CA DOUAI (ch. 2 sect. 2), 23 janvier 2025
- T. com. Lille Métropole, le 3 janvier 2023 : RG n° 2022003074
CERCLAB - DOCUMENT N° 23551
CA DOUAI (ch. 2 sect. 2), 23 janvier 2025 : RG n° 23/01946
Publication : Judilibre
Extraits : 1/ « En l'espèce, les contrats conclus par la société Eximma respectivement avec les sociétés 2FCI et Locam, ont été régularisés le même jour, ils ont pour objet le même site internet et s'inscrivent dans une opération incluant une location financière. En outre, selon les conclusions respectives des parties et les pièces versées aux débats, la société Locam connaissait l'opération contractuelle d'ensemble.
Les contrats en cause sont, dès lors, interdépendants au sens de l'article 1186 précité, ce qu'il y a lieu de constater et si l'un quelconque d'entre eux disparaît, quel qu'en soit le motif, cela rejaillit automatiquement sur l'autre, en entraînant sa caducité par voie de conséquence. »
2/ « La notion de contrat dont l'objet n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel relève de l'appréciation souveraine des juges du fond (Civ. 1re, 27 novembre 2019, pourvoi n°18-22.525). Toutefois, il est jugé qu'un contrat dont l'objet est en rapport direct avec l'activité professionnelle du contractant ou qui a été conclu à la faveur exclusive de son activité professionnelle, n'entre pas nécessairement dans le champ de son activité principale (Civ. 1re, 17 mai 2023, pourvoi n°21-24.086). Il en va de même lorsque le contrat a été conclu pour les besoins de l'activité professionnelle du contractant (Civ. 1re, 13 avril 2023, n°21-23.312).
En l'espèce, les contrats litigieux ont été signé le 14 septembre 2018 à [Localité 4], entre la société Eximma et les sociétés 2FCI et Locam. Ces contrats ont donc été conclus dans un lieu qui n'est pas celui où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle, la société 2FCI ayant son siège social à [Localité 5], la société Locam à [Localité 6]. Il s'agit donc de contrats conclus hors établissement au sens de l'article L.221-1 susvisé, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté.
La société Eximma justifie par ailleurs, par deux attestations du 7 décembre 2020 et 14 janvier 2020 de son expert-comptable, qu'elle n'employait aucun personnel salarié depuis sa constitution (pièces 8 et 9 de la société Eximma). Contrairement à ce que prétend la société Locam, la cour estime que ces attestations, dont rien ne laisse présumer qu'elles seraient erronées, suffisent à justifier l'effectif de moins de 5 salariés exigé par l'article L.221-3 susvisé.
Enfin, la société Eximma a pour objet « le conseil pour les affaires et autres affaires de gestion ». Si la création d'un site internet est en rapport avec son activité et nécessaire à cette activité, elle ne constitue cependant pas le champ d'activité principale de la société, spécialisée dans la gestion, non dans l'élaboration de sites internet. Le fait pour la société Eximma de n'avoir pas « coché » sur le bon de commande la case indiquant « déclare que le bon de commande n'entre pas dans le champ de son activité principale et que le nombre de salariés employés par lui est inférieur ou égal à cinq, souhaite que l'exécution du présent contrat commence immédiatement dès sa conclusion », n'enlève rien au fait que la prestation sollicitée n'entre pas dans le champ de l'activité principale de la société Eximma et que cette dernière emploie moins de cinq salariés. Cette mention concerne en outre le bon de commande et n'a pas été reprise dans le contrat litigieux.
En outre, le démarcheur ne peut tenter d'écarter, par ce type de mention, des dispositions du droit protecteur de la consommation qui sont d'ordre public. »
3/ « L'article 221-28 3° du même code vient toutefois préciser que le droit de rétractation ne peut être exercé pour les contrats de fourniture de biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés. En l'espèce, les parties conviennent que la société Eximma n'a pas bénéficié, conformément aux dispositions de l'article L.221-5 du code de la consommation, des informations relatives aux conditions, délai, modalités du droit de rétractation et du formulaire type de rétractation, la société 2FCI soutenant que cette information n'était pas due en l'espèce. La directive 2011/83/UE déjà visée définit un bien comme étant « tout objet mobilier corporel, sauf les objets vendus sur saisie ou de quelque autre manière par autorité de justice. » L'exception au droit de rétractation, dans la mesure où elle limite les droits octroyés à des fins de protection du consommateur, est d'interprétation stricte.
Elle ne s'applique pas aux prestations de services, même si la prestation aboutit à un résultat tangible sur papier ou sous forme numérique par exemple (voir notamment affaire C-208/19 NK). En conséquence, l'exception prévue au 3° de l'article L.221-28 susvisé, ne peut trouver à s'appliquer à l'espèce, l'objet principal des contrats n'étant pas un bien au sens de la Directive mais une prestation de services portant notamment sur la conception, création, réalisation d'un site internet, son hébergement, son référencement, d'une part, la location du site web d'autre part. […]
La société Eximma a donc valablement fait valoir sa volonté de rétractation par la lettre recommandée du 24 juin 2019, ce qui entraîne l'anéantissement, depuis son origine, du contrat conclu avec la société 2FCI. »
4/ « Tel qu'énoncé précédemment, lorsque des contrats sont interdépendants et que l'un d'eux est anéanti, l'autre contrat devient caduc si la partie qui subit cette caducité connaissait l'opération d'ensemble. En outre, cette caducité par voie de intervient automatiquement à la même date que celle de l'anéantissement de l'autre contrat (Com. 11 sept. 2019, n° 18-11401).
En l'espèce, pour les motifs ci-dessus explicités, les contrats en cause sont interdépendants et la société Locam connaissait l'opération contractuelle d'ensemble. L'anéantissement du contrat conclu avec la société 2FCI depuis sa conclusion, le 14 septembre 2018, entraîne donc, de plein droit et à la même date, la caducité du contrat conclu avec la société Locam. L'argumentation de cette dernière tenant à l'inapplicabilité du code de la consommation au contrat de location-financière est, dès lors, inopérante. »
5/ « La société Eximma sollicite la somme de 2.000 euros de dommages et intérêts, estimant que les manquements à l'obligation précontractuelle d'information ne lui ont pas permis d'être informée de son droit de rétractation et de mettre en œuvre celui-ci. Cependant, il a été jugé, ci-dessus, que cette société avait valablement mis en œuvre son droit de rétractation. La société Eximma ne justifiant donc d'aucun préjudice, sa demande de dommages et intérêts ne peut qu'être rejetée. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
CHAMBRE 2 SECTION 2
ARRÊT DU 23 JANVIER 2025
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° RG 23/01946 - N° Portalis DBVT-V-B7H-U3YV. Jugement (RG n° 2022003074) rendu le 3 janvier 2023 par le tribunal de commerce de Lille Métropole.
APPELANTE :
SARL EXIMMA CONSEIL
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège ayant son siège [Adresse 2], représentée par Maître Sylvain Verbrugghe, avocat au barreau de Lille, avocat constitué, assistée de Maître Thierry Chardonnens, avocat au barreau de Besançon, avocat plaidant
INTIMÉES :
SARL 2FCI
prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège ayant son siège [Adresse 1], représentée par Maître Éric Delfly, avocat constitué, substitué par Me Luce Gaudin, avocats au barreau de Lille
SAS LOCAM- LOCATION AUTOMOBILES MATERIELS
agissant poursuites et diligences par son dirigeant domicilié en cette qualité audit siège ayant son siège [Adresse 3], représentée par Maître Éric Laforce, avocat au barreau de Douai, avocat constitué, assistée de la SELARL Lexi conseils et défense, barreau de Saint Etienne, avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Stéphanie Barbot, présidente de chambre, Nadia Cordier, conseiller, Anne Soreau, conseiller
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco
DÉBATS à l'audience publique du 30 mai 2024 après rapport oral de l'affaire par Anne Soreau. Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 23 janvier 2025 (après prorogation du délibéré initialement prévu le 17 octobre 2024) et signé par Stéphanie Barbot, présidente, et Marlène Tocco, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 18 avril 2024
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DES FAITS :
La société Eximma Conseil (la société Eximma), au siège social implanté à [Localité 4], a une activité de conseil en gestion de patrimoine.
La société 2FCI, implantée à [Localité 5], a une activité de création de sites internet.
