CA MONTPELLIER (ch. com.), 14 janvier 2025
- T. com. Montpellier, 22 février 2023 : RG n° 2022/006487
CERCLAB - DOCUMENT N° 23569
CA MONTPELLIER (ch. com.), 14 janvier 2025 : RG n° 23/01764
Publication : Judilibre
Extraits : 1/ « 4. En préambule, il sera fait observer aux parties : - En premier lieu, que l'impossibilité d'exercer le droit de rétractation de l'article L. 221-18 du code de la consommation ne signifie pas que le contrat ne serait pas soumis au droit de la consommation comme le soutient dans ses écritures la SARL Viséo Conseil ; en effet, ce n'est que par exceptions listées à l'article L. 221-28 du code de la consommation que le droit de rétractation ne peut être exercé alors même que le contrat serait soumis aux autres dispositions des contrats conclus à distance et hors établissement ; - En deuxième lieu, dès lors que le bon de commande est soumis au droit de la consommation, la location financière qui n'est qu'une modalité de financement du contrat principal encoure la nullité (ou la caducité) en raison d'une interdépendance avec ce bon de commande ; - En troisième lieu, que l'invocation de l'article L. 221-2, 4° est inopérant dès lors que la directive 2011/83/UE définit les services financiers, comme des services ayant trait à la banque, au crédit, à l'assurance, aux pensions individuelles, aux investissements ou aux paiements (chapitre 1er, article 2, paragraphe 12) et que le contrat de location, même financière, n'entre pas dans la catégorie de la notion de services financiers telle que définie par cette directive ;
45. Aux termes de l'article L. 221-3 du code de la consommation, […]. 6. L'article L. 221-28 du code de la consommation, également dans sa version en vigueur du 1er juillet 2016 au 28 mai 2022, dispose notamment que : « Le droit de rétractation ne peut être exercé pour les contrats : […] 3° De fourniture de biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés ; »
7. Il résulte des justificatifs fournis et des textes susmentionnés par l'appelante : - que la SAS Tendance Déco 94 emploie moins de cinq salariés et que le contrat litigieux a été conclu hors établissement au sens de l'article L. 221-1 du Code de la consommation ; - qu'il n'est pas discuté que cette société, qui exerce une activité de travaux de peinture et de vitrerie, a signé le contrat dans le cadre de son activité professionnelle afin de promouvoir celle-ci et que cette activité n'a pas de lien avec la création et la mise en ligne d'un site internet, sa mise à jour, son hébergement et son référencement ; que ces missions ne relèvent donc pas du champ de l'activité principale de la SAS Tendance Déco 94 ; - que le fait que le contrat comporte une mention selon laquelle le locataire « atteste que le contrat est en rapport direct avec son activité professionnelle et souscrit pour les besoins de cette dernière » est indifférent et ne saurait faire obstacle à l'application des dispositions protectrices du code de la consommation en vertu de l'article L. 242-3 du code de la consommation ;
- que le prestataire ne peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 221-28 3° du Code de la consommation excluant l'exercice du droit de rétractation en cas de « biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés » dès lors que le contrat comportait, outre la création du site internet, son hébergement, son référencement ainsi que le suivi de ce référencement, de sorte que le contrat n'avait pas pour seul objet la fourniture d'un bien au sens de ce texte. 8. Il est à relever de surcroît, comme le souligne l'appelante, qu'un modèle de bordereau de rétractation est annexé au contrat alors que la société Viséo Conseil qui dénie tout droit à rétractation devait, dans cette hypothèse, expressément le signifier à son cocontractant en vertu du 5°de l'article L. 221-5 du code de la consommation. 9. Ce texte prescrit, en effet, que lorsque le droit de rétractation ne peut être exercé en application de l'article L. 221-28, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, l'information selon laquelle, le consommateur ne bénéficie pas de ce droit ou, le cas échéant, les circonstances dans lesquelles le consommateur perd son droit de rétractation.
