiers dépens. »
[*]
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux écritures des parties susvisées quant à l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens respectifs.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 8 février 2024.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la responsabilité contractuelle de la société CRH :
Enoncé des moyens :
La société Nincsem Sosem se prévaut de nombreux incidents ayant affecté l'utilisation des services d'internet et de téléphonie fournis par la société CRH. Elle fait valoir notamment qu'elle a été intégralement privée de tout accès à ces services, pendant une durée de trois jours, au cours de la période du 30 novembre au 4 décembre 2018, tout en soulignant que la société CRH ne lui a pas transmis les informations qui lui auraient permis d'engager la responsabilité des auteurs du « bug ». Elle prétend avoir subi un préjudice commercial en lien avec les dysfonctionnements des services, relevant de la responsabilité de la société CRH, qui l'ont empêchée de répondre aux sollicitations de la clientèle. Elle souligne, à cet égard, que son activité professionnelle, qui implique l'utilisation quotidienne et massives des voies de communications électroniques, a été ralentie sinon paralysée. Elle explique qu'elle a fait le choix, en conséquence, de souscrire un contrat d'abonnement de téléphonie et d'internet auprès d'un nouveau prestataire.
La société CRH rappelle, pour sa part, qu'elle gère la prestation commerciale auprès des clients pour des services de téléphonie, et qu'il lui appartient, une fois la prestation livrée, de solliciter l'opérateur d'infrastructure pour toute intervention technique sur la ligne. Elle soutient qu'elle est tenue uniquement d'une obligation de moyens, dans le cadre de cette activité de gestion, ce que prévoient les conditions générales des contrats, et que l'incident survenu entre le 30 novembre et le 5 décembre 2018 provient, en l'occurrence, d'une demande de portabilité qui ne peut lui être imputée ; elle souligne, à cet égard, qu'elle a accompli toutes les diligences nécessaires pour remédier à l'erreur commise par les opérateurs d'infrastructures. Elle ajoute qu'il n'est pas démontré que sa cliente se serait plainte de nombreux incidents survenus ultérieurement. Enfin, elle fait valoir que la société Nincsem Sosem ne rapporte pas la preuve du préjudice qu'elle prétend avoir subi par suite de la coupure de la ligne pendant une durée de trois jours, et que les conditions générales de vente excluent, en tout état de cause, toute indemnisation de perte de chiffres d'affaires.
Réponse de la Cour :
En application de l'article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.
L'article 1231-2 du même code ajoute que les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé.
En l'occurrence, il est justifié, au vu des échanges de courriels entre les parties, et non contesté que plusieurs incidents ont affecté l'utilisation des services d'internet et de téléphonie fournis par la société CRH, à savoir :
- des problèmes de débit du réseau ne permettant pas une utilisation optimale des services, durant la période du 11 au 31 juillet 2018 ;
- l'impossibilité d'émettre des appels internationaux, le 1er août 2018 ;
- un inconfort acoustique causé par l'équipement fourni, signalé les 27 et 31 août 2018 ;
- l'interruption totale des services, du 30 novembre au 5 décembre 2018 ;
- l'impossibilité de recevoir les appels entrants sur trois lignes téléphoniques à la date du 5 mars 2019 ;
- l'interruption de deux lignes téléphoniques, le 19 mars 2019.
L'incident le plus important procède de l'interruption totale des services d'internet et de téléphonie au cours de la période du 30 novembre au 5 décembre 2018, soit pendant une période de trois jours hors week-end. Il résulte des explications des parties que cet incident était consécutif à une demande de portabilité sortante. La société CRH, qui reconnaît que son auteur n'a pu être identifié, ne saurait, en tout état de cause, en imputer la responsabilité à sa cliente.
Pour autant, il n'est pas contesté que l'intimée était tenue, pour sa part, uniquement d'une obligation de moyens portant sur l'exécution des services.
Les articles 8.1 des conditions générales de vente des contrats du 23 mai 2018 portant respectivement sur des services de téléphonie fixe et d'internet, paraphées par la société Nincsem Sosem, prévoient ainsi :
« Il est préalablement et expressément rappelé que CONECTIA n'est soumis qu'à une obligation de moyens pour l'exécution de ses services. En tant qu'utilisateur de technologies, ou d'infrastructures développées et fournies par des tiers, Conectia ne saurait garantir que son service soit totalement ininterrompu, sans incident, et offrant un niveau de sécurité sans faille. La prestation de connexion implique le recours à des structures et infrastructures techniques propriétés de tiers, sur lesquelles ont été acquis des droits d'utilisation et de passage, et dont la gestion et l'administration ne peuvent engager CONECTIA. CONECTIA prendra toutes les mesures raisonnables, conformes à l'état de la technique, au jour de la survenance de l'incident, pour remédier le plus rapidement possible à toute défaillance pouvant lui être imputable (interruption, erreur, etc.) et mettra en œuvre tous les moyens appropriés dont il dispose ou dont il pourra disposer dans la limite de ses moyens financiers et de ses moyens humains au regard de l'économie du contrat, aux fins de parer à de tels dysfonctionnement. »
De même, l'article 7.1.1 des conditions du contrat de maintenance, également paraphées par la cliente, prévoient que :
« Le fournisseur s'engage à :
- mettre en œuvre des prestations de qualité et conforme à l'expression des besoins du client et à l'état de l'art, le cas échéant ;
- mettre tous les moyens en œuvre pour faire bénéficier le client de son expertise, son savoir-faire, ses méthodes et son expérience, concrétisés par l'intervention de son personnel, professionnel et compétent ; veiller et contrôler le maintien constant des compétences de ses équipes ;
- maintenir le niveau de réactivité de ses intervenants. »
Le contrat de maintenance stipule, par ailleurs, qu'une panne majeure donne lieu à un délai d'intervention inférieur à trois heures ouvrables après la réception de l'appel du client.
Or, la société CRH démontre, tout d'abord, qu'elle a traité l'incident signalé par la société Nincsem Sosem, dans le délai requis, soit dès le 30 novembre 2018, à 14 heures 57, après réception de l'appel de la société Nincsem Sosem, à 11 heures 50, l'informant de l'interruption des appels entrants et sortants. L'intimée établit, ensuite, qu'elle a entrepris des démarches auprès de la société SFR, ce qui a permis de remédier efficacement à l'interruption du service, quelques jours plus tard, le 5 décembre suivant, étant souligné que la demande de portage, à l'origine de l'incident, était indépendante de sa volonté ; il ne saurait non plus lui être reproché de ne pas avoir communiqué à sa cliente l'identité de son auteur, dès lors qu'il est justifié que la société SFR avait refusé de le lui révéler.
Force est de constater que les autres anomalies signalées, étaient, quant à elles, de moindre gravité, celles-ci n'ayant affecté ni totalement ni durablement l'exécution des services. Ainsi, les derniers incidents signalés les 5 mars et 18 mars 2019 ont affectés uniquement certaines lignes téléphoniques, chacun le temps d'une journée. Et, la société Nincsem Sosem n'a sollicité l'organisation d'un rendez-vous destiné à évoquer les différents problèmes techniques auxquels elle indiquait avoir été confrontée que le 19 juin 2019. Rien ne tend ainsi à établir, en l'absence de courrier préalable de relance, que la société CRH n'aurait pas remédié en temps utile aux dysfonctionnements des services fournis.
Il y a lieu de considérer, dans ces conditions, que la société CRH a satisfait à ses obligations contractuelles.
Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu'il a débouté la société Nincsem Sosem de sa demande d'indemnisation du préjudice qu'elle prétend avoir subi en lien avec une faute contractuelle de la société CRH.
Sur la résolution des contrats :
Enoncé des moyens :
Pour s'opposer aux demandes de paiement des factures de résiliation, la société Nincsem Sosem invoque le bénéfice des dispositions de l'article L. 224-28 du code de la consommation, dans sa version issue de l'ordonnance du 14 mars 2016, limitant la durée de l'abonnement relatif au service de fourniture d'une communication électronique, qui sont, selon elle, applicables aux contrats conclus entre professionnels et non-professionnels, conformément à l'article L. 224-24 du même code. Elle réplique que les dispositions de l'article L. 221-3 limitant le champ d'application des règles protectrices du code de la consommation aux professionnels employant un nombre inférieur ou égal à cinq salariés ne trouvent pas elles-mêmes à s'appliquer. Elle estime qu'en tant que non-professionnelle, elle était ainsi libre de résilier les contrats, après la fin du douzième mois d'engagement, ce dont il résulte qu'elle ne saurait être tenue de s'acquitter d'une somme excédant le quart du montant dû au titre de la fraction non échue de la période minimum d'exécution du contrat. L'appelante ajoute que la société CRH n'a subi aucune perte financière, dès lors qu'elle s'est acquittée de l'intégralité des factures correspondant au coût des prestations fournies et qu'elle n'a supporté aucun frais consécutivement à la résiliation des contrats.
La société CRH considère, quant à elle, que la société Nincsem Sosem est responsable d'une rupture unilatérale fautive des contrats, dès lors qu'elle ne l'a pas avertie de sa décision de changer de prestataire, et qu'il lui incombait de s'acquitter des redevances jusqu'à leur terme. Elle réplique que les dispositions du code de la consommation invoquées par la société Nincsem Sosem ne sont pas applicables aux entreprises de plus de cinq salariés, de sorte que celle-ci, qui déclare un effectif compris entre 20 et 49 salariés, ne peut revendiquer leur bénéfice ; en outre, selon elle, l'article L. 24-48 du code de la consommation vise uniquement le consommateur, et non pas le « non professionnel ». Elle prétend, pour finir, que l'indemnité de résiliation, dont le montant n'est pas dissuasif, ne peut s'analyser en une clause pénale, mais constitue une clause d'indemnité, qui ne peut faire l'objet d'une réduction.
Réponse de la Cour :
Il résulte des pièces versées aux débats que la société Nincsem Sosem a notifié à la société CRH la résiliation du contrat de maintenance, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception datée du 4 juillet 2019, suivant l'envoi du courrier du 19 juin 2019, aux termes duquel elle sollicitait l'organisation d'un rendez-vous.
La société Nincsem Sosem ne conteste pas qu'elle avait cessé, par ailleurs, d'utiliser les services de téléphonie et d'internet depuis le 29 mai 2019, en faisant appel à un nouveau prestataire, ce qui autorisait la société CRH à prendre acte, à la date du 3 septembre 2019, de la résiliation des contrats souscrits le 23 mai 2018.
Le tribunal a ainsi retenu à juste titre que l'appelante avait procédé à une résiliation unilatérale des contrats, de façon anticipée, avant le terme des contrats, d'une durée respective de cinq ans, s'agissant du contrat de maintenance, et de trente-six mois pour les contrats de services de téléphonie et d'internet.
Le contrat de maintenance prévoit en son article 13.2 qu'en cas de résiliation anticipée du contrat par le client, non consécutive à un manquement contractuel du fournisseur, le client versera à celui-ci une indemnité forfaitaire et définitive définie dans la proposition commerciale ou, à défaut de précisions, à hauteur de 100 % des sommes restant à facturer.
Les articles 12 et 15.4 des contrats conclus le 23 mai 2018, stipulent, de la même manière, que le client devra verser au fournisseur, en cas de résiliation anticipée, les mensualités restant exigibles.
En l'absence de faute contractuelle de la société CRH susceptible de justifier la résolution des contrats aux torts du prestataire, les stipulations contractuelles susvisées mettant à la charge du client une indemnité de résiliation sont applicables.
C'est en vain que la société Nincsem Sosem revendique l'application des dispositions de l'article L. 224-28 du code de la consommation, en ce qu'elles limitent la durée minimum d'exécution du contrat de fourniture d'un service de communications électroniques à une durée de vingt-quatre mois tout en prévoyant la possibilité offerte au consommateur de résilier le contrat à compter de la fin du douzième mois en contrepartie d'une indemnité plafonnée.
Il est exact que les conditions posées par l'article L. 221-3 du même code, qui étend l'application de certaines dispositions du droit de la consommation aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels, dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq, ne sont pas applicables dans le cas présent. Ce texte renvoie, en effet, uniquement aux dispositions des sections 2, 3 et 6 du chapitre Ier d'un Titre II relatif aux « Règles de formation et d'exécution de certains contrats », sans faire référence au chapitre IV dans lequel est inséré l'article L. 224-28.
Les dispositions protectrices de l'article L. 224-28 visent, quant à elles, exclusivement le « consommateur », défini par l'article liminaire du code de la consommation, dans sa version antérieure au 1er juillet 2016, comme toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, par opposition aux professionnels et non-professionnels. En tant que société commerciale, l'appelante ne peut donc solliciter le bénéfice de ces dispositions.
Enfin, contrairement à ce que soutient la société Nincsem Sosem, l'article L. 224-24 du code de la consommation visant les contrats conclus entre des professionnels et des non-professionnels sont applicables uniquement aux contrats relatifs au gaz de pétrole liquéfiés.
Il s'ensuit que les stipulations contractuelles litigieuses ont vocation à s'appliquer sans restriction de durée.
Selon l'article 1231-5 du code civil :
« Lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre.
Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.
Lorsque l'engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d'office, à proportion de l'intérêt que l'exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l'application de l'alinéa précédent.
Toute stipulation contraire aux deux alinéas précédents est réputée non écrite.
Sauf inexécution définitive, la pénalité n'est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure. »
La clause pénale se définit comme la clause par laquelle les contractants évaluent forfaitairement et par avance les dommages-intérêts dus par le débiteur en cas d'inexécution totale, partielle ou tardive du contrat. Elle présente à la fois un caractère indemnitaire, en ce qu'elle tient lieu de dommages et intérêts, et un caractère comminatoire qui vise, du fait de son montant élevé, à contraindre le débiteur à exécuter ses obligations contractuelles.
En l'occurrence, les indemnités contractuelles de résiliation anticipée mises à la charge du client sont équivalentes au montant des mensualités dues en cas d'exécution des contrats jusqu'à leur terme, sans aucune contrepartie pour la société CRH, qui n'est plus redevable d'aucune prestation. Les clauses litigieuses présentent, dès lors, un caractère à la fois indemnitaire, en ce qu'elles constituent une évaluation forfaitaire du dommage subi par la société CRH à la suite de la résiliation des contrats, et un caractère comminatoire, leur montant élevé ayant pour but de contraindre la société Nincsem Sosem à exécuter les contrats jusqu'à leur terme. Elles doivent ainsi être qualifiées de clauses pénales et sont, par suite, susceptibles de modération pour autant qu'elles soient manifestement excessives au regard du préjudice subi par le prestataire de services.
Il est constant que la société CRH n'a reçu paiement que d'une partie des mensualités initialement prévues, sachant que la période restant à courir, pour le contrat de maintenance, s'échelonnait du 1er octobre 2019 au 31 août 2023 et que les engagements de la société Nincsem Sosem souscrits au titre des contrats de services de téléphonie et d'internet auraient dû être prolongés de vingt-un et dix-neuf mois, d'où il suit que la rupture anticipée des contrats lui a causé un préjudice financier certain.
Celui-ci est, toutefois, inférieur au montant des sommes dont elle sollicite le paiement, dès lors que n'étant plus tenue d'aucune prestation, la fin prématurée des contrats ne lui a fait supporter aucun coût et que le prix matériel fourni non encore été restitué s'élève seulement à 990 € HT.
Les pénalités ainsi convenues apparaissent ainsi manifestement excessives. Elles seront donc réduites, en tenant compte des éléments d'appréciation précédents, à la somme totale de 15.000 € après déduction de la TVA, incluse à tort dans le montant des pénalités réclamées par la société CRH, selon l'estimation retenue par les premiers juges. Le jugement sera, par suite, confirmé de ce chef.
La société Nincsem Sosem sera, en outre, condamnée à payer à la société CRH, les intérêts au taux légal sur cette somme de 15.000 € à compter du 25 octobre 2019, date de la mise en demeure, le tribunal ayant omis de statuer sur cette demande.
Sur les autres demandes :
La société Nincsem Sosem succombant au recours, le jugement sera confirmé en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.
Statuant de ces chefs en cause d'appel, la cour la condamnera aux dépens, ainsi qu'à payer à la société CRH une indemnité de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
CONFIRME le jugement en ses dispositions soumises à la cour,
Y AJOUTANT,
CONDAMNE la SAS Nincsem Sosem à payer à la SARL CRH les intérêts au taux légal sur la somme de 15.000 € à compter du 25 octobre 2019,
CONDAMNE la SAS Nincsem Sosem aux dépens de l'appel,
CONDAMNE la SAS Nincsem Sosem à payer à la SARL CRH la somme de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT