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CA BORDEAUX (4e ch. civ.), 19 mai 2025

Nature : Décision
Titre : CA BORDEAUX (4e ch. civ.), 19 mai 2025
Pays : France
Juridiction : Bordeaux (CA), 1re ch.
Demande : 23/03095
Date : 19/05/2025
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 29/06/2023
Décision antérieure : T. com. Bordeaux, 12 juin 2023 : RG n° 2022F00639
Décision antérieure :
  • T. com. Bordeaux, 12 juin 2023 : RG n° 2022F00639
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CERCLAB - DOCUMENT N° 23545

CA BORDEAUX (4e ch. civ.), 19 mai 2025 : RG n° 23/03095 

Publication : Judilibre

 

Extraits : 1/ « Trois conditions cumulatives doivent donc être réunies pour que le professionnel puisse se prévaloir ces dispositions et soit ainsi assimilé à un consommateur : - le contrat doit être conclu à distance ou hors établissement, - l'objet du contrat ne doit pas entrer dans le champ de l'activité principale du professionnel qui entend se prévaloir de ces dispositions, - ledit professionnel doit employer moins de 5 salariés.

14 - Selon les dispositions de l'article L. 221-1 2° du code de la consommation, reçoit la qualification de contrat hors établissement tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur : a) Dans un lieu qui n'est pas celui où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle, en la présence physique simultanée des parties, y compris à la suite d'une sollicitation ou d'une offre faite par le consommateur ; b) Ou dans le lieu où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle ou au moyen d'une technique de communication à distance, immédiatement après que le consommateur a été sollicité personnellement et individuellement dans un lieu différent de celui où le professionnel exerce en permanence ou de manière habituelle son activité et où les parties étaient, physiquement et simultanément, présentes ; c) Ou pendant une excursion organisée par le professionnel ayant pour but ou pour effet de promouvoir et de vendre des biens ou des services au consommateur.

15 - L'article 17.1des conditions générales du contrat de licence stipule : « Sous réserve que le contrat entre dans le cadre de l'application des articles L. 121-20-12 et suivants du code de la consommation, notamment lorsque l'effectif du partenaire est inférieur ou égal à cinq, celui-ci dispose d'un délai de quatorze jours calendaires à compter de la signature du présent Contrat, pour exercer s'il le souhaite son droit de rétractation. »

16 - En l'espèce, il ressort des mentions du contrat litigieux que celui-ci a été signé à [Localité 3], donc hors établissement. Par ailleurs, M. X. est auto-entrepreneur, il n'emploie aucun salarié, ainsi que cela ressort du document Urssaf qu'il produit. Enfin, M. X. exerce une activité d'hypnothérapeute. La location d'un site Internet n'entre pas dans le champ de son activité principale, celui-ci n'étant qu'un support destiné à développer sa clientèle, sans lien avec la création et l'hébergement d'un site internet vitrine, dans un but de promotion de son activité d'hypnothérapeute. L'objet du contrat n'entre donc pas dans le champ d'activité principal de M. X. En conséquence, la cour considère que le contrat litigieux remplit les conditions posées par l'article L. 221-3 du code de la consommation. »

2/ « 19 - En matière de vente hors établissement, le professionnel est tenu de respecter les formalités édictées aux articles L. 221-5 et L. 221-9 du code de la consommation, concernant la remise d'un bordereau de rétractation dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par décret en Conseil d'État. L'article L. 221-28 dispose que le droit de rétractation ne peut être exercé pour les contrats de fourniture de biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés. Cet article vise également d'autres contrats, ne portant pas sur la remise d'un bien, mais sur la fourniture de services. Il en résulte qu'il concerne également la fourniture de services confectionnés selon des spécifications particulières du client, ou nettement personnalisés.

20 - En l'espèce, il n'est pas démontré que la délivrance d'un site internet conçu pour des professionnels selon une trame propre à la société Incomm, qui ne justifie pas avoir fait préciser à M. X. des spécifications nettement personnalisées, entrerait dans le champ d'application de l'exclusion susvisée. Il sera relevé que les cahiers des charges techniques produits par la société Incomm consistent pour le client à répondre à différentes questions préparées à l'avance pour la confection de sites internet de professionnels se déclinant notamment en 1/vos activités, 2/nom de domaine, 3/E-mails, 4/Design, 5/Réseaux sociaux, 6/Éditorial, 7/Référencement. »

3/ « 23 - S'agissant d'un ensemble contractuel, la caducité du contrat de location financière est une conséquence de plein droit de la nullité du contrat principal de licence d'exploitation de site internet. 24 - Il convient en conséquence de confirmer le jugement du tribunal en ce qu'il a condamné la société Incomm à verser à M. X. la somme de 645,60 euros correspondant aux frais stipulés au contrat. Il convient par ailleurs de condamner la société Locam, cessionnaire du contrat, à payer la somme de 157,92 euros, prélevée sur son compte. Ces sommes produiront intérêts au taux légal en application des dispositions de l'article L. 242-4 du code de la consommation, à compter du présent arrêt.

25 - M. X. sollicite qu'il soit ordonné à la société Incomm de désactiver le site internet litigieux sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la signification de l'arrêt. Il sera fait droit à la demande désactivation du site internet www.[05].fr, dans un délai de un mois à compter de la signification présent arrêt, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une astreinte. »

 

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 19 MAI 2025

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 23/03095. N° Portalis DBVJ-V-B7H-NKQM.  Nature de la décision : AU FOND. Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 juin 2023 (R.G. 2022F00639) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 29 juin 2023.

 

APPELANTE :

SAS INCOMM

exerçant son activité commerciale sous le nom commercial INCOMM, inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de Bordeaux sous le numéro XXX, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 6], Représentée par Maître Anthony BABILLON de la SELARL ANTHONY BABILLON AVOCAT, avocat au barreau de BORDEAUX

 

INTIMÉS :

Monsieur X.

né le [date] à [Localité 4], de nationalité Française, demeurant [Adresse 1], Représenté par Maître Delphine BARTHELEMY-MAXWELL, avocat au barreau de BORDEAUX, et assisté de Maître Bassirou KÉBÉ de la SAS PROCESCIAL AVOCAT, avocat au barreau de LILLE

SAS LOCAM

inscrite au RCS de SAINT-ETIENNE sous le numéro YYY, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 2], Représentée par Maître Bertrand GABORIAU de la SELARL B.G.A., avocat au barreau de BORDEAUX

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 mars 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne-Sophie JARNEVIC, Conseiller chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président, Madame Sophie MASSON, Conseiller, Madame Anne-Sophie JARNEVIC, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT : - contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

1 - M. X. exerce l'activité d'hypnothérapeute.

La société Incomm a pour activité la communication par Internet, en proposant aux professionnels la création, l'hébergement et le référencement d'un site Internet.

En septembre 2021, M. X. a été démarché par un commercial de la société Incomm et a reçu par mail un contrat de licence d'exploitation de site internet signé électroniquement, portant la date du 9 septembre 2021 et stipulant une durée d'engagement de 48 mois avec des loyers mensuels de 169,20 euros et des frais d'adhésion de 645,60 euros.

Le contrat litigieux a été cédé à la société Locam le 3 novembre 2021.

Par courrier de mise en demeure du 9 février 2022, M. X. a contesté avoir signé un contrat électronique avec la société Incomm et a notifié à société Incomm qu'il entendait faire valoir son droit à rétractation. Par courrier du même jour, M. X. a sollicité la restitution des sommes versées à la société Locam.

La société Incomm a contesté les faits allégués par courrier du 1er mars 2022.

2 - Par acte du 7 avril 2022, M. X. a assigné les sociétés Locam - Location Automobiles Matériels et Incomm devant le tribunal de commerce de Bordeaux pour annuler le contrat litigieux pour défaut de consentement de M. X. et les voir condamner à lui restituer les sommes versées.

Par jugement du 12 juin 2023, le tribunal de commerce de Bordeaux a :

- Prononcé la nullité du contrat de licence de site internet liant les parties ;

- Débouté les sociétés Incomm SAS et Locam Location Automobiles Materiels SAS de l'ensemble de leurs demandes ;

- Condamné la société Incomm SAS au paiement de la somme de 645,60 euros à M. X. ;

- Dit que l'exécution provisoire est de droit ;

- Condamné la société Incomm SAS à payer à M. X. la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné la société Incomm SAS aux dépens.

Par déclaration au greffe du 29 juin 2023, la SAS Incomm a relevé appel du jugement énonçant les chefs expressément critiqués, intimant M. X. et la SAS Locam.

La SAS Locam s'est constituée mais n'a pas conclu.

 

PRÉTENTIONS DES PARTIES :

3 - Par dernières écritures notifiées par message électronique le 26 février 2025, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Incomm demande à la cour de :

Vu les articles susvisés, vu les conditions générales

- Déclarer recevable et bien fondée la SAS Incomm dans l'ensemble de ses demandes fins et prétentions

Y faisant droit,

- Réformer le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux en date du 12 juin 2023 en ce qu'il a retenu la responsabilité contractuelle de la société Incomm et a :

- Prononcé la nullité du contrat de licence de site internet liant les parties,

- Débouté les sociétés Incomm SAS et Locam - Location Automobiles Materiels SAS de l'ensemble de leurs demandes,

- Condamné la société Incomm SAS au paiement de la somme de 645,60 euros à Monsieur X.,

- Condamné la société Incomm SAS à payer à Monsieur X. la somme de 1.500 euros en application des

dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamné la société Incomm SAS aux dépens. »

- Confirmer pour le surplus

Statuant à nouveau,

- Juger qu'en l'état la législation consumériste ne peut recevoir application à la présente espèce,

- Juger que le contrat n°17062020BDXIA01 a été résilié aux torts exclusifs de Monsieur X.

En conséquence,

- Débouter Monsieur X. de l'ensemble de ses demandes fins et prétentions à l'encontre de la société Incomm

- Condamner Monsieur X. a restitué la somme de 645,60 euros versée dans le cadre de l'exécution provisoire

En toute hypothèse

- Condamner Monsieur X. à verser la somme de 3500 euros à la société

Incomm en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

[*]

4 - Par dernières écritures notifiées par message électronique le 10 février 2025, auxquelles la cour se réfère expressément, M. X. demande à la cour de :

Vu l'article 1367 du code civil,

Vu l'article 1 du Décret n° 2017-1416 du 28 septembre 2017 relatif à la signature électronique

Vu les articles 26, 29, 32 et l'Annexe II du Règlement UE n° 910/2014 du Parlement et du Conseil du 23 juillet 2014

Vu les articles L.221-1 et suivants du code de la consommation

Vu l'article L.242-1 du code de la consommation,

Vu les articles 1130 et suivants du code civil,

Vu les articles 1194 et suivants du code civil,

Vu les articles 1178, 1128, 1163 du code civil,

Vu le Règlement général sur la protection des données personnelles,

Vu les articles 226-16 et suivants du code pénal,

À titre principal

- Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

annulé le contrat pour erreur sur les qualités essentielles du site internet,

condamné la société Incomm à restituer à M. X. la somme de 645,60 euros,

débouté les sociétés Incomm et Locam - Location Automobiles Materiels de l'ensemble de leurs demandes,

condamné la société la société Incomm aux dépens,

- Réformer le jugement dont appel en ce qu'il a :

condamné la société Incomm à ne verser que la somme de 1500 euros à M. X. au titre des frais irrépétibles de première instance,

omis de statuer sur la demande tendant à condamner la société Locam - Location Automobiles Materiels à restituer la somme de 157,92 euros qu'elle a prélevée sur le compte de M. X.,

Statuant à nouveau sur ces points,

- Condamner la société Locam - Location Automobiles Materiels à restituer à M. X. la somme de 157,92 euros ;

- Condamner in solidum les sociétés Incomm et Locam - Location Automobiles Materiels à verser à M. X. la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance ;

Premier niveau de subsidiarité

Si la Cour ne confirme pas l'annulation du contrat pour erreur sur les qualités essentielles du site internet, il lui est demandé d'annuler le contrat notamment pour les motifs suivants :

absence de consentement de M. X.,

indétermination de l'obligation essentielle de référencement,

violation de l'obligation d'information sur le droit de rétractation, ou de déclarer le contrat anéanti par l'effet de la rétractation exercée par M. X. le 09 février 2022,

violation de l'obligation d'information sur le total des coûts mensuels,

violation de l'obligation d'information sur le délai de livraison ou d'exécution des différentes prestations,

violation de l'obligation de remettre un exemplaire papier du contrat.

violation de l'obligation d'information sur les caractéristiques essentielles des prestations

Stipulation d'obligations sans contrepartie,

En conséquence,

- Débouter les sociétés Incomm et Locam - Location Automobiles Materiels de l'ensemble de leurs demandes,

- Condamner les sociétés Incomm et Locam - Location Automobiles Materiels à restituer respectivement à M. X. la somme de 645,60 euros et celle de 157,92 euros, avec les intérêts calculés dans les conditions de l'article L.242-4 du code de la consommation

Second niveau de subsidiarité

- Prononcer la résolution du contrat litigieux et ce, avec effet rétroactif à la date de sa

conclusion alléguée,

En conséquence,

- Débouter les sociétés Incomm et Locam - Location Automobiles Materiels de l'ensemble de leurs demandes,

- Condamner les sociétés Incomm et Locam - Location Automobiles Materiels à restituer respectivement à M. X. la somme de 645,60 euros et celle de 157,92 euros, avec les intérêts calculés au taux légal à compter de l'assignation,

En tout état de cause

- Déclarer irrecevables les conclusions et pièces de la société Locam,

- Débouter la société Locam - Location Automobiles Materiels de toutes ses

demandes,

- Condamner la société Locam - Location Automobiles Materiels à restituer à M. X., la somme de 157,92 euros,

- Condamner in solidum les sociétés Incomm et Locam - Location Automobiles Materiels à verser à M. X. la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance ainsi qu'aux entiers dépens de première instance ;

- Condamner in solidum les sociétés Incomm et Locam - Location Automobiles Materiels à verser à M. X. la somme de 40000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel, ainsi qu'aux entiers dépens de la procédure en appel,

- Ordonner à la société Incomm de désactiver le site internet litigieux sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 15ième jour suivant la signification de la décision à intervenir.

[*]

L'ordonnance de clôture est intervenue le 10 mars 2025.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux derniers conclusions écrites déposées.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur l'irrecevabilité des pièces communiquées par la société Locam :

5 - En application des dispositions de l'article 909 du code de procédure civile dans sa version applicable au litige, la société Locam devait conclure dans un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de la société Incomm, ce qu'elle n'a pas fait. Dès lors, les six pièces communiquées par la société Locam sont irrecevables.

Au surplus, en vertu des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, la partie qui ne conclut pas est réputée s'approprier les motifs du jugement.

 

Sur la nullité alléguée pour erreur sur les qualités substantielles :

Moyens des parties :

6 - La société Incomm conteste toute nullité pour cause d'erreur sur les qualités essentielles du site. Elle relève que l'objet du contrat est licite, que le motif d'erreur invoqué par M. X. est étranger aux qualités essentielles de la prestation et que la nullité du contrat ne concerne pas les éventuels défauts d'exécution. Elle souligne que les constatations opérées par huissier sont sujettes à discussion et non probantes, l'ordinateur utilisé n'ayant pas été correctement purgé de l'ensemble de ses fichiers temporaires. Elle fait également valoir qu'elle n'utilise que des cookies techniques pour permettre le bon fonctionnement des sites Internet.

Elle souligne que M. X. n'a exprimé aucune réserve à la livraison alors qu'il a pu contrôler le site internet, ce qui couvre le défaut apparent de conformité, et relève que la collecte d'informations via le formulaire de contact est conforme aux dispositions en vigueur.

7 - M. X. soutient que le contrat est nul pour erreur sur les qualités substantielles du site Web sur le fondement des articles 1132 et 1133 du code civil, puisque le site Internet en cause (www.[05].fr) a été conçu et paramétré pour collecter de manière illégale les données personnelles des internautes, le tout au nom et à l'insu de M. X., et qu'il existait en outre une collecte illégale de données personnelles (nom, adresse, numéro de téléphone, mail via un formulaire de contact présent sur le site, sans aucune des mentions d'information rendues obligatoires par l'article 13 du règlement général de protection des données (RGPD).

Réponse de la cour :

8 - Selon les dispositions de l'article 1133 du code civil, les qualités essentielles de la prestation sont celles qui ont été expressément ou tacitement convenues et en considération desquelles les parties ont contracté.

L'erreur est une cause de nullité qu'elle porte sur la prestation de l'une ou de l'autre partie.

- Il est constant par ailleurs que l'erreur doit être démontrée par comparaison entre la croyance initiale du demandeur à l'action, en ce qui concerne la qualité essentielle attendue d'une chose ou d'une prestation, et la réalité, appréciée elle-même à la date de conclusion du contrat.

9 - Le fait, allégué par M. X., que le site internet conçu et paramétré par la société Incomm (www.[05].fr) collecte de manière illégale les données personnelles des internautes qui s'y connectent, ne peut constituer un motif d'annulation pour cause d'erreur, puisque le grief concerne exclusivement les conditions dans lesquelles la société Incomm a exécuté ses prestations.

Or, il n'est pas démontré que le mode opératoire habituellement mis en oeuvre par Incomm dans la conception des sites impliquait nécessairement, pour le contrat conclu avec M. X. comme pour les autres, une réalisation finale non conforme aux règles de protection des données personnelles des internautes.

10 - Il en résulte que la demande en nullité du contrat doit être rejetée pour ce motif. La décision du tribunal sera infirmée de ce chef.

 

Sur les autres motifs de nullité du contrat :

Moyens des parties :

11 - La société Incomm soutient que la législation sur les contrats souscrits hors établissement ne peut s'appliquer en l'espèce, et que selon les dispositions de l'article L. 221-28 du code de la consommation, le droit de rétractation ne peut être exercé pour les contrats de fourniture de biens à confectionner selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés ce qui est le cas de la création d'un site Internet personnalisé.

Elle relève que l'article 17.1 des conditions générales rappelle les conditions d'exercice éventuel du droit de rétractation.

12 - M. X. fait valoir qu'en application des dispositions du code de la consommation, la société Incomm a manqué à son obligation d'information sur le droit de rétractation, au regard notamment de l'absence de remise d'un bordereau de rétractation en papier.

Il soutient que les dispositions de l'article L221-3 du code de la consommation sont applicables à l'opération contractuelle, conclu hors établissement à la suite d'un appel téléphonique, puisque la location d'un site internet n'entre pas dans le cadre de son activité principale.

Réponse de la cour :

Sur l'application du code de la consommation :

13 - Selon les dispositions de l'article L.221-3 du code de la consommation, les dispositions des sections 2, 3, 6 du chapitre 1er « Contrats conclus à distance et hors établissement » applicables aux relations entre consommateurs et professionnels sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.

Trois conditions cumulatives doivent donc être réunies pour que le professionnel puisse se prévaloir ces dispositions et soit ainsi assimilé à un consommateur :

- le contrat doit être conclu à distance ou hors établissement,

- l'objet du contrat ne doit pas entrer dans le champ de l'activité principale du professionnel qui entend se prévaloir de ces dispositions,

- ledit professionnel doit employer moins de 5 salariés.

14 - Selon les dispositions de l'article L. 221-1 2° du code de la consommation, reçoit la qualification de contrat hors établissement tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur :

a) Dans un lieu qui n'est pas celui où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle, en la présence physique simultanée des parties, y compris à la suite d'une sollicitation ou d'une offre faite par le consommateur ;

b) Ou dans le lieu où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle ou au moyen d'une technique de communication à distance, immédiatement après que le consommateur a été sollicité personnellement et individuellement dans un lieu différent de celui où le professionnel exerce en permanence ou de manière habituelle son activité et où les parties étaient, physiquement et simultanément, présentes ;

c) Ou pendant une excursion organisée par le professionnel ayant pour but ou pour effet de promouvoir et de vendre des biens ou des services au consommateur.

15 - L'article 17.1des conditions générales du contrat de licence stipule :

« Sous réserve que le contrat entre dans le cadre de l'application des articles L. 121-20-12 et suivants du code de la consommation, notamment lorsque l'effectif du partenaire est inférieur ou égal à cinq, celui-ci dispose d'un délai de quatorze jours calendaires à compter de la signature du présent Contrat, pour exercer s'il le souhaite son droit de rétractation. »

16 - En l'espèce, il ressort des mentions du contrat litigieux que celui-ci a été signé à [Localité 3], donc hors établissement. Par ailleurs, M. X. est auto-entrepreneur, il n'emploie aucun salarié, ainsi que cela ressort du document Urssaf qu'il produit.

Enfin, M. X. exerce une activité d'hypnothérapeute. La location d'un site Internet n'entre pas dans le champ de son activité principale, celui-ci n'étant qu'un support destiné à développer sa clientèle, sans lien avec la création et l'hébergement d'un site internet vitrine, dans un but de promotion de son activité d'hypnothérapeute. L'objet du contrat n'entre donc pas dans le champ d'activité principal de M. X.

En conséquence, la cour considère que le contrat litigieux remplit les conditions posées par l'article L. 221-3 du code de la consommation.

 

Sur le droit de rétractation :

17 - La société Incomm soutient que l'élaboration d'un site personnalisé entre dans les dispositions de l'article L 221-28 du code de la consommation.

18 - M. X. relève notamment que la société Incomm a contrevenu à son obligation de lui remettre un bordereau de rétractation en papier, conformément aux dispositions de l'article L 222-9 du code de la consommation.

19 - En matière de vente hors établissement, le professionnel est tenu de respecter les formalités édictées aux articles L. 221-5 et L. 221-9 du code de la consommation, concernant la remise d'un bordereau de rétractation dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par décret en Conseil d'État.

L'article L. 221-28 dispose que le droit de rétractation ne peut être exercé pour les contrats de fourniture de biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés. Cet article vise également d'autres contrats, ne portant pas sur la remise d'un bien, mais sur la fourniture de services. Il en résulte qu'il concerne également la fourniture de services confectionnés selon des spécifications particulières du client, ou nettement personnalisés.

20 - En l'espèce, il n'est pas démontré que la délivrance d'un site internet conçu pour des professionnels selon une trame propre à la société Incomm, qui ne justifie pas avoir fait préciser à M. X. des spécifications nettement personnalisées, entrerait dans le champ d'application de l'exclusion susvisée. Il sera relevé que les cahiers des charges techniques produits par la société Incomm consistent pour le client à répondre à différentes questions préparées à l'avance pour la confection de sites internet de professionnels se déclinant notamment en 1/vos activités, 2/nom de domaine, 3/E-mails, 4/Design, 5/Réseaux sociaux, 6/Éditorial, 7/Référencement.

En conséquence, la cour considère que le bien n'est pas personnalisé.

21 - Selon l'article L 221- 7 du code de la consommation dans sa version applicable au litige : « La charge de la preuve du respect des obligations d'information mentionnées à la présente section pèse sur le professionnel. »

Il n'est pas démontré en l'espèce que les informations relatives au droit de rétractation (conditions, modalités, délais, remise du formulaire type) ont été données à M. X. par la société Incomm.

Par ailleurs, si le contrat litigieux comprend en bas de la dernière page des conditions générales du contrat de licence un formulaire de rétractation, celui-ci ne comporte aucune autre information, et notamment celles prévues par l'article L. 111-1 auquel renvoie l'article L. 221-5, à savoir la nature et des caractéristiques essentielles du bien ou du service, le montant TTC des loyers n'étant pas précisé, pas plus que la date ou le délai dans lequel la société s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service

Le contrat conclu entre la société Incomm et M. X. est donc entaché de nullité pour non-respect des dispositions d'ordre public du code de la consommation.

22 - La décision du tribunal sera donc confirmée par substitution de motifs.

 

Sur les conséquences de la nullité du contrat de licence d'exploitation de site internet :

23 - S'agissant d'un ensemble contractuel, la caducité du contrat de location financière est une conséquence de plein droit de la nullité du contrat principal de licence d'exploitation de site internet.

24 - Il convient en conséquence de confirmer le jugement du tribunal en ce qu'il a condamné la société Incomm à verser à M. X. la somme de 645,60 euros correspondant aux frais stipulés au contrat.

Il convient par ailleurs de condamner la société Locam, cessionnaire du contrat, à payer la somme de 157,92 euros, prélevée sur son compte.

Ces sommes produiront intérêts au taux légal en application des dispositions de l'article L. 242-4 du code de la consommation, à compter du présent arrêt.

25 - M. X. sollicite qu'il soit ordonné à la société Incomm de désactiver le site internet litigieux sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la signification de l'arrêt.

Il sera fait droit à la demande désactivation du site internet www.[05].fr, dans un délai de un mois à compter de la signification présent arrêt, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une astreinte.

 

Sur les demandes accessoires :

26 - Parties perdantes, les société Incomm et Locam seront condamnés in solidum aux dépens de première instance et d'appel.

Il est équitable d'allouer à M. X. une indemnité de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

Dit que les pièces communiquées par la société Locam sont irrecevables,

Infirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Bordeaux le 12 juin 2023 en ce qu'il a condamné la société Incomm à payer la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamnée aux dépens de l'instance,

Confirme le jugement pour le surplus de ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la société Locam à verser la somme de 157,92 euros à M. X.,

Dit que les sommes que les sociétés Incomm et Locam sont condamnées à verser à M. X. produiront intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt,

Ordonne à la société Incomm de désactiver le site internet www.[05].fr dans un délai de un mois à compter de la signification du présent arrêt,

Condamne in solidum la société Locam et la société Incomm aux dépens de première instance et d'appel.

Condamne in solidum la société Locam et la société Incomm à payer à M. X. la somme de 6 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier                                        Le Président