CA AMIENS (ch. écon.), 24 avril 2025
- T. com. Compiègne, 11 avril 2023 : RG n° 2022F00138
CERCLAB - DOCUMENT N° 23537
CA AMIENS (ch. écon.), 24 avril 2025 : RG n° 23/02474
Publication : Judilibre
Extraits : 1/ « La société TC Trans indique elle-même qu'elle n'entend pas faire état d'un droit de rétractation qui ne lui aurait pas été accordé mais qu'elle entend uniquement se fonder sur l'existence d'un déséquilibre significatif rendant non écrite la clause par laquelle elle reconnaissait faire son affaire de la récupération des matériels. Il n'y a donc pas lieu de statuer sur ce droit de rétractation qui n'est pas invoqué par son bénéficiaire.
Il sera au demeurant retenu qu'il ne pouvait être fait application de l'article L. 221-3 du code de la consommation permettant de faire bénéficier des dispositions protectrices du droit de la consommation les contrats conclus hors établissements entre deux professionnels dès lors que ces contrats n'entrent pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur à 5. En effet la société TC Trans ne justifie pas du nombre de ces salariés par la production de sa pièce n° 2 incomplète et en acceptant le transfert de contrats de crédit-bail portant sur des véhicules utilitaires afin, selon ses propres termes, de voir sa flotte de camions augmenter, elle a bien contracté dans le champ de son activité principale qui même avant son changement pour le seul transport de fret de proximité le 22 avril 2022, portait déjà lors de la conclusion des actes de transfert outre l'import-export de produits non alimentaires, sur le transport de marchandises. »
2/ « Si la SA Lixxbail invoque l'application de l'article L. 442-6-I-2° ancien L. 442-1-2° du code de commerce il convient de rappeler que celui-ci ne s'applique aucunement à tous les contrats entre commerçants et ainsi l'article 1171 du code civil a vocation à s'appliquer dans les matières qui sont exclues du champ d'application des articles du code de commerce et notamment aux contrats soumis au code monétaire et financier et ainsi les contrats de crédit-bail sont bien soumis à l'article 1171 du code civil.
Le contrôle du contenu de la clause contractuelle ne doit pas être confondu avec le contrôle de l'exécution du contrat. Ainsi une clause contractuelle peut être en elle-même raisonnable et n'exprimer aucun déséquilibre significatif mais faire l'objet d'une exécution contraire à la bonne foi.
En l'espèce les moyens avancés par la société TC Trans pour voir qualifier de clause abusive la clause selon laquelle le nouveau locataire déclare bien connaître les matériels faisant l'objet du contrat, il fait son affaire et assure les risques liés à la récupération et à la réinstallation des matériels concernés ne repose que sur le fait que la société Lixxbail aurait eu connaissance des difficultés de son précédent co-contractant dans l'exécution du contrat. Elle ne peut ainsi établir que cette clause soit en elle-même abusive comme causant un déséquilibre significatif entre les parties à l'acte de transfert. En effet cette clause ne met pas d'obligation à la charge du repreneur du contrat de crédit-bail autre que celle d'assumer et d'assurer les risques liés à la récupération des véhicules alors que le nouveau locataire se substitue au locataire initial dans tous les droits et obligations du contrat de crédit-bail et que le transfert intervient à la requête même du locataire initial. Il est en l'espèce établi par les échanges de courriels que la société 2R Trans a informé le bailleur de sa volonté de transférer les deux contrats à une société tierce dont elle prévenait le bailleur qu'elle le contacterait et que la société Fuuta Transit devenue TC Trans s'est manifestée auprès du bailleur pour solliciter ce transfert en parfaite connaissance des loyers impayés et des frais de recouvrement de la demande de transfert des deux contrats de crédit-bail.
Aucune déloyauté ne peut être reprochée à la société Lixxbail qui n'a fait que souscrire au transfert de contrat voulu par les deux sociétés 2R Trans et Fuuta Transit. Il n'est aucunement justifié par ailleurs que la société Fuuta Transit ait dû renoncer au transfert en raison d'une impossibilité de récupérer les véhicules. Aucun message ou écrit de la sociérté 2R Trans ne vient corroborer le fait qu'elle ait brutalement décidé de conserver les véhicules.
En revanche la société Fuuta Transit reconnaît qu'elle avait trouvé d'autres véhicules à acquérir et il est produit les propositions de contrats de crédit-bail obtenues par celle-ci auprès de la société Mercédes Benz.
Il convient en conséquence de considérer que la société Fuuta Transit devenue TC Trans est bien tenue d'exécuter les contrats de crédit-bail à elle transférés et d'infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a réputée non-écrite la clause n° 3 de l'acte de transfert. »
COUR D’APPEL D’AMIENS
CHAMBRE ÉCONOMIQUE
ARRÊT DU 24 AVRIL 2025
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 23/02474. N° Portalis DBV4-V-B7H-IZBN. JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE COMPIEGNE DU 11 AVRIL 2023 (référence dossier N° RG 2022F00138).
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE :
SA LIXXBAIL
agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 1], [Localité 4], Représentée par Maître Bénédicte CHÂTELAIN substituant Maître Franck DERBISE de la SCP LEBEGUE DERBISE, avocats au barreau d'AMIENS, Ayant pour avocat plaidant Maître Frédéric CAVEDON, avocat au barreau de BORDEAUX
ET :
INTIMÉE :
SAS TC TRANS
agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège : [Adresse 2], [Localité 3], Représentée par Maître Sibylle DUMOULIN de la SCP DUMOULIN-CHARTRELLE-ABIVEN, avocat au barreau D'AMIENS, Ayant pour avocat plaidant Maître Hosni MAATI, avocat au barreau de PARIS
DÉBATS : A l'audience publique du 7 janvier 2025 devant Mme Valérie DUBAELE, entendue en son rapport, magistrat rapporteur siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 805 du code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 1er avril 2025.
GREFFIÈRE : Madame Diénéba KONÉ
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Mme Valérie DUBAELE en a rendu compte à la cour composée de : Mme Odile GREVIN, présidente de chambre, Mme Florence MATHIEU, présidente de chambre, Mme Valérie DUBAELE, conseillère, qui en ont délibéré conformément à la loi.
PRONONCÉ : Le 1er avril 2025, les conseils des parties ont été avisés par la voie électronique du prorogé du délibéré au 24 avril 2025.
Le 24 Avril 2025 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, présidente a signé la minute avec Mme Malika RABHI, greffière.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DÉCISION :
Suivant acte sous seing privé en date du 9 novembre 2017, la SA Lixxbail a conclu avec la SARL 2R Trans un premier contrat de crédit-bail portant sur un véhicule utilitaire de marque Renault immatriculé [Immatriculation 5] acquis pour la somme de 49.000 euros HT auprès de la société Kertrucks.
La location intervenait moyennant 48 loyers mensuels le premier d'un montant de 5.908,42 euros TTC et les suivants d'un montant de 1.204,61 euros assurance comprise. Le contrat était assorti d'une option d'achat correspondant à 1% du prix d'achat HT.
Un procès-verbal de réception a été établi le 11 décembre 2017.
Suivant acte sous seing privé en date du 9 novembre 2017, la SA Lixxbail a conclu avec la SARL 2R Trans un second contrat de crédit-bail portant sur un tracteur routier de marque Renault immatriculé [Immatriculation 6] acquis pour la somme de 49.000 euros HT auprès du même fournisseur.
La location intervenait moyennant 48 loyers mensuels, le premier d'un montant de 5908,42 euros TTC et les suivants d'un montant de 1.204,61 euros assurance comprise. Le contrat était assorti d'une option d'achat correspondant à 1 % du prix d'achat HT.
Un procès-verbal de réception a été établi le 20 novembre 2017.
Au cours de l'année 2020 un report des échéances dues au titre des deux contrats de crédit-bail a été accordé à la SARL 2R Trans et un second moratoire lui a été accordé au cours de l'année 2021, de nouveaux échéanciers de règlement étant à chaque fois établis.
Se prévalant de loyers impayés au titre des deux contrats la SA Lixxbail a prononcé la résiliation des contrats par courriers en date du 15 janvier 2022 et 17 mars 2022.
Par courriel en date du 22 mars 2022, la société Fuuta Transit désormais TC Trans réitérait une proposition formée par courriel du 18 mars 2021 tendant à la reprise des deux contrats en soldant la totalité des impayés et les frais de recouvrement et en poursuivant le règlement des échéances jusqu'au terme de chacun des deux contrats.