La société Location automobiles et matériel (la société Locam), dont le siège social est à [Localité 6], est pour sa part spécialisée dans le financement des équipements destinés aux professionnels.
Le 14 septembre 2018, la société Eximma a signé un bon de commande auprès de la société 2FCI, ayant pour objet la conception et la livraison d'un site internet et a conclu avec cette même société un contrat de licence d'exploitation de site internet d'une durée de 48 mois, moyennant le règlement d'un forfait de mise en ligne de 720 euros TTC et de mensualités de 270 euros.
Le même jour, la société Eximma a signé avec la société Locam un contrat de location de site web créé et installé par la société 2FCI, de la même durée.
Par courriers recommandés du 24 juin 2019, la société Eximma a fait connaître aux sociétés 2FCI et Locam, sa volonté de faire usage de son droit de rétractation des deux contrats conclus et demandé la restitution de la somme de 3 150 euros versée.
Ces dernières se sont opposées à cette requête et la société Eximma a saisi le tribunal judiciaire de Besançon, qui s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Lille lequel, par jugement du 3 janvier 2023 :
- l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes au titre des articles L.221-3 et suivants du code de la consommation ;
- l'a déboutée de sa demande de droit de rétractation ;
- a ordonné la poursuite du contrat de location 181093 du 14 septembre 2018 conclu avec la société Locam ;
- l'a condamnée à payer aux sociétés 2FCI et Locam la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à assumer les entiers dépens.
Par déclaration du 21 avril 2023 la société Eximma a interjeté appel de l'entière décision.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par conclusions notifiées par la voie électronique le 11 juillet 2023, la société Eximma demande à la cour de :
Vu les articles L221-1 et suivants du Code de la consommation,
INFIRMER totalement le jugement rendu par le tribunal de commerce de LILLE le 3 janvier 2023 ;
- A titre principal,
Dire et juger que les dispositions du code de la consommation, relatives aux contrats conclus hors établissement avec les requises, lui sont applicables ;
Dire et juger que ni la société Locam ni la société 2FCI ne rapportent la preuve du respect de leur obligation précontractuelle d'information ;
Dire et juger que le délai de rétractation de la société Eximma a été prorogé de 12 mois en raison de ce manquement ;
Dire et juger que la société Eximma a exercé son droit de rétractation dans le délai prorogé ;
- A titre subsidiaire, si la cour considère les dispositions du code de la consommation non applicables au contrat conclu avec la société Locam ;
Dire et juger qu'elle a exercé son droit de rétractation auprès de la société 2FCI ;
Constater l'interdépendance des contrats conclus par la société Eximma et les sociétés 2FCI et Locam;
En conséquence,
Dire et juger que le contrat conclu entre la société Locam et la société Eximma est devenu sans objet ;
Constater la caducité du contrat conclu avec la société Locam ;
- En tout état de cause :
Condamner in solidum les sociétés Locam et 2FCI à payer à lui payer la somme de 8 471, 60 euros TTC au titre de la restitution des sommes dues ;
Les débouter de leurs demandes ;
Les condamner in solidum à lui payer la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Les condamner in solidum à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux aux entiers dépens de première instance et d'appel.
[*]
Par conclusions notifiées par la voie électronique le 9 octobre 2023, la société 2FCI demande à la cour de :
Vu les articles L.221-1 et suivants du code de la consommation,
Vu les articles 1103 et 1104 du code civil,
Vu l'article 6§1 de la Convention européenne des droits de l'homme du 4 novembre 1950,
‘Confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
En conséquence,
‘Juger que la vente ou la location d'un site Internet vitrine ou marchand entre nécessairement dans le champ de l'activité principale du professionnel, comme outil de communication indispensable à son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ;
‘Juger que les articles L.221-1 et suivants du code de la consommation, et relatifs aux contrats conclus hors établissements, ne sont pas applicables aux bon de commande et contrat de licence d'exploitation de site Internet conclu le 14 septembre 2018 entre les sociétés 2FCI et Eximma, cette dernière agissant dans le cadre de son activité professionnelle ;
‘Juger que les contrats de création de site internet sont en tout état de cause des prestations entrant dans la catégorie des fournitures de biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés, ne pouvant pas bénéficier du droit de rétractation ;
‘Débouter en conséquence la société Eximma de l'ensemble de ses demandes ;
‘Condamner la société Eximma à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
[*]
Par conclusions notifiées par la voie électronique le 10 octobre 2023, la société Locam demande à la cour de :
Vu les articles 1103 et 1231-1
Vu les articles L. 221-2 4°, L. 221-3 et L. 221-28 du code de la consommation,
- Débouter la société Eximma de toutes ses demandes, au moins en tant qu'elles sont dirigées contre la société Locam ;
- Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
- Condamner la société Eximma à lui régler à la société LOCAM une indemnité de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens d'instance comme d'appel.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIVATION :
I - Sur l'interdépendance des contrats en cause :
L'article 1186, alinéas 2 et 3, du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2026, dispose que :
Lorsque l'exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d'une même opération et que l'un d'eux disparaît, sont caducs les contrats dont l'exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l'exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d'une partie.
La caducité n'intervient toutefois que si le contractant contre lequel elle est invoquée connaissait l'existence de l'opération d'ensemble lorsqu'il a donné son consentement.
En application de ces dispositions, les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière étant interdépendants, il en résulte que l'exécution de chacun de ces contrats est une condition déterminante du consentement des parties, de sorte que, lorsque l'un d'eux disparaît, les autres contrats sont caducs si le contractant contre lequel cette caducité est invoquée connaissait l'existence de l'opération d'ensemble lorsqu'il a donné son consentement (Com. 10 janv. 2024, n° 22-20466, publié).
En l'espèce, les contrats conclus par la société Eximma respectivement avec les sociétés 2FCI et Locam, ont été régularisés le même jour, ils ont pour objet le même site internet et s'inscrivent dans une opération incluant une location financière. En outre, selon les conclusions respectives des parties et les pièces versées aux débats, la société Locam connaissait l'opération contractuelle d'ensemble.
Les contrats en cause sont, dès lors, interdépendants au sens de l'article 1186 précité, ce qu'il y a lieu de constater et si l'un quelconque d'entre eux disparaît, quel qu'en soit le motif, cela rejaillit automatiquement sur l'autre, en entraînant sa caducité par voie de conséquence.
Par conséquent, l'enjeu du présent litige consiste à déterminer si l'un des contrats, spécialement le contrat afférent au site internet, encourt un anéantissement. C'est ce qu'il convient à présent d'examiner.
II - Sur l'applicabilité du code de la consommation au contrat conclu entre la société Eximma et la société 2FCI :
La société Eximma soutient que :
- La société 2FCI s'est rendue au sein de sa société pour lui présenter deux contrats « type », l'un conclu avec la société 2FCI dénommé « contrat de licence d'exploitation de site internet », le second conclu avec la société Locam dénommé « contrat de location de site web » ;
- Le contrat conclu avec la société 2FCI porte sur l'exploitation d'un site internet, ce qui n'entre pas dans le champ de son activité principale qui est le conseil en gestion de patrimoine ;
- Le fait de ne pas avoir « coché » la case du bon de commande spécifiant que la commande du site ne rentre pas dans le champ d'activité professionnelle de la société Eximma, n'exclut pas l'application des dispositions du code de la consommation (voir conclusions page 22) ;
- Elle n'employait qu'un salarié unique lors de la conclusion du contrat (ses pièces 8 et 9) ;
- Les contrats conclus avec les sociétés 2FCI et Locam ont été signés à [Localité 4], il s'agit donc de deux contrats conclus hors établissement au sens de l'article L.221-1 du code de la consommation et elle remplit les conditions énumérées à l'article L.221-3 du même code ;
- Les dispositions du code de la consommation relatives aux contrats conclus hors établissement lui sont donc applicables.
La société 2FCI réplique que :
- Selon la jurisprudence, la notion de champ de l'activité principale du professionnel doit être appréciée selon que l'objet du contrat répond ou non aux « besoins professionnels » de la personne sollicitée, peu important que celle-ci soit compétente ou non dans le domaine du contrat ;
- Le seul critère pertinent pour déterminer si le contrat entre bien dans le champ de l'activité principale du professionnel doit être celui de l'utilité des prestations commandées pour l'exercice de l'activité principale du professionnel ; la vente d'un site web vitrine n'est que la version moderne de ce qui était anciennement dénommé « la réclame » ou « la publicité » et les travaux de démarchage de communication entrent bien dans le champ de compétence du professionnel ;
- Selon la Cour de cassation, il revient aux juges du fond, dans leur appréciation souveraine, de décider si le texte de l'article L.221-3 du code de la consommation s'applique au cas d'espèce ; en vertu de l'article 6§1 de la Convention européenne des droits de l'homme, ils doivent définir précisément cette notion et motiver leur décision.
La société Locam estime pour sa part que le contrat de location financière, dont l'objet est de financer la fourniture et la jouissance du site web commandé auprès de la société 2FCI est exclu du dispositif protecteur du droit de la consommation, en application de l'article L.221-2 4° du code de la consommation et de la Directive européenne 2011/83/UE du 25 octobre 2011 qui exclut les contrats portant sur des services financiers des dispositions du droit de la consommation relatives aux contrats conclus hors établissement.
Réponse de la cour
Il résulte de l'article L.221-3 du code de la consommation, dans sa version applicable au présent litige, qu'un professionnel employant cinq salariés au plus, qui souscrit, hors établissement, un contrat dont l'objet n'entre pas dans le champ de son activité principale, bénéficie des dispositions protectrices du consommateur édictées par ce code aux sections 2 (obligation d'information précontractuelle), 3 (dispositions particulières applicables aux contrats conclus hors établissement) et 6 (droit de rétractation applicable aux contrats conclus à distance et hors établissement).
Aux termes de l'article L.221-1 du même code, est considéré comme un contrat hors établissement tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur dans un lieu qui n'est pas celui où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle, en la présence physique simultanée des parties, y compris à la suite d'une sollicitation ou d'une offre faite par le consommateur.
La notion de contrat dont l'objet n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel relève de l'appréciation souveraine des juges du fond (1ere civ., 27 novembre 2019, pourvoi n°18-22.525).
Toutefois, il est jugé qu'un contrat dont l'objet est en rapport direct avec l'activité professionnelle du contractant ou qui a été conclu à la faveur exclusive de son activité professionnelle, n'entre pas nécessairement dans le champ de son activité principale (1ere civ., 17 mai 2023, pourvoi n°21-24.086).
Il en va de même lorsque le contrat a été conclu pour les besoins de l'activité professionnelle du contractant (1ere civ., 13 avril 2023, n°21-23.312).
En l'espèce, les contrats litigieux ont été signé le 14 septembre 2018 à [Localité 4], entre la société Eximma et les sociétés 2FCI et Locam.
Ces contrats ont donc été conclus dans un lieu qui n'est pas celui où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle, la société 2FCI ayant son siège social à [Localité 5], la société Locam à [Localité 6]. Il s'agit donc de contrats conclus hors établissement au sens de l'article L.221-1 susvisé, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté.
La société Eximma justifie par ailleurs, par deux attestations du 7 décembre 2020 et 14 janvier 2020 de son expert-comptable, qu'elle n'employait aucun personnel salarié depuis sa constitution (pièces 8 et 9 de la société Eximma).
Contrairement à ce que prétend la société Locam, la cour estime que ces attestations, dont rien ne laisse présumer qu'elles seraient erronées, suffisent à justifier l'effectif de moins de 5 salariés exigé par l'article L.221-3 susvisé.
Enfin, la société Eximma a pour objet « le conseil pour les affaires et autres affaires de gestion ». Si la création d'un site internet est en rapport avec son activité et nécessaire à cette activité, elle ne constitue cependant pas le champ d'activité principale de la société, spécialisée dans la gestion, non dans l'élaboration de sites internet.
Le fait pour la société Eximma de n'avoir pas « coché » sur le bon de commande la case indiquant « déclare que le bon de commande n'entre pas dans le champ de son activité principale et que le nombre de salariés employés par lui est inférieur ou égal à cinq, souhaite que l'exécution du présent contrat commence immédiatement dès sa conclusion », n'enlève rien au fait que la prestation sollicitée n'entre pas dans le champ de l'activité principale de la société Eximma et que cette dernière emploie moins de cinq salariés. Cette mention concerne en outre le bon de commande et n'a pas été reprise dans le contrat litigieux.
