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CA BORDEAUX (4e ch. civ.), 24 février 2025

Nature : Décision
Titre : CA BORDEAUX (4e ch. civ.), 24 février 2025
Pays : France
Juridiction : Bordeaux (CA), 4e ch.
Demande : 24/03334
Date : 24/02/2025
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 12/07/2024
Décision antérieure : Cass., 30 mai 2024 : pourvoi n° 22-20.958 - CA Poitiers, 14 juin 2022 - T. com. La Rochelle, 9 avril 2021
Décision antérieure :
  • Cass., 30 mai 2024 : pourvoi n° 22-20.958 - CA Poitiers, 14 juin 2022 - T. com. La Rochelle, 9 avril 2021
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CERCLAB - DOCUMENT N° 23493

CA BORDEAUX (4e ch. civ.), 24 février 2025 : RG n° 24/03334

Publication : Judilibre

 

Extrait (arguments de l’assureur) : « Statuant à nouveau

- juger que l'extension de garantie relative aux pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative pour cause d'épidémie est assortie d'une clause d'exclusion, qui est applicable en l'espèce ;

- juger que cette clause d'exclusion respecte le caractère formel exigé par l'article L. 113-1 du code des assurances ;

- juger que cette clause d'exclusion ne vide pas l'extension de garantie de sa substance et respecte le caractère limité de l'article L. 113-1 du Code des assurances et qu'elle ne prive pas l'obligation essentielle d'Axa France Iard de sa substance au sens de l'article 1170 du code civil ;

- juger que l'extension de garantie relative aux pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative pour cause d'épidémie est assortie d'une clause d'exclusion, qui est inscrite en des termes très apparents, de sorte que sa rédaction est conforme aux règles de formalisme prescrites par l'article L. 112-4 du Code des assurances ;

- juger qu'Axa France Iard n'a pas manqué à son devoir d'information ou de conseil ;

- juger que les limitations de garanties et la clause d'exclusion sont opposables à la société La nouvelle maison des mouettes ;

- juger que la garantie perte d'exploitation suite à arrêté de péril n'est pas mobilisable ;

- juger que cette clause d'exclusion ne crée aucun déséquilibre significatif au détriment de la société La nouvelle maison des mouettes, de sorte qu'elle est conforme aux dispositions de l'article 1171 du code civil ».

2/ « La clause litigieuse incluse en page 8 prévoit une limitation de la garantie : « Sont exclues : Les pertes d'exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, qu'elle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pur une cause identique. » Il est constant en droit qu'une clause n'est pas formelle lorsqu'elle ne se réfère pas à des critères précis et nécessite interprétation, et elle n'est pas limitée lorsqu'elle vide la garantie de sa substance, en ce qu'elle ne laisse subsister qu'une garantie dérisoire après son application.

La notion d'« établissement » ne saurait se limiter à une définition juridique étroite mais au contraire traduit l'absence de restriction à une catégorie spécifique d'établissement prise dans un sens large. La mention « quelle que soit sa nature et son activité » permet de bien comprendre que la fermeture de tout autre établissement, quel qu'il soit, écartera l'application de la garantie lorsque cette fermeture, dans le même département, résultera d'une cause identique. La mention de « cause identique » est sans ambiguïté et se réfère à la cause de fermeture des établissements concernés.

La société la nouvelle maison des mouettes, en sa qualité de professionnelle de la restauration, n'a pu ignorer l'objet de la garantie souscrite et de son exclusion, rédigée en caractères très apparents, ni se méprendre sur la portée de la clause d'exclusion lors de la souscription de son contrat. Dès lors, la lecture de la clause d'exclusion ne souffre d'aucune difficulté d'interprétation et n'est pas de nature à créer un doute sur la portée de l'exclusion. La clause remplit donc le caractère formel exigé par l'article L. 113-1 du Code des assurances.

S'agissant du caractère limité de l'exclusion, le risque assuré est celui d'une fermeture administrative, et non un risque épidémique. La couverture de ce risque est clairement limitée à la nature isolée de cette fermeture administrative de l'établissement. Le terme « épidémie » n'est pas inscrit dans la clause d'exclusion, mais seulement dans la clause d'extension de la garantie, et ne saurait donc affecter la validité de la clause d'exclusion. Ce n'est pas l'épidémie qui est prise en considération pour l'application de la clause d'exclusion, sa nature, sa localisation ou son importance, mais le périmètre de la fermeture administrative, selon qu'elle est propre à l'établissement assuré ou collective, comme touchant d'autres établissements de même nature ou non du département. Le risque couvert est celui de pertes d'exploitation, étendu aux pertes subséquentes à une fermeture administrative, et non le risque de survenance d'une épidémie. Or, une épidémie, qui n'est pas nécessairement à l'échelle d'un pays, d'une région, d'un département ou même d'une localité, peut être la cause de la fermeture administrative d'un unique établissement. L'extension de garantie a aussi vocation à être mobilisée lorsque le foyer de l'épidémie se situe à l'extérieur de l'établissement concerné, le critère d'application de l'exclusion étant seulement la nature isolée ou non de la fermeture administrative.

Au regard de ces éléments, la clause litigieuse répond au caractère limité imposé par l'article L. 113-1 du code des assurances et ne vide pas la garantie de sa substance.

Enfin, le principe d'espérance légitime allégué par l'intimée doit reposer sur une base suffisante en droit interne. Or la jurisprudence de la cour de cassation est constante en la matière depuis ses arrêts du 1er décembre 2022, par lesquels elle a considéré, dans des espèces similaires, que la clause d'exclusion de garantie était formelle et limitée

Par suite, la clause d'exclusion est valable au regard des critères posés par l'article L 113-1 du code des assurances et la décision du tribunal de commerce sera infirmée de ce chef. Il convient de rejeter les demandes formées par la société la Nouvelle maison des mouettes à l'encontre de la société Axa France IARD, et de dire n'y avoir lieu à mesure d'expertise. Le présent arrêt infirmatif vaut titre de restitution des sommes versées au titre de l'exécution provisoire. »

 

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 24 FÉVRIER 2025

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 24/03334. N° Portalis DBVJ-V-B7I-N3YS. Nature de la décision : AU FOND. SUR RENVOI DE CASSATION. Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de commerce de LA ROCHELLE en date du 9 avril 2021 confirmé partiellement par un arrêt rendu par la Cour d'Appel de POITIERS en date du 14 juin 2022 cassé par un arrêt rendu le 30 mai 2024 (R.G. K22-20.958) par la Cour de Cassation suivant saisine du 12 juillet 2024.

 

APPELANTE :

SA AXA FRANCE IARD

agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 5], Représentée par Maître Pierre FONROUGE de la SELARL KPDB INTER-BARREAUX, avocat au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Alexandre KAPHAN de la SELARL ORMEN PASSEMARD, avocat au barreau de PARIS

 

INTIMÉE :

SARL LA NOUVELLE MAISON DES MOUETTES

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 3] Représentée par Maître Florence MOLERE substituant Maître Thomas FERRANT de la SELARL CABINET FERRANT, avocat au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Antoine VEY, avocat au barreau de PARIS

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 13 janvier 2025 en audience publique, devant la Cour composée de : Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président, Madame Sophie MASSON, Conseiller, Madame Anne-Sophie JARNEVIC, Conseiller, qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT : - contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

La SARL La nouvelle maison des mouettes exploite un fonds de commerce de restaurant à [Localité 6] à l'enseigne « Bella Donna en Ville ».

Elle a souscrit en janvier 2014 auprès de la SA Axa France Iard, un contrat d'assurance « multirisque professionnelle » incluant une garantie « protection financière » ayant fait l'objet d'un avenant à compter du 1er décembre 2019.

À la suite d'un arrêté, publié au Journal officiel le 15 mars 2020, portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid-19, qui a édicté notamment l'interdiction pour les restaurants et débits de boissons d'accueillir du public du 15 mars 2020 au 15 avril 2020, prorogée jusqu'au 2 juin 2020 par décret du 14 avril 2020, la société La nouvelle maison des mouettes a effectué une déclaration de sinistre auprès de l'assureur afin d'être indemnisée de ses pertes d'exploitation en application d'une clause du contrat stipulant que : « La garantie est étendue aux pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies : 1. La décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à vous-même. 2. La décision de fermeture est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication ».

L'assureur a refusé de garantir le sinistre en faisant valoir que l'extension de garantie ne pouvait pas être mise en œuvre en raison de la clause excluant : « ... les pertes d'exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique ».

La société La nouvelle maison des mouettes a assigné l'assureur devant le tribunal de commerce de La Rochelle aux fins de garantie.

Par jugement rendu le 9 avril 2021, le tribunal de commerce de La Rochelle a statué comme suit :

Vu les conditions générales et particulières du contrat,

Vu les pièces produites aux débats,

Vu les articles 1103, 1170, 1190 et 1192 du code civil,

Vu les articles L. 112-4, L. 113-1 et L. 121-1 du code des assurances,

- dit recevable la société La nouvelle maison des mouettes en ses demandes,

- dit que les conditions de la garantie perte d'exploitation énoncées dans les conditions particulières par la Société Axa France Iard sont remplies,

- dit que la société Axa France Iard ne peut se prévaloir de la clause d'exclusion,

- dit que la société Axa France Iard a manqué à son obligation de conseil

- dit fondées partiellement les demandes de la société La nouvelle maison des mouettes,

- déboute la société Axa France Iard de ses demandes en principal,

- condamne la société Axa France Iard à verser à la société La nouvelle maison des mouettes, à titre de provision, dans l'attente des montants définitifs, les sommes suivantes :

- 177.300,00 euros au titre du premier confinement ;

- 179.600,00 euros au titre du second confinement, somme à parfaire en fonction de la date de réouverture prochaine de l'établissement.

- ordonne une expertise et désigné à cet effet Monsieur X., ACR demeurant [Adresse 4] -[XXXXXXXX01]-[XXXXXXXX02]- [Courriel 7], en qualité d'expert, qui aura pour mission, parties présentes ou dûment appelées, en entendant tous sachants de :

- se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera utile à l'accomplissement de sa mission, notamment l'estimation effectuée par la demanderesse et/ou son expert- comptable, accompagnée de ses bilans et comptes d'exploitation sur les trois dernières années ;

- entendre les parties ainsi que tout sachant et évoquer, à l'issue de la première réunion avec les parties le calendrier possible de la suite de ses opérations ;

- examiner les pertes d'exploitation garanties contractuellement par le contrat d'assurance, sur une période maximum de trois mois ;

- donner son avis sur le montant des pertes d'exploitation consécutives à la baisse du chiffre d'affaires causée par l'interruption ou la réduction de l'activité, de la marge brute (chiffre d'affaires - charges variables) incluant les charges salariales et les économies réalisées.

- donner son avis sur les coefficients de tendance générale de l'évolution de l'activité et des facteurs externes et internes susceptibles d'être pris en compte pour le calcul de la réduction d'activité imputable à la mesure de fermeture.

- fixe à la somme de 2 500 euros le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l'expert, provision qui devra être versée par les soins de la société Axa France Iard dans un délai de quinze jours, à compter de la date ou la présente décision sera devenue définitive, au greffe du tribunal de commerce de La Rochelle, par application des dispositions de l'article 269 du code de procédure civile,

- rappelle qu'à défaut de consignation dans ce délai, la désignation sera caduque sauf prorogation de délai ou relevé de caducité qui pourrait être ordonné à la requête de l'une des parties se prévalant d'un motif légitime et l'instance poursuivie, par application de l'article 271 du code de procédure civile,

- dit que l'expert donnera connaissance de ses conclusions aux parties, et répondra à tous dires de leur part dans le délai qu'il leur aura imparti avant d'établir un rapport définitif qu'il déposera au greffe du tribunal, et ce dans le délai de trois mois consécutifs à la consignation des frais,

- condamne la société Axa France Iard à payer à la société La nouvelle maison des mouettes, la somme justement appréciée de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne, conformément à ce qu'indique l'article 696 du code de procédure civile, la société Axa France Iard, au paiement des entiers dépens de l'instance comprenant les frais du greffe s'élevant à la somme de quatre-vingts euros et vingt-huit centimes TTC.

Par déclaration en date du 30 avril 2021, la société Axa France Iard a relevé appel de ce jugement en ses chefs expressément critiqués.

Par arrêt du 14 juin 2022, la Cour d'appel de Poitiers a statué comme suit :

- rejette la demande de la SARL La nouvelle maison des mouettes tendant à voir ordonner à la société Axa France Iard de communiquer l'original ou a minima un tirage de en haute définition et en couleur des conditions particulières signées en date du 6 décembre 2019

- déboute la SARL La nouvelle maison des mouettes de sa prétention à voir juger que le bénéfice de la garantie « perte d'exploitation suite à arrêté de péril » lui est acquis

- confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a considéré que les conditions particulières n'étaient pas opposables à la société La nouvelle maison des mouettes, et en ce qu'il dit qu'Axa France a manqué à son obligation de conseil

- dit que les conditions particulières qu'elle a signées le 6 décembre 2019 sont opposables à la SARL La nouvelle maison des mouettes

- déboute la SARL La nouvelle maison des mouettes de sa prétention à voir juger que la société Axa France Iard a manqué à son devoir d'information précontractuelle et/ou à son devoir de conseil

- déboute la SARL La nouvelle maison des mouettes de sa prétention à voir ordonner une expertise complémentaire portant sur les pertes d'exploitation qu'elle a subies pendant la période postérieure au 31 janvier 2021

- rejette la demande d'Axa France Iard tendant à voir ordonner une nouvelle expertise ou un complément d'expertise avec une mission modifiée

- constate que le tribunal de commerce de La Rochelle demeure saisi, notamment pour chiffrer le montant de l'indemnité d'assurance dont il a retenu le principe

- déclare irrecevables les demandes respectives de la société La nouvelle maison des mouettes et de la société Axa France Iard tendant à voir chiffrer par la cour l'indemnité pour perte d'exploitation due à l'assurée

- déboute la SARL La nouvelle maison des mouettes de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive

- déboute les parties de leurs demandes autres ou contraires

- condamne la société Axa France Iard aux dépens d'appel

- la condamne à payer à la SARL La nouvelle maison des mouettes en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel une indemnité de procédure de 5.000 euros

- accorde à la Selarl Pairaud Avocat, avocat, le bénéfice de la faculté prévue à l'article 699 du code de procédure civile.

La société Axa France Iard a formé un pourvoi en cassation.

Par arrêt du 30 mai 2024, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a :

- cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il dit que la société Axa France Iard ne peut se prévaloir de la clause d'exclusion, dit partiellement fondées les demandes de la société La nouvelle maison des mouettes,

- condamné la société Axa France Iard à payer à la société La nouvelle maison des mouettes, à titre de provision les sommes de 177.300 euros au titre du premier confinement et de 179 600 euros au titre du second confinement et ordonne une expertise et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 14 juin 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;

- remis, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

- condamné la société La nouvelle maison des mouettes aux dépens ;

- en application de l'article 700 du code de procédure civile, rejeté la demande formée par la société La nouvelle maison des mouettes et la condamne à payer à la société Axa France Iard la somme de 3.000 euros.

Par déclaration en date du 12 juillet 2024, la société Axa France Iard a saisi la cour d'appel de Bordeaux sur renvoi de la Cour de cassation.

 

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par dernières conclusions notifiées par RPVA, le 13 décembre 2024, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Axa France Iard demande à la cour de :

Vu la clause d'exclusion stipulée dans le contrat d'assurance souscrit par l'Assurée auprès d'Axa France Iard,

Vu les pièces produites aux débats,

Vu les articles 1103, 1170, 1171 et 1192 du code civil,

Vu les articles 122, 568, 638 du code de procédure civile,

Vu les articles, L. 113-1 et L. 121-1 du code des assurances,

Vu l'arrêt de la Cour de cassation,

Vu l'arrêt de la cour d'appel,

Vu le jugement dont appel,

- déclarer recevable et bien-fondé l'appel interjeté par la société Axa France Iard et, y faisant droit :

À titre liminaire,

- juger que les demandes suivantes ont déjà été tranchées par l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers dont les chefs qui n'ont pas fait l'objet d'une cassation sont passé en force de chose jugé :

1. confirmer le jugement en ce qu'il a condamné Axa France pour manquement à son obligation d'information et de conseil ;

2. ordonner à Axa de communiquer l'original des conditions particulières ou une version en haute définition ;

3. confirmer le jugement en ce qu'il a jugé qu'Axa France ne pouvait lui opposer la clause d'exclusion et les limites de garantie ;

4. infirmer le jugement en ce qu'il a jugé que la garantie 'perte d'exploitation suite à arrêté de péril' n'est pas applicable ; et

5. condamner Axa France à lui verser à la somme de 20.000 euros au titre de la résistance abusive.

En conséquence,

- déclarer irrecevables la société La nouvelle maison des mouettes en ses

demandes suivantes :

* - confirmer le jugement dans toutes ses dispositions, à l'exception de celles faisant l'objet d'un appel incident ; »

* - A titre incident, infirmer le jugement en ce qu'il a jugé que la garantie « arrêté de péril » n'était pas applicable ;

Par conséquent, statuant à nouveau :

- écarter des débats la pièce n° 2 produite par Axa (conditions particulières du contrat) ;

- avant dire-droit, enjoindre Axa France Iard de communiquer à La nouvelle maison des mouettes l'original des conditions particulières signées du contrat ou alors une version numérisée en haute définition, sous astreinte de 100 euros par jours de retard ;'

– « juger que la garantie - perte d'exploitation suite à arrêté de péril - est acquise à la société La nouvelle maison des mouettes pour les périodes suivantes :

* du 15 mars 2020 au 2 juin 2020 au titre de la fermeture ordonnée dans le contexte du premier pic épidémique ;

* du 1er novembre 2020 au 30 juin 2021 au titre de la fermeture ordonnée dans le contexte des deuxièmes et troisièmes vagues épidémiques ; »

«  - condamner Axa France Iard à verser à la société La nouvelle maison des mouettes la somme de 20.000 euros au titre de la résistance abusive ; »

A titre principal

- infirmer le jugement du 9 avril 2021 du Tribunal de commerce de La Rochelle en ce qu'il :

' - dit recevable la société La nouvelle maison des mouettes en ses demandes,

- dit que les conditions de la garantie perte d'exploitation énoncées dans les conditions particulières par la société Axa France Iard sont remplies,

- dit que la société Axa France Iard ne peut se prévaloir de la clause d'exclusion,

- dit fondées partiellement les demandes de la société La nouvelle maison des mouettes, il lui fait droit en partie,

- débouté la société Axa France Iard de ses demandes en principal,

- condamné la société Axa France Iard à verser à la société La nouvelle maison des mouettes, à titre de provision, dans l'attente des montants définitifs, les sommes suivantes :

* 177.300,00 euros au titre du premier confinement ;

* 179.600,00 euros au titre du second confinement, somme à parfaire en fonction de la date de réouverture prochaine de l'établissement.

- ordonné une expertise et désigné à cet effet Monsieur X., ACR demeurant [Adresse 4] -[XXXXXXXX01]-[XXXXXXXX02]- [Courriel 7], en qualité d'expert, qui aura pour mission, parties présentes ou dûment appelées, en entendant tous sachants de :

* se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera utile à l'accomplissement de sa mission, notamment l'estimation effectuée par la demanderesse et/ou son expert-comptable, accompagnée de ses bilans et comptes d'exploitation sur les trois dernières années ;

* entendre les parties ainsi que tout sachant et évoquer, à l'issue de la première réunion avec les parties le calendrier possible de la suite de ses opérations ;

* examiner les pertes d'exploitation garanties contractuellement par le contrat d'assurance, sur une période maximum de trois mois ;

* donner son avis sur le montant des pertes d'exploitation consécutives à la baisse du chiffre d'affaires causée par l'interruption ou la réduction de l'activité, de la marge brute (chiffre d'affaires - charges variables) incluant les charges salariales et les économies réalisées.

* donner son avis sur les coefficients de tendance générale de l'évolution de l'activité et des facteurs externes et internes susceptibles d'être pris en compte pour le calcul de la réduction d'activité imputable à la mesure de fermeture.

* fixé à la somme de 2 500 euros le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l'expert, provision qui devra être versée par les soins de la société Axa France Iard dans un délai de quinze jours, à compter de la date ou la présente décision sera devenue définitive, au greffe du tribunal de commerce de La Rochelle, par application des dispositions de l'article 269 du code de procédure civile,

* rappelé qu'à défaut de consignation dans ce délai, la désignation sera caduque sauf prorogation de délai ou relevé de caducité qui pourrait être ordonné à la requête de l'une des parties se prévalant d'un motif légitime et l'instance poursuivie, par application de l'article 271 du code de procédure civile,

* dit que l'expert donnera connaissance de ses conclusions aux parties, et répondra à tous dires de leur part dans le délai qu'il leur aura imparti avant d'établir un rapport définitif qu'il déposera au greffe du tribunal, et ce dans le délai de trois mois consécutifs à la consignation des frais,

- condamne la société Axa France Iard à payer à la société La nouvelle maison des mouettes, la somme justement appréciée de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamne, conformément à ce qu'indique l'article 696 du Code de procédure civile, la société Axa France Iard, au paiement des entiers dépens de l'instance comprenant les frais du greffe s'élevant à la somme de quatre-vingts euros et vingt-huit centimes TTC'.

- infirmer le jugement du 9 avril 2021 du tribunal de commerce de La Rochelle en ce qu'il a débouté Axa France Iard de ses demandes tendant à juger de la validité de la clause d'exclusion ;

Statuant à nouveau

- juger que l'extension de garantie relative aux pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative pour cause d'épidémie est assortie d'une clause d'exclusion, qui est applicable en l'espèce ;

- juger que cette clause d'exclusion respecte le caractère formel exigé par l'article L. 113-1 du code des assurances ;

- juger que cette clause d'exclusion ne vide pas l'extension de garantie de sa substance et respecte le caractère limité de l'article L. 113-1 du Code des assurances et qu'elle ne prive pas l'obligation essentielle d'Axa France Iard de sa substance au sens de l'article 1170 du code civil ;

- juger que l'extension de garantie relative aux pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative pour cause d'épidémie est assortie d'une clause d'exclusion, qui est inscrite en des termes très apparents, de sorte que sa rédaction est conforme aux règles de formalisme prescrites par l'article L. 112-4 du Code des assurances ;

- juger qu'Axa France Iard n'a pas manqué à son devoir d'information ou de conseil ;

- juger que les limitations de garanties et la clause d'exclusion sont opposables à la société La nouvelle maison des mouettes ;

- juger que la garantie perte d'exploitation suite à arrêté de péril n'est pas mobilisable ;

- juger que cette clause d'exclusion ne crée aucun déséquilibre significatif au détriment de la société La nouvelle maison des mouettes, de sorte qu'elle est conforme aux dispositions de l'article 1171 du code civil ;

En conséquence :

- juger applicable en l'espèce la clause d'exclusion dont est assortie l'extension de garantie relative aux pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative pour cause d'épidémie ;

- débouter l'Assurée de l'intégralité de ses demandes formées à l'encontre d'Axa France Iard et la condamner à lui restituer les sommes perçues au titre de l'exécution du jugement du 9 avril 2021 du tribunal de commerce de La Rochelle ;

- débouter la société La nouvelle maison des mouettes de sa demande de communication des conditions particulières sous astreintes ;

- annuler la mesure d'expertise judiciaire ordonnée par le Tribunal de commerce de La Rochelle ;

À titre subsidiaire

- infirmer le jugement du 9 avril 2021 en ce qu'il a condamné Axa France Iard à verser à la société La nouvelle maison des mouettes les sommes de 177.300 euros et 179.600 euros à titre de provision et fixé la mission de l'Expert judiciaire sans se référer

exactement aux termes du contrat ;

- débouter la demande de la société La nouvelle maison des mouettes tenant à voir ordonner une expertise complémentaire portant sur la période allant du 31 janvier 2021 au 30 juin 2021 ;

- débouter la demande de la société La nouvelle maison des mouettes tenant à voir Axa France Iard condamnée à la somme de 472.873 euros ;

- fixer la période de couverture au titre du second sinistre sur une période de 3 mois à compter du 29 octobre 2020 conformément aux termes du contrat et débouter la demande la société La nouvelle maison des mouettes tenant à fixer la période d'indemnisation au-delà de 3 mois ;

- ordonner la fixation de la mission de l'Expert désigné par le Tribunal de commerce de La Rochelle comme suit :

* se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera utile à l'accomplissement de sa mission, notamment l'estimation effectuée par l'Assurée et/ou son expert-comptable, accompagnée de ses bilans et comptes d'exploitation sur les trois dernières années ;

* entendre les parties ainsi que tout sachant et évoquer, à l'issue de la première réunion avec les parties le calendrier possible de la suite de ses opérations ;

* examiner les pertes d'exploitation garanties contractuellement par le contrat

d'assurance, sur une période maximum de trois mois et en tenant compte de la franchise de 3 jours ouvrés applicable ;

* donner son avis sur le montant des pertes d'exploitation consécutives à la baisse du chiffre d'affaires causée par l'interruption ou la réduction de l'activité, comprenant le calcul de la perte de marge brute et déterminer le montant des charges salariales et des économies réalisées ;

* donner son avis sur le montant des aides/subventions d'Etat perçues par l'Assurée ;

* donner son avis sur les coefficients de tendance générale de l'évolution de l'activité et des facteurs externes et internes susceptibles d'être pris en compte pour le calcul de la réduction d'activité imputable à la mesure de fermeture en se fondant notamment sur les recettes encaissées dans les semaines ayant précédé le 15 mars et le 29 octobre 2020.

À titre infiniment subsidiaire,

Si par extraordinaire la Cour était amenée à prononcer une condamnation :

- fixer le montant des pertes d'exploitation à la somme maximal de 45.381 euros au titre de la première période et de 82.407 euros au titre de la seconde période.

En tout état de cause,

- débouter la société La nouvelle maison des mouettes de toutes demandes, fins ou conclusions contraires au présent dispositif ;

- condamner la société La nouvelle maison des mouettes à payer à Axa France Iard la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel.

[*]

Par dernières conclusions notifiées par RPVA, le 25 septembre 2024, auxquelles la cour se réfère expressément, la société La nouvelle maison des mouettes demande à la cour de:

- confirmer le jugement dans toutes ses dispositions, à l'exception de celles faisant l'objet d'un appel incident ;

- à titre incident, infirmer le jugement en ce qu'il a limité à des périodes d'indemnisation de trois mois la mission de l'Expert désigné pour l'étude des pertes d'exploitation ;

- aux fins de précision, juger :

* que la date de la fin du second sinistre est le 30 juin 2021 ;

* que les limitations contractuelles d'indemnité à trois jours de carence, à trois mois et 300 fois l'indice, sont inopposables à l'assuré ;

* que le COVID ne peut être considéré comme un facteur externe dans le cadre du calcul de l'indemnité d'assurance ;

* que les aides perçues de l'Etat n'ont pas à être déduites de l'indemnité d'assurance.

- à titre incident, infirmer le jugement en ce qu'il a jugé que la garantie ' arrêté de péril ' n'était pas applicable ;

Par conséquent, statuant à nouveau :

- écarter des débats la pièce n°2 produite par Axa (conditions particulières du contrat) ;

- avant dire-droit, enjoindre Axa France Iard de communiquer à La nouvelle maison des mouettes l'original des conditions particulières signées du contrat ou alors une version numérisée en haute définition, sous astreinte de 100 euros par jours de retard ;

- juger qu'Axa ne peut se prévaloir de la clause d'exclusion en litige et que la garantie 'perte d'exploitation pour fermeture à raison d'une épidémie ou d'une maladie contagieuse' est acquise à la société La nouvelle maison des mouettes pour les périodes suivantes :

* du 15 mars 2020 au 2 juin 2020 au titre de la fermeture ordonnée dans le contexte du premier pic épidémique ;

* du 1e novembre 2020 au 30 juin 2021 au titre de la fermeture ordonnée dans le contexte des deuxièmes et troisièmes vagues épidémiques ;

- juger que la garantie « perte d'exploitation suite à arrêté de péril » est acquise à la société La nouvelle maison des mouettes pour les périodes suivantes :

* du 15 mars 2020 au 2 juin 2020 au titre de la fermeture ordonnée dans le contexte du premier pic épidémique ;

* du 1er novembre 2020 au 30 juin 2021 au titre de la fermeture ordonnée dans le contexte des deuxièmes et troisièmes vagues épidémiques ;

Par conséquent, à titre principal :

- condamner la société Axa France Iard à indemniser la société La nouvelle maison des mouettes, sur le fondement de l'acquisition de la garantie ou sur celui de la perte de chance, de la perte de marge brute subie lors de ces périodes :

* à hauteur de 472 873 euros, pour les périodes comprises du 15 mars au 2 juin 2020 et du 1 er novembre 2020 au 31 janvier 2021 ;

* pour le surplus, ordonner un complément d'expertise pour la détermination des pertes subies au-delà du 31 janvier 2021, et jusqu'au 30 juin 2021, en commettant l'Expert [X], d'ores et déjà saisi du dossier, sa mission étant identique à celle confiée par le tribunal de commerce, à l'exception des périodes d'indemnisation ;

En toute hypothèse :

- condamner Axa France Iard à verser à la société La nouvelle maison des mouettes la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, en cause d'appel ;

- condamner Axa France Iard à verser à la société La nouvelle maison des mouettes la somme de 20.000 euros au titre de la résistance abusive ;

- condamner la société Axa France Iard aux entiers dépens de l'instance, lesquels pourront être recouvrés par Maître Antoine Vey, Avocat au barreau de Paris, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;

[*]

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément aux dernières conclusions précitées des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 30 décembre 2024.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la fin de non-recevoir :

La société AXA soutient que les demandes de l'intimée qui ne portent pas sur la validité de la clause d'exclusion et les conséquences de celle-ci sont irrecevables.

Sur ce

En vertu des dispositions de l'article 624 du code de procédure civile : 'la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce. Elle s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.'

En vertu des dispositions de l'article 638 du code de procédure civile :

« L'affaire est à nouveau jugée en fait et en droit par la juridiction de renvoi à l'exclusion des chefs non atteints par la cassation. »

Suite à l'arrêt de la deuxième chambre civile de la cour de cassation du 30 mai 2024, ont été jugées définitivement par la cour d'appel de Poitiers les demandes suivantes formulées par l'appelante :

- écarter des débats la pièce 2 produite par la société Axa ;

- avant-dire droit, communiquer l'original des conditions particulières du contrat ou une version numérisée en haute définition ;

- juger que la garantie « perte d'exploitation suite à arrêté de péril » est acquise ;

- condamner la société Axa au titre de la résistance abusive.

Ces demandes seront déclarées irrecevables comme ayant été définitivement jugées par la cour d'appel de Poitiers.

La cour de cassation n'a pas été saisie d'un pourvoi incident tendant à voir casser le chef de dispositif de l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers qui, infirmant le jugement, a débouté la SARL La nouvelle maison des mouettes de sa prétention à voir juger que la société AXA France IARD avait manqué à son devoir d'information précontractuelle et/ou à son devoir de conseil

En revanche, le manquement allégué à l'obligation de conseil est indivisible de l'appréciation de la validité de la clause d'exclusion, qui a fait l'objet d'une cassation partielle de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Poitiers.

 

Sur l'application de la clause d'exclusion de garantie :

La société Axa soutient que la clause de garantie « perte d'exploitation » est formelle et limitée au sens de l'article 113-1 du code des assurances.

La société La nouvelle maison des mouettes réplique que la clause d'exclusion est nulle car elle n'est ni formelle ni limitée.

Elle relève également l'espérance légitime de voir reconnaître sa créance protégée par l'article 1 du protocole additionnel de la convention européenne des droits de l'homme.

Sur ce

Selon l'article L 113 - 1 du code des assurances :

« Les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police.

Toutefois, l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré. »

Selon l'article 1170 du code civil :

« Toute clause qui prive de sa substance l'obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite. »

Selon l'article 1190 du code civil :

« Dans le doute, le contrat de gré à gré s'interprète contre le créancier et en faveur du débiteur, et le contrat d'adhésion contre celui qui l'a proposé. »

Les « conditions particulières du contrat d'assurance multirisque petites et moyennes entreprises » prévoient une garantie relative à une « perte d'exploitation suite à fermeture administrative » :

« La garantie est étendue aux pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :

1- La décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétence et extérieure à vous-même

2 - La décision de fermeture est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication'.

Ainsi, le contrat d'assurance 'multirisque professionnelle' prévoit une extension de garantie relative aux pertes d'exploitation résultant de la fermeture administrative de l'établissement en raison notamment d'une épidémie.

En l'espèce, les deux conditions de mise en œuvre de la garantie sont réunies au regard des décisions des autorités administratives ayant ordonné la fermeture au moins partielle des restaurants pour lutter contre la propagation du virus Covid 19, du 15 mars au 15 juin 2020 et du 1er novembre 2020 au 30 juin 2021. Sur ces périodes, ces établissements ne pouvaient plus recevoir du public.

Les conditions particulières ont été signées par la société La nouvelle maison des mouettes le 6 décembre 2019.

La clause litigieuse incluse en page 8 prévoit une limitation de la garantie :

« Sont exclues : Les pertes d'exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, qu'elle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pur une cause identique. »

Il est constant en droit qu'une clause n'est pas formelle lorsqu'elle ne se réfère pas à des critères précis et nécessite interprétation, et elle n'est pas limitée lorsqu'elle vide la garantie de sa substance, en ce qu'elle ne laisse subsister qu'une garantie dérisoire après son application.

La notion d'« établissement » ne saurait se limiter à une définition juridique étroite mais au contraire traduit l'absence de restriction à une catégorie spécifique d'établissement prise dans un sens large.

La mention « quelle que soit sa nature et son activité » permet de bien comprendre que la fermeture de tout autre établissement, quel qu'il soit, écartera l'application de la garantie lorsque cette fermeture, dans le même département, résultera d'une cause identique.

La mention de « cause identique » est sans ambiguïté et se réfère à la cause de fermeture des établissements concernés.

La société la nouvelle maison des mouettes, en sa qualité de professionnelle de la restauration, n'a pu ignorer l'objet de la garantie souscrite et de son exclusion, rédigée en caractères très apparents, ni se méprendre sur la portée de la clause d'exclusion lors de la souscription de son contrat.

Dès lors, la lecture de la clause d'exclusion ne souffre d'aucune difficulté d'interprétation et n'est pas de nature à créer un doute sur la portée de l'exclusion. La clause remplit donc le caractère formel exigé par l'article L. 113-1 du Code des assurances.

S'agissant du caractère limité de l'exclusion, le risque assuré est celui d'une fermeture administrative, et non un risque épidémique. La couverture de ce risque est clairement limitée à la nature isolée de cette fermeture administrative de l'établissement. Le terme « épidémie » n'est pas inscrit dans la clause d'exclusion, mais seulement dans la clause d'extension de la garantie, et ne saurait donc affecter la validité de la clause d'exclusion.

Ce n'est pas l'épidémie qui est prise en considération pour l'application de la clause d'exclusion, sa nature, sa localisation ou son importance, mais le périmètre de la fermeture administrative, selon qu'elle est propre à l'établissement assuré ou collective, comme touchant d'autres établissements de même nature ou non du département.

Le risque couvert est celui de pertes d'exploitation, étendu aux pertes subséquentes à une fermeture administrative, et non le risque de survenance d'une épidémie.

Or, une épidémie, qui n'est pas nécessairement à l'échelle d'un pays, d'une région, d'un département ou même d'une localité, peut être la cause de la fermeture administrative d'un unique établissement.

L'extension de garantie a aussi vocation à être mobilisée lorsque le foyer de l'épidémie se situe à l'extérieur de l'établissement concerné, le critère d'application de l'exclusion étant seulement la nature isolée ou non de la fermeture administrative.

Au regard de ces éléments, la clause litigieuse répond au caractère limité imposé par l'article L. 113-1 du code des assurances et ne vide pas la garantie de sa substance.

Enfin, le principe d'espérance légitime allégué par l'intimée doit reposer sur une base suffisante en droit interne. Or la jurisprudence de la cour de cassation est constante en la matière depuis ses arrêts du 1er décembre 2022, par lesquels elle a considéré, dans des espèces similaires, que la clause d'exclusion de garantie était formelle et limitée

Par suite, la clause d'exclusion est valable au regard des critères posés par l'article L 113-1 du code des assurances et la décision du tribunal de commerce sera infirmée de ce chef.

Il convient de rejeter les demandes formées par la société la Nouvelle maison des mouettes à l'encontre de la société Axa France IARD, et de dire n'y avoir lieu à mesure d'expertise.

Le présent arrêt infirmatif vaut titre de restitution des sommes versées au titre de l'exécution provisoire.

 

Sur l'obligation d'information et de conseil de l'assureur :

La société La nouvelle maison des mouettes soutient que la compagnie d'assurance a manqué à son devoir d'information précontractuelle et de conseil.

La société Axa réplique avoir respecté ses obligations en adressant une fiche 'd'information préalable à la proposition de votre contrat d'assurance Multirisque Professionnelle PME', que l'assurée a signée.

Sur ce

En vertu des dispositions de l'article 1112-1 du code civil :

« Celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.

Néanmoins, ce devoir d'information ne porte pas sur l'estimation de la valeur de la prestation.

Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.

Il incombe à celui qui prétend qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a fournie.

Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.

Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d'information peut entraîner l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants. »

En vertu des dispositions de l’article L112-2 du code des assurances :

L'assureur doit obligatoirement fournir une fiche d'information sur le prix et les garanties avant la conclusion du contrat.

Avant la conclusion du contrat, l'assureur remet à l'assuré un exemplaire du projet de contrat et de ses pièces annexes ou une notice d'information sur le contrat qui décrit précisément les garanties assorties des exclusions, ainsi que les obligations de l'assuré. Les documents remis au preneur d'assurance précisent la loi qui est applicable au contrat si celle-ci n'est pas la loi française, les modalités d'examen des réclamations qu'il peut formuler au sujet du contrat et de recours à un processus de médiation dans les conditions prévues au Titre 1 du Livre 6 de la partie législative du code de la consommation, sans préjudice pour lui d'intenter une action en justice, ainsi que l'adresse du siège social et, le cas échéant, de la succursale qui se propose d'accorder la couverture. Avant la conclusion d'un contrat comportant des garanties de responsabilité, l'assureur remet à l'assuré une fiche d'information, dont le modèle est fixé par arrêté, décrivant le fonctionnement dans le temps des garanties déclenchées par le fait dommageable, le fonctionnement dans le temps des garanties déclenchées par la réclamation, ainsi que les conséquences de la succession de contrats ayant des modes de déclenchement différents.

En vertu des dispositions de L 113-2 du code des assurances :

« L'assuré est obligé :

1° De payer la prime ou cotisation aux époques convenues ;

2° De répondre exactement aux questions posées par l'assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel l'assureur l'interroge lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à faire apprécier par l'assureur les risques qu'il prend en charge ; »

En vertu des dispositions de L 521-4 du code des assurances :

« I - Avant la conclusion de tout contrat d'assurance, le distributeur mentionné à l'article L. 511-1 précise par écrit, sur la base des informations obtenues auprès du souscripteur éventuel ou de l'adhérent éventuel, les exigences et les besoins de celui-ci et lui fournit des informations objectives sur le produit d'assurance proposé sous une forme compréhensible, exacte et non trompeuse afin de lui permettre de prendre une décision en toute connaissance de cause.

Le distributeur conseille un contrat qui est cohérent avec les exigences et les besoins du souscripteur éventuel ou de l'adhérent éventuel et précise les raisons qui motivent ce conseil.

II. - Sans préjudice des dispositions du I, avant la conclusion d'un contrat spécifique, lorsque le distributeur d'assurance propose au souscripteur éventuel ou à l'adhérent éventuel un service de recommandation personnalisée, ce service consiste à lui expliquer pourquoi, parmi plusieurs contrats ou plusieurs options au sein d'un contrat, un ou plusieurs contrats ou options correspondent le mieux à ses exigences et à ses besoins.

III. - Les précisions mentionnées au I et au II du présent article et de l'article L. 522-5, qui reposent en particulier sur les éléments d'information communiqués par le souscripteur éventuel ou l'adhérent éventuel, sont adaptées à la complexité du contrat d'assurance proposé. Ces précisions sont communiquées au souscripteur éventuel ou à l'adhérent éventuel sous une forme compréhensible, exacte et non trompeuse afin de lui permettre de comprendre la cohérence du contrat proposé avec ses exigences et ses besoins et de prendre une décision en toute connaissance de cause.

IV. - Avant la souscription ou l'adhésion à un contrat mentionné à l'article L. 522-1, le distributeur est soumis au respect des dispositions de l'article L. 522-5, par dérogation aux I et II du présent article.'

La société Axa joint au dossier une fiche d'information préalable à la proposition de contrat d'assurance multirisque en date du 6 décembre 2019, établie à la suite d'une visite des locaux réalisée le 3 octobre 2019, conformément aux dispositions des articles L 112-3 et L 113-2 du code des assurances.

Ce document se présente sous la forme d'un questionnaire et l'intimée y précise le cadre de son activité. La société La nouvelle maison des mouettes reconnaît avoir exposé à l'agent général sa « situation personnelle », ses « besoins et exigences quant aux risques pour lesquels elle souhaitait être assurée. Elle a indiqué vouloir se protéger contre les pertes d'exploitation et pertes de revenus.

Or, d'une part, le contrat souscrit répond à ces besoins et, d'autre part, il n'est pas démontré que la société La nouvelle maison des mouettes ait clairement exprimé auprès de l'agent général d'assurance son souhait de bénéficier d'une garantie spécifique couvrant les pertes d'exploitation consécutives à une épidémie entraînant la fermeture des établissements de restauration sur le territoire national.

Au regard du caractère inédit de ce risque au moment de la souscription de la garantie, il ne saurait être reproché à l'assureur de na pas en avoir proposé la garantie. Dès lors, la société Axa n'a pas manqué à son devoir de conseil.

Enfin, en signant les conditions particulières, le souscripteur a reconnu en page 12 'avoir été informé et avoir pris connaissance préalablement à la souscription de votre contrat d'assurance des informations concernant le tarif et les conditions de garantie auprès de notre représentant.'

Dès lors, au regard de l'ensemble de ces éléments, il convient de considérer que la société Axa n'a pas manqué à son devoir de conseil et d'infirmer le tribunal de commerce de ce chef.

 

Sur les demandes accessoires :

Partie succombante, il convient de condamner la société La nouvelle maison des mouettes à verser à la société AXA la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance, d'appel et devant la cour de renvoi, avec distraction au profit de Maître Vey.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort,

Déclare irrecevables les demandes suivantes de la société La nouvelle maison des mouettes :

« - écarter des débats la pièce n°2 produite par Axa (conditions particulières du contrat) ;

- avant dire-droit, enjoindre Axa France Iard de communiquer à La nouvelle maison des mouettes l'original des conditions particulières signées du contrat ou alors une version numérisée en haute définition, sous astreinte de 100 euros par jours de retard ; »

- juger que la garantie « perte d'exploitation suite à arrêté de péril » est acquise à la société La nouvelle maison des mouettes pour les périodes suivantes :

* du 15 mars 2020 au 2 juin 2020 au titre de la fermeture ordonnée dans le contexte du premier pic épidémique ;

* du 1er novembre 2020 au 30 juin 2021 au titre de la fermeture ordonnée dans le contexte des deuxièmes et troisièmes vagues épidémiques ;

- condamner Axa France Iard à verser à la société La nouvelle maison des mouettes la somme de 20.000 euros au titre de la résistance abusive ; »

Infirme le jugement du tribunal de commerce de La Rochelle en date du 30 avril 2021 en ce qu'il a dit que la société Axa ne pouvait se prévaloir de la clause d'exclusion, qu'il a dit partiellement fondées les demandes de la société La nouvelle maison des mouettes, en ce qu'il a débouté la société Axa de ses demandes en principal, condamné la société Axa à verser à titre de provision les sommes de 177.300 euros et 179.600 euros, ordonné une expertise et condamné la société Axa sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que la clause d'exclusion de garantie est valable et que la société Axa France Iard n'a pas manqué à son obligation de conseil et d'information,

Déboute la société La nouvelle maison des mouettes de ses demandes à l'encontre de la société Axa France Iard,

Dit n'y avoir lieu à expertise judiciaire,

Rapelle que le présent arrêt infirmatif vaut titre permettant la restitution des sommes payées dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement,

Condamne la société La nouvelle maison des mouettes à verser à la société Axa France Iard la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société La nouvelle maison des mouettes aux dépens de première instance, d'appel et devant la cour de renvoi.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier                                                   Le Magistrat