CA GRENOBLE (ch. com.), 20 mars 2025
- T. com. Vienne, 12 octobre 2023 : RG n° 2023J00087
CERCLAB - DOCUMENT N° 23555
CA GRENOBLE (ch. com.), 20 mars 2025 : RG n° 24/00637
Publication : Judilibre
Extrait : « 28. Sur le fond, concernant la nécessité d'un bordereau de rétractation, il résulte de l'article L. 221-3 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à la date de la souscription du prêt PGE, que les dispositions des sections 2, 3, 6 du chapitre concernant les contrats conclus à distance et hors établissement applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq. Or, comme soutenu par l'intimée, l'article L. 221-1 dispose que : « - le contrat à distance s'entend de tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, dans le cadre d'un système organisé de vente ou de prestation de services à distance, sans la présence physique simultanée du professionnel et du consommateur, par le recours exclusif à une ou plusieurs techniques de communication à distance jusqu'à la conclusion du contrat ; - le contrat hors établissement s'entend de tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur : a) dans un lieu qui n'est pas celui où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle, en la présence physique simultanée des parties, y compris à la suite d'une sollicitation ou d'une offre faite par le consommateur ; b) ou dans le lieu où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle ou au moyen d'une technique de communication à distance, immédiatement après que le consommateur a été sollicité personnellement et individuellement dans un lieu différent de celui où le professionnel exerce en permanence ou de manière habituelle son activité et où les parties étaient, physiquement et simultanément, présentes. » 29. Or, en la cause, le contrat PGE a été conclu dans une agence bancaire de l'intimée, alors qu'il n'est pas établi qu'il a été conclu par le moyen d'une technique de communication à distance, ni après que l'appelante ait été sollicitée par l'intimée.
30. En outre, concernant le compte professionnel, l'article L. 221-2 du code de la consommation exclut les contrats portant sur des services financiers du régime des contrats conclus à distance et hors établissement, alors que l'ouverture d'un compte professionnel constitue un service financier au sens de l'article L.311-1 du code monétaire et financier.
31. Il en résulte que les exigences prévues par l'article L. 221-9, concernant les contrats conclus hors établissement, et notamment la remise d'un formulaire de rétractation, ne sont pas applicables. L'appelante ne peut ainsi qu'être déboutée de sa demande de voir juger que la Banque Populaire ne l'a pas avisée de son droit à rétractation. »
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 20 MARS 2025
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 24/00637. N° Portalis DBVM-V-B7I-MEAC. Appel d'une décision (RG n° 2023J00087) rendue par le Tribunal de Commerce de VIENNE en date du 12 octobre 2023, suivant déclaration d'appel du 6 février 2024.
APPELANTE :
SARL EPHISE
immatriculée au RCS de VIENNE sous le n° XXX, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, [Adresse 1], [Localité 2], représentée par Maître Vincent DELHOMME, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et par Maître Thibaut DE BERNON, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
SA BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHONE ALPES
Société Anonyme Coopérative de Banque Populaire à capital variable, régie par les articles L. 512-2 et suivants du Code Monétaire et Financier et l'ensemble des textes relatifs aux Banques Populaires et aux établissements de crédit, immatriculée au RCS de LYON sous le numéro YYY, agissant poursuites et diligences de son mandataire légal en exercice. [Adresse 3], [Localité 4], représentée par Me Gaëlle CHAVRIER de la SELAS AGIS, avocat au barreau de VIENNE
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ : Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente de Chambre, M. Lionel BRUNO, Conseiller, Mme Raphaële FAIVRE, Conseillère
DÉBATS : A l'audience publique du 24 janvier 2025, M. BRUNO, Conseiller, qui a fait rapport assisté de Alice RICHET, Greffière, a entendu les avocats en leurs conclusions, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile. Il en a été rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu ce jour.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Faits et procédure :
1. La société Ephise est spécialisée notamment dans l'achat, le négoce, la pose d'enseignes d'éclairage et de signalisation. Pour les besoins de son activité, elle a ouvert auprès de la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes un compte courant professionnel.
2. Le 11 avril 2020, la société Ephise a souscrit auprès de la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes un PGE n°05904240 d'un montant de 60.000 euros, remboursable à l'issue d'une période initiale de 12 mois, en 60 mensualités de 1.262,57 euros au taux fixe de 0,73 % l'an.
3. Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 10 novembre 2022, la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes a dénoncé les conditions de fonctionnement du compte courant de la société Ephise et a indiqué que l'autorisation de découvert de 15.200 euros prendra 'n à l'expiration d'un délai de 60 jours.
4. Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 24 janvier 2023, la Banque Populaire a mis en demeure la société Ephise de régulariser l'échéance de prêt du 16 janvier 2023. Aucune régularisation n'étant intervenue, la Banque a clôturé le compte courant et a prononcé la déchéance du terme du prêt par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 21 février 2023. Dans cette même lettre, elle a mis en demeure la société Ephise de régler l'intégralité des sommes devenues exigibles tant au titre du compte courant que du prêt.
5. Par acte d'huissier du 12 avril 2023, ayant fait l'objet d'un procès-verbal de recherches infructueuses, la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes a assigné la société Ephise devant le tribunal de commerce de Vienne, afin notamment de la voir condamnée à lui payer la somme de 41.238,89 euros, outre intérêts au taux conventionnel majoré de 3,73 l'an à compter du 22 février 2023.
6. Par jugement du 12 octobre 2023, le tribunal de commerce de Vienne a :
- jugé les demandes de la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes recevables et bien fondées ;
- condamné la société Ephise à payer a la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes les sommes de :
* 15.184,82 euros au titre du compte courant outre intérêts au taux contractuel à compter du 22 février 2023 et jusqu'à parfait règlement ;
* 41.238,89 euros outre intérêts au taux conventionnel majoré de 3,73% l'an à compter du 22 février 2023 et jusqu'à parfait règlement ;
- condamné la société Ephise à payer à la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- jugé que dans l'hypothèse où, à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans la présente décision, l'exécution forcée devra être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier, le montant des sommes par lui retenues en application de l'article 10 du décret du 8 mars 2011, portant modification du décret du 12 décembre 1996 n°96-1080, devra être supporté par les débiteurs en sus de l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société Ephise aux dépens prévus à l'article 695 du code de procédure civile, et les a liquidés conformément à l'article 701 du code de procédure civile.
7. La société Ephise a interjeté appel de cette décision le 6 février 2024, en toutes ses dispositions reprises dans sa déclaration d'appel.
L'instruction de cette procédure a été clôturée le 9 janvier 2025.
Prétentions et moyens de la société Ephise :
8. Selon ses conclusions n°2 remises par voie électronique le 6 décembre 2024, elle demande à la cour, au visa des dispositions applicables aux organismes de crédits issues du code civil, du code de commerce, du code de la consommation, du code monétaire et financier, du code des assurances, des articles 15, 16, 132, 648 et suivants, 700 du code de procédure civile, des articles 1103, 1104 et suivants, 1345-5 du code civil, de l'article L. 221-3 du code de la consommation :
- de constater que ni l'exploit introductif d'instance, ni les pièces visées à l'appui de celui-ci n'ont été communiqués à la concluante à la date de ses premières conclusions d'appelante ;
- en conséquence, d'écarter l'ensemble des pièces produites par la société Banque Populaire ;
- in limine litis, de constater que l'huissier instrumentaire n'a pas accompli les diligences suffisantes pour délivrer l'acte à la concluante ;
- de constater les griefs causés par ces diligences infructueuses ;
- en conséquence, de prononcer la nullité de l'assignation introductive d'instance délivrée par la société Banque Populaire à l'encontre de la concluante, ainsi que tous les actes subséquents, dont le jugement du 12 octobre 2023, les actes signifiés ultérieurement et tous les actes d'exécution pris en application du jugement 12 octobre 2023 ;
- à défaut, de réformer en toutes ses dispositions le jugement du 12 octobre 2023 du tribunal de commerce de Vienne ;
- statuant à nouveau de ces chefs, de juger que la société Banque Populaire a violé les obligations légales, réglementaires et jurisprudentielles applicables aux organismes de crédit,
- de juger que la société Banque Populaire n'a pas avisé la concluante de son droit à rétractation ;
- de juger que la société Banque Populaire ne s'est pas enquis des capacités financières et de remboursement de la concluante ;
- en conséquence, de débouter la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions à l'encontre de la concluante ;
- de condamner la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes à payer la somme de 51.371,28 euros (60 000 × 0,85) à titre de dommages et intérêts à la concluante ;
- d'ordonner la compensation entre toute somme qui serait accordée à titre de dommages et intérêts à la concluante et toute condamnation qui serait prononcée à son encontre ;
- en tout état de cause, de débouter la société Banque Populaire de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions à l'encontre de la concluante ;
- d'accorder à la concluante de s'acquitter de toute condamnation éventuellement prononcée à son encontre selon un moratoire initial de douze mois puis selon un échéancier sur les douze mois suivants ;
- de condamner la société Banque Populaire à verser à la concluante la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- de condamner la société Banque Populaire aux entiers dépens de première instance et d'appel liquidés selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile.
L'appelante expose :
9. - concernant l'absence de communication des pièces, que n'ayant pas été touchée par l'assignation, la concluante n'a pu avoir connaissance ni de cet acte, ni des pièces adverses ; qu'en appel, la banque n'a pas notifié ses pièces à la concluante, alors que la communication de pièces doit être spontanée selon les articles 15 et 132 du code de procédure civile ; qu'il y a ainsi une violation manifeste du principe du contradictoire, ce qui cause un grief;
10. - concernant la nullité de l'assignation, que bien que le commissaire de justice se soit rendu au siège de la concluante, il a délivré son acte selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile ; que le procès-verbal de signification n'ayant pas été communiqué, la concluante ne peut vérifier si le commissaire a réalisé les diligences nécessaires, ce qui lui cause un grief ;
11. - subsidiairement, que la concluante n'a pu bénéficier des dispositions de l'article L.221-3 du code de la consommation étendant certaines règles aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels, dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité, et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq ;
12. - que lors de la conclusion du contrat, la concluante employait moins de cinq salariés, alors que les opérations de crédit ne sont pas au coeur de son activité ;
13. - qu'en application de l'article L.221-9 du code de la consommation, le professionnel doit ainsi fournir un exemplaire du contrat accompagné d'un formulaire type de rétractation mentionné à l'article L.221-5 ; que l'intimée n'ayant pas accompli cette formalité, la concluante exerce en conséquence son droit de rétractation concernant tant le compte professionnel que le prêt PGE ;
14. - que l'intimée a manqué à son droit de mise en garde, concernant les capacités financières de la concluantes qu'elle n'a pas vérifiées, de sorte que les premiers incidents de paiement sont survenus 20 mois après la souscription du prêt ; que l'intimée a ainsi engagé sa responsabilité et fait perdre à la concluante la possibilité de ne pas contracter, perte de chance qui doit être évaluée à 85'% du montant de l'emprunt ;
15. - que la concluante n'a pas de trésorerie permettant de régler les sommes éventuellement dues, ce qui justifie l'octroi de délais de paiement.
Prétentions et moyens de la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes :
16. Selon ses conclusions remises par voie électronique le 10 décembre 2024, elle demande à la cour, au visa des articles 1104 et suivants du code civil :
- de dire et juger recevables et fondées les demandes de la concluante ;
- de débouter la société Ephise de l'intégralité de ses demandes non fondées tant en droit qu'en fait ;
- en conséquence, de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
- de condamner la société Ephise à payer à la concluante la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel ;
- de condamner la société Ephise aux entiers dépens d'appel.
L'intimée réplique :
17. - concernant la communication des pièces fondant ses prétentions et la validité de l'assignation, que l'appelante n'est pas intervenue devant le tribunal de commerce, n'ayant pu recevoir l'assignation, puisque l'huissier a été amené à signifier l'exploit en application de l'article 659 du code de procédure civile, l'appelante n'ayant plus d'activité ni de boîte aux lettres à l'adresse de son siège social ; que la lettre recommandée adressée par le
commissaire de justice est revenue avec la mention « pli avisé et non réclamé » ce qui indique que l'appelante a fait le choix de ne pas retirer cette lettre et ainsi d'avoir connaissance de la procédure engagée contre elle ; que la concluante produit l'assignation et l'acte de signification ; que l'extrait K-bis de la société Ephise n'indique aucune autre adresse pour son siège social ;
18. - que les articles 15, 16 et 132 du code de procédure civile ne s'appliquent en cause d'appel qu'à partir du moment ou la concluante conclut en qualité d'intimée ; que seul l'appelant doit communiquer ses pièces dans le délai fixé par l'article 908 du code de procédure civile ; qu'aucune disposition n'obligeait la concluante à communiquer l'assignation et les pièces de première instance dès sa constitution devant la cour ; en tout état de cause, que les pièces de première instance sont les pièces contractuelles dont l'appelante avait nécessairement connaissance, et les lettres recommandées que l'appelante a toutes réceptionnées ; que l'appelante ne justifie ainsi d'aucun grief ;
19. - concernant le prétendu droit de rétractation, que l'article L. 221-2 du code de la consommation exclut les contrats portant sur les services financiers, ce qui est le cas d'une convention de compte courant et d'un prêt ;
20. - en outre, qu'il ne s'agit pas de contrat conclus hors établissement au sens de l'article L. 221-3, c'est à dire dans un lieu qui n'est pas celui où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle, puisque les contrats ont été conclus dans les locaux de l'agence bancaire ;
21. - que si la cour fait droit à la demande de la société Ephise, celle-ci est tenue de rembourser le débit en compte, et la totalité des sommes empruntées, sauf à déduire les mensualités réglées ;
22. - concernant le devoir de mise en garde, que l'établissement financier n'a pas à s'immiscer dans la gestion des affaires de son client ; que ce devoir ne bénéficie qu'à l'emprunteur non averti, et pour une personne morale, en la personne de son représentant légal ; qu'en l'espèce, l'appelante exerce son activité commerciale depuis le 1er juillet 2008, date de son immatriculation, alors qu'elle est représentée par son associé unique depuis sa création ; que ce dernier avait ainsi parfaitement connaissance de la situation de la société, alors que la banque ne pouvait disposer d'informations ignorées de celui-ci ; que la concluante n'était ainsi tenue à aucun devoir de mise en garde, d'autant que la société ne supportait pas de prêt et pouvait faire face aux mensualités, qui ont été réglées pendant 22 mois ;
23. - concernant les délais de paiement sollicités, que l'appelante a été mise en demeure le 21 février 2023 et n'a procédé à aucun paiement ; qu'elle ne produit aucune pièce démontrant qu'elle ne peut payer.
*****
24. Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
25. Concernant en premier lieu la communication par la Banque Populaire des pièces fondant son action, celle-ci a annexé à ses conclusions d'intimée les 9 pièces fondant ses demandes en première instance. Elle y a ajouté l'assignation délivrée le 12 avril 2023, et le retour du pli adressé par le commissaire de justice. Ces pièces ont été communiquées à l'appelante le 2 août 2024, qui ne conteste pas les avoir reçues. Il en résulte que l'intimée a exécuté son obligation de communiquer les pièces fondant ses demandes conformément aux articles 15 et 132 du code de procédure civile. La demande tendant à écarter ces pièces ne peut qu'être rejetée.
26. Concernant ensuite la validité de l'assignation, cet acte a été délivré au siège social de la société Ephise sis [Adresse 1] à [Adresse 5]. Pour justifier de la remise effectuée selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile, le commissaire de justice a indiqué qu'à cette adresse, il y a trois boîtes aux lettres ne comportant pas de nom, que personne ne répond lors de son passage, qu'aucun élément ne permet de vérifier la réalité du domicile du destinataire de l'acte, qu'il n'a pu avoir aucun renseignement du voisinage ni de la mairie, alors que la société n'apparaît pas dans les Pages Jaunes. Il a obtenu le numéro de téléphone du gérant de la société, mais personne n'a répondu à son appel et il n'a pu laisser de message.
27. La cour constate que l'adresse à laquelle le commissaire de justice a tenté de délivrer son acte correspond à celle figurant sur l'extrait K-bis de la société Ephise, à jour au 3 avril 2023, alors que l'assignation a été délivrée le 12 avril. L'officier public a ainsi bien tenté une délivrance au siège social de l'appelante tel que figurant au registre du commerce. Il a en outre attesté de l'expédition des courriers prévues par l'article 659, et le pli adressé avec accusé de réception a été retourné par les services postaux, avec la mention selon laquelle il n'a pas été réclamé après avis de la Poste. En conséquence, aucun élément ne permet de retenir que le commissaire de justice n'a pas valablement tenté une remise à personne. Il n'y a pas lieu en conséquence d'annuler l'assignation, et les actes subséquents, dont le jugement déféré.
28. Sur le fond, concernant la nécessité d'un bordereau de rétractation, il résulte de l'article L. 221-3 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à la date de la souscription du prêt PGE, que les dispositions des sections 2, 3, 6 du chapitre concernant les contrats conclus à distance et hors établissement applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq. Or, comme soutenu par l'intimée, l'article L. 221-1 dispose que :
- le contrat à distance s'entend de tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, dans le cadre d'un système organisé de vente ou de prestation de services à distance, sans la présence physique simultanée du professionnel et du consommateur, par le recours exclusif à une ou plusieurs techniques de communication à distance jusqu'à la conclusion du contrat ;
- le contrat hors établissement s'entend de tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur :
a) dans un lieu qui n'est pas celui où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle, en la présence physique simultanée des parties, y compris à la suite d'une sollicitation ou d'une offre faite par le consommateur ;
b) ou dans le lieu où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle ou au moyen d'une technique de communication à distance, immédiatement après que le consommateur a été sollicité personnellement et individuellement dans un lieu différent de celui où le professionnel exerce en permanence ou de manière habituelle son activité et où les parties étaient, physiquement et simultanément, présentes.
29. Or, en la cause, le contrat PGE a été conclu dans une agence bancaire de l'intimée, alors qu'il n'est pas établi qu'il a été conclu par le moyen d'une technique de communication à distance, ni après que l'appelante ait été sollicitée par l'intimée.
30. En outre, concernant le compte professionnel, l'article L. 221-2 du code de la consommation exclut les contrats portant sur des services financiers du régime des contrats conclus à distance et hors établissement, alors que l'ouverture d'un compte professionnel constitue un service financier au sens de l'article L.311-1 du code monétaire et financier.
31. Il en résulte que les exigences prévues par l'article L. 221-9, concernant les contrats conclus hors établissement, et notamment la remise d'un formulaire de rétractation, ne sont pas applicables. L'appelante ne peut ainsi qu'être déboutée de sa demande de voir juger que la Banque Populaire ne l'a pas avisée de son droit à rétractation.
32. Concernant l'obligation de s'enquérir des capacités financières de la société Ephise, celle-ci a été immatriculée le 1er juillet 2008. Il s'agit d'une société à responsabilité limitée à associé unique, en la personne de M. X.
33. Le prêt de 60.000 euros a été consenti afin de faire face aux conséquences économiques et financières de la pandémie de la Covid 19, et il s'agit d'un prêt de trésorerie avec garantie de l'État.
34. Selon les comptes produits par l'appelante au titre de l'exercice 2019, elle n'avait, lors de la souscription du PGE, qu'une charge d'emprunt de 8.626 euros. Le résultat de l'exercice était bénéficiaire de 5.210 euros, et elle disposait de réserves facultatives à hauteur de 36.625,72 euros après affectation du résultat. Le total des produits était de 330.336 euros, avec une marge de 211.877 euros. Ses résultats étaient en progression par rapport à l'année 2018. Selon l'état des dettes, le prêt en cours de remboursement ne représentait qu'une charge de 4.604 euros pour l'année 2020 et de 4.021 euros pour l'année 2021. La confirmation de cette situation financière favorable est confirmée par le remboursement du PGE pendant 22 mois.
35. La cour en retire que la situation financière stable de la société ne permet pas de constater qu'elle était dans l'incapacité de faire face aux échéances de remboursement du prêt PGE, de sorte que la banque n'était pas ainsi tenue à une obligation de la mettre en garde sur les risques liés à la souscription de cet engagement. Il n'est ainsi justifié d'aucune faute de la banque, ni d'une perte de chance de ne pas contracter le PGE, destiné à faire face à une difficulté de trésorerie conjoncturelle, alors que l'activité était structurellement bénéficiaire.
36. En conséquence, le jugement déféré ne peut qu'être approuvé en ce qu'il a fait droit à la demande en paiement de la Banque Populaire. Il sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions.
37. S'agissant de la demande de délais de paiement de la société Ephise, cette dernière ne justifie d'aucun élément actuel permettant de caractériser son impossibilité d'honorer sa dette, les seuls éléments comptables produits concernant l'année 2019. Cette demande sera rejetée.
38. Succombant en son appel, la société Ephise sera condamnée à payer à la Banque Populaire la somme complémentaire de 3.500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre dépens.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Vu les articles 15 et 132 du code de procédure civile ; les articles L.221-1 et suivants (anciens) du code de la consommation ;
Déboute la société Ephise de l'intégralité de ses prétentions ;
Confirme le jugement déféré en ses dispositions soumises à la cour ;
y ajoutant ;
Condamne la société Ephise à payer à la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes la somme complémentaire de 3.500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Ephise aux dépens d'appel ;
Signé par Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente et par Mme Alice RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente