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CA VERSAILLES (ch. com. 3-1), 4 juillet 2024

Nature : Décision
Titre : CA VERSAILLES (ch. com. 3-1), 4 juillet 2024
Pays : France
Juridiction : Versailles (CA), ch. com. 3-1
Demande : 22/06755
Date : 4/07/2024
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 9/11/2022
Décision antérieure : T. com. Nanterre (5e ch.), 4 octobre 2022 : RG n° 2020F01545 ; Dnd
Décision antérieure :
  • T. com. Nanterre (5e ch.), 4 octobre 2022 : RG n° 2020F01545 ; Dnd
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CERCLAB - DOCUMENT N° 23178

CA VERSAILLES (ch. com. 3-1), 4 juillet 2024 : RG n° 22/06755

Publication : Judilibre

 

Extrait : « Aux termes de l'article L. 112-2 du code des assurances, « Avant la conclusion du contrat, l'assureur remet à l'assuré un exemplaire du projet de contrat et ses annexes ».

Par ailleurs, l'article 1119 alinéa 1er du code civil dispose que « Les conditions générales invoquées par une partie n'ont effet à l'égard de l'autre que si elles ont été portées à la connaissance de celle-ci et si elle les a acceptées ».

Il ressort des pièces produites par les parties que la proposition d'assurance formulée par la société SFA le 12 mars 2019 a été acceptée par la société BPIF le 15 mars 2019. Or, les premiers juges ont justement relevé que les assureurs ne démontrent pas que les conditions générales du contrat ont été communiquées et acceptées par l'assurée avant la conclusion du contrat. En effet, ce n'est que par mail du 28 mai 2019 que le courtier les a transmises à la société BPIF, sans de surcroît que la preuve de leur acceptation soit rapportée.

Par ailleurs, s'il est prétendu que la société BPIF connaissait les conditions générales du contrat, dès lors que les autres unités de flotte de cette dernière sont également assurées auprès de la société Helvetia, cet élément, au demeurant non démontré, est indifférent. En effet, en application des textes précités, il appartient à l'assureur, pour chaque contrat, de porter à la connaissance de l'assuré les conditions générales du contrat et de veiller à ce que ce dernier les accepte.

Enfin, le simple renvoi inséré à la proposition d'assurance du 12 mars 2019 aux « Conditions Générales de l'imprimé Helvetia Fluvial Bateaux Passagers de septembre 2018 » ou plus simplement aux « conditions générales » est insuffisant à satisfaire à l'obligation de communication et d'acceptation préalables à la conclusion du contrat des conditions générales imposée par les articles L.112-2 du code des assurances et 1119 alinéa 1er du code civil, à défaut de remise effective desdites conditions générales.

En conséquence, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a déclaré les conditions générales de la police inopposables à la société BPIF.

Le délai de 5 jours à compter de la connaissance du dommage imposé à l'assuré pour régulariser sa déclaration de sinistre par écrit auprès de l'assureur n'est stipulé qu'à l'article C 1.1 des conditions générales du contrat (page 22). Il ne figure pas dans la proposition d'assurance acceptée le 15 mars 2019 par la société BPIF. Les conditions générales du contrat étant inopposables à l'assuré, les assureurs ne peuvent se prévaloir de la déchéance du droit à l'indemnité prévue à titre de sanction du non-respect du délai. Le jugement est également confirmé sur ce point. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE VERSAILLES

CHAMBRE COMMERCIALE 3-1

ARRÊT DU 4 JUILLET 2024

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 22/06755 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VQIK. Code nac : 58E. CONTRADICTOIRE. Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 4 octobre 2022 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE (5e ch.) : R.G. n° 2020F01545.

LE QUATRE JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE, La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

 

APPELANTES :

SA HELVETIA ASSURANCES

RCS Le Havre n° XXX, [Adresse 1], [Localité 5]

Société HDI GLOBAL SE

[Adresse 15], [Adresse 6], [Localité 8]

Société ARGO GLOBAL SE

[Adresse 9], [Localité 2]

Société SDE ZURICH INSURANCE PLC

[Adresse 12], [Localité 11] (BELGIQUE)

Représentées par Maître Oriane DONTOT de la SELARL JRF AVOCATS & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 et Maître Olivia PUPIN-CHANCEL substituant à l'audience Maître Rozenn LOPIN, Plaidant, avocat au barreau de Paris

 

INTIMÉE :

SAS BATEAUX DE [Localité 13] ET DE L'ILE DE FRANCE

RCS Paris n° YYY, [Adresse 14], [Localité 4], Représentée par Maître Katell FERCHAUX-LALLEMENT de la SELARL BDL AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 629 et Maître Alexis LEMARIE de la SELARL TARIN LEMARIE, Plaidant, avocat au barreau de Paris

 

PARTIE INTERVENANTE :

SAS FLUVIALE D'ASSURANCES

RCS Nanterre n° ZZZ, [Adresse 3], [Localité 7], Représentée par Maître Martine DUPUIS de la SELARL LX PARIS- VERSAILLES-REIMS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 et Maître Christian HUBNER, Plaidant, avocat au barreau de Paris

Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure ci 71192CCF7D68F6ECF7E8E35EE0AB5BBF vile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 7 mai 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Bérangère MEURANT, Conseillère faisant fonction de président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Bérangère MEURANT, Conseillère faisant fonction de président, Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseillère, Madame Véronique MULLER, Magistrate honoraire.

Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DES FAITS :

La SAS Bateaux de [Localité 13] et d'Ile de France, ci-après dénommée la société BPIF, est propriétaire d'un ponton non motorisé, dénommé La Râpée, qui est amarré [Adresse 14] à [Localité 4].

La Société Fluviale d'Assurance, ci-après dénommée la société SFA, est le courtier d'assurance historique de la société BPIF.

La société La Concrète, devenue la société Le Ponton, a pour activité l'organisation de soirées évènementielles.

Depuis 2011, la société BPIF a mis à disposition de la société Le Ponton une partie des surfaces de la barge La Râpée, par le biais de conventions successives.

La dernière convention d'exploitation entre les sociétés BPIF et Le Ponton a pris fin le 31 janvier 2019. Toutefois, la société Le Ponton a refusé de quitter les lieux, amenant la société BPIF à engager une procédure d'expulsion.

Le 6 mars 2019, la société BPIF s'est rapprochée de la société SFA en vue de souscrire un contrat d'assurance pour La Râpée.

Le 12 mars 2019, la société BPIF a rempli et signé un questionnaire d'étude de risques afin de permettre à la société SFA d'établir un devis. Le 12 mars 2019, la société BPIF a signé une proposition d'assurance de dommages à effet au 15 mars 2019, auprès des sociétés Helvetia Assurances SA, HDI Global SE, Argo Global SE, Zurich Insurance PLC, ci-après dénommées les sociétés Helvetia, HDI, Argo et Zurich. La société Helvetia est l'apériteur de ce contrat.

Le 28 juin 2019, la société Helvetia a adressé à la société SFA un courriel l'alertant sur la poursuite de l'exploitation de l'activité de discothèque, non garantie, par la société Le Ponton sur La Râpée. L'assureur a demandé au courtier d'en avertir l'assurée, ce que la société SFA a fait par courriel du même jour.

Après de multiples démarches infructueuses en vue de parvenir à la restitution du ponton, la société BPIF a obtenu une ordonnance de référé le 27 juin 2019 prenant acte de l'engagement de la société Le Ponton de libérer les lieux au plus tard le 26 juillet 2019.

La société Le Ponton a organisé un dernier événement festif dénommé’Grand Closing' du 19 au 22 juillet 2019.

Lors de la restitution des lieux par la société Le Ponton, la société BPIF a fait constater par un huissier de justice d'importantes dégradations de La Râpée.

Le 10 octobre 2019, la société BPIF a adressé une déclaration de sinistre auprès de la société SFA, lui demandant la prise en charge des dommages, et le 11 octobre 2019, elle a déposé plainte contre la société Le Ponton et sa société sœur SAS Surprize au titre des dégradations.

Le 23 octobre 2019, la société Helvetia a notifié son refus de garantie au motif que la déclaration de sinistre n'avait pas été régularisée dans les 5 jours de sa constatation par l'assurée comme prévu aux conditions générales d'assurance.

Le 19 novembre 2019 la société Helvetia a confirmé auprès de la société SFA sa position quant à la déchéance du droit à indemnisation de la société BPIF en raison de l'absence de déclaration de sinistre dans le délai contractuel de 5 jours.

Le 10 février 2020, les conseils de la société BPIF ont sollicité de la société SFA la justification du refus d'indemnisation. Le 12 mars 2020, le courtier a répondu que la société Helvetia refusait sa garantie parce que les dommages étaient liés à l'activité de discothèque, exclue de la garantie, et du fait de la tardiveté de la déclaration de sinistre. La société SFA a en outre indiqué que la société Helvetia proposait de verser à la société BPIF une somme de 5.000 € afin de l'accompagner dans ce litige.

Le 6 mai 2020, la société BPIF a mis la société Helvetia en demeure de confirmer que le sinistre était couvert par la garantie.

Par courrier du même jour, la société BPIF a reproché à la société SFA plusieurs manquements dans le cadre de la négociation avec la société Helvetia, qui ont été contestés, le 13 mai 2020, par le courtier.

Par courrier du 15 mai 2020, la société Helvetia a maintenu sa position.

C'est dans ces conditions que, par actes d'huissier du 10 août 2020, la société BPIF a fait assigner les sociétés Helvetia, HDI, Argo, Zurich et la société SFA devant le tribunal de commerce de Nanterre.

Par jugement du 4 octobre 2022, le tribunal de commerce de Nanterre a :

- Constaté le désistement d'instance de Bateaux de [Localité 13] et de l'Ile de France à l'encontre de Corporate Spécial Risks ;

- Dit que les conditions générales d'assurance ne sont pas applicables aux relations entre les parties ;

- Dit qu'Helvetia Assurance SA, HDI Global SE et Zurich Insurance PLC ne peuvent refuser d'appliquer leurs garanties pour déclaration tardive et que leurs demandes à ce titre seront rejetées ;

- Dit que Bateaux de [Localité 13] et de l'Ile de France n'a pas fait de déclaration inexacte portant préjudice à Helvetia Assurances SA, HDI Global SE et Zurich Insurance PLC et rejettera (sic) à bon droit la demande de nullité soulevée par leurs soins pour la police d'assurance souscrite par la société BPIF et les déboutera de leurs demandes à être exonérées de la mise en œuvre de la police au titre d'événements survenus pendant les soirées organisées par la société Le Ponton ;

- Dit la garantie de la police N°91092060 acquise à Bateaux de [Localité 13] et de l'Ile de France et condamné Helvetia Assurances SA, HDI Global SE et Zurich Insurance PLC à prendre en charge les frais de remises en état supportés par Bateaux de [Localité 13] et de l'Ile de France suite aux dégradations constatées.

- Condamné in solidum Helvetia Assurances SA, HDI Global SE et Zurich Insurance PLC à payer à Bateaux de [Localité 13] et de l'Ile de France la somme de 199.613,33 € déboutant du surplus ;

- Débouté Bateaux de [Localité 13] et de l'Ile de France de ses demandes au titre de la garantie recours;

- Condamné in solidum Helvetia Assurances SA, HDI Global SE et Zurich Insurance PLC à payer la somme de 8.000 € à Bateaux de [Localité 13] et d'Ile de France au titre de l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné Bateaux de [Localité 13] et de l'Ile de France à payer la somme de 1.000 € à Corporate Spécial Risks au titre de l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Rappelé que l'exécution provisoire est de droit ;

- Condamné Helvetia Assurance SA aux dépens.

Par déclaration du 9 novembre 2022, les sociétés Helvetia, HDI, Argo et Zurich ont interjeté appel de ce jugement.

 

PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par dernières conclusions notifiées le 27 juillet 2023, les sociétés Helvetia, HDI, Argo et Zurich demandent à la cour de :

- Juger recevable l'appel diligenté par les sociétés Helvetia, HDI, Argo et Zurich à l'encontre du jugement du tribunal de commerce de Nanterre rendu le 4 octobre 2022 ;

- Confirmer le jugement en ce qu'il a :

- Débouté la société BPIF de sa demande de prise en charge des factures RSIB ;

- Débouté la société BPIF de ses demandes au titre de la garantie défense-recours ;

- Réformer le jugement entrepris quant à :

- l'opposabilité des conditions générales de la police ;

- la nullité du contrat d'assurance ;

- la mobilisation de la garantie Helvetia ;

- la condamnation d'Helvetia et des co-assureurs à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

Et, statuant à nouveau,

A titre principal,

- Juger que les Conditions Générales de la police d'assurance Helvetia sont opposables ;

- Juger que le contrat d'assurance est nul pour déclaration inexacte ;

- Juger que la garantie Helvetia n'est pas mobilisable en ce que :

- Le sinistre a été déclaré tardivement ;

- Les conditions de la garantie ne sont pas réunies ;

- La police d'assurance Helvetia prévoit des exclusions permettant à cette dernière de refuser sa garantie ;

Et ce faisant,

- Débouter la société BPIF de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions en ce qu'elles sont dirigées contre les sociétés Helvetia, HDI, Argo et Zurich ;

A titre subsidiaire,

- Juger que les sociétés Helvetia, HDI, Argo et Zurich ne peuvent être condamnées au-delà de leurs limites de garantie, à savoir sur justification des montants des frais de remise en état supportés par la société BPIF, et après déduction :

- des taux de coefficient de vétusté ;

- de 25 % sur le montant total des remplacements et remboursements ;

- de 10.000 € correspondant à la franchise contractuelle ;

Et ce faisant,

- Débouter la société BPIF de ses demandes en ce qu'elles excèdent les limites de la police ;

En tout état de cause,

- Condamner la société BPIF à payer aux sociétés Helvetia, HDI, Argo et Zurich la somme de 12.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

[*]

Par dernières conclusions notifiées le 3 avril 2024, la société Bateaux de [Localité 13] et de l'Ile de France demande à la cour de :

- Débouter les sociétés Helvetia Assurances SA, HDI Global SE, Argo Global SE et Zurich Insurance PLC de leur appel ;

- Juger recevable l'appel incident de la société BPIF à l'encontre du jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 4 octobre 2022, en ce compris les demandes à l'encontre de la société SFA,

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- Condamné in solidum les sociétés Helvetia Assurances SA, HDI Global SE, Argo Global SE et Zurich Insurance PLC à payer à la société Bateaux de [Localité 13] et de l'Ile de France la somme de 199.613,33 € ;

- Condamné in solidum les sociétés Helvetia Assurances SA, HDI Global SE, Argo Global SE et Zurich Insurance PLC à payer à la société Bateaux de [Localité 13] et de l'Ile de France la somme de 8.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, ce au titre de la première instance ;

- Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- Débouté la société Bateaux de [Localité 13] et de l'Ile de France de sa demande de condamnation des assureurs à payer, outre la somme de 199.613,33 €, celle de 77.733,51 € à Bateaux de [Localité 13] et de l'Ile de France ;

- Débouté la société Bateaux de [Localité 13] et de l'Ile de France de sa demande d'assortir ces sommes des intérêts légaux à compter de la délivrance de l'assignation, soit le 10 août 2020, outre capitalisation de ceux-ci ;

Et, statuant à nouveau sur ces points,

- Condamner in solidum les sociétés Helvetia Assurances SA, HDI Global SE, Argo Global SE et Zurich Insurance PLC à payer à la société Bateaux de [Localité 13] et de l'Ile de France la somme de 77.733,51 € assortis des intérêts légaux à compter de la délivrance de l'assignation, soit le 10 août 2020, outre capitalisation de ceux-ci ;

Subsidiairement, si par extraordinaire il était considéré que la garantie des assureurs n'est pas acquise à la société Bateaux de [Localité 13] et de l'Ile de France, ou ne devrait pas donner lieu à une indemnisation complète de la société Bateaux de [Localité 13] et de l'Ile de France,

- Réformer le jugement en ce qu'il n'a pas retenu la responsabilité de Société Fluviale d'Assurances ;

Et, statuant à nouveau sur ce point,

- En cas de confirmation du jugement et de débouté de l'appel incident de la société Bateaux de [Localité 13] et de l'Ile de France à obtenir une indemnisation complète, condamner Société Fluviale d'Assurances à couvrir la différence entre les sommes réclamées et l'indemnisation reçue ;

En conséquence,

- Condamner Société Fluviale d'Assurances à payer à la société Bateaux de [Localité 13] et de L'Ile de France la somme de 77.733,51 € assortis des intérêts légaux à compter de la délivrance de l'assignation, soit le 10 août 2020, outre capitalisation de ceux-ci ;

- Si la cour devait infirmer le jugement entrepris et estimer que la garantie de Helvetia Assurances SA, HDI Global SE, Argo Global SE et Zurich Insurance PLC n'est pas acquise à la société Bateaux de [Localité 13] et de l'Ile de France, ou ne pas donner lieu à une indemnisation complète, Société Fluviale d'Assurances devrait être condamnée à couvrir la différence entre les sommes réclamées et l'indemnisation reçue ;

En conséquence,

- Condamner Société Fluviale d'Assurances à payer à la société Bateaux de [Localité 13] et de l'Ile de France la somme de 276.573,64 € sauf à parfaire, outre intérêts légaux capitalisés à compter du 10 août 2020 ;

En tout état de cause,

- Condamner la ou les succombante(s) à payer à la société Bateaux de [Localité 13] et de l'Ile de France la somme de 12.000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 2 avril 2024, la société SFA demande à la cour de :

- Déclarer la société SFA recevable en sa constitution et ses présentes écritures ;

- Constater que le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 4 octobre 2022 ne contient aucune disposition relative à une responsabilité de la société SFA, ne statuant aucunement sur ce point ;

- Constater que l'appel provoqué de la société BPIF porte dès lors sur un élément inexistant du jugement entrepris ;

- Constater l'absence d'effet dévolutif de l'appel provoqué de la société BPIF ;

- Déclarer la société Bateaux de [Localité 13] et de l'Ile de France irrecevable en son appel provoqué à l'encontre de la Société Fluviale d'Assurance ;

A titre subsidiaire, si par impossible l'appel provoqué dela société BPIF devait être déclaré recevable,

- Constater que la société SFA n'a commis aucune faute dans l'exécution de son mandat de courtage tant lors de la souscription du contrat du bateau La Râpée que lors de la gestion et du suivi du sinistre du 27 juillet 2019 ;

En conséquence,

- Débouter la société Bateaux de [Localité 13] et de l'Ile de France de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- Débouter toutes parties de toutes demandes contraires au présent dispositif ;

- Condamner la société Bateaux de [Localité 13] et de l'Ile de France à verser à la société SFA la somme de 10.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

[*]

L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 avril 2024.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit par l'article 455 du code de procédure civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Sur la garantie des co-assureurs :

Sur la déchéance de la garantie pour déclaration de sinistre tardive :

Les sociétés Helvetia, HDI, Argo et Zurich opposent à l'assurée une déchéance de la garantie du fait d'une déclaration de sinistre tardive, puisque régularisée au-delà du délai contractuel de 5 jours à compter de la connaissance du dommage. Elles contestent l'inopposabilité des leurs conditions générales dès lors qu'elles ont été portées à la connaissance de la société BPIF le 28 mai 2019 soit antérieurement au sinistre. Elles soulignent que la proposition d'assurance du 12 mars 2019 renvoie aux « Conditions Générales de l'imprimé Helvetia Fluvial Bateaux Passagers de septembre 2018 », dont la société BPIF a connaissance puisque le reste de sa flotte est assuré auprès de la société Helvetia.

En réponse à l'argumentation adverse, les co-assureurs contestent tout déséquilibre significatif du contrat, rappelant qu'il est régi par le Titre VII du Livre 1er du code des assurances, qui ne prévoit pas l'obligation pour l'assureur d'établir un grief consécutif à la déclaration tardive. Ils soulignent que le contrat n'est pas un contrat d'adhésion, mais un contrat de gré à gré qui a été négocié et rédigé par le courtier de la société BPIF. Les assureurs contestent la possibilité pour cette dernière de se prévaloir d'un déséquilibre significatif, dès lors qu'elle n'a pas la qualité de consommateur ou de plaisancier. En tout état de cause, les appelantes soutiennent que la déclaration tardive a empêché la société Helvetia d'enquêter sur le sinistre puisque le 17 octobre 2022 l'essentiel des travaux réparatoires du navire avait déjà été réalisé.

La société BPIF soutient que la garantie souscrite auprès de la société Helvetia, à effet au 15 mars 2019, est mobilisable. Elle conclut à la confirmation du jugement qui a déclaré les conditions générales inopposables, dès lors que l'assureur ne démontre pas qu'elle les a acceptées avant la conclusion du contrat. En réponse à l'argumentation adverse, elle conteste en avoir eu connaissance à l'occasion d'autres contrats d'assurance et précise que les conditions générales doivent être acceptées dans le cadre du contrat considéré. Elle en déduit que la clause de déchéance liée au non-respect de l'obligation de déclarer le sinistre dans un délai de 5 jours lui est inopposable. Subsidiairement, au visa de l'article 1171 du code civil, la société BPIF demande à la cour de déclarer les conditions générales du contrat d'adhésion non écrites au regard du déséquilibre significatif généré en faveur de l'assureur puisqu'il peut être déchargé de sa garantie alors qu'il ne subit aucun préjudice.

* * * * *

Aux termes de l'article L. 112-2 du code des assurances, « Avant la conclusion du contrat, l'assureur remet à l'assuré un exemplaire du projet de contrat et ses annexes ».

Par ailleurs, l'article 1119 alinéa 1er du code civil dispose que « Les conditions générales invoquées par une partie n'ont effet à l'égard de l'autre que si elles ont été portées à la connaissance de celle-ci et si elle les a acceptées ».

Il ressort des pièces produites par les parties que la proposition d'assurance formulée par la société SFA le 12 mars 2019 a été acceptée par la société BPIF le 15 mars 2019. Or, les premiers juges ont justement relevé que les assureurs ne démontrent pas que les conditions générales du contrat ont été communiquées et acceptées par l'assurée avant la conclusion du contrat. En effet, ce n'est que par mail du 28 mai 2019 que le courtier les a transmises à la société BPIF, sans de surcroît que la preuve de leur acceptation soit rapportée.

Par ailleurs, s'il est prétendu que la société BPIF connaissait les conditions générales du contrat, dès lors que les autres unités de flotte de cette dernière sont également assurées auprès de la société Helvetia, cet élément, au demeurant non démontré, est indifférent. En effet, en application des textes précités, il appartient à l'assureur, pour chaque contrat, de porter à la connaissance de l'assuré les conditions générales du contrat et de veiller à ce que ce dernier les accepte.

Enfin, le simple renvoi inséré à la proposition d'assurance du 12 mars 2019 aux « Conditions Générales de l'imprimé Helvetia Fluvial Bateaux Passagers de septembre 2018 » ou plus simplement aux « conditions générales » est insuffisant à satisfaire à l'obligation de communication et d'acceptation préalables à la conclusion du contrat des conditions générales imposée par les articles L. 112-2 du code des assurances et 1119 alinéa 1er du code civil, à défaut de remise effective desdites conditions générales.

En conséquence, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a déclaré les conditions générales de la police inopposables à la société BPIF.

Le délai de 5 jours à compter de la connaissance du dommage imposé à l'assuré pour régulariser sa déclaration de sinistre par écrit auprès de l'assureur n'est stipulé qu'à l'article C 1.1 des conditions générales du contrat (page 22). Il ne figure pas dans la proposition d'assurance acceptée le 15 mars 2019 par la société BPIF. Les conditions générales du contrat étant inopposables à l'assuré, les assureurs ne peuvent se prévaloir de la déchéance du droit à l'indemnité prévue à titre de sanction du non-respect du délai. Le jugement est également confirmé sur ce point.

 

Sur la nullité de la police pour déclaration inexacte :

Les co-assureurs soutiennent que la société BPIF a fait une fausse déclaration en indiquant que l'activité de boîte de nuit/ discothèque était exercée à titre exceptionnel, alors qu'elle savait, à la date du questionnaire, que la société Le Ponton se maintenait dans les lieux et y exerçait une activité régulière de discothèque.

La société BPIF répond qu'elle a décrit précisément la situation dans le questionnaire d'étude des risques et que le courriel de la société Helvetia du 28 juin 2019 confirme qu'avant le sinistre elle connaissait la situation. Elle précise que dans la mesure où la société Le Ponton devait rapidement restituer les lieux, elle n'a déclaré que l'activité de boite de nuit serait exceptionnelle. Elle estime que si une déclaration inexacte devait être retenue, la cour devrait considérer que les assureurs l'ont ratifiée. Elle argue en tout état de cause de sa bonne foi lorsqu'elle a rempli le questionnaire.

* * * * *

L'article L.113-8 du code des assurances dispose que : « Indépendamment des causes ordinaires de nullité, et sous réserve des dispositions de l'article L.132-26, le contrat d'assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l'objet du risque ou en diminue l'opinion pour l'assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l'assuré a été sans influence sur le sinistre. (...) ».

Par ailleurs, l'article L. 172-2 du même code énonce que : « Toute omission ou toute déclaration inexacte de l'assuré de nature à diminuer sensiblement l'opinion de l'assureur sur le risque, qu'elle ait ou non influé sur le dommage ou sur la perte de l'objet assuré, annule l'assurance à la demande de l'assureur.

Toutefois, si l'assuré rapporte la preuve de sa bonne foi, l'assureur est, sauf stipulation plus favorable à l'égard de l'assuré, garant du risque proportionnellement à la prime perçue par rapport à celle qu'il aurait dû percevoir, sauf les cas où il établit qu'il n'aurait pas couvert les risques s'il les avait connus.

La prime demeure acquise à l'assureur en cas de fraude de l'assuré ».

C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal a écarté toute fausse déclaration de la part de la société BPIF et conséquemment débouté les assureurs de leur demande de nullité du contrat.

En effet, il ressort du mail que la société BPIF a adressé à son courtier le 6 mars 2019, que celle-ci a sollicité une police d'assurance garantissant La Râpée en raison de l'échéance de la convention d'exploitation détenue par la société Le Ponton. Dans ce courriel, la société BPIF précise souhaiter conclure la prochaine convention « avec un nouveau sous-occupant pour y installer un grand restaurant-bar ». Au regard de cette activité, qui peut donner lieu à la privatisation du restaurant en vue d'un évènement particulier comme un mariage, la société BPIF, dans le cadre du questionnaire d'étude de risques, a légitimement déclaré les activités de « restaurant, bar à vin », « réception, séminaire, exposition », « évènementiel », « bureau » et « boite de nuit/discothèque à titre exceptionnel ».

Cette police étant destinée à garantir l'activité exploitée par le nouvel occupant de La Râpée, il ne peut être fait grief à la société BPIF de ne pas avoir déclaré l'activité de discothèque à titre principal.

En outre, il ressort du courriel précité du 6 mars 2019, que la société BPIF n'a pas dissimulé la difficulté liée au maintien dans les lieux de la société Le Ponton. Elle explique ainsi : « Suite à notre conversation téléphonique, je t'informe que nos sous-occupants (SAS Le Ponton) n'ont plus de convention d'exploitation à jour depuis le 31 janvier 2019. Au 1er février 2019, nous leur avons demandé de quitter les lieux et nous allons saisir le tribunal à ce sujet ». Le mail étant daté du 6 mars 2019, il s'évinçait nécessairement que la société Le Ponton refusait de quitter les lieux depuis plus d'un mois et qu'elle y exerçait toujours son activité principale de discothèque notoirement connue, comme le confirme l'extrait de la page Facebook de la société La Concrète, désormais dénommée la société Le Ponton, produite par les assureurs eux-mêmes en pièce n°6.

En outre, dans le cadre du questionnaire d'étude de risques rempli par la société BPIF le 12 mars 2019, cette dernière a pris soin de rappeler la difficulté : « Il est précisé que la convention liant l'exploitation du Ponton (SAS Le Ponton) et BPIF n'a pas été renouvelée au 31/01/2019. De ce fait, il a été demandé à l'exploitant de quitter rapidement les lieux avant le 20 mars 2019, le tribunal ayant déjà été saisi. Aussi, une montée en cale sèche est prévue entre le 20 et 30 mars 2019 au CHS selon les conditions météorologiques ».

Il apparaît ainsi que la société BPIF a, de bonne foi, explicitement informé le courtier et partant l'assureur de la difficulté liée au maintien dans les lieux de la société Le Ponton, sans pouvoir prévoir à quelle date elle restituerait le ponton.

Les assureurs ne sauraient sérieusement prétendre avoir ignoré la poursuite régulière de l'activité de discothèque, alors qu'en page 16 de leurs écritures, ils concluent que « il ressort d'ailleurs de la page Facebook de Concrète que des soirées clubbing étaient organisées à bord de la barge toutes les semaines à partir du jeudi, ce qui correspond au moins à 12 événements par mois. C'est d'ailleurs l'activité principale de la Sas Le Ponton », produisant en pièce n°6 un extrait du compte Facebook de la société La Concrète.

En outre le courriel que la société Helvetia a adressé à la société SFA le 28 juin 2019, soit antérieurement au sinistre, établit qu'elle avait une parfaite connaissance de la situation puisque l'assureur écrit : « nous apprenons que La Concrete [désormais dénommée la société Le Ponton], l'exploitant, va faire encore des évènements avant de quitter les lieux. Par évènements, nous entendons « soirée Electro Discothèque » et ces soirées font partie de nos exclusions, d'autant que nous avons souscrit ce risque sans cette exploitation. Je te confirme donc que nous ne garantissons pas le ponton lors de ces soirées, et te remercie de bien vouloir en avertir l'assuré ».

Ainsi, la société Helvetia n'a nullement remis en cause la validité du contrat, précisant uniquement que les dommages causés à La Râpée à l'occasion de ces soirées ne seraient pas garantis.

Le courriel que la société SFA a adressé à la société BPIF le même jour, 28 juin 2019, établit que le courtier était également avisé de la situation, puisqu'il relaie auprès de la société BPIF le refus de garantie de l'assureur concernant les dommages causés au cours des soirées organisées par la société Le Ponton, tout en précisant « Lors de la souscription de cette police, il avait été convenu que l'exploitant ne devait plus exploiter et devait quitter les lieux, mais nous connaissons la raison de ce départ tardif ». La société SFA ne remet pas davantage en cause la validité de la police.

En l'absence de toute omission ou fausse déclaration intentionnelles de la part de la société BPIF, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté les co-assureurs de leur demande tendant à la nullité du contrat.

 

Sur les conditions et l'exclusion de la garantie :

Les co-assureurs font valoir qu'il appartient à la société BPIF de démontrer que l'activité de boîte de nuit était exercée à titre exceptionnel, ce qu'elle ne démontre pas. Ils ajoutent que dans la mesure où l'activité de discothèque était exercée à titre principal, la garantie n'est pas due. Ils soulignent que les dommages n'ont pu intervenir qu'à l'occasion de l'exploitation de cette activité non garantie.

La société BPIF fait valoir que l'exclusion de l'activité régulière boite de nuit / discothèque n'est pas une condition de la garantie, mais que cette activité est exclue de la garantie. Elle soutient dès lors qu'il appartient à l'assureur de démontrer que les conditions de l'exclusion de garantie sont réunies et donc que les dommages sont survenus à l'occasion de l'activité de discothèque, alors qu'ils ont été commis à l'issue de l'exploitation, lors du déménagement de la société La Concrete.

* * * * *

Il ressort de la police que le contrat a pour objet de garantir les dommages causés à La Râpée.

Les activités déclarées par la société BPIF, telles que rappelées supra, sont les suivantes : « restaurant, bar à vin », « réception, séminaire, exposition », « évènementiel », « bureau » et « boite de nuit/discothèque à titre exceptionnel ».

La proposition d'assurance précise que l'activité de « boite de nuit/discothèque à titre principal » est un « risque exclu ».

Les assureurs en déduisent que pour obtenir la mobilisation de la garantie, la société BPIF doit démontrer que l'activité de boîte de nuit était exercée à titre exceptionnel.

Cependant, il ne résulte pas du contrat que seuls les dommages survenus à l'occasion de l'exercice effectif des activités déclarées sont couverts, puisque sont garantis les « dommages et pertes » sans autre précision, les dommages consécutifs à un « vol partiel », un « bris de glace », un « dégât des eaux », un « vol à bord du bateau assuré des effets et objets personnels des personnes chargées de la conduite du bateau ».

La société Helvetia a d'ailleurs précisé dans le courriel précité du 28 juin 2019 que son refus de garantie ne portait que sur les dommages survenus au cours des soirées organisées par la société Le Ponton : « Je te confirme donc que nous ne garantissons pas le ponton lors de ces soirées ». Le mail de la société SFA du 28 juin 2019 le confirme : « L'assureur (…) ne garantira pas le ponton les jours pendant lesquels Concrète organisera des soirées, jusqu'à son exclusion définitive du 21 juillet prochain ».

Par ailleurs, dès lors que les appelantes soutiennent que le sinistre est survenu à l'occasion d'une activité exclue de la police, il leur appartient de le démontrer.

Elles se prévalent à cette fin de la plainte déposée par M. X., directeur adjoint de la société BPIF, le 11 octobre 2019. Ce dernier y indique ceci : « Je suis le directeur adjoint de la société Bateaux de [Localité 13]. (...)

Une vidéo a été diffusée publiquement lors de la fermeture de la Concrète. Sur cette vidéo le régisseur de la Concrète nommé Y. dit explicitement : ce bateau il part, on le brûle, on le casse.

En effet, lors de la remise des clés du sous occupant à ma directrice le 26 juillet 2019, nous avons constaté avec effroi l'ampleur des dégradations réalisées sur notre ponton « La Râpée ».

Il s'agit de cloisons, de revêtements de sols intérieurs et extérieurs, des câbles et armoires électriques, des équipements WC qui ont été arrachés volontairement.

Des vitres, des portes, des portes-fenêtres ainsi que des murs ont été cassés.

Par ailleurs, des extincteurs et du mobilier ont été subtilisés dans le cadre de leur déménagement ».