En outre, le démarcheur ne peut tenter d'écarter, par ce type de mention, des dispositions du droit protecteur de la consommation qui sont d'ordre public.
III - Sur la faculté de rétractation au titre du contrat conclu entre les sociétés Eximma et 2FC :
La société Eximma fait valoir que :
- Les sociétés 2FCI et Locam devaient l'informer de l'existence du droit de rétractation et de ses modalités, ce qu'elles n'ont jamais fait ; aucun bordereau de rétractation ne lui a été de surcroît fourni ; elles ont donc méconnu leur obligation précontractuelle d'information ;
- Le bien n'est nullement confectionné selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisé ; les captures internet d'écran du site internet démontrent le contraire ; la société 2FCI lui a uniquement fourni un site parallèle à son propre site internet ; ce site a pour unique but de générer des « leads », autrement dit des pistes commerciales, et par conséquent des clients potentiels ; n'importe quel site de gestion en patrimoine peut bénéficier du site fourni par la société 2FCI dès lors que l'identité du site de gestion auquel sont transmis les « leads » n'est pas mentionnée sur ledit site ;
- Le 3° de l'article L. 221-28 du code de la consommation qui prévoit que le droit de rétractation ne peut être exercé pour des contrats relatifs à ces biens personnalisés ne s'applique donc pas en l'espèce ;
- Ce sont de toute façon les dispositions du 13° de l'article L.221-8 précité qui s'appliquent, l'objet du contrat portant sur la fourniture d'un contenu numérique non fourni sur un support matériel ; or, elle n'a jamais donné son accord préalable de manière expresse quant à l'exécution immédiate et n'a pas renoncé de manière expresse à son droit de rétractation ;
- En application de l'article L. 221-20 du code de la consommation, son délai de rétractation est prolongé de douze mois à compter de l'expiration du délai de rétractation initial, déterminé conformément à l'article L.221-18 et expirait donc le 28 septembre 2019 ; par courriers recommandés, elle a notifié aux sociétés 2FCI et Locam sa volonté d'exercer son droit de rétractation ;
- En conséquence de l'exercice de ce droit, et conformément aux articles L. 221-24, L. 221-26 et L. 221-27 du code de la consommation, les sociétés 2FCI et Locam doivent être condamnées in solidum à lui restituer les sommes de 7 751,60 euros et 720 euros, soit 8 471,60 euros et à lui verser la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour n'avoir pas pu faire valoir son droit de rétractation.
Subsidiairement sur le contrat conclu avec Locam :
- Si les dispositions du droit de la consommation ne peuvent s'appliquer au contrat conclu entre la société Eximma et la société Locam, il conviendra de constater la caducité de ce contrat dès lors que, comme l'a reconnu la cour de cassation, l'annulation d'un contrat de prestation de services interdépendant d'un contrat de location financière entraîne la caducité du second.
La société 2FCI réplique que :
- L'article L.221-8 du code de la consommation prévoit qu'il n'y a pas de droit de rétractation possible pour les biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés, ce qui est le cas d'un contrat de création de site internet professionnel, nettement personnalisé selon les spécifications du client, sur lequel les équipes techniques ont travaillé plusieurs heures (architecture, textes, photos, mails personnalisés') et qui est par essence non revendable à un tiers ;
- la prolongation du délai de rétractation demeure conditionnée au fait, s'agissant des prestations de service, que celles-ci n'aient pas été débutées (page 13).
La société Locam estime que :
- La société Eximma a elle-même déterminé le contenu du site web : présentation, textes, illustrations, clichés'selon les caractéristiques voulues par elle et propres à son activité dont il est destiné à constituer la vitrine ; son nom de domaine lui-même épouse son nom et celui de son enseigne ; le site n'offre aucune possibilité ni valeur de remploi pour un autre que la société Eximma ; le 3° de l'article L.221-8 du code de la consommation exclut donc le droit de rétractation ;
- La société Eximma n'ayant pas la possibilité de se rétracter, le contrat de location n'encourt ni la nullité, ni la caducité.
Réponse de la cour
Selon l'article L. 221-5 du code de la consommation applicable en l'espèce, préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
2°/ lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par décret en Conseil d'Etat ;
3°/ lorsque le droit de rétractation ne peut être exercé en application de l'article L.221-28, l'information selon laquelle le consommateur ne bénéficie pas de ce droit ou, le cas échéant, les circonstances dans lesquelles le consommateur perd son droit de rétractation ;
L'article L. 221-8 du même code prévoit que « dans le cas d'un contrat conclu hors établissement, le professionnel fournit au consommateur, sur papier ou, sous réserve de l'accord du consommateur, sur un autre support durable, les informations prévues à l'article L.221-5.
Ces informations sont rédigées de manière lisible et compréhensible. »
L'alinéa 1 de l'article L. 221-20 du même code dispose que « lorsque les informations relatives au droit de rétractation n'ont pas été fournies au consommateur dans les conditions prévues au 2° de l'article L.221-5, le délai de rétractation est prolongé de douze mois à compter de l'expiration du délai de rétractation initial, déterminé conformément à l'article L.221-18. »
L'article 221-28 3° du même code vient toutefois préciser que le droit de rétractation ne peut être exercé pour les contrats de fourniture de biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés.
En l'espèce, les parties conviennent que la société Eximma n'a pas bénéficié, conformément aux dispositions de l'article L.221-5 du code de la consommation, des informations relatives aux conditions, délai, modalités du droit de rétractation et du formulaire type de rétractation, la société 2FCI soutenant que cette information n'était pas due en l'espèce.
La directive 2011/83/UE déjà visée définit un bien comme étant « tout objet mobilier corporel, sauf les objets vendus sur saisie ou de quelque autre manière par autorité de justice. »
L'exception au droit de rétractation, dans la mesure où elle limite les droits octroyés à des fins de protection du consommateur, est d'interprétation stricte.
Elle ne s'applique pas aux prestations de services, même si la prestation aboutit à un résultat tangible sur papier ou sous forme numérique par exemple (voir notamment affaire C-208/19 NK).
En conséquence, l'exception prévue au 3° de l'article L.221-28 susvisé, ne peut trouver à s'appliquer à l'espèce, l'objet principal des contrats n'étant pas un bien au sens de la Directive mais une prestation de services portant notamment sur la conception, création, réalisation d'un site internet, son hébergement, son référencement, d'une part, la location du site web d'autre part.
En application de l'article L.221-20 du code de la consommation susvisé, « lorsque les informations relatives au droit de rétractation n'ont pas été fournies au consommateur dans les conditions prévues au 2° de l'article L.221-5, le délai de rétractation est prolongé de douze mois à compter de l'expiration du délai de rétractation initial, déterminé conformément à l'article L.221-18. »
Aux termes de l'article L.221-18 du code de la consommation, le délai de rétractation de 14 jours doit courir à compter de la conclusion du contrat s'agissant d'un contrat de prestations de services.
La société Eximma a informé sans ambiguïté la société 2FCI de sa volonté de se rétracter, par une lettre recommandée du 24 juin 2019 adressée à la société 2FCI, conformément aux dispositions de l'article L.221-21 du code de la consommation, soit moins de douze mois après la conclusion du contrat litigieux le 14 septembre 2018.
La société 2FCI estime toutefois, sans préciser sur quel texte elle se fonde, que la prolongation du délai de rétractation demeure conditionnée au fait, s'agissant de prestations de services, que celles-ci n'aient pas débuté.
Si le 1° de l'article L.221-28 du code de la consommation dispose que le droit de rétractation ne peut être exercé pour les contrats de fourniture de services pleinement exécutés avant la fin du délai de rétractation, c'est à la condition que l'exécution ait commencé après accord préalable exprès du consommateur et renoncement exprès de son droit de rétractation, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce.
La société Eximma a donc valablement fait valoir sa volonté de rétractation par la lettre recommandée du 24 juin 2019, ce qui entraîne l'anéantissement, depuis son origine, du contrat conclu avec la société 2FCI.
Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a débouté la société Eximma de l'ensemble de ses demandes au titre des articles L.221-3 et suivants du code de la consommation, notamment celles fondées sur l'exercice du droit de rétractation.
IV - Sur l'incidence de l'anéantissement du contrat conclu avec la société 2FCI à l'égard du contrat conclu avec la société Locam :
Tel qu'énoncé précédemment, lorsque des contrats sont interdépendants et que l'un d'eux est anéanti, l'autre contrat devient caduc si la partie qui subit cette caducité connaissait l'opération d'ensemble.
En outre, cette caducité par voie de intervient automatiquement à la même date que celle de l'anéantissement de l'autre contrat (Com. 11 sept. 2019, n° 18-11401).
En l'espèce, pour les motifs ci-dessus explicités, les contrats en cause sont interdépendants et la société Locam connaissait l'opération contractuelle d'ensemble.
L'anéantissement du contrat conclu avec la société 2FCI depuis sa conclusion, le 14 septembre 2018, entraîne donc, de plein droit et à la même date, la caducité du contrat conclu avec la société Locam. L'argumentation de cette dernière tenant à l'inapplicabilité du code de la consommation au contrat de location-financière est, dès lors, inopérante.
Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a ordonné la poursuite du contrat de location financière.
V- Sur la demande de la société Eximma en restitution des sommes dues (soit 8.471,60 euros) :
En application de l'article L.221-4 alinéa 1 du code de la consommation, lorsque le droit de rétractation est exercé, le professionnel rembourse le consommateur de la totalité des sommes versées, y compris les frais de livraison, sans retard injustifié, et au plus tard dans les 14 jours à compter de la date à laquelle il a été informé de la décision du consommateur de se rétracter.
Pour les motifs précités, le contrat conclu avec la société 2FCI se trouve anéanti depuis sa conclusion, le 14 septembre 2018.
Il n'est pas contesté, comme mentionné au contrat et selon la facture émise par la société 2FCI le 26 octobre 2018 (pièce 11 de l'appelante), que la société Eximma a réglé à la société 2FCI un forfait de mise en ligne et charte graphique d'un montant de 720 euros TTC.
La société 2FCI sera donc condamnée à restituer cette somme à la société Eximma.
Par ailleurs, du fait de la caducité du contrat de location financière, qui prend effet le 14 septembre 2018, la société Locam doit être condamnée à restituer à la société Eximma les mensualités dont celle-ci justifie s'être acquittée depuis cette date, soit la somme totale de 7751,60 euros.
Aucune condamnation in solidum des sociétés 2FCI et Locam ne saurait cependant intervenir pour ces restitutions qui procèdent de deux contrats différents.
VI - Sur la demande de dommages et intérêts de la société Eximma :
La société Eximma sollicite la somme de 2.000 euros de dommages et intérêts, estimant que les manquements à l'obligation précontractuelle d'information ne lui ont pas permis d'être informée de son droit de rétractation et de mettre en œuvre celui-ci.
Cependant, il a été jugé, ci-dessus, que cette société avait valablement mis en œuvre son droit de rétractation.
La société Eximma ne justifiant donc d'aucun préjudice, sa demande de dommages et intérêts ne peut qu'être rejetée.
VII - Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :
Les sociétés 2FCI et Locam succombant à titre principal, la décision entreprise sera infirmée des chefs des dépens et de l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
Ces sociétés seront condamnées in solidum aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Elles seront déboutées de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamnées in solidum à verser à la société Eximma une indemnité globale de 5 000 euros.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour,
INFIRME en toutes ses dispositions la décision entreprise,
Statuant de nouveau et y ajoutant,
Constate la caducité du contrat conclu entre les sociétés Eximma et Locam au 14 septembre 2018 ;
Dit que les articles L.221-3 et suivants du code de la consommation sont applicables au contrat conclu entre les sociétés Eximma et 2FCI ;
Dit que la société Eximma a valablement exercé son droit de rétractation au titre du contrat conclu avec la société 2FCI ;
Constate l'interdépendance des contrats conclus entre la société Eximma et, respectivement, la société 2FCI et la société Locam ;
Condamne la société 2FCI à payer à la société Eximma la somme de 720 euros ;
Condamne la société Locam à payer à la société Eximma la somme de 7 751,60 euros ;
Déboute la société Eximma de sa demande de dommages et intérêts ;
Condamne in solidum la société 2FCI et la société Locam aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes des sociétés 2FCI et Locam et les condamne in solidum à verser à la société Eximma la somme globale de 5 000 euros.
Le greffier La présidente
Marlène Tocco Stéphanie Barbot