Par actes en date du 28 mars 2022, les deux contrats étaient ainsi transférés à la société Fuuta Transit, le premier contrat étant désormais d'une durée de 13 mois et prévoyant le versement de 13 loyers mensuels d'un montant de 1007,79 euros HT outre la prime d'assurance soit une somme mensuelle de 1.237,77 euros TTC et le second contrat étant d'une durée de 12 mois et prévoyant le versement de 12 loyers d'un montant de 1.007,79 euros HT outre la prime d'assurance soit une somme mensuelle de 1.237,77 euros TTC.
La société Fuuta Transit a néanmoins dénoncé les contrats de crédits-bail en invoquant son droit de rétractation par courriel du 5 avril 2022 et courrier recommandé en date du 6 avril 2022 et fait part de l'intention de la société 2R Trans de conserver les contrats.
Par lettres recommandées avec accusé de réception en date du 25 avril 2022, la SA Lixxbail a mis en demeure la société Fuuta Transit de lui régler sous quinzaine la somme de 7.872,22 euros restant due au titre des loyers des mois de novembre 2021 à avril 2022 au titre du premier contrat et la somme de 7874,05 euros au titre des loyers des mois de décembre 2021 à avril 2022 au titre du second contrat.
Faute de règlement dans le délai imparti par lettres recommandées en date des 11 mai 2022 et 20 mai 2022, la SA Lixxbail a prononcé la résiliation des deux contrats et a mis en demeure la société Fuuta Transit de lui régler la somme de 16.474,92 euros au titre du premier contrat et la somme de 17.810,77 euros au titre du second et a invité la société à lui restituer les véhicules.
Par exploit d'huissier en date du 19 août 2022, la SA Lixxbail a fait assigner la société TC Trans anciennement Fuuta Transit devant le tribunal de commerce de Compiègne aux fins que soit constatée la résiliation de plein droit des contrats, d'obtenir sa condamnation au paiement des sommes restant dues avec paiement des indemnités contractuelles et la restitution des véhicules et à défaut l'autorisation de les appréhender.
Par jugement du tribunal de commerce de Compiègne en date du 11 avril 2023 a été déclaré non-écrite la clause de l'acte de transfert du contrat de crédit-bail selon laquelle le nouveau locataire fait son affaire et assure les risques liés à la récupération et à la réinstallation du matériel concerné et la SA Lixxbail a été déboutée de l'ensemble de ses demandes et condamnée au paiement d'une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 5 juin 2023, la SA Lixxbail a interjeté appel de cette décision.
[*]
Aux termes de ses dernières conclusions remises le 31 janvier 2024, la SA Lixxbail demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau de débouter la société TC Trans de l'ensemble de ses demandes, de constater la résiliation de plein droit des contrats de crédit-bail et de condamner la société TC Trans à lui payer :
- la somme de 17.712,69 euros TTC outre intérêts au taux contractuel à compter du 11 mai 2022 au titre du premier contrat
- la somme de 17.810,77 euros outre intérêts au taux contractuel à compter du 20 mai 2022 au titre du second contrat
- la somme de 19.895,20 euros au titre de l'indemnité d'utilisation du matériel due à compter du 11 mai 2022 jusqu'au 10 septembre 2023 sauf à parfaire à compter du 11 septembre 2023 jusqu'à restitution effective du matériel objet du premier contrat
- la somme de 19.895,20 euros au titre de l'indemnité d'utilisation du matériel due à compter du 20 mai 2022 jusqu'au 19 septembre 2023 sauf à parfaire à compter du 20 septembre 2023 jusqu'à restitution effective du matériel objet du second contrat.
Elle demande en outre à la cour d'enjoindre à la société TC Trans de lui restituer les véhicules ainsi que l'ensemble des documents administratifs et clefs et le cas échéant de l'autoriser à faire appréhender ledit matériel par tout huissier de justice de son choix territorialement compétent entre les mains de la SA TC Trans ou entre les mains de tout tiers détenteur si besoin dans les conditions et avec l'assistance des personnes visées à l'article L. 142-1 du code des procédures civiles d'exécution.
Elle demande encore la condamnation de la SA TC Trans à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et manquement à son devoir de loyauté et de bonne foi dans l'exécution de ses obligations contractuelles outre une somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et au paiement des entiers dépens en ce compris ceux d'appel et de première instance.
[*]
Aux termes de ses conclusions remises le 30 novembre 2023 la société TC Trans demande à la cour de confirmer le caractère non-écrit de la clause de l'acte de transfert de bail, de débouter la SA Lixxbail de l'ensemble de ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 10.000 euros pour procédure abusive et la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'au paiement des entiers dépens d'appel.
[*]
L'ordonnance de clôture est intervenue le 5 décembre 2024.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Les premiers juges ont considéré que les contrats litigieux avaient pour objet le transfert de contrats de crédit-bail et non pas la location ou l'achat de véhicules ce qui n'entre pas dans le champ de l'activité principale de la société Fuuta-Transit dont l'activité d'import/export est bien éloignée de l'activité de gestion de contrat de crédit-bail purement financière.
Ils ont qualifié les contrats de transfert de contrats d'adhésion et ont considéré que la clause par laquelle le nouveau locataire déclarait bien connaître les matériels faisant l'objet du contrat et faire son affaire et assurer les risques liés à la récupération et à la réinstallation du matériel créait un déséquilibre significatif entre les cocontractants sans aucune contrepartie dès lors que la SA Lixxbail n'avait pas souscrit à son devoir de loyauté en avisant le nouveau locataire des mises en demeure de restituer le matériel adressées à l'ancien locataire et demeurées vaines.
Ils ont déclaré cette clause nulle et de nul effet et l'ont réputée non-écrite.
Ils ont jugé qu'ainsi la société TC Trans avait pu valablement exercer son droit de rétractation.
La SA Lixxbail soutient que le droit de rétractation n'est attribué qu'aux seuls consommateurs en application de l'article L. 221-18 du code de la consommation et que si l'article L. 221-3 du même code a étendu le champ d'application à certains contrats conclus entre professionnels cette possibilité est soumise à trois conditions à savoir qu'il s'agisse de contrats conclus hors établissements ou à distance, que le nombre de salariés employés par les bénéficiaires des contrats soit inférieur ou égal à 5 et que l'objet des contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel.
Elle reproche aux premiers juges d'avoir considéré l'acte de transfert seul dans la détermination du droit applicable en faisant abstraction du contrat de bail originaire auquel il se rattachait et dont il était l'accessoire.
Elle fait valoir de surcroît que la charge de la preuve de la qualité de professionnel de l'intimée ne pouvait peser sur elle mais devait peser sur le professionnel se prévalant des dispositions protectrices du droit de la consommation.
Elle reproche enfin aux premiers juges d'avoir rendu leur décision sur des moyens non soutenus à savoir la question de l'activité de la société Fuuta Transit.
Elle fait valoir que l'objet des contrats de crédit-bail est la location de véhicules destinés au transport de marchandise alors que l'activité principale de la société Fuuta Transit est le transport routier de fret de proximité et qu'ainsi les contrats sont en lien direct avec son activité principale
Elle en déduit que la société TC Trans ne pouvait se prévaloir d'un droit de rétractation.
S'agissant de la nullité de la clause 3 des actes de transfert retenue par les premiers juges elle conteste tout manquement à son obligation de loyauté dès lors que si elle n'a pas obtenu restitution du matériel après ces mises en demeure du 15 janvier et du 17 mars 2022 c'est en raison de la suspension de cette restitution du fait de la proposition de la société TC Trans. Elle fait valoir qu'en acceptant le transfert du contrat elle a renoncé à la résiliation des contrats et ne pouvait plus exiger la restitution. Elle ajoute que la société TC Trans était parfaitement informée de la situation puisqu'elle est à l'initiative de la demande de transfert.
S'agissant du déséquilibre significatif elle fait observer que l'intimée n'étant pas un consommateur les dispositions de droit commun de l'article 1171 du code civil ne pouvaient recevoir application.
Elle ajoute que le déséquilibre n'est pas caractérisé au-delà du manquement au devoir de loyauté et que la clause ne pouvait être déclarée abusive sans qu'il soit recherché si elle était proportionnée aux intérêts des parties.
Elle conteste également la qualification de contrat d'adhésion faisant valoir qu'un contrat négociable mais non négocié ne peut être qualifié ainsi.
Elle fait valoir qu'en l'espèce l'acte de transfert a été pleinement négocié par la société Fuuta Transit.
Elle soutient encore que la clause qui précise qu'il appartient au nouveau locataire de récupérer les biens objets du contrat ne peut être considérée que comme appartenant au noyau contractuel de l'acte et doit être soustraite au contrôle du juge.
Enfin elle soutient que la clause litigieuse ne crée pas un déséquilibre significatif dès lors qu'elle ne lui permet pas de retirer un avantage particulier ou d'échapper à ses propres obligations.
Elle fait observer que c'est en parfaite connaissance de la situation du locataire initial et en accord avec celui-ci qu'elle a discuté des modalités du transfert qui a été mis à sa charge en raison de la proximité géographique des deux sociétés.
Elle ajoute qu'il n'est pas justifié du défaut ou refus de restitution des véhicules par la société 2R Trans qui au demeurant a vu son établissement fermer en novembre 2022 et faire d'objet d'une radiation depuis mars 2023 alors que pour sa part la société TC Trans a souscrit de son côté deux contrats auprès de Mercedes.
La société TC Trans anciennement dénommée Fuuta Transit indique remplir les conditions requises pour bénéficier d'un droit de rétractation dès lors que lors de la signature des contrats son activité était le commerce de gros et que ce n'est qu'avec son changement de nom que le transport est devenu son activité principale.
Elle fait valoir qu'elle n'employait que deux salariés et que le contrat a été conclu à distance.
Elle fait valoir cependant que ses écritures et la décision entreprise ne sont pas fondées sur l'existence d'un droit de rétractation mais sur l'existence d'un déséquilibre significatif au sens de l'article 1171 du code civil selon lequel dans un contrat d'adhésion toute clause non négociable déterminée à l'avance par l'une des parties qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat est réputée non écrite, l'appréciation du déséquilibre significatif ne portant ni sur l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix à la prestation.
Elle soutient que l'article 1171 du code civil réserve la sanction du déséquilibre significatif aux clauses non négociables déterminées à l'avance par l'une des parties. Elle fait valoir que le contrat en imposant la clause selon laquelle la partie contractante fait son affaire de la récupération des camions sans plus de précisions et sans tenir compte de la réalité fait peser sur la demanderesse l'obligation de reprendre à son compte une dette passée et à venir sans contrepartie.
Elle ajoute qu'en imposant à la société cocontractante de faire son affaire de la récupération du camion sans tenir compte de la situation dans laquelle se trouvent les camions et ce alors qu'elle était parfaitement informée des difficultés actuelles et passées dans les relations avec son précédent locataire dénote un caractère abusif évident et crée un déséquilibre significatif
Elle souligne que peuvent être sanctionnés des déséquilibres significatifs quand bien même une partie seulement du contrat est négociable et l'autre non.
Elle fait valoir qu'en l'espèce les parties ne se sont accordées que sur les modalités d'application financières des clauses du contrat dont les clauses ne sont aucunement discutées.
Elle rappelle que le contrat d'adhésion est celui qui comporte un ensemble de clauses non négociables déterminées à l'avance par l'une des parties.
Elle conteste par ailleurs avoir eu connaissance de la situation des camions au moment de la conclusion du contrat.
La société TC Trans indique elle-même qu'elle n'entend pas faire état d'un droit de rétractation qui ne lui aurait pas été accordé mais qu'elle entend uniquement se fonder sur l'existence d'un déséquilibre significatif rendant non écrite la clause par laquelle elle reconnaissait faire son affaire de la récupération des matériels.
Il n'y a donc pas lieu de statuer sur ce droit de rétractation qui n'est pas invoqué par son bénéficiaire.
Il sera au demeurant retenu qu'il ne pouvait être fait application de l'article L. 221-3 du code de la consommation permettant de faire bénéficier des dispositions protectrices du droit de la consommation les contrats conclus hors établissements entre deux professionnels dès lors que ces contrats n'entrent pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur à 5.
En effet la société TC Trans ne justifie pas du nombre de ces salariés par la production de sa pièce n° 2 incomplète et en acceptant le transfert de contrats de crédit-bail portant sur des véhicules utilitaires afin, selon ses propres termes, de voir sa flotte de camions augmenter, elle a bien contracté dans le champ de son activité principale qui même avant son changement pour le seul transport de fret de proximité le 22 avril 2022, portait déjà lors de la conclusion des actes de transfert outre l'import-export de produits non alimentaires, sur le transport de marchandises.
En application de l'article 1171 du code civil invoqué par la société TC Trans dans un contrat d'adhésion toute clause non négociable déterminée à l'avance par l'une des parties qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite.
Si la SA Lixxbail invoque l'application de l'article L. 442-6-I-2° ancien L. 442-1-2° du code de commerce il convient de rappeler que celui-ci ne s'applique aucunement à tous les contrats entre commerçants et ainsi l'article 1171 du code civil a vocation à s'appliquer dans les matières qui sont exclues du champ d'application des articles du code de commerce et notamment aux contrats soumis au code monétaire et financier et ainsi les contrats de crédit-bail sont bien soumis à l'article 1171 du code civil.
Le contrôle du contenu de la clause contractuelle ne doit pas être confondu avec le contrôle de l'exécution du contrat. Ainsi une clause contractuelle peut être en elle-même raisonnable et n'exprimer aucun déséquilibre significatif mais faire l'objet d'une exécution contraire à la bonne foi.
En l'espèce les moyens avancés par la société TC Trans pour voir qualifier de clause abusive la clause selon laquelle le nouveau locataire déclare bien connaître les matériels faisant l'objet du contrat, il fait son affaire et assure les risques liés à la récupération et à la réinstallation des matériels concernés ne repose que sur le fait que la société Lixxbail aurait eu connaissance des difficultés de son précédent co-contractant dans l'exécution du contrat.
Elle ne peut ainsi établir que cette clause soit en elle-même abusive comme causant un déséquilibre significatif entre les parties à l'acte de transfert.
En effet cette clause ne met pas d'obligation à la charge du repreneur du contrat de crédit-bail autre que celle d'assumer et d'assurer les risques liés à la récupération des véhicules alors que le nouveau locataire se substitue au locataire initial dans tous les droits et obligations du contrat de crédit-bail et que le transfert intervient à la requête même du locataire initial.
Il est en l'espèce établi par les échanges de courriels que la société 2R Trans a informé le bailleur de sa volonté de transférer les deux contrats à une société tierce dont elle prévenait le bailleur qu'elle le contacterait et que la société Fuuta Transit devenue TC Trans s'est manifestée auprès du bailleur pour solliciter ce transfert en parfaite connaissance des loyers impayés et des frais de recouvrement de la demande de transfert des deux contrats de crédit-bail.
Aucune déloyauté ne peut être reprochée à la société Lixxbail qui n'a fait que souscrire au transfert de contrat voulu par les deux sociétés 2R Trans et Fuuta Transit.
Il n'est aucunement justifié par ailleurs que la société Fuuta Transit ait dû renoncer au transfert en raison d'une impossibilité de récupérer les véhicules.
Aucun message ou écrit de la sociérté 2R Trans ne vient corroborer le fait qu'elle ait brutalement décidé de conserver les véhicules.
En revanche la société Fuuta Transit reconnaît qu'elle avait trouvé d'autres véhicules à acquérir et il est produit les propositions de contrats de crédit-bail obtenues par celle-ci auprès de la société Mercédes Benz.
Il convient en conséquence de considérer que la société Fuuta Transit devenue TC Trans est bien tenue d'exécuter les contrats de crédit-bail à elle transférés et d'infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a réputée non-écrite la clause n° 3 de l'acte de transfert.
Sur les sommes dues à la SA Lixxbail
La société Lixbail sollicite le montant des loyers impayés au jour de la résiliation, une indemnité en réparation du préjudice subi égale au montant total des loyers restant à échoir outre une clause pénale d'un montant de 5%.
Elle sollicite également une indemnité d'utilisation des véhicules non restitués d'un montant de 19895,20 euros au 10 septembre 2023 pour chacun des deux contrats.
Elle sollicite enfin la restitution des véhicules ou l'autorisation de les appréhender en quelque lieu et quelques mains qu'ils se trouvent.
La société TC Trans n'a pas entendu discuter les sommes ainsi sollicitées.
Il sera relevé que la société Lixxbail a mis en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 26 avril 2022 la société Fuuta Transit de lui régler les sommes de 7872,22 euros et 7874,05 euros au titre des deux contrats puis par lettres recommandées en date des 11 et 20 mai 2022 a prononcé la résiliation des contrats et mis en demeure la société Fuuta Transit de lui régler les sommes de 16474,92 euros et de 17810,77 euros au titre des deux contrats.
Il convient en conséquence de dire que la résiliation des deux contrats a été valablement prononcée.
Il résulte des conditions générales des contrats de crédit-bail qu 'en cas de résiliation le preneur doit verser au bailleur outre les sommes impayées au jour de la résiliation, une indemnité en réparation du préjudice subi égale au montant total des loyers HT restant à échoir au jour de la résiliation majoré d'un montant égal à l'option d'achat ainsi qu'une clause pénale de 5% des sommes impayées et du montant total des loyers HT restant à échoir
La SA Lixxbail produit aux débats les différents décomptes établis et justifie que doit s'ajouter au décompte de résiliation du 11 mai 2022 s'élevant à la somme de 16474,92 euros le loyer impayé du mois de mai 2022.
Il est ainsi dû au titre des loyers impayés la somme de 9032,76 euros au 11 mai 2022 au titre du premier crédit-bail et la somme de 9130,84 euros au titre des loyers impayés du second contrat.
Il est également dû au titre de l'indemnité de résiliation le montant des loyers HT restant à échoir soit 6046,74 euros pour chacun des contrats auquel s'ajoute la valeur résiduelle de 1% soit 588 euros TTC pour chacun des contrats.
Enfin une clause pénale de 5% doit s'appliquer sur le montant des sommes impayées et des loyers HT restant à échoir soit la somme de 753,97 euros et de 758,87 euros.
S'agissant de l'indemnité d'utilisation d'une valeur égale au terme locatif moyen il résulte du contrat qu'elle est due en cas de retard dans la restitution du matériel soit au terme du contrat soit en cas de résiliation.
Elle fait en l'espèce clairement double emploi avec l'indemnité de résiliation qui comprend déjà la totalité des loyers restant à échoir et la valeur résiduelle du bien et à laquelle s'ajoute une clause pénale de 5%. Il n'y a pas lieu de cumuler les clauses pénales.
Il convient de débouter la société Lixxbail de ce chef de demande.
Il convient en revanche de faire droit à la demande de restitution des véhicules formée par la SA Lixxbail dans les conditions précisées au dispositif.
Sur les dommages et intérêts pour procédure abusive
Au regard de la décision l'action de la SA Lixxbail et son appel ne sauraient être déclarées abusifs et il convient de débouter la société TC Trans de ce chef de demande.
Sur les dommages et intérêts pour résistance abusive
La SA Lixxbail considère que la société TC Trans a manqué à son obligation de loyauté dans l'exécution de ses obligations contractuelles.
Toutefois l'inexécution de ses obligations par la société TC Trans est déjà sanctionnée par une clause pénale et il n'est pas fait la preuve de sa mauvaise foi.
Il convient de débouter la SA Lixxbail de ce chef de demande et de confirmer en cela la décision entreprise ;
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Il convient de condamner la société TC Trans aux entiers dépens de première instance et d'appel et de dire n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant publiquement contradictoirement et par mise à disposition de la décision au greffe,
Infirme la décision entreprise excepté en ce qu'elle a rejeté les demandes de dommages et intérêts pour résistance abusive et pour procédure abusive formées par les parties ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déboute la société TC Trans de sa demande tendant à voir déclarer non-écrite la clause n° 3 de l'acte de transfert des contrats de crédit-bail ;
Dit résiliés de plein droit les contrats de crédit-bail ;
Condamne la société TC Trans à payer à la SA Lixxbail les sommes de :
- 16421,47 euros au titre du contrat n° 279979 HB0
Et ce avec intérêts au taux contractuel à compter du 11 mai 2022 sur la somme de 15079,5 euros et au taux légal sur le surplus.
- 16524,45 euros au titre du contrat n° 278118 HB0
Et ce avec intérêts au taux contractuel à compter du 20 mai 2022 sur la somme de 15177,58 euros et au taux légal sur le surplus.
Déboute la société Lixxbail de sa demande au titre d'une indemnité d'utilisation
Ordonne la restitution à la SAS Lixxbail des véhicules visés aux contrats de crédit-bail ainsi que des documents administratifs afférents
Autorise la SA Lixxbail à faire appréhender les véhicules par tout huissier de son choix territorialement compétent tant entre les mains de la société TC Trans qu'entre les mains de tout tiers détenteur si besoin dans les conditions et avec l'assistance des personnes visées à l'article L 142-1 du code des procédures civiles d'exécution ;
Condamne la société TC Trans aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
La Greffière, La Présidente,