Toutefois, il ne ressort pas de ces déclarations que les dommages ont été occasionnés au cours de la dernière soirée organisée par la société Le Ponton. M. X. précise d'ailleurs dans sa plainte que « la dernière fête organisée par la SAS Le Ponton sur notre bien a été réalisée le 19, 20 et 21 juillet 2019. On peut en déduire que les dégradations ont eu lieu entre le 21 juillet 2019 et le 26 juillet 2019 », soit après la soirée. Le fait que le régisseur, dénommé Y., ait dit à l'occasion d'une vidéo tournée durant la fête : « ce bateau il part, on le brûle, on le casse », ne permet pas d'établir que les dégradations et vols ont été commis lors de ce dernier évènement.

En outre, la société BPIF produit une attestation d'une salariée, Mme Z., qui explique « ... J'ai assisté aux agissements des équipes de la Concrète dans le cadre du démontage dès le lundi 22 et ce jusqu'au 25 juillet au soir. Les dégradations ont bien été réalisées au cours de leur dernière semaine, du fait de la récupération d'équipements et matériels nécessaires à la réalisation de leur nouveau projet « Dehors Brut » aux alentours de la gare de [10]. Ils ont démonté :

- l'ensemble de leur équipement son et lumières, arrachant de ce fait les cloisons/plafonds sur l'ensemble du pont et les câbles électriques grossièrement,

- leur superstructure sur le pont terrasse en y laissant une tonne de déchets,

- le bar en arrachant le revêtement de sol du pont 0,

- les WC, les bacs éviers, cloisons dans les sanitaires ».

Mme Z. souligne pertinemment que « Tous ces équipements étaient bien entendu nécessaires dans le déroulement de leur dernière exploitation ». La cour relève en effet que les dégradations constatées sur La Râpée ne sont pas compatibles avec l'organisation matérielle nécessaire au déroulement de la soirée, s'agissant notamment de l'installation électrique et des sanitaires.

Le fait que Mme Z. soit un préposé de la société BPIF ne suffit pas à discréditer son témoignage en l'absence de tout élément probant produit par les appelantes permettant de le remettre sérieusement en cause.

Enfin, les assureurs ne peuvent dénier leur garantie en soutenant que les dégradations ont été commises dans le cadre de l'activité régulière de discothèque, alors qu'il ressort clairement des mails de la société Helvetia et du courtier du 28 juin 2019 que seuls les dommages commis « les jours pendant lesquels Concrète organisera des soirées » ne sont pas garantis et ce, jusqu'à la libération des lieux. La cour souligne en outre et en tout état de cause qu'il ne peut être considéré que les dommages sont survenus à l'occasion de l'activité de discothèque, puisque les dégradations constatées sont sans lien avec ladite activité.

En conséquence, par confirmation du jugement, les assureurs doivent être déboutés de leur demande tendant à voir dire que les conditions de la garantie ne sont pas réunies et que le dommage est survenu à l'occasion d'une activité exclue de la garantie.

 

Sur la faute intentionnelle de l'assurée :

Les appelantes rappellent que les conditions générales sont opposables à l'assurée et font valoir que le contrat a été conclu au bénéfice du preneur mais également pour compte, ce qui s'explique par le fait que le bateau avait vocation à être loué. Elles considèrent donc que la société Le Ponton revêt également la qualité d'assurée. Elles se prévalent de l'exclusion de garantie prévue au chapitre B9 des conditions générales en cas de faute intentionnelle, dès lors que la plainte de M. X. et la vidéo diffusée par les dirigeants de la société Le Ponton établissent que ce sont ces derniers qui sont à l'origine des dégradations.

La société BPIF rappelle que les conditions particulières et générales de la police lui sont inopposables. En outre, elle conteste toute faute intentionnelle, ainsi que l'existence d'une assurance pour le compte de la société Le Ponton, soulignant qu'en tout état de cause, il n'est pas démontré que le personnel de direction de la société Le Ponton est à l'origine des dommages. Elle ajoute que les assureurs ne sauraient pas plus exclure la garantie acquise au bénéficiaire sous prétexte d'une faute intentionnelle des préposés de l'assuré en application de l'article L.121-2 du code des assurances.

* * * * *

Les assureurs se prévalent des stipulations des conditions générales qui au chapitre B9 « Exclusions communes à l'ensemble des garanties » (page 21) excluent la garantie en cas de faute intentionnelle ou inexcusable de l'assuré ou de son personnel de direction.

Cependant, pour les motifs précités, ces conditions générales ne sont pas opposables à la société BPIF.

Les appelantes invoquent également les dispositions de l'article L. 172-13 alinéa 2 du code des assurances, dont il ressort que « L'assureur ne répond pas des fautes intentionnelles ou inexcusables de l'assuré ».

Les assureurs soutiennent que la police souscrite est une assurance pour compte et que la société Le Ponton revêt la qualité d'assurée.

La proposition d'assurance acceptée par la société BPIF le 15 mars 2019 prévoit qu'elle est destinée à cette dernière « pour le compte de qui il appartient ».

Cependant, il ressort des éléments de la procédure que la police ne peut avoir été souscrite pour le compte de la société Le Ponton. En effet, le courriel que la société BPIF a adressé à la société SFA le 6 mars 2019 et le questionnaire d'étude de risques établissent indiscutablement que la police a été souscrite du fait de l'échéance de la convention d'occupation de la société Le Ponton, en vue d'une nouvelle convention à conclure avec un exploitant de bar-restaurant. La société BPIF précise avoir engagé une procédure judiciaire à l'encontre de la société Le Ponton en vue de la libération des lieux, ce qui a d'ailleurs conduit à l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris le 27 juin 2019.

La société BPIF a ainsi manifesté son intention non équivoque de ne pas faire bénéficier de la police la société Le Ponton.

En outre, comme le soutient la société BPIF, aucun élément probant ne permet de déterminer que ce sont les dirigeants de la société Le Ponton qui ont commis les dégradations. Mme Z. n'en fait pas mention aux termes de son attestation. Par ailleurs, les déclarations du régisseur de la société Le Ponton ou encore, la simple indication par M. X., dans sa plainte, de ce que « la société Le Ponton a organisé la dégradation de La Râpée » sont à cet égard insuffisantes.

En conséquence, le jugement déféré doit également être confirmé en ce qu'il a écarté toute faute intentionnelle de l'assurée et dit que la garantie du contrat d'assurance conclu le 15 mars 2019 est mobilisable au profit de la société BPIF.

 

Sur l'indemnisation du préjudice :

La société BPIF, se prévalant de nouvelles pièces, demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a exclu certaines factures du quantum du préjudice. Elle rappelle que les conditions générales de la police lui sont inopposables.

Les co-assureurs contestent le quantum de la demande indemnitaire, indiquant qu'aux termes des conditions générales de la police, les dommages doivent être constatés par un expert mandaté par l'assureur, afin notamment de fixer le coût des travaux reconnus nécessaires pour remettre le bateau en bon état de navigabilité. Ils estiment que les factures produites ne permettent pas de justifier le préjudice, soulignant que le règlement des factures n'est pas démontré. Ils se prévalent de l'application d'un coefficient de vétusté et d'une déduction de 25 % de la valeur du dommage prévues aux conditions générales en l'absence de recours à l'expert de l'assureur pour évaluer le dommage. Enfin, ils opposent la franchise.

* **  * *

Si les appelantes se prévalent des conditions générales, il doit être rappelé que pour les motifs précités, elles ont été déclarées inopposables à l'assurée.

Au soutien de sa demande, la société BPIF produit en pièce n°1 un procès-verbal de constat dressé par huissier de justice le 29 juillet 2019 décrivant précisément les dégradations subies par La Râpée. Il en ressort globalement que sur le pont principal, le revêtement de sol a été arraché, que des dalles de faux plafond sont manquantes, que des câbles et fils électriques pendent du plafond, certains ayant été sectionnés, que des plaques de B13 sont arrachées ou percées, que 80 % des extincteurs sont manquants, que le plan de travail de la cuisine est endommagé, que l'évier est manquant, que les pièces annexes et le pont inférieurs sont dans le même état, que les sanitaires ont été vandalisés, plusieurs boutons poussoirs et les lavabos ayant été enlevés, qu'une pompe de relevage a été partiellement démontée, que le garde-corps a été modifié et que des vitrages sont fêlés à la suite de chocs. Il est également constaté la présence de nombreux détritus et un état de saleté général.

La société BPIF communique différentes factures en pièce n°2. Leur examen permet de constater que les prestations sont en lien avec les dégradations constatées puisqu'elles concernent la remise en état des faux-plafonds, des sols, des sanitaires, des cloisons, des gardes corps et de la cuisine.

Contrairement à ce que soutiennent les assureurs, le règlement de ces factures est établi car elles portent la mention, contresignée par le prestataire, de leur paiement. La société BPIF justifie en outre d'attestations établies par les sociétés RSIB et Sofradi les 28 février et 5 mars 2023 certifiant que les factures dont se prévaut la société BPIF ont été émises dans le cadre des travaux de remise en état des dégradations constatées sur La Râpée.

Les assureurs ne produisent au soutien de leur contestation aucun élément probant permettant de remettre en cause le principe et l'évaluation du préjudice de la société BPIF. La cour souligne que malgré la contestation de la garantie, la société Helvetia aurait pu faire diligenter l'expertise nécessaire à l'évaluation du dommage, ce dont elle s'est abstenue.

En conséquence, par infirmation du jugement quant au quantum, les sociétés Helvetia, HDI, Argo et Zurich seront condamnées in solidum au paiement de la somme de 276.573,64 € à titre de dommages et intérêts.

En application de l'article 1231-6 du code civil, les intérêts courront au taux légal à compter de l'assignation, soit du 10 août 2020. Ces intérêts seront capitalisés dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil. Le jugement entrepris est confirmé sur ce point.

Les assureurs seront déclarés bien fondés à se prévaloir de la franchise contractuelle de 10.000€ qui figure dans la proposition d'assurance du 12 mars 2019 acceptée par la société BPIF le 15 mars suivant.

 

Sur les autres demandes :

La cour ayant fait droit à la demande principale de la société BPIF, les demandes formulées à titre subsidiaire à l'encontre de la société SFA sont sans objet.

Au regard de la décision, le jugement déféré sera confirmé des chefs des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile.

Les assureurs qui succombent supporteront les dépens d'appel et seront condamnés à payer à la société BPIF la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En revanche, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la société SFA la charge de ses frais irrépétibles.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré sauf en celle de ses dispositions relatives au quantum des dommages et intérêts alloués à la société Bateaux de [Localité 13] et d'Ile de France ;

Statuant à nouveau du chef infirmé,

Condamne in solidum les sociétés Helvetia Assurances, HDI Global SE, Argo Global SE et Zurich Insurance PLC à payer à la société Bateaux de [Localité 13] et d'Ile de France la somme de 276.573,64 € à titre de dommages et intérêts, sous réserve de la déduction de la franchise d'un montant de 10.000 €, avec intérêts au taux légal à compter du 10 août 2020 et capitalisation de ces intérêts ;

Condamne in solidum les sociétés Helvetia Assurances, HDI Global SE, Argo Global SE et Zurich Insurance PLC aux dépens d'appel ;

Condamne in solidum les sociétés Helvetia Assurances, HDI Global SE, Argo Global SE et Zurich Insurance PLC à payer à la société Bateaux de [Localité 13] et d'Ile de France la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la Société Fluviale d'Assurance de sa demande au titre des frais irrépétibles.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Bérangère MEURANT, Conseillère faisant fonction de président, et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,                            La conseillère,