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CA LYON (1re ch. civ. A), 30 janvier 2025

Nature : Décision
Titre : CA LYON (1re ch. civ. A), 30 janvier 2025
Pays : France
Juridiction : Lyon (CA), 1er ch. civ.
Demande : 21/00561
Date : 30/01/2025
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 22/01/2021
Décision antérieure : TJ Saint-Étienne (4e ch.), 20 octobre 2020 : RG n° 1117001383
Décision antérieure :
  • TJ Saint-Étienne (4e ch.), 20 octobre 2020 : RG n° 1117001383
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CERCLAB - DOCUMENT N° 23563

CA LYON (1re ch. civ. A), 30 janvier 2025 : RG n° 21/00561 

Publication : Judilibre

 

Extraits : 1/ « Les époux X. versent aux débats leur exemplaire de ce contrat qui n'est pas renseigné et comporte un « formulaire de renonciation » visant improprement les articles L. 121-23 à L. 121-26 du code de la consommation, rédigé dans les termes reproduits par le premier juge et qui, ainsi qu'il l'a constaté par des motifs pertinents que la cour adopte, n'est pas conforme dans sa rédaction et dans son contenu au modèle imposé par le code de la consommation (articles L. 121-17 et R. 121-1 et son annexe, du même code). En conséquence, le contrat est nul par application de l'article L. 121-18-1 de la consommation en vigueur à la date du contrat, comme l'a constaté le tribunal.

La nullité encourue par le professionnel en cas de méconnaissance des obligations d'information précontractuelle ou contractuelle prévues par le code de la consommation, s'agissant des contrats conclus à la suite d'un démarchage, est relative. Il est donc possible d'y renoncer. Cependant, la confirmation d'un acte nul par un consommateur ne peut être constatée que dès lors que deux critères cumulatifs sont réunis, à savoir une exécution volontaire, en connaissance de cause de la nullité c'est-à-dire avec l'intention de la couvrir, une renonciation ne pouvant être équivoque (Civ. 1ère, 15 juin 2022, n° 20-22 458).

Le jugement mérite confirmation, par adoption de motifs, en ce qu'il a retenu que la connaissance des vices affectant le contrat par M. X. n'était pas démontrée et que dans ces conditions celui-ci n'a pas manifesté une volonté non équivoque de le confirmer.

Il mérite également confirmation par adoption de motifs en ce qu'il a jugé que l'annulation du contrat principal entraîne de plein droit celle du contrat de crédit accessoire en application de l'article L. 311-32 du code de la consommation alors en vigueur (Civ.1ère, 6 février 2019, n°17-27513). »

2/ « En conséquence de l'annulation des contrats, les parties au contrat de crédit sont rétablies dans leur état antérieur ; ainsi la résolution du prêt consécutive à celle de la vente entraîne la restitution des prestations réciproques effectuées (Cass. 1re civ., 2 mai 1989, pourvoi n° 87-18.059 ; Cass. 1re civ., 6 avril 2016, pourvoi n° 15-16.448). Les emprunteurs peuvent toutefois éviter une telle restitution s'ils parviennent à démontrer que le prêteur a commis une faute en libérant les fonds, laquelle leur permet d'obtenir des dommages et intérêts venant se compenser avec le capital emprunté, l'absence de restitution du capital n'étant plus automatiquement encourue en cas de faute de la banque (Civ. 1ère 25 novembre 2020, pourvoi n°19-14908). La faute du prêteur peut prendre deux formes : un défaut de vérification de l'exécution complète du contrat principal ou un défaut de vérification de la régularité formelle de ce contrat. »

3/ « L'attestation du 5 mai 2016 est de nature à identifier l'opération financée, peu important qu'elle ne soit signée que de l'un des co-emprunteurs solidaires (Civ.1, 4 juillet 2019, pourvoi n° 18-10.792), et propre à caractériser l'exécution complète du contrat principal. En effet, il résulte sans ambiguïté de la page 2 du bon de commande que la mise en service et le raccordement de l'installation sont à effectuer par ERDF, M. X. n'ayant pas coché la case relative à la prise en charge par le vendeur du raccordement ERDF et ayant apposé sa signature en bas de page sous la mention « mise en service et raccordement par ERDF ».

Ainsi que l'a relevé le premier juge, il n'était pas contractuellement prévu que la société Watt intervienne sur l'installation photovoltaïque antérieure dont il n'est nullement fait état sur le bon de commande, la pièce numéro 4 des appelants qui émane de la société Watt et évoque la mise en conformité de l'installation n°1 n'étant pas datée, ni signée se trouvant de ce fait dépourvue de valeur probante et ne pouvant valoir engagement contractuel de l'installateur. L'attestation de garantie de production dont se prévalent les appelants pour affirmer que l'autofinancement de l'installation leur avait été promis (leur pièce 5), datée du 11 avril 2016 est postérieure au bon de commande, n'est pas signée et ne peut être considérée comme un engagement contractuel du vendeur dont le prêteur aurait pu avoir connaissance.

Enfin, il ne peut être retenu à faute pour la société prêteuse de ne s'être pas assurée que les « démarches administratives (mairie, consuel, ERDF) »figurant au bon de commande et indiquées comme étant offertes par la société Watt avaient été effectuées dans la mesure où M. X. a, dans l'attestation du 5 mai 2016, expressément indiqué que les prestations promises avaient été réalisées.

S'agissant de la régularité formelle du contrat, l'absence de bordereau de rétractation conforme aux dispositions du code de la consommation régissant le démarchage à domicile ne pouvait qu'être constatée par la société prêteuse, professionnelle du crédit. La faute de la banque qui a accordé un financement puis débloqué les fonds sur le fondement d'un contrat de vente affecté de nullité est en conséquence caractérisée. »

4/ « Le prêteur qui a versé les fonds sans s'être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution, peut être privé en tout ou partie de sa créance de restitution, dès lors que l'emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute (Civ. 1ère, 25 novembre 2020, déjà cité). Dans les 63 pages de leurs conclusions, les appelants réclament la privation de la banque de sa créance de restitution en raison des fautes commises par elle, mais ne justifient ni même n'allèguent d'un préjudice autre que moral. De plus, ainsi que le fait observer la banque, il n'est ni justifié, ni même allégué par les époux X. que l'installation ne fonctionnerait pas (Civ.1, 22 janvier 2020, pourvoi n° 18-17.836). En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a fait droit à la demande en paiement formé par la société Cofidis, qui est justifiée par son décompte, étant observé que le contrat étant nul, seul le principal prêté doit être remboursé, conjointement. Les intérêts au taux légal courront à compter du 10 janvier 2018 date de la mise en demeure, la décision critiquée étant infirmée du seul chef du point de départ des intérêts.

En réparation du préjudice moral qu'a occasionnée aux époux X. la faute de la banque consistant dans le financement d'un contrat de vente formellement irrégulier, qui les a contraints à engager de nombreuses démarches et à supporter une longue procédure et l'incertitude quant à son dénouement, il leur sera alloué la somme de 4.000 euros, la cour ordonnant d'office la compensation des créances réciproques des parties.

Par suite de l'annulation du contrat de prêt, plus aucun incident survenu dans le cadre d'un contrat de crédit ne peut être reproché aux époux X. Il y a donc lieu, la cour réformant la décision de première instance sur ce point, d'enjoindre à la banque de solliciter la radiation des époux X. du Fichier des Incidents de remboursement des Crédits aux Particuliers dans le mois suivant la signification du présent arrêt. Cette injonction ne sera pas assortie d'une astreinte, aucun élément ne tendant à démontrer que la banque pourrait ne pas l'exécuter. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE LYON

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE A

ARRÊT DU 30 JANVIER 2025

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

N° RG 21/00561 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NLSM. Décision du Tribunal Judiciaire de Saint-Étienne, Au fond, du 20 octobre 2020 (4ème chambre) : RG : 1117001383.

 

APPELANTS :

M. X.

né le [date] à [Localité 7], [Adresse 2], [Localité 1], Représenté par la SELAS KT AVOCAT, avocat au barreau de LYON, toque : 1132

Mme X.

née le [date] à [Localité 9], [Adresse 2], [Localité 1], Représentée par la SELAS KT AVOCAT, avocat au barreau de LYON, toque : 1132

 

INTIMÉES :

SA COFIDIS

[Adresse 8], [Localité 3], Représentée par la SELARL LIGIER & DE MAUROY, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 1983 Et ayant pour avocat plaidant la SELARL HKH AVOCATS, avocat au barreau de LILLE

SARL WATT TECHNICAL SERVICES

[Adresse 5], [Localité 4], Non constituée

 

Date de clôture de l'instruction : 9 novembre 2021

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 16 février 2023

Date de mise à disposition : 17 mai 2023 prorogé au 19 octobre 2023, 21 décembre 2023, 29 février 2024, 4 juillet 2024, 31 octobre 2024, 28 novembre 2024 et 30 janvier 2025 les avocats dûment avisés conformément à l'article 450 dernier alinéa du code de procédure civile

Audience tenue par Anne WYON, président, et Julien SEITZ, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré, assistés pendant les débats de Séverine POLANO, greffier

Composition de la Cour lors du délibéré : - Anne WYON, président, - Julien SEITZ, conseiller, - Raphaële FAIVRE, vice-présidente placée

Arrêt par défaut rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, Signé par Anne WYON, président, et par Séverine POLANO, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Suivant bon de commande du 6 avril 2016, M. X. a acquis auprès de la société Watt Technical Services (société Watt) un système photovoltaïque et un ballon thermo-dynamique au prix de 22.900 euros financé par un prêt dont l'offre a été souscrite le même jour auprès de la société Cofidis par les époux X.

Par acte d'huissier de justice du 11 octobre 2017, M. X. et Mme Y. son épouse (les époux X.) ont saisi le tribunal de Saint-Etienne afin :

1 - à titre liminaire : d'ordonner à la société COFIDIS la production de diverses pièces, à savoir l'accréditation nominative du rédacteur du contrat de crédit, la convention avec l'intermédiaire de crédit, une copie de la garantie décennale de l'installateur indispensable au décaissement des fonds, la facture de l'installation photovoltaïque, la déclaration attestant l'achèvement et Ia conformité des travaux par l'entreprise et qui a dû être adressée à la commune, une copie certifiée conforme à l'original de l'attestation de fin de travaux sur la base de laquelle les fonds ont été décaissés ;

2 - à titre principal :

- d'annuler les contrats signés le 0 avril 2016 pour violation des dispositions d'ordre public du code de la consommation ;

- de rejeter les demandes en paiement formées par le prêteur qui a commis des fautes les privant du droit au remboursement du capital emprunté ;

- de condamner la société Cofidis à leur restituer les sommes perçues du montant arrêté dans le délai d'un mois suivant Ia signification du jugement et sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de |'expiration du délai ;

- d'ordonner à la société Cofidis de procéder à la radiation de leur inscription au FICP dans un délai de 15 jours suivant Ia signification du jugement à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard à l'expiration dudit délai ;

- de condamner la société Cofidis à leur verser la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en application des articles 1382 et suivants du code civil en réparation des moyens délictueux employés ;

- de condamner la société Cofidis à leur verser Ia somme de 3.000 euros sur le fondement de |'article 700 du code de procédure civile, à supporter les dépens dont distraction au droit de la Selarl VJA Avocats ;

- d'ordonner l'exécution provisoire de la décision, à tout le moins concernant la radiation de l'inscription des demandeurs au FICP.

Par jugement du 20 octobre 2020, le tribunal judiciaire de Saint-Étienne a :

- rejeté la demande de communication de pièces formée par les époux X. ;

- annulé le contrat souscrit entre la SARL Watt Technical Services et les époux X. suivant bon de commande numéro 1869 signé le 6 avril 2016 ;

- constaté l'annulation de plein droit du contrat de crédit en date du 6 avril 2016 signé par M. et Mme X., accordé par la société Cofidis, en financement du bon de commande numéro 1869 du 6 avril 2016 ;

- condamné M. et Mme X. à verser à la société Cofidis la somme de 22.900 euros, avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;

- condamné chaque partie à supporter les dépens par elle exposés ;

- ordonné l'exécution provisoire ;

- rejeté pour le surplus Ies demandes des parties.

Par déclaration du 22 janvier 2021, les époux X. ont relevé appel de cette décision, le limitant aux dispositions suivantes :

- rejet de leur demande de communication de pièces,

- condamnation de M. et Mme X. à payer à la société Cofidis la somme de 22.900 euros outre intérêts,

- condamnation à supporter les dépens qu'ils ont exposés

- rejet du surplus de leurs demandes.

[*]

Par conclusions récapitulatives déposées au greffe le 22 octobre 2021, M. et Mme X. demandent à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a annulé le contrat conclu entre la SARL Watt Technical services et M. et Mme X. et constaté l'annulation de plein droit du contrat de crédit conclu entre M. et Mme X. et la société Cofidis le 6 avril 2016,

- l'infirmer en ce qu'il a rejeté leur demande de communication de pièces, les a condamnés à verser à la société Cofidis la somme de 22'200 euros, a condamné chaque partie à supporter les dépens qu'elle a exposés et a rejeté pour le surplus les demandes des parties,

En conséquence,

- prononcer la recevabilité et le bien-fondé de leur appel partiel ;

- ordonner à Cofidis la production des pièces sur le fondement de l'article 138 du code de procédure civile ;

- faire sommation à la société Cofidis, sur le fondement des dispositions des articles 138 et suivants du code de procédure civile, de produire aux débats :

- l'accréditation nominative du rédacteur du contrat de crédit,

- la convention avec son intermédiaire de crédit,

- une copie de la garantie décennale de l'installateur indispensable au décaissement des fonds,

- la facture de l'installation photovoltaïque,

- la déclaration attestant l'achèvement et Ia conformité des travaux par l'entreprise et qui a dû étre adressée à la commune ;

- une copie certifiée conforme à l'original de l'attestation de fin de travaux sur la base de laquelle les fonds ont été décaissés ;

- faire sommation à la société WTS, sur le fondement des dispositions des articles 138 et suivants du code de procédure civile, de produire aux débats le document justifiant de son inscription auprès de l'ORIAS en vertu du mandat délivré par la banque Cofidis

- condamner Cofidis à la privation du droit à la restitution du capital prêté compte tenu des fautes réalisées ;

- débouter Cofidis de toute demande financière à l'encontre des époux X. ;

- condamner Cofidis à restituer les sommes perçues du montant arrêté dans le délai de un mois suivant la signification du jugement à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard à l'expiration dudit délai ;

- ordonner à Cofidis de procéder à la radiation de l'inscription au FICP dans le délai de 15 jours suivant la signification du « jugement » à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard à l'expiration dudit délai ;

En tout état de cause :

- condamner Cofidis à verser aux époux X. la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 1382 ancien du code civil en réparation du préjudice moral ;

- condamner Cofidis à verser aux époux X. la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens avec recouvrement direct au profit de VJA Avocats ;

- prononcer l'absence de ratification de la nullité ;

- débouter la société Cofidis de sa demande de paiement de la somme de 27.425,85 euros au taux contractuel de 5,68 % l'an à compter des mises en demeure du 10 janvier 2018, en ce qu'elle demande uniquement « infirmation du jugement dont appel en ce qu'il a prononcé la nullité des conventions » ;

- débouter la société Cofidis de sa demande de remboursement d'une partie du capital ;

- débouter la société Cofidis de sa demande de paiement de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que de sa demande liée à sa demande (sic) de condamnation aux entiers dépens.

Les époux X. font essentiellement valoir en réponse à l'irrecevabilité soulevée par l'intimée que la société Watt a fait l'objet d'une radiation d'office du RCS et non d'une procédure collective, qu'il n'a pas été mis fin aux fonctions de son gérant et que leur demande est recevable.

Ils soutiennent qu'en ne produisant pas les documents qu'ils réclament, la banque démontre son manque de vigilance voire une négligence fautive.

Ils se prévalent des fautes commises par la banque, et en déduisent que celle-ci doit être privée de son droit à restitution du capital prêté, à savoir :

- elle ne pouvait ignorer que l'autofinancement n'était pas possible,

- l'augmentation de la puissance de production (les époux X. étant déjà dotés d'une première installation photovoltaïque à laquelle il convenait de raccorder la seconde) et le raccordement ERDF devaient être assurés par la société Watt et la banque aurait dû vérifier la réalisation de ces prestations avant de libérer les fonds,

- l'autorisation d'urbanisme pour les travaux n'a pas été sollicitée auprès de la mairie et la déclaration d'achèvement et de conformité ne lui a pas été adressée, ce qui justifie en outre la résolution judiciaire des contrats en application de l'article 1184 ancien du code civil,

- la banque a décaissé les fonds au vu d'une simple copie du certificat de livraison valant attestation de fin de travaux, au surplus signée par M. X. et non par Mme X.,

Ils reprochent à la banque de n'avoir pas vérifié l'exécution complète du contrat.

Ils font également valoir que le bon de commande ne contient pas toutes les mentions obligatoires et notamment la date de livraison et la pose du matériel vendu, la fin des travaux comprenant le raccordement au réseau public, les mentions relatives au crédit (1ère échéance, nombre de mensualités, leur montant, le TEG, le taux fixe), le prix unitaire TTC du matériel fourni, le prix total de matériel fourni, la quantité du matériel fourni (nombre de panneaux photovoltaïques), le formulaire type de rétractation. Ils ajoutent que les conditions générales de vente sont illisibles et que la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation (art. L111-1 du code de la consommation) n'est pas mentionnée et que ces fautes privent également la banque du droit à restitution du capital prêté, ainsi que l'absence de facture émise par l'installateur et l'absence de preuve de souscription d'une assurance garantissant sa responsabilité décennale par la société Watt.

Ils stigmatisent encore l'absence de production de l'attestation de capacité du démarcheur et le défaut d'autorisation d'urbanisme et déclare que la banque aurait dû disposer de ces documents avant de décaisser les fonds.

Enfin, ils font observer que M. X. a seul signé un certificat de livraison le 25 avril 2016 et un autre le 5 mai suivant, alors que l'installation n'était pas raccordée au réseau public et que la remise des fonds par la banque dans ces conditions est fautive.

Ils indiquent qu'ils n'avaient pas connaissance de la multitude de vices affectant les contrats de vente et de crédit et qu'ils n'ont pas confirmé les actes nuls.

[*]

Par conclusions déposées au greffe le 25 mai 2021, la société Cofidis forme appel incident et demande à la cour d'infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a prononcé la nullité des conventions et, statuant à nouveau, de :

Déclarer M. et Mme X. irrecevables et subsidiairement mal fondés en leur demande, fins et conclusions et les en débouter,

La dire et juger recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions,

Y faisant droit, condamner solidairement M. et Mme X. à lui payer la somme de 27.085,85 euros au taux contractuel de 5, 68 % l'an, à compter des mises en demeure du 10 janvier 2018,

À titre subsidiaire :

Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné solidairement les emprunteurs au remboursement du capital d'un montant de 22.900 euros en l'absence de faute de la société Cofidis et en l'absence de préjudice et de lien de causalité,

A titre infiniment subsidiaire :

Condamner solidairement M. et Mme X. à lui rembourser une partie du capital dont le montant sera fixé souverainement par la juridiction,

En tout état de cause :

Condamner solidairement M. et Mme X. à lui payer une indemnité d'un montant de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner solidairement M. et Mme X. aux entiers dépens.

La société Cofidis soulève l'irrecevabilité des demandes adverses faute de désignation d'un mandataire ad hoc pour la société Watt, et s'oppose à la demande de communication de pièces au motif qu'aucun texte ne l'oblige à détenir pareils documents.

Sur le fond, elle fait valoir que le bon de commande est conforme aux dispositions applicables en ce qu'il précise les caractéristiques essentielles du matériel, que les emprunteurs ne démontrent pas le caractère déterminant de leur consentement des prétendues carences du bon de commande, rappelle que le délai de livraison et (d') installation stipulé est de 90 jours et que le prix unitaire de chaque composant de la commande n'a pas à figurer sur le bon de commande. Elle relève que le bon de commande versé aux débats par les emprunteurs n'est pas renseigné et qu'ils l'ont manifestement signé en blanc, engageant ainsi leur responsabilité.

Elle fait observer qu'en acceptant la livraison et signant l'attestation de livraison sans réserve, les emprunteurs ont exécuté volontairement le contrat et confirmé celui-ci.

Elle affirme que les emprunteurs ne rapportent pas la preuve du dol qu'ils invoquent, que le raccordement de l'installation n'est pas contractuellement mis à la charge du vendeur et que la promesse d'un autofinancement de l'installation n'est pas établie, de même que le manque de rendement allégué.

Elle ajoute que la demande de résolution du contrat est aussi irrecevable que les demandes formées pour dol et sur le fondement du code de la consommation dans la mesure où la société demanderesse n'est pas représentée

Elle précise que l'absence des autorisations administratives est régularisable.