10. Le contrat est donc soumis aux dispositions de l'article L. 221-3 dans toutes ses composantes et, notamment la section 6 du chapitre relatif aux contrats conclus hors établissement, à savoir, le droit de rétractation, le tout, sans qu'il n'y ait lieu d'examiner les moyens surabondants relatifs à la soumission volontaire au droit de la consommation ou à la société créée de fait. »
2/ « 36. Le contrat conclu par la SAS Tendance Déco 94 avec la société Viséo Conseil ayant été annulé, c'est la caducité, et non la nullité, du contrat passé avec la société Locam qui doit donc être constatée compte tenu de la disparition d'un élément essentiel de ce dernier contrat, le tout, sans qu'il ne soit nécessaire de s'interroger sur la nature du contrat conclu avec la société Locam. »
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 14 JANVIER 2025
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 23/01764. N° Portalis DBVK-V-B7H-PYZL. Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 FEVRIER 2023, TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER : RG n° 2022/006487.
APPELANTE :
SAS TENDANCE DECO 94
représentée par son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 1], [Localité 6], Représentée par Maître Mandine CORTEY LOTZ de la SELARL CORTEY LOTZ & MARCHAL AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER substituée à l'audience par Maître Jérémy POUGET, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMÉES :
SAS LOCAM
prise en la personne de son représentant légal [Adresse 5], [Localité 3], Représentée par Maître Jeanne FOURNIER, avocat au barreau de MONTPELLIER
SARL VISEO CONSEIL
représentée par son gérant en exercice domicilié ès qualités au siège social [Adresse 4], [Adresse 4], [Localité 2], Représentée par Maître Olivier DUPUIS de la SARL OLIVIER DUPUIS, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 22 octobre 2024
COMPOSITION DE LA COUR : En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 novembre 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de : Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre, M. Thibault GRAFFIN, conseiller, M. Fabrice VETU, conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Sabine MICHEL
ARRÊT : - contradictoire - prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, initialement prévue au 17 décembre 2024 et prorogée au 14 janvier 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; - signé par Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre, et par Mme Audrey VALERO, greffière.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
Par contrat et bon de commande n°128 valant contrat de prestation de services web, en date du 29 juin 2021, la SAS Tendance Déco 94 a conclu un contrat de licence d'exploitation de son site internet www.tendance-deco94.com, déjà existant, avec la SARL Viséo Conseil, pour une durée de 48 mois, financé par un contrat de location financière souscrit auprès de la SAS Locam Automobiles Matériels le même jour, moyennant des mensualités de 402 euros et des frais de mise en service de 442 euros.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 17 septembre 2021, la société Tendance Déco 94 a notifié sa rétractation à la société Viséo Conseil et à la société Locam Automobiles Matériels au motif qu'elle n'a pas été informée lors de la conclusion du contrat de son droit de rétractation.
Par exploit du 18 mars 2022, la société Tendance Déco 94 a assigné les sociétés Viséo Conseil et Locam Automobiles Matériels aux fins d'obtenir l'anéantissement des contrats par l'effet de la rétractation à titre principal.
Par jugement contradictoire du 22 février 2023, le tribunal de commerce de Montpellier a :
Vu les articles 700 et 1420 du code de procédure civile, 1153 et 1163 du code civil, L. 221-3 et L. 221-4 de code de la consommation ;
- dit que la société Tendance Déco 94 est bien fondée à invoquer les dispositions protectrices visées par l'article L. 221-3 du code de la consommation ;
- dit que le contrat de la société Locam Automobiles Matériels ne peut être nul car il n'y a pas eu de rétractation de la part de la société Tendance Déco 94 auprès de la société Viséo Conseil dans les délais impartis ;
- débouté la société Tendance Déco 94 de l'ensemble de ses autres demandes et prétentions ;
- condamné la société Tendance Déco 94 à payer à la société Viséo Conseil la somme de 442,80 euros en paiement de la facture n°FAC2020210, assortie des intérêts au taux légal à compter du 28 août 2021 ;
- condamné la société Tendance Déco 94 à verser à la société Locam Automobiles Matériels la somme de 21'225 euros avec intérêts au taux légal à compter du 18 novembre 2021 ;
- ordonné la capitalisation des intérêts en vertu de l'article 1343-2 du code civil ;
- débouté la société Viséo Conseil de sa demande se condamnation de la société Tendance Déco 94 à une amende civile au titre de la procédure abusive en vertu de l'article 32-1 du code de procédure civile ;
- ordonné l'exécution provisoire ;
- et condamné la société Tendance déco 94 à payer la somme de 1.000 euros à la société Viséo Conseil et à la société Locam Automobiles Matériels au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens
Par déclaration du 4 avril 2023, la société Tendance Déco 94 relevé appel de ