TJ PARIS (réf.), 30 septembre 2024
CERCLAB - DOCUMENT N° 23307
TJ PARIS (réf.), 30 septembre 2024 : RG n° 23/58510
Publication : Judilibre
Extrait : « Au cas présent, dès lors que la demande de provision formulée par la demanderesse est fondé sur la présence récurrente d'une personne sans domicile fixe dans les parties communes et l'entretien insuffisante de celles-ci, alors que le bail stipule que « D'une manière générale, le preneur ne pourra mettre en cause le bailleur, ni exercer contre lui aucune action à raison de troubles ou de faits qui pourraient lui être causés par d'autres locataires ou des tiers » et que « le preneur ne pourra prétendre à aucune diminution de loyer ou indemnité en cas d’irrégularité d'interruption temporaire ou réduction des services collectifs tels que l'eau, l'électricité, le chauffage, les ascenseurs, la climatisation … etc », l'examen de cette demande suppose de déterminer l'étendue de ces clauses, de réputer non écrites ces clauses écrites en appréciant l'existence d'un déséquilibre significatif entre les obligations des parties, ce qui reviendrait donc à trancher des questions de fond et excède ainsi les pouvoirs dévolus au juge des référés.
Ces clauses étant susceptibles de faire échec à l'action en réparation du préjudice de jouissance quel que soit le quantum sollicité, elles ne peuvent qu'être par ailleurs regardées comme des contestations sérieuses.
En conséquence, et sans qu'il n'y ait lieu d'examiner le surplus des moyens soulevés par les parties, il n'y a pas lieu à référé de ce chef. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ DU 30 SEPTEMBRE 2024
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 23/58510. N° Portalis 352J-W-B7H-C3FIZ. N° : 6. Assignation du : 10 novembre 2023.
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ rendue le 30 septembre 2024 par Matthias CORNILLEAU, Juge au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal, Assisté de Larissa FERELLOC, Greffier.
DEMANDERESSE :
L’Association AVICCA
[Adresse 3], [Localité 4], représentée par Maître Mylène MULQUIN de la SELEURL MULQUIN AVOCAT, avocats au barreau de PARIS - #C1525
DÉFENDERESSE :
La SCI [Adresse 1]
[Adresse 5], [Localité 2], représentée par Maître Eléonore DANIAULT, avocat au barreau de PARIS - #B0282
DÉBATS : A l’audience du 18 Juillet 2024, tenue publiquement, présidée par Matthias CORNILLEAU, Juge, assisté de Larissa FERELLOC, Greffier,
Nous, Président, après avoir entendu les conseils des parties,
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
Suivant acte sous seing privé en date du 1er mars 2023, la SCI [Adresse 1] a consenti à l'association Avicca un bail portant sur des locaux situés au quatrième étage d'un immeuble sis [Adresse 1] dans le [Localité 6].
Initialement convenu pour une durée de neuf ans, ce bail a été reconduit à compter du 23 février 2022 et l'association Avicca a fait signifier à la SCI [Adresse 1] un congé le 13 juillet 2023 à effet au 31 mars 2024.
Suivant procès-verbal de constat en date du 28 mars 2024, l'état des lieux de sortie a été établi.
Faisant état des difficultés d'exploitation du local pendant le cours du bail et par exploit d'huissier signifié le 10 novembre 2023, l'association Avicca a fait assigner la SCI [Adresse 1] devant le président du tribunal judiciaire de Paris aux fins de voir condamner la SCI [Adresse 1] à lui payer une provision d'un montant de 236.919 euros à valoir sur la réparation du préjudice de jouissance résultant des manquements du bailleur, et subsidiairement d'ordonner une expertise judiciaire pour en évaluer les causes et montants.
A l'audience du 18 juillet 2024, les parties ont fait viser leurs conclusions respectives par le greffe.
Aux termes du dispositif de ses conclusions, l'association Avicca entend voir :
- condamner la SCI [Adresse 1] à lui payer une provision d'un montant de 250 287,86 euros et subsidiairement d'un montant de 130 000 euros ;condamner la SCI [Adresse 1] à lui payer la somme de 3 5000 euros au titre des frais irrépétibles ;condamner la SCI [Adresse 1] aux entiers dépens.
Aux termes du dispositif de ses conclusions, la SCI [Adresse 1] entend voir :
- débouter l'association Avicca de l'ensemble de ses demandes ;condamner l'association Avicca à lui payer la somme de 6 000 euros au titre des frais irrépétibles ;condamner l'association Avicca aux entiers dépens.
En application des articles 446-1, 446-2 et 455 du code de procédure civile, il est renvoyé à ces conclusions pour un exposé des moyens des parties.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
En vertu de l’article 835 du code de procédure civile, pris en son second alinéa, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le juge saisi en référé peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
Aux termes de l'article 1353 du code civil celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
En application de l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
L'article 1719 du code civil dispose :
« Le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière :
1° De délivrer au preneur la chose louée et, s'il s'agit de son habitation principale, un logement décent. Lorsque des locaux loués à usage d'habitation sont impropres à cet usage, le bailleur ne peut se prévaloir de la nullité du bail ou de sa résiliation pour demander l'expulsion de l'occupant ;
2° D'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée ;
3° D'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail ;
4° D'assurer également la permanence et la qualité des plantations. »
L'article 1171 du code civil dispose :
« Dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite.
L'appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix à la prestation. »
Au cas présent, dès lors que la demande de provision formulée par la demanderesse est fondé sur la présence récurrente d'une personne sans domicile fixe dans les parties communes et l'entretien insuffisante de celles-ci, alors que le bail stipule que « D'une manière générale, le preneur ne pourra mettre en cause le bailleur, ni exercer contre lui aucune action à raison de troubles ou de faits qui pourraient lui être causés par d'autres locataires ou des tiers » et que « le preneur ne pourra prétendre à aucune diminution de loyer ou indemnité en cas d’irrégularité d'interruption temporaire ou réduction des services collectifs tels que l'eau, l'électricité, le chauffage, les ascenseurs, la climatisation … etc », l'examen de cette demande suppose de déterminer l'étendue de ces clauses, de réputer non écrites ces clauses écrites en appréciant l'existence d'un déséquilibre significatif entre les obligations des parties, ce qui reviendrait donc à trancher des questions de fond et excède ainsi les pouvoirs dévolus au juge des référés.
Ces clauses étant susceptibles de faire échec à l'action en réparation du préjudice de jouissance quel que soit le quantum sollicité, elles ne peuvent qu'être par ailleurs regardées comme des contestations sérieuses.
En conséquence, et sans qu'il n'y ait lieu d'examiner le surplus des moyens soulevés par les parties, il n'y a pas lieu à référé de ce chef.
Sur la demande de renvoi pour qu'il soit statuer au fond :
L'article 837 alinéa 1er du code de procédure civile dispose :
« A la demande de l'une des parties et si l'urgence le justifie, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection saisi en référé peut renvoyer l'affaire à une audience dont il fixe la date pour qu'il soit statué au fond. Il veille à ce que le défendeur dispose d'un temps suffisant pour préparer sa défense. L'ordonnance emporte saisine de la juridiction. »
Au cas présente, faute pour l'association Avicca de justifier d'une urgence particulière au soutien de sa demande, laquelle urgence ne ressort pas par ailleurs des éléments factuels et des pièces de la procédure dans la mesure où le bail a pris fin et qu'elle n'est ainsi plus exposée aux risques d'atteintes aux biens et personnes allégués, sa demande ne saurait prospérer.
En conséquence, il y a lieu de rejeter cette demande.
Sur les demandes accessoires :
En application des dispositions des articles 696 et 700 du code de procédure civile, l'association Avicca succombant à la présente procédure, il y a lieu de la condamner aux entiers dépens ainsi qu’au paiement de la somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles.
Il est par ailleurs rappelé qu’en vertu des articles 514 et 514-1 de ce code les décisions prises par le juge statuant en référé sont assorties de plein droit de l’exécution provisoire.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Statuant sur délégation du président du tribunal judiciaire après débats publics par ordonnance contradictoire rendue en premier ressort et mise à disposition au greffe,
DISONS N'Y AVOIR LIEU A REFERE sur la demande de provision formée par l'association Avicca à l'encontre de la SCI [Adresse 1] au titre du préjudice de jouissance résultant des manquements du bailleurs pendant le cours du bail ;
CONDAMNONS l'association Avicca à payer à la SCI [Adresse 1] la somme de 2.500 (deux mille cinq cents) euros au titre des frais irrépétibles ;
CONDAMNONS l'association Avicca aux entiers dépens ;
REJETONS la demande tendant à voir renvoyer l'examen de l'affaire pour qu'il soit statué au fond ;
RAPPELONS que la présente décision est exécutoire par provision de plein droit ;
Fait à Paris le 30 septembre 2024
Le Greffier, Le Président,
Larissa FERELLOC Matthias CORNILLEAU