Elle en déduit que la preuve d'un préjudice de nature à entraîner la résolution judiciaire des conventions n'est pas rapportée.

A défaut de la condamnation des appelants à lui rembourser la totalité de la somme due, elle sollicite à titre subsidiaire le remboursement du capital emprunté en contestant avoir commis des fautes. Elle soutient qu'elle n'avait pas à vérifier la mise en service de l'installation, se préoccuper de l'obtention des autorisations administratives, rappelle que le raccordement de l'installation devait être effectué par ERDF et que l'attestation de livraison et d'installation indique suivant mention manuscrite que les marchandises ont été livrées et que les travaux et prestations ont été réalisés. Elle indique que si les emprunteurs prétendent que le matériel ne fonctionne pas, il leur appartient d'en rapporter la preuve.

Sur les nullités alléguées du bon de commande, elle affirme qu'en l'absence de mandataire ad hoc représentant la société Watt sa nullité ne peut être prononcée. Subsidiairement, elle soutient qu'elle ne pouvait déceler aisément ses potentielles irrégularités. Enfin, elle relève qu'aucun dysfonctionnement du matériel n'est établi et qu'en conséquence aucun préjudice n'est établi. À titre subsidiaire elle réclame le remboursement d'une partie du capital.

***

M. et Mme X. ont fait signifier leur déclaration d'appel à la société Watt par acte d'huissier de justice du 4 mars 2021 délivré en application de l'article 659 du code de procédure civile, auquel était joints une assignation devant la cour et leurs conclusions.

[*]

Par acte d'huissier de justice du 16 juin 2021 transformé en procès-verbal de recherches infructueuses, la société Cofidis a fait signifier à la société Watt la déclaration d'appel des époux X. et ses conclusions déposées au greffe le 25 mai 2021, lui délivrant assignation à comparaître devant la cour.

[*]

Il convient de se référer aux écritures des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 novembre 2021.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIVATION :

A titre liminaire, la cour constate que la radiation d'office du registre du commerce et des sociétés dont a fait l'objet la société Watt n'a pas mis fin aux fonctions de son gérant et ne l'a pas privé de son pouvoir de représenter ladite société. Or, celle-ci est dans la procédure puisque les époux X. l'ont intimée dans leur déclaration d'appel et lui ont fait signifier les actes de la procédure, de même que la société Cofidis.

En application de l'article 474 alinéa 2 du code de procédure civile, le présent arrêt sera rendu par défaut, la société Watt n'ayant pas été citée à personne.

 

Sur la communication de pièces :

Les époux X. ne démontrent pas en quoi la communication des pièces qu'ils réclament est indispensable à la résolution du litige. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté leur demande sur ce point.

 

Sur l'annulation des contrats :

La cour précise que les moyens développés par les appelants et relatifs à la résolution des contrats sont inopérants, celle-ci n'ayant pas été sollicitée devant le juge du fond ainsi qu'il l'a rappelé dans sa décision, et pas davantage en appel.

Les époux X. ont conclu avec la société Watt un contrat d'équipement numéro 1869 le 6 avril 2016 à [Localité 6], lieu de leur domicile. Il s'agit donc d'un contrat conclu hors établissement, le siège social de la société Watt se trouvant à [Localité 10], alors défini par l'article L. 121-16 du code de la consommation dans sa version antérieure à l'ordonnance du 14 mars 2016, applicable à l'espèce.

Les époux X. versent aux débats leur exemplaire de ce contrat qui n'est pas renseigné et comporte un « formulaire de renonciation » visant improprement les articles L. 121-23 à L. 121-26 du code de la consommation, rédigé dans les termes reproduits par le premier juge et qui, ainsi qu'il l'a constaté par des motifs pertinents que la cour adopte, n'est pas conforme dans sa rédaction et dans son contenu au modèle imposé par le code de la consommation (articles L. 121-17 et R. 121-1 et son annexe, du même code). En conséquence, le contrat est nul par application de l'article L. 121-18-1 de la consommation en vigueur à la date du contrat, comme l'a constaté le tribunal.

La nullité encourue par le professionnel en cas de méconnaissance des obligations d'information précontractuelle ou contractuelle prévues par le code de la consommation, s'agissant des contrats conclus à la suite d'un démarchage, est relative. Il est donc possible d'y renoncer. Cependant, la confirmation d'un acte nul par un consommateur ne peut être constatée que dès lors que deux critères cumulatifs sont réunis, à savoir une exécution volontaire, en connaissance de cause de la nullité c'est-à-dire avec l'intention de la couvrir, une renonciation ne pouvant être équivoque (Civ. 1ère, 15 juin 2022, n° 20-22 458).

Le jugement mérite confirmation, par adoption de motifs, en ce qu'il a retenu que la connaissance des vices affectant le contrat par M. X. n'était pas démontrée et que dans ces conditions celui-ci n'a pas manifesté une volonté non équivoque de le confirmer.

Il mérite également confirmation par adoption de motifs en ce qu'il a jugé que l'annulation du contrat principal entraîne de plein droit celle du contrat de crédit accessoire en application de l'article L 311-32 du code de la consommation alors en vigueur (Civ.1ère, 6 février 2019, n°17-27513).

 

Sur les conséquences de l'annulation des contrats :

Sur la faute de la banque :

En conséquence de l'annulation des contrats, les parties au contrat de crédit sont rétablies dans leur état antérieur ; ainsi la résolution du prêt consécutive à celle de la vente entraîne la restitution des prestations réciproques effectuées (Cass. 1re civ., 2 mai 1989, pourvoi n° 87-18.059 ; Cass. 1re civ., 6 avril 2016, pourvoi n° 15-16.448).

Les emprunteurs peuvent toutefois éviter une telle restitution s'ils parviennent à démontrer que le prêteur a commis une faute en libérant les fonds, laquelle leur permet d'obtenir des dommages et intérêts venant se compenser avec le capital emprunté, l'absence de restitution du capital n'étant plus automatiquement encourue en cas de faute de la banque (Civ. 1ère 25 novembre 2020, pourvoi n°19-14908).

La faute du prêteur peut prendre deux formes : un défaut de vérification de l'exécution complète du contrat principal ou un défaut de vérification de la régularité formelle de ce contrat.

L'article L. 312-48 du code de la consommation prévoit que les obligations de l'emprunteur ne prennent effet qu'à compter de la livraison du bien ou de la fourniture de la prestation. En conséquence, le prêteur doit s'enquérir de l'exécution complète du contrat principal et ne délivrer les fonds qu'après une telle exécution.

En l'espèce, M. X. a daté et signé deux attestations de livraison.

La première attestation, du 25 avril 2016 consiste dans un imprimé qu'il a renseigné pour attester que le bien ou la prestation objet de l'offre de crédit de 22.900 euros, a été livré ou exécuté conformément aux références portées sur l'offre, sur le bon de commande et/ou la facture, qu'il a disposé du délai de rétractation et demande à Cofidis le décaissement des fonds.

La seconde attestation de livraison et installation du 5 mai 2016 comporte les mêmes indications, l'emprunteur indiquant au surplus de sa main avoir obtenu et accepté sans réserve la livraison des marchandises et confirmé expressément que tous les travaux et prestations qui devaient être effectués à ce titre ont été pleinement réalisés. L'attestation renvoie au numéro du bon de commande1869.

L'attestation du 5 mai 2016 est de nature à identifier l'opération financée, peu important qu'elle ne soit signée que de l'un des co-emprunteurs solidaires (Civ.1, 4 juillet 2019, pourvoi n° 18-10.792), et propre à caractériser l'exécution complète du contrat principal.

En effet, il résulte sans ambiguïté de la page 2 du bon de commande que la mise en service et le raccordement de l'installation sont à effectuer par ERDF, M. X. n'ayant pas coché la case relative à la prise en charge par le vendeur du raccordement ERDF et ayant apposé sa signature en bas de page sous la mention « mise en service et raccordement par ERDF ».

Ainsi que l'a relevé le premier juge, il n'était pas contractuellement prévu que la société Watt intervienne sur l'installation photovoltaïque antérieure dont il n'est nullement fait état sur le bon de commande, la pièce numéro 4 des appelants qui émane de la société Watt et évoque la mise en conformité de l'installation n°1 n'étant pas datée, ni signée se trouvant de ce fait dépourvue de valeur probante et ne pouvant valoir engagement contractuel de l'installateur. L'attestation de garantie de production dont se prévalent les appelants pour affirmer que l'autofinancement de l'installation leur avait été promis (leur pièce 5), datée du 11 avril 2016 est postérieure au bon de commande, n'est pas signée et ne peut être considérée comme un engagement contractuel du vendeur dont le prêteur aurait pu avoir connaissance.

Enfin, il ne peut être retenu à faute pour la société prêteuse de ne s'être pas assurée que les « démarches administratives (mairie, consuel, ERDF) »figurant au bon de commande et indiquées comme étant offertes par la société Watt avaient été effectuées dans la mesure où M. X. a, dans l'attestation du 5 mai 2016, expressément indiqué que les prestations promises avaient été réalisées.

S'agissant de la régularité formelle du contrat, l'absence de bordereau de rétractation conforme aux dispositions du code de la consommation régissant le démarchage à domicile ne pouvait qu'être constatée par la société prêteuse, professionnelle du crédit. La faute de la banque qui a accordé un financement puis débloqué les fonds sur le fondement d'un contrat de vente affecté de nullité est en conséquence caractérisée.

 

Sur le préjudice des appelants :

Le prêteur qui a versé les fonds sans s'être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution, peut être privé en tout ou partie de sa créance de restitution, dès lors que l'emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute (Civ. 1ère, 25 novembre 2020, déjà cité).

Dans les 63 pages de leurs conclusions, les appelants réclament la privation de la banque de sa créance de restitution en raison des fautes commises par elle, mais ne justifient ni même n'allèguent d'un préjudice autre que moral.

De plus, ainsi que le fait observer la banque, il n'est ni justifié, ni même allégué par les époux X. que l'installation ne fonctionnerait pas (Civ. 1re, 22 janvier 2020, pourvoi n° 18-17.836).

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a fait droit à la demande en paiement formé par la société Cofidis, qui est justifiée par son décompte, étant observé que le contrat étant nul, seul le principal prêté doit être remboursé, conjointement. Les intérêts au taux légal courront à compter du 10 janvier 2018 date de la mise en demeure, la décision critiquée étant infirmée du seul chef du point de départ des intérêts.

En réparation du préjudice moral qu'a occasionnée aux époux X. la faute de la banque consistant dans le financement d'un contrat de vente formellement irrégulier, qui les a contraints à engager de nombreuses démarches et à supporter une longue procédure et l'incertitude quant à son dénouement, il leur sera alloué la somme de 4.000 euros, la cour ordonnant d'office la compensation des créances réciproques des parties.

Par suite de l'annulation du contrat de prêt, plus aucun incident survenu dans le cadre d'un contrat de crédit ne peut être reproché aux époux X. Il y a donc lieu, la cour réformant la décision de première instance sur ce point, d'enjoindre à la banque de solliciter la radiation des époux X. du Fichier des Incidents de remboursement des Crédits aux Particuliers dans le mois suivant la signification du présent arrêt. Cette injonction ne sera pas assortie d'une astreinte, aucun élément ne tendant à démontrer que la banque pourrait ne pas l'exécuter.

Les époux X. qui succombent en leur recours supporteront conjointement les dépens d'appel. L'équité ne commande pas de faire application en l'espèce de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une quelconque des parties.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par défaut et en dernier ressort :

Déclare recevables les demandes des époux X. ;

Infirme le jugement rendu entre les parties par le tribunal judiciaire de Saint-Étienne le 20 octobre 2020 en ce qu'il a :

- condamné M. X. et Mme Y. son épouse à payer conjointement à la société Cofidis le principal dû avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- rejeté leur demande afin qu'il soit enjoint à la banque de solliciter leur radiation du FICP,

Et, statuant à nouveau des chefs infirmés,

Dit que les intérêts au taux légal courront à compter du 10 janvier 2018, date de la mise en demeure ;

Enjoint à la société Cofidis de solliciter la radiation de M. X. et Mme Y. son épouse du FICP dans le mois de la signification du présent arrêt ;

Confirme le jugement critiqué sur le surplus ;

Y ajoutant,

Condamne la société Cofidis à payer à M. X. et Mme Y. son épouse la somme de 4000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral ;

D'office ordonne la compensation des créances réciproques des parties et dit que M. X. et Mme Y. son épouse sont redevables à l'égard de la société Cofidis de la somme totale de 18.900 euros outre intérêts ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne conjointement M.X. et Mme Y. son épouse aux dépens.

LE GREFFIER                                LE PRÉSIDENT