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CA VERSAILLES (ch. civ. 1-3), 2 mai 2024

Nature : Décision
Titre : CA VERSAILLES (ch. civ. 1-3), 2 mai 2024
Pays : France
Juridiction : Versailles (CA), ch. civ. 1-3
Demande : 22/01734
Date : 2/05/2024
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 22/03/2022
Décision antérieure : T. proxim. Pontoise, 20 janvier 2022 : RG n° 11-21-1755 ; Dnd
Décision antérieure :
  • T. proxim. Pontoise, 20 janvier 2022 : RG n° 11-21-1755 ; Dnd
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CERCLAB - DOCUMENT N° 23175

CA VERSAILLES (ch. civ. 1-3), 2 mai 2024 : RG n° 22/01734 

Publication : Judilibre

 

Extraits : 1/ « Aux termes de l'article 565 du code de procédure civile, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent. Il résulte de l'article 563 du code de procédure civile que pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves. Or en l'espèce, la demande de déclaration du caractère abusif d'une clause au contrat ne s'analyse pas comme une prétention au sens de l'article 565 du code de procédure civile mais comme un moyen de droit aux fins de voir aboutir la demande de paiement de la somme de 6180 euros, laquelle a bien été formulée en première instance comme devant la présente cour. M. X. et Mme Y. peuvent invoquer de nouveaux moyens en cause d'appel. Dès lors, la fin de non-recevoir tirée du caractère nouveau de la demande sera rejetée. »

2/ « Aux termes d'une jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne (arrêt Pannon - CJCE 4 juin 2009, aff. C-243/08, et CJUE 5 mars 2020, aff. C-679/18) et de la Cour de cassation (Civ. 2e, 14 oct. 2021, n° 19-11.758), « il incombe au juge d'examiner d'office la conformité de cette clause aux dispositions du code de la consommation relatives aux clauses abusives en recherchant si elle était rédigée de façon claire et compréhensible et permettait à l'adhérent d'évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques et financières qui en découlaient pour lui, et, dans le cas contraire, si elle n'avait pas pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du non-professionnel ou consommateur. »

L'article 7 des contrats souscrits stipule qu’« en cas de résiliation du présent contrat par le locataire pour quelque cause que ce soit, le loueur aura droit à une indemnité de résiliation égale à tous les acomptes qui lui auront été versés par le locataire et à l'intégralité de ceux qui auraient dû lui être versés en exécution du présent contrat. Pour sa part, le locataire est libre de souscrire une assurance « annulation » s'il désire se prémunir contre les risques de nature à générer une annulation de l'évènement qui l'a conduit à louer la salle de réception ». Il ressort de l'article 6 desdits contrats que le 1er acompte versé permet la réservation de la salle de manière ferme et définitive, que le 2ème acompte doit être versé 9 mois avant la date de réception et que le 3ème acompte, constituant le solde non remboursable, doit être versé 6 mois avant la date de réception (c'est-à-dire l'évènement).  Il s'ensuit que la totalité de la prestation doit être payée six mois avant la réception, ce qui a été fait.

Dans un premier temps, la cour constate que l'information d'une possibilité de souscrire une assurance annulation résulte clairement de la clause reproduite supra, de sorte qu'il s'en déduit que la société d'exploitation de la Ferme aux saules s'est bien acquittée de son devoir d'information, une case à cocher n'étant pas de nature à suppléer cette information claire sur les conséquences de l'engagement contractuel pour les locataires. Dans un deuxième temps, la clause intitulée « résiliation du contrat de location par le locataire » prévoit que les locataires désignés dans les conditions particulières, en l'espèce M. X. et Mme Y., s'ils renoncent à leurs réservations, perdent les acomptes dus et versés par l'effet de l'article 6 du contrat, ce qui peut aller jusqu'à la totalité de la somme s'ils atteignent le délai de 6 mois avant la date de réception. Les sommes versées sont bien qualifiées d'acomptes dans les contrats et non d'arrhes, de sorte que la résiliation des contrats conduit à leur perte pour M. X. et Mme Y., et la conservation par la société d'exploitation la Ferme aux saules des sommes versées. Il se déduit de cette qualification d'acompte que la société d'exploitation de la Ferme aux saules n'a pas de faculté de résiliation unilatérale. Les conséquences économiques de la résiliation sont donc exprimées sans équivoque. Il y a donc lieu de considérer que la clause est parfaitement intelligible et clairement écrite.

Dans un troisième temps, il ressort des contrats, d'une part, que les locataires peuvent se rétracter à tout moment mais en perdant l'acompte dû et versé, d'autre part que le loueur peut se rétracter gratuitement mais uniquement lorsque la salle est endommagée et qu'elle ne peut pas être réparée à temps. Ainsi, à l'exception de l'impossibilité de mettre à disposition les salles de réception par suite de leur endommagement, la société d'exploitation de la Ferme aux saules ne dispose d'aucune faculté de dédit, comme celle prévue pour le locataire à l'article 7 susvisé. Cela signifie que la société d'exploitation de la Ferme aux saules n'avait pas de possibilité de résilier les contrats et devait irrévocablement s'acquitter de ses obligations contractuelles, à savoir la mise à disposition des salles réservées au prix convenu dans les contrats signés, sans qu'un refus ne puisse être exposé à M. X. et Mme Y.

Or, il est constant que des dates ont été proposées par la société d'exploitation de la Ferme aux saules pour remplacer celles initialement réservées qui ne correspondaient pas aux souhaits et besoins de la réception envisagée par M. X. et Mme Y. notamment en termes de jauge au regard des restrictions gouvernementales encore en vigueur en juin 2021. La société d'exploitation de la Ferme aux saules a proposé d'autres dates d'exécution à des moments auxquels les restrictions sanitaires avaient évolué, et a ainsi démontré sa volonté d'exécuter ses obligations contractuelles en 2021, à tout le moins de ne pas y renoncer. Ainsi, tandis que M. X. et Mme Y. disposent de la faculté de se rétracter à tout moment en perdant les acomptes versés, la Ferme ne dispose quant à elle d'aucune faculté de résiliation discrétionnaire, puisqu'elle n'est dégagée de ses obligations que dans l'hypothèse confinant à la force majeure, tenant à l'endommagement de la salle et à l'impossibilité de la réparer à temps.

L'équilibre entre les droits et obligations des parties ressort donc des contrats pris dans leur ensemble, en raison de l'impossibilité de se rétracter pour la société d'exploitation de la Ferme aux saules hors cas de force majeure et du qualificatif " d'acompte " des sommes versées, l'inexécution contractuelle pouvant, en toute hypothèse, conduire à une demande de résolution en justice, même en l'absence de clause résolutoire dans les contrats, et être assortie d'autres demandes comme celle de dommages et intérêts. La clause de résiliation des contrats signés par M. X. et Mme Y. ne créé donc pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, et permettait à ces derniers d'évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques et financières de leur engagement et de leur résiliation. En conséquence de quoi, la clause ne saurait être déclarée abusive au regard de l'équilibre du contrat. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE VERSAILLES

CHAMBRE CIVILE 1-3

ARRÊT DU 2 MAI 2024

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 22/01734. N° Portalis DBV3-V-B7G-VCMA. Code nac : 59A. CONTRADICTOIRE. Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 janvier 2022 par le Tribunal de proximité de PONTOISE : R.G. n° 11-21-1755.

LE DEUX MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE, La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

 

APPELANTS :

Monsieur X.

né le [date] à [Localité 4], de nationalité française, [Adresse 1], [Localité 2]

Madame Y.

née le [date] à [Localité 5], de nationalité française, [Adresse 1], [Localité 2]

Représentant : Maître Jean-Baptiste AUDIER de l'ASSOCIATION AGL & ASSOCIEE, Postulant, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 147

 

INTIMÉE :

SAS SOCIÉTÉ D'EXPLOITATION DE LA FERME AUX SAULES

N° SIRET : XXX, [Adresse 6], [Localité 3], Représentant : Maître Véronique FAUQUANT de la SCP PETIT MARCOT HOUILLON, Postulant/plaidant, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 100

 

Composition de la cour : En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile 71192CCF7D68F6ECF7E8E35EE0AB5BBF, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 26 février 2024, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Charlotte GIRAULT, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Florence PERRET, Président, Monsieur Bertrand MAUMONT, Conseiller, Madame Charlotte GIRAULT, Conseiller.

Greffier, lors des débats : Mme FOULON,

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

Par contrats en date du 23 février 2020, M. X. et Mme Y. ont réservé auprès de la société d'exploitation de la Ferme aux saules deux salles en vue de leur mariage les 5 et 6 juin 2021.

Ils ont versé pour la réservation des salles plusieurs chèques à titre d'acomptes pour un montant total de 6.180 euros à encaisser aux dates prévues aux contrats.

Entre avril et juin 2021, les parties ont appris que :

- les 5 et 6 juin 2021, en raison de la situation sanitaire encore incertaine liée à la pandémie de Covid limitant les rassemblements, la restauration était interdite en intérieur et une jauge de 35% était appliquée en extérieur, avec service à table uniquement et un maximum de 6 personnes par table.

- La restauration est redevenue possible après le 9 juin en intérieur avec des jauges augmentées.

- A compter du 30 juin 2021, les mesures de couvre-feu et de restrictions étaient levées, seuls les cocktails devant continuer à se faire débout et uniquement en extérieur.

A l'initiative de M. X. et Mme Y. dès le mois d'avril 2021, des échanges ont eu lieu avec la société d'exploitation de la Ferme aux saules pour rechercher une nouvelle date pour le mariage, qui ne pouvait plus se tenir aux dates convenues initialement. Ces derniers ont sollicité un report en juin 2022 tandis que la défenderesse a proposé d'autres dates fin juin 2021, en août et en octobre 2021, au regard des levées progressives des restrictions gouvernementales et a précisé qu'un report en juin 2022 emporterait un réajustement tarifaire.

Par acte d'huissier de justice du 26 juillet 2021, M. X. et Mme Y. ont fait assigner la société d'exploitation de la Ferme aux saules devant le tribunal judiciaire de Pontoise afin d'obtenir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- la condamnation de la société d'exploitation la Ferme aux saules à la somme de 6.180 euros à titre principal, avec intérêts au taux légal,

- la condamnation de la société La Fermes aux saules à la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens.

Par jugement du 20 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Pontoise a :

- rejeté la demande de résiliation du contrat de réservation des salles et par conséquent,

- condamné M. X. et Mme Y. aux dépens,

- rappelé que l'exécution provisoire de la décision déférée est de droit,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Le tribunal judiciaire de Pontoise a fondé sa décision de débouté de la demande de paiement en considérant que M. X. et Mme Y., en leur qualité de créancier de l'obligation de mise à disposition des salles et non les débiteurs, qui seuls peuvent invoquer la force majeure pour obtenir la résolution du contrat.

Par acte du 22 mars 2022, M. X. et Mme Y. ont interjeté appel du jugement.

[*]

Par ordonnance du 5 décembre 2022, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Versailles a :

- rejeté la demande d'irrecevabilité des demandes alléguées comme nouvelles, en tant que demande formée devant le conseiller de la mise en état,

- rejeté la demande formée au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que le sort des dépens de l'incident suivra celui des dépens de l'instance au fond.

M. X. et Mme Y. prient la cour, par dernières écritures du 20 juin 2022, d'infirmer le jugement déféré,

En conséquence, statuant à nouveau,

- juger que la clause de résiliation insérée dans les conditions générales du contrat de réservation est abusive et de fait, réputée non-écrite,

- débouter la société d'exploitation de la Ferme aux saules de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- condamner la société d'exploitation de la Ferme aux saules à verser à M. X. et Mme Y. la somme de 6 180 euros correspondant aux acomptes versés au titre du contrat de réservation du 23 février 2020,

- condamner la société d'exploitation de la Ferme aux saules à verser à M. X. et Mme Y. les sommes de 2 500 euros pour la première instance et 2 500 euros pour la procédure d'appel en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

[*]

Par dernières écritures du 20 septembre 2022, la société d'exploitation de la Ferme aux saules prie la cour de :

- juger irrecevable comme nouvelle avec toutes suites et conséquences de droit, la demande formulée par M. X. et Mme Y. visant à voir juger abusive et privée d'effet la clause de résiliation des contrats litigieux,

En conséquence,

- débouter M. X. et Mme Y. de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,

- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

A titre subsidiaire,

- juger que la clause de résiliation ne crée aucun déséquilibre significatif entre les parties,

En conséquence,

- débouter M. X. et Mme Y. de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,

- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, au besoin par substitution de motifs,

A titre infiniment subsidiaire,

- juger abusive la décision de M. X. et Mme Y. de rompre le contrat les liant à la société d'exploitation de la Ferme aux saules,

- condamner solidairement M. X. et Mme Y. à verser à la société d'exploitation de la Ferme aux saules une somme de 6 180 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier,

- ordonner la compensation entre les dommages et intérêts alloués et les acomptes perçus par la société d'exploitation de la Ferme aux saules,

- débouter M. X. et Mme Y. de toute demande plus ample ou contraire,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. X. et Mme Y. de leur demande visant le remboursement des sommes versées,

- condamner solidairement M. X. et Mme Y. à verser à la société d'exploitation de la Ferme aux saules une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

[*]

La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 janvier 2024.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

A titre liminaire, la cour relève que les appelants demandent l'infirmation du jugement sans formuler de demande de « résiliation du contrat », et ne développent aucun moyen tendant à fonder les condamnations de l'intimée sur la résolution des contrats, de sorte que la cour n'est saisie au fond par les appelants que d'une demande de paiement de la somme de 6.180 euros, correspondant aux acomptes versés dans le cadre des contrats de réservation des salles de réception.

 

Sur la fin de non-recevoir :

La société d'exploitation de la Ferme aux saules fait valoir que les demandes de voir juger la clause de résiliation des contrats de réservation de salle comme abusive au sens du code de la consommation ou créant un déséquilibre significatif entre les parties au sens du code civil sont nouvelles car elles ne tendent pas à la même fin que la demande formée en première instance de résolution des contrats dans leur globalité.

M. X. et Mme Y., qui ont saisi la cour d'une demande de paiement, n'ont pas répondu au moyen.

Sur ce,

Aux termes de l'article 565 du code de procédure civile, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent. Il résulte de l'article 563 du code de procédure civile que pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves.

Or en l'espèce, la demande de déclaration du caractère abusif d'une clause au contrat ne s'analyse pas comme une prétention au sens de l'article 565 du code de procédure civile mais comme un moyen de droit aux fins de voir aboutir la demande de paiement de la somme de 6180 euros, laquelle a bien été formulée en première instance comme devant la présente cour. M. X. et Mme Y. peuvent invoquer de nouveaux moyens en cause d'appel.

Dès lors, la fin de non-recevoir tirée du caractère nouveau de la demande sera rejetée.

 

Sur la demande en paiement :

Afin de se voir restituer les sommes versées, M. X. et Mme Y., demandent que la cour déclare abusive la clause de résiliation des contrats de réservation des salles de réception. Ils font valoir que la clause des contrats qu'ils ont signés rentre dans la liste grise des clauses abusives définie par les articles R. 212-1 et R. 212-2 du code de la consommation ayant pour effet « d'autoriser le professionnel à conserver des sommes versées par le consommateur lorsque celui-ci renonce à conclure ou à exécuter le contrat, sans prévoir réciproquement le droit du consommateur de percevoir une indemnité d'un montant équivalent, ou égale au double en cas de versement d'arrhes au sens de l'article L. 214-1 du code de la consommation, si c'est le professionnel qui renonce ». Ils soutiennent qu'aucune case prévue pour l'assurance annulation ne figure aux contrats et que la société d'exploitation de la Ferme aux saules ne justifie pas de l'exécution de son devoir d'information. Ils estiment que l'exigence d'un complément tarifaire pour un report en juin 2022 était sans risque pour le loueur et illustre le déséquilibre significatif de la clause, dès lors que celle-ci prévoit la conservation des acomptes par le loueur. Ils soutiennent en conséquence que, faute de clause de résiliation, qui en l'espèce doit être réputée non écrite du fait de son caractère abusif, un contrat ne peut exister. Enfin, ils font valoir que cette clause créé un déséquilibre significatif entre les parties, de sorte qu'aux termes de l'article 1171 du code civil, il y a lieu de la voir déclarer réputée non-écrite.

En réponse, la société d'exploitation de la Ferme aux saules soutient qu'elle a parfaitement rempli son obligation d'information quant à la possibilité de souscrire une assurance annulation en mentionnant cette faculté dans la clause. Elle fait valoir par ailleurs que le caractère d'acompte des sommes versées suppose un engagement ferme et définitif du consommateur qui ne dispose en principe d'aucune faculté de dédit. En outre, elle relève qu'il n'existe pas de faculté de dédit générale pour le commerçant, raison pour laquelle il n'est pas envisagé d'indemnité au profit des locataires, sauf dans le cas de force majeure, où la salle aurait été endommagée et n'aurait pu être réparée à temps, cas conduisant à la restitution de l'intégralité des acomptes versés.

Sur ce,

Aux termes de l'article L. 212-1 du Code de la consommation « dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. »

Aux termes d'une jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne (arrêt Pannon - CJCE 4 juin 2009, aff. C-243/08, et CJUE 5 mars 2020, aff. C-679/18) et de la Cour de cassation (Civ. 2e, 14 oct. 2021, n° 19-11.758), « il incombe au juge d'examiner d'office la conformité de cette clause aux dispositions du code de la consommation relatives aux clauses abusives en recherchant si elle était rédigée de façon claire et compréhensible et permettait à l'adhérent d'évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques et financières qui en découlaient pour lui, et, dans le cas contraire, si elle n'avait pas pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du non-professionnel ou consommateur. »

L'article 7 des contrats souscrits stipule qu’« en cas de résiliation du présent contrat par le locataire pour quelque cause que ce soit, le loueur aura droit à une indemnité de résiliation égale à tous les acomptes qui lui auront été versés par le locataire et à l'intégralité de ceux qui auraient dû lui être versés en exécution du présent contrat. Pour sa part, le locataire est libre de souscrire une assurance « annulation » s'il désire se prémunir contre les risques de nature à générer une annulation de l'évènement qui l'a conduit à louer la salle de réception ».

Il ressort de l'article 6 desdits contrats que le 1er acompte versé permet la réservation de la salle de manière ferme et définitive, que le 2ème acompte doit être versé 9 mois avant la date de réception et que le 3ème acompte, constituant le solde non remboursable, doit être versé 6 mois avant la date de réception (c'est-à-dire l'évènement).

Il s'ensuit que la totalité de la prestation doit être payée six mois avant la réception, ce qui a été fait.

Dans un premier temps, la cour constate que l'information d'une possibilité de souscrire une assurance annulation résulte clairement de la clause reproduite supra, de sorte qu'il s'en déduit que la société d'exploitation de la Ferme aux saules s'est bien acquittée de son devoir d'information, une case à cocher n'étant pas de nature à suppléer cette information claire sur les conséquences de l'engagement contractuel pour les locataires.

Dans un deuxième temps, la clause intitulée « résiliation du contrat de location par le locataire » prévoit que les locataires désignés dans les conditions particulières, en l'espèce M. X. et Mme Y., s'ils renoncent à leurs réservations, perdent les acomptes dus et versés par l'effet de l'article 6 du contrat, ce qui peut aller jusqu'à la totalité de la somme s'ils atteignent le délai de 6 mois avant la date de réception. Les sommes versées sont bien qualifiées d'acomptes dans les contrats et non d'arrhes, de sorte que la résiliation des contrats conduit à leur perte pour M. X. et Mme Y., et la conservation par la société d'exploitation la Ferme aux saules des sommes versées. Il se déduit de cette qualification d'acompte que la société d'exploitation de la Ferme aux saules n'a pas de faculté de résiliation unilatérale.

Les conséquences économiques de la résiliation sont donc exprimées sans équivoque. Il y a donc lieu de considérer que la clause est parfaitement intelligible et clairement écrite.

Dans un troisième temps, il ressort des contrats, d'une part, que les locataires peuvent se rétracter à tout moment mais en perdant l'acompte dû et versé, d'autre part que le loueur peut se rétracter gratuitement mais uniquement lorsque la salle est endommagée et qu'elle ne peut pas être réparée à temps. Ainsi, à l'exception de l'impossibilité de mettre à disposition les salles de réception par suite de leur endommagement, la société d'exploitation de la Ferme aux saules ne dispose d'aucune faculté de dédit, comme celle prévue pour le locataire à l'article 7 susvisé.

Cela signifie que la société d'exploitation de la Ferme aux saules n'avait pas de possibilité de résilier les contrats et devait irrévocablement s'acquitter de ses obligations contractuelles, à savoir la mise à disposition des salles réservées au prix convenu dans les contrats signés, sans qu'un refus ne puisse être exposé à M. X. et Mme Y.

Or, il est constant que des dates ont été proposées par la société d'exploitation de la Ferme aux saules pour remplacer celles initialement réservées qui ne correspondaient pas aux souhaits et besoins de la réception envisagée par M. X. et Mme Y. notamment en termes de jauge au regard des restrictions gouvernementales encore en vigueur en juin 2021. La société d'exploitation de la Ferme aux saules a proposé d'autres dates d'exécution à des moments auxquels les restrictions sanitaires avaient évolué, et a ainsi démontré sa volonté d'exécuter ses obligations contractuelles en 2021, à tout le moins de ne pas y renoncer.

Ainsi, tandis que M. X. et Mme Y. disposent de la faculté de se rétracter à tout moment en perdant les acomptes versés, la Ferme ne dispose quant à elle d'aucune faculté de résiliation discrétionnaire, puisqu'elle n'est dégagée de ses obligations que dans l'hypothèse confinant à la force majeure, tenant à l'endommagement de la salle et à l'impossibilité de la réparer à temps.

L'équilibre entre les droits et obligations des parties ressort donc des contrats pris dans leur ensemble, en raison de l'impossibilité de se rétracter pour la société d'exploitation de la Ferme aux saules hors cas de force majeure et du qualificatif " d'acompte " des sommes versées, l'inexécution contractuelle pouvant, en toute hypothèse, conduire à une demande de résolution en justice, même en l'absence de clause résolutoire dans les contrats, et être assortie d'autres demandes comme celle de dommages et intérêts.

La clause de résiliation des contrats signés par M. X. et Mme Y. ne créé donc pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, et permettait à ces derniers d'évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques et financières de leur engagement et de leur résiliation.

En conséquence de quoi, la clause ne saurait être déclarée abusive au regard de l'équilibre du contrat.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il rejette la demande de paiement de M. X. et Mme Y.

 

Sur les autres demandes :

En l'absence de demande de résolution des contrats, les demandes de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier de la société d'exploitation de la Ferme des saules et de compensation des sommes allouées et acomptes versés, dès lors que la mise à disposition des salles n'a pas été faite et que l'ensemble des acomptes ont été versés et encaissés à hauteur de la somme réclamée, sont infondées.

Les demandes de la société d'exploitation de la Ferme des saules sont donc sans objet.

Aux termes de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation.

L'équité commande de laisser à chaque partie la charge des frais irrépétibles qu'elles ont engagés pour la présente instance.

M. X. et Mme Y. qui succombent sont condamnés aux dépens.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant contradictoirement et publiquement par mise à disposition au greffe,

REJETTE la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de demandes nouvelles soulevée par la société d'exploitation de la Ferme des saules ;

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a débouté de leur demande de paiement M. X. et Mme Y.,

Y ajoutant

CONDAMNE M. X. et Mme Y. aux dépens,

DEBOUTE M. X. et Mme Y. de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE la société d'exploitation de la Ferme des saules de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame F. PERRET, Président et par Madame K. FOULON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,                                        Le président,