CA LYON (3e ch. A), 9 janvier 2025
- T. com. Saint-Étienne, 2 juin 2020 : RG n° 2017j00668
CERCLAB - DOCUMENT N° 23561
CA LYON (3e ch. A), 9 janvier 2025 : RG n° 20/03589
Publication : Judilibre
Extrait : « Ces contrats concourent à la même opération de téléphonie, consistant en la fourniture du matériel, sa maintenance, la fourniture des lignes, et enfin la location financière du matériel. Ainsi, les contrats sont manifestement interdépendants et il convient de confirmer le jugement de ce chef.
Les contrats ayant été conclus le 15 février 2016, les dispositions du code de la consommation alors en vigueur étaient celles issues de la loi du 17 mars 2014 et antérieures à celles issues de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016.
Selon l'article L. 121-16-1, III, du code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 et antérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, « Les sous-sections 2, 3, 6 et 7, applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq. » Ce texte s'applique aux personnes physiques comme aux personnes morales. En effet, l'article 2 de la directive 2011/83/UE du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs, dont procède l'article L. 121-16-1, III, précité, définit le professionnel comme étant toute personne physique ou morale […] qui agit […] aux fins qui entrent dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale […]. Le considérant 13 de cette même directive indique par ailleurs que Les Etats membres peuvent décider d'étendre l'application des règles de la présente directive à des personnes morales ou physiques qui ne sont pas des consommateurs au sens de la présente directive, comme les […] petites et moyennes entreprises. Interprété à la lumière de la directive précitée, l'article L. 121-16-1, III, apparaît donc applicable aux professionnels ayant la personnalité morale. La société Loire hygiène peut donc valablement invoquer ce texte en qualité de professionnel, peu important qu'elle soit une personne morale.
La société Locam fait valoir que les services financiers sont exclus du champ d'application des dispositions relatives aux contrats conclus hors établissements, conformément à l'article L. 121-16-1, 4° du code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi du 17 mars 2014. Toutefois, si le code de la consommation n'apporte pas de définition précise de ce qui doit être considéré comme étant un contrat portant sur un service financier, la directive 2011/83/UE du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs, transposée en droit interne par la loi n°2014-344 du 17 mars 2014, indique, à l'article 2, 12), qu'il faut entendre par « service financier », tout service ayant trait à la banque, au crédit, à l'assurance, aux pensions individuelles, aux investissements ou aux paiements. Or, aux termes du contrat de location en cause, la société Locam est propriétaire du matériel qu'elle donne en location à la société Loire hygiène ; à l'issue du contrat, le locataire ne peut que restituer le matériel (article 15 du contrat de location). Il en résulte que le contrat de location ne constitue aucunement une opération de crédit au sens du code monétaire et financier, ni un service financier au sens du code de la consommation, mais une simple location de biens meubles au sens de l'article 1713 du code civil. Le fait que l'article L. 311-2, 6°, du code monétaire et financier permette à des établissements de crédit d'effectuer des opérations connexes à leur activité, parmi lesquelles la location simple de biens mobiliers pour les établissements habilités à effectuer des opérations de crédit-bail, ne signifie pas pour autant que les dispositions du code de la consommation relatives aux contrats conclus hors établissement ne s'appliquent pas lorsqu'un tel contrat est conclu dans ces conditions. En effet, l'article L. 311-2 se borne à définir, de façon exhaustive, les « opérations connexes » que les établissements de crédit sont autorisés à réaliser sans bénéficier du monopole bancaire. Il ne s'en déduit pas que l'établissement de crédit peut s'affranchir des règles qui peuvent par ailleurs s'appliquer au titre du code de la consommation, en particulier s'agissant de règles d'ordre public. De même, les dispositions du code monétaire et financier relatives au démarchage bancaire ou financier ne permettent pas de soustraire le contrat de location aux dispositions du code de la consommation, dès lors que l'article L. 341-2, 7°, du code monétaire et financier exclut expressément des règles du démarchage bancaire et financier, les contrats de financement de location aux personnes physiques ou morales. Le contrat de location conclu avec la société Locam relève donc du champ d'application des dispositions relatives aux contrats conclus hors établissement.
Enfin, les sociétés TCS et ICS font valoir que les contrats en cause entreraient dans l'exclusion prévue à l'article L. 221-2, 11°, du code de la consommation selon lequel sont exclus du champ d'application des dispositions relatives aux contrats conclus hors établissement, « les contrats conclus avec des opérateurs de télécommunications pour l'utilisation des cabines téléphoniques publiques ou aux fins d'une connexion unique par téléphone, internet ou télécopie, notamment les services et produits à valeur ajoutée accessibles par voie téléphonique ou par message textuel ». Dans sa version en vigueur au jour de la signature des contrats litigieux, il s'agit de l'article L. 121-16-1, 11°, du code de la consommation (version antérieure à l'ordonnance du 14 mars 2016), mais le texte est identique. Or, la prestation souscrite auprès de la société ICS étant un abonnement téléphonique, c'est par de justes motifs que la cour adopte, que le tribunal a relevé que les prestations fournies par les sociétés TCS et ICS ne peuvent pas être assimilées à une connexion unique. Il convient donc également d'écarter ce moyen.
Les dispositions du code de la consommation relatives aux contrats conclus hors établissement peuvent ainsi être invoquées par la société Loire hygiène. A l'évidence, la fourniture, la maintenance et la location d'un matériel de téléphonie avec abonnement téléphonique n'entrent pas dans le champ de son activité principale de prestation de services de dératisation, désinsectisation, désinfection et traitements anti-nuisibles, achat et vente de tous produits anti-parasitaires, au sens de l'article L. 121-16-1 précité. De plus, la société Loire hygiène justifie (ses pièces n° 2 et 2-1) n'avoir eu que trois salariés au cours de l'année 2016, lors de la souscription du contrat litigieux.
L'ensemble des critères posés par l'article L. 121-16-1 précité sont donc remplis. Il appartenait ainsi aux sociétés TCS, ICS et Locam de respecter les dispositions relatives aux contrats conclus hors établissement, s'agissant notamment de l'information relative au droit de rétractation, en application de l'article L. 121-17 du code de la consommation (dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016). Or, comme l'a justement retenu le tribunal, les contrats ne comportent pas d'information relative au droit de rétractation ni de formulaire de rétractation, de sorte que le délai de quatorze jours s'est trouvé prolongé de douze mois supplémentaires, conformément à l'article L. 121-21-1 du code de la consommation (dans sa version antérieure à l'ordonnance du 14 mars 2016).
En conséquence, la rétractation de la société Loire hygiène, exercée par lettre recommandée adressée le 7 février 2017 aux sociétés Locam et ICS est valable. Il est sans effet que la société Loire Hygiène n'ait pas également adressé sa rétractation à la société TCS le 7 février 2017 (ce qu'elle a fait par lettre du 5 avril suivant), dès lors que la société Locam était devenue propriétaire du matériel fourni par la société TCS et que le contrat de maintenance conclu avec cette dernière est l'accessoire du contrat de location de matériel et se trouve donc caduc par voie de conséquence. L'anéantissement des contrats à leur date de signature entraîne la restitution des sommes versées par la société Loire hygiène et il convient d'adopter les motifs du jugement sur ce point, de même que le rejet de la demande en paiement au titre des loyers formée par la société Locam. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
TROISIÈME CHAMBRE A
ARRÊT DU 9 JANVIER 2025
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 20/03589. N° Portalis DBVX-V-B7E-NBBD. Décision du Tribunal de Commerce de SAINT-ÉTIENNE du 2 juin 2020 : RG n° 2017j00668.
APPELANTE :
SAS LOCAM - LOCATION AUTOMOBILES MATÉRIELS
au capital XXX €, immatriculée au RCS de [Localité 7] sous le numéro B YYY, agissant poursuites et diligences par son dirigeant domicilié ès qualité audit siège, [Adresse 3], [Localité 4], Représentée par Maître Michel TROMBETTA de la SELARL LEXI, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
INTIMEES :
SASU LOIRE HYGIÈNE
au capital de XXX €, immatriculée au RCS de [Localité 7] sous le numéro ZZZ, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, [Adresse 8], [Localité 5], Représentée par Maître Sandra GARCIA, avocat au barreau de LYON, toque : 2731, postulant et par Maître Sabrina BOUBETRA, avocat au barreau de PARIS
SARL TCS
au capital de XXX euros, immatriculée au RCS de [Localité 6] sous le n° WWW, agissant poursuites et diligences de son gérant domicilié ès qualités audit siège, [Adresse 2], [Localité 1],
SARL ICS
au capital de XXX euros, immatriculée au RCS de [Localité 6] sous le n° VVV, agissant poursuites et diligences de son gérant domicilié ès qualités audit siège, [Adresse 2], [Localité 1], Représentée par Maître Julien MICHAL de la SELARL CABINET D'AVOCATS MICHAL ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 170, postulant et par Maître Frédéric BOUHABEN de la SELARL FREDERIC BOUHABEN, avocat au barreau de MARSEILLE
Date de clôture de l'instruction : 1er juillet 2021
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 6 novembre 2024
Date de mise à disposition : 9 janvier 2025
Audience tenue par Aurore JULLIEN, conseillère, et Viviane LE GALL, conseillère, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré, assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière ; A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport,
Composition de la Cour lors du délibéré : - Sophie DUMURGIER, présidente - Aurore JULLIEN, conseillère - Viviane LE GALL, conseillère
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, Signé par Sophie DUMURGIER, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
La société Loire hygiène exerce une activité de dératisation, désinsectisation, désinfection, traitement anti-nuisibles et vente des produits associés.
Le 15 février 2016, elle a signé :
- avec la société TCS, un bon de commande de matériel consistant en un serveur Dell communication NTS, un poste numérique premium et un boitier ATA, financé par un contrat de location consenti par la société Locam, moyennant un loyer mensuel de 327 euros HT par trimestre soit 109,00 euros HT, durant une période de 21 trimestres et un dépôt de garantie de 109 euros, ainsi qu'un contrat de maintenance du serveur de communication TNS et du poste numérique premium moyennant, à partir de la quatrième année, un prix mensuel de 35,00 euros HT ;
- avec la société ICS, un « bulletin de souscription au contrat de service » comprenant deux lignes full illimité fixes local national et portables pour le numéro 04.77.XX et un abonnement formule tous opérateurs pour le numéro 06.98.YY moyennant le prix de 109,00 euros HT par mois.
Le matériel a été réceptionné et installé le 23 mars 2016.
Par lettres recommandées du 7 février 2017 réitérée les 5 avril et 1er juin 2017, la société Loire hygiène a fait valoir son droit de rétractation auprès des sociétés Locam, ICS et TCS.
Par courriers du 20 février et du 24 avril 2017, la société Locam a réfuté ce droit à rétractation.
Par actes introductifs d'instance en date des 2 et 29 août 2017, la société Loire hygiène a assigné les sociétés Locam, TCS et ICS devant le tribunal de commerce de Saint-Étienne.
Par jugement contradictoire du 2 juin 2020, le tribunal de commerce de Saint-Étienne a :
- constaté l'interdépendance des contrats du 15 février 2016 liant d'une part, la société Loire hygiène et les sociétés TCS et ICS et d'autre part, la société Loire hygiène et la société Locam,
- dit que les conditions visées à l'article L. 221-3 du code de la consommation sont réunies,
- dit que les dispositions consuméristes afférentes à l'obligation d'informations précontractuelles et au droit de rétractation sont applicables aux contrats liant l'ensemble des parties entre elles,
- prononcé la résolution du bon de commande conclu le 15 février 2016 entre la société Loire hygiène et la société TCS,
- prononcé la résolution du contrat de location conclu le 15 février 2016 entre la société Loire hygiène et la société Locam,
- prononcé la résolution du contrat de services opérateur conclu le 15 février 2016 entre la société Loire hygiène et la société ICS,
- prononcé la caducité du contrat de maintenance conclu le 15 février 2016 entre la société Loire hygiène et la société TCS à compter de cette même date,
- condamné la société TCS à payer à la société Loire hygiène la somme de 109,00 euros outre intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement,
- condamné la société Locam à payer à la société Loire hygiène la somme 7.185,68 euros outre intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement,
- condamné la société ICS à payer à la société Loire hygiène la somme de 3.822,12 euros outre intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement,
- rejeté les demandes reconventionnelles de la société Locam à l'encontre de la société Loire hygiène,
- condamné la société Locam à payer à la société Loire hygiène la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné solidairement les sociétés TCS et ICS à payer à la société Loire hygiène la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que les dépens, dont frais de greffe taxés et liquidés dès à présent à 112,27 euros, seront payés solidairement par les sociétés TCS, ICS et Locam,
- rejeté la demande d'exécution provisoire du jugement,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Par déclaration reçue au greffe le 8 juillet 2020, la société Locam a interjeté appel portant sur l'ensemble des chefs de la décision expressément critiqués, sauf en ce qu'elle a rejeté la demande d'exécution provisoire du jugement et débouté les parties du surplus de leurs demandes, en intimant les sociétés Loire hygiène, TCS et ICS.
[*]
Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 20 avril 2021, la société Locam demande à la cour, au visa des anciens articles 1134 et suivants et 1149 et 1184 du code civil, de l'ancien article L. 121 -1 6-1 4° et III et de l'ancien article préliminaire du code de la consommation, des articles L. 221-2 4°, L. 222-1, L. 221-3 et L. 221-28 3° du code de la consommation et des articles 311-2, L. 341-1 2°, L. 511-3 et 511-21 du code monétaire et financier, de :
- dire bien fondé son appel ; réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- condamner la SAS Loire hygiène à lui régler, en deniers ou quittance, l'ensemble des loyers dus jusqu'au terme initial du contrat à savoir jusqu'en mars 2021,
- débouter la SAS Loire hygiène de toutes ses demandes,
- condamner celle-ci à lui régler une indemnité de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la SAS Loire hygiène en tous les dépens d'instance et d'appel.
[*]
Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 26 mai 2021, les sociétés TCS et ICS demandent à la cour, au visa des articles L.221-1 et suivants et l'article préliminaire du code de la consommation et de l'article 1134 du code civil, de :
- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Saint-Étienne du 2 juin 2020 en ce qu'il a :
‘constaté l'interdépendance des contrats du 15 février 2016 liant d'une part, la société Loire hygiène et les sociétés TCS et ICS et d'autre part, la société Loire hygiène et la société Locam,
‘dit que les conditions visées à l'article l221-3 du code de la consommation sont réunies,
‘dit que les dispositions consuméristes afférentes à l'obligation d'informations précontractuelles et au droit de rétractation sont applicables aux contrats liant l'ensemble des parties entre elles,
‘prononcé la résolution du bon de commande conclu le 15 février 2016 entre la société Loire hygiène et la société TCS,
‘prononcé la résolution du contrat de location conclu le 15 février 2016 entre la société Loire hygiène et la société Locam,
‘prononcé la résolution du contrat de services opérateur conclu le 5 février 2016 entre la société Loire hygiène et la société ICS,
- prononcé la caducité du contrat de maintenance conclu le 15 février 2016 entre la société Loire hygiène et la société TCS à compter de cette même date,
‘condamné la société TCS à payer à la société Loire hygiène la somme de 109,00 euros outre intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement,
‘condamné la société Locam à payer à la société Loire hygiène la somme de 7.185,68 euros outre intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement,
‘condamné la société ICS à payer à la société Loire hygiène la somme de 3.822,12 euros outre intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement,
‘condamné solidairement les sociétés TCS et ICS à payer à la société Loire hygiène la somme de 3.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
‘débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Statuant à nouveau,
- débouter la société Loire hygiène de l'intégralité de ses demandes,
- déclarer inapplicables les dispositions du code de la consommation invoquées par la société Loire hygiène au titre du droit de rétractation, et ses conséquences,
- condamner la société Loire hygiène à payer, à chacune des sociétés TCS et ICS, la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Loire hygiène aux entiers dépens.
[*]
Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 25 mai 2021, la société Loire Hygiène demande à la cour, au visa des articles L. 221-1 à L. 221-7, L. 221-18 et suivants, L. 221-29 et L. 242-1 du code de la consommation, de :
à titre principal
- confirmer en toutes ses dispositions la décision rendue par le tribunal de commerce de Saint-Étienne le 2 juin 2020,
Subsidiairement, s'il devait être considéré que le contrat de location du 15 février 2016 constitue un contrat portant sur des services financiers excluant l'application des dispositions des articles L. 221-1 et suivants du code de la consommation,
- constater l'interdépendance des contrats du 15 février 2016 liant d'une part, la société Loire hygiène et les sociétés TCS et ICS et d'autre part, la société Loire hygiène et la société Locam,
- constater l'inexécution de l'obligation précontractuelle d'information incombant aux sociétés TCS et ICS au profit de la société Loire hygiène dans le cadre de la souscription des contrats du 15 février 2016,
- constater que la société Loire hygiène a valablement et régulièrement exercé son droit de rétractation,
- prononcer la résolution des contrats du 15 février 2016 signés entre les sociétés Loire hygiène et les sociétés TCS et ICS,
- prononcer la caducité du contrat de location du 15 février 2016 conclu entre les sociétés Loire hygiène et Locam.
En tout état de cause,
- condamner in solidum les sociétés TCS, ICS et Locam à payer à la société Loire hygiène la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
[*]
La procédure a été clôturée par ordonnance du 1er juillet 2021, les débats étant fixés au 7 novembre 2024.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la demande en paiement de la société Locam et l'application des dispositions du code de la consommation :
La société Locam fait valoir que :
- la société Loire hygiène est parfaitement engagée envers elle, dès lors qu'elle a signé les documents contractuels ainsi que le procès-verbal de livraison, lequel a entraîné son engagement au paiement des loyers ; la société Loire hygiène a d'ailleurs transmis ses coordonnées bancaires et l'autorisation de prélèvement ;
- les dispositions du code de la consommation ne sont pas applicables à la société Loire hygiène qui est une personne morale ; les dispositions applicables aux professionnels pour les contrats conclus hors établissement ne dérogent pas à cette exclusion des personnes morales ; au regard de la date de conclusion des contrats litigieux, ceux-ci ne sont pas soumis aux dispositions issues de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 ;
- en tout état de cause, les opérations connexes aux opérations de banque sont exclues des dispositions du code de la consommation relatives aux contrats conclus hors établissement, ce qui est le cas du contrat de location litigieux ;
- le contrat de vente ne liant qu'elle-même au fournisseur, la société Loire hygiène n'a pas pu exercer un droit de rétractation pour un contrat auquel elle n'était pas partie.
La société Loire hygiène réplique que :
- elle a signé, le même jour, plusieurs contrats qui concourent tous à la même opération et sont donc interdépendants ;
- en application de l'article L. 242-1 du code de la consommation, les contrats sont nuls en ce qu'ils ne respectent pas les conditions prévues aux articles L. 221-1 et suivants du même code, relatifs aux contrats conclus hors établissement ;
- le fait que le consommateur soit défini exclusivement comme une personne physique est indifférent dès lors qu'elle revendique sa qualité de professionnel au sens de l'article L. 221-3, lequel ne se limite pas à la personne physique ; elle bénéficie donc de l'extension à son profit du droit de rétractation ;
- le fait que la société Locam ait la qualité de société de financement n'a pas pour effet de soustraire le contrat litigieux du champ d'application des contrats conclus hors établissement, dès lors qu'il s'agit d'un simple contrat de location et non d'une opération de banque ni d'un service financier ;
- elle remplit les conditions pour l'application des dispositions relatives aux contrats conclus hors établissement, dès lors que les contrats litigieux ont été signés dans ses locaux, qu'elle n'a que trois salariés et que l'objet des contrats n'entre pas dans le champ de son activité principale ; or, elle n'a pas reçu l'information précontractuelle ni de rétractation, de sorte que son droit de rétractation était prolongé de douze mois à compter de la fin du délai de rétractation initial ; elle s'est donc valablement rétractée par courrier du 7 février 2017 ;
- la sanction est la nullité des contrats, de sorte qu'il convient de confirmer le jugement ;
- subsidiairement, le contrat de location est caduc par voie de conséquence de la nullité des contrats conclus avec les sociétés TCS et ICS ;
- elle est donc fondée à obtenir la restitution des sommes qu'elle a versées.
Les sociétés TCS et ICS font valoir que :
- les contrats ne sont pas interdépendants en ce qu'ils ne tendent pas à la réalisation d'une même opération ;
- les dispositions du code de la consommation ne sont pas applicables aux contrats en cause qui ont été conclus le 15 février 2016 ; or à cette date, les dispositions du code de la consommation n'étaient applicables qu'au professionnel personne physique et non au professionnel personne morale ;
- en tout état de cause, l'article L. 221-2, 11°, exclut du champ des dispositions relatives aux contrats conclus hors établissement, les contrats de téléphonie ; en outre, l'objet du contrat entre dans le champ d'activité principale de la société Loire hygiène ;
- la société Loire hygiène n'a adressé une lettre de rétractation qu'à la société ICS et non à la société TCS ; les demandes en restitution formées par la société Loire hygiène doivent être rejetées.
Sur ce,
Il résulte des pièces produites aux débats que la société Loire hygiène a conclu avec la société TCS des contrats de fourniture et maintenance d'un système de téléphonie composé de divers matériels et financé par un contrat de location conclu avec la société Locam, et qu'elle a conclu avec la société ICS un contrat de service pour des lignes téléphoniques.
Ces contrats sont tous conclus le même jour, dans les locaux de la société Loire hygiène et comportent la même signature sous la dénomination « vendeur », de sorte que les sociétés TCS et ICS avaient le même représentant signataire des contrats.
Ces contrats concourent à la même opération de téléphonie, consistant en la fourniture du matériel, sa maintenance, la fourniture des lignes, et enfin la location financière du matériel. Ainsi, les contrats sont manifestement interdépendants et il convient de confirmer le jugement de ce chef.
Les contrats ayant été conclus le 15 février 2016, les dispositions du code de la consommation alors en vigueur étaient celles issues de la loi du 17 mars 2014 et antérieures à celles issues de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016.
Selon l'article L. 121-16-1, III, du code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 et antérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, « Les sous-sections 2, 3, 6 et 7, applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq. »
Ce texte s'applique aux personnes physiques comme aux personnes morales. En effet, l'article 2 de la directive 2011/83/UE du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs, dont procède l'article L. 121-16-1, III, précité, définit le professionnel comme étant toute personne physique ou morale […] qui agit […] aux fins qui entrent dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale […]. Le considérant 13 de cette même directive indique par ailleurs que Les Etats membres peuvent décider d'étendre l'application des règles de la présente directive à des personnes morales ou physiques qui ne sont pas des consommateurs au sens de la présente directive, comme les […] petites et moyennes entreprises. Interprété à la lumière de la directive précitée, l'article L. 121-16-1, III, apparaît donc applicable aux professionnels ayant la personnalité morale.
La société Loire hygiène peut donc valablement invoquer ce texte en qualité de professionnel, peu important qu'elle soit une personne morale.
La société Locam fait valoir que les services financiers sont exclus du champ d'application des dispositions relatives aux contrats conclus hors établissements, conformément à l'article L. 121-16-1, 4° du code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi du 17 mars 2014.
Toutefois, si le code de la consommation n'apporte pas de définition précise de ce qui doit être considéré comme étant un contrat portant sur un service financier, la directive 2011/83/UE du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs, transposée en droit interne par la loi n°2014-344 du 17 mars 2014, indique, à l'article 2, 12), qu'il faut entendre par « service financier », tout service ayant trait à la banque, au crédit, à l'assurance, aux pensions individuelles, aux investissements ou aux paiements.
Or, aux termes du contrat de location en cause, la société Locam est propriétaire du matériel qu'elle donne en location à la société Loire hygiène ; à l'issue du contrat, le locataire ne peut que restituer le matériel (article 15 du contrat de location).
Il en résulte que le contrat de location ne constitue aucunement une opération de crédit au sens du code monétaire et financier, ni un service financier au sens du code de la consommation, mais une simple location de biens meubles au sens de l'article 1713 du code civil.
Le fait que l'article L. 311-2, 6°, du code monétaire et financier permette à des établissements de crédit d'effectuer des opérations connexes à leur activité, parmi lesquelles la location simple de biens mobiliers pour les établissements habilités à effectuer des opérations de crédit-bail, ne signifie pas pour autant que les dispositions du code de la consommation relatives aux contrats conclus hors établissement ne s'appliquent pas lorsqu'un tel contrat est conclu dans ces conditions.
En effet, l'article L. 311-2 se borne à définir, de façon exhaustive, les 'opérations connexes’que les établissements de crédit sont autorisés à réaliser sans bénéficier du monopole bancaire. Il ne s'en déduit pas que l'établissement de crédit peut s'affranchir des règles qui peuvent par ailleurs s'appliquer au titre du code de la consommation, en particulier s'agissant de règles d'ordre public.
De même, les dispositions du code monétaire et financier relatives au démarchage bancaire ou financier ne permettent pas de soustraire le contrat de location aux dispositions du code de la consommation, dès lors que l'article L. 341-2, 7°, du code monétaire et financier exclut expressément des règles du démarchage bancaire et financier, les contrats de financement de location aux personnes physiques ou morales.
Le contrat de location conclu avec la société Locam relève donc du champ d'application des dispositions relatives aux contrats conclus hors établissement.
Enfin, les sociétés TCS et ICS font valoir que les contrats en cause entreraient dans l'exclusion prévue à l'article L. 221-2, 11°, du code de la consommation selon lequel sont exclus du champ d'application des dispositions relatives aux contrats conclus hors établissement, « les contrats conclus avec des opérateurs de télécommunications pour l'utilisation des cabines téléphoniques publiques ou aux fins d'une connexion unique par téléphone, internet ou télécopie, notamment les services et produits à valeur ajoutée accessibles par voie téléphonique ou par message textuel ».
Dans sa version en vigueur au jour de la signature des contrats litigieux, il s'agit de l'article L. 121-16-1, 11°, du code de la consommation (version antérieure à l'ordonnance du 14 mars 2016), mais le texte est identique.
Or, la prestation souscrite auprès de la société ICS étant un abonnement téléphonique, c'est par de justes motifs que la cour adopte, que le tribunal a relevé que les prestations fournies par les sociétés TCS et ICS ne peuvent pas être assimilées à une connexion unique. Il convient donc également d'écarter ce moyen.
Les dispositions du code de la consommation relatives aux contrats conclus hors établissement peuvent ainsi être invoquées par la société Loire hygiène.
A l'évidence, la fourniture, la maintenance et la location d'un matériel de téléphonie avec abonnement téléphonique n'entrent pas dans le champ de son activité principale de prestation de services de dératisation, désinsectisation, désinfection et traitements anti-nuisibles, achat et vente de tous produits anti-parasitaires, au sens de l'article L. 121-16-1 précité.
De plus, la société Loire hygiène justifie (ses pièces n° 2 et 2-1) n'avoir eu que trois salariés au cours de l'année 2016, lors de la souscription du contrat litigieux.
L'ensemble des critères posés par l'article L. 121-16-1 précité sont donc remplis. Il appartenait ainsi aux sociétés TCS, ICS et Locam de respecter les dispositions relatives aux contrats conclus hors établissement, s'agissant notamment de l'information relative au droit de rétractation, en application de l'article L. 121-17 du code de la consommation (dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016).
Or, comme l'a justement retenu le tribunal, les contrats ne comportent pas d'information relative au droit de rétractation ni de formulaire de rétractation, de sorte que le délai de quatorze jours s'est trouvé prolongé de douze mois supplémentaires, conformément à l'article L. 121-21-1 du code de la consommation (dans sa version antérieure à l'ordonnance du 14 mars 2016).
En conséquence, la rétractation de la société Loire hygiène, exercée par lettre recommandée adressée le 7 février 2017 aux sociétés Locam et ICS est valable. Il est sans effet que la société Loire Hygiène n'ait pas également adressé sa rétractation à la société TCS le 7 février 2017 (ce qu'elle a fait par lettre du 5 avril suivant), dès lors que la société Locam était devenue propriétaire du matériel fourni par la société TCS et que le contrat de maintenance conclu avec cette dernière est l'accessoire du contrat de location de matériel et se trouve donc caduc par voie de conséquence.
L'anéantissement des contrats à leur date de signature entraîne la restitution des sommes versées par la société Loire hygiène et il convient d'adopter les motifs du jugement sur ce point, de même que le rejet de la demande en paiement au titre des loyers formée par la société Locam.
Il en résulte que le jugement sera confirmé dans l'intégralité de ses dispositions.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
La société Locam succombant principalement, elle sera condamnée aux dépens d'appel.
En application de l'article 700 du code de procédure civile, les sociétés Locam, TCS et ICS seront condamnées in solidum à payer à la société Loire hygiène la somme de 1.500 euros.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement et contradictoirement, dans les limites de l'appel,
Confirme le jugement déféré, en toutes ses dispositions critiquées ;
Y ajoutant,
Condamne la société Location Automobiles Matériels - LOCAM aux dépens d'appel ;
Condamne la société Location Automobiles Matériels - LOCAM, la société TCS et la société ICS in solidum à payer à la société Loire hygiène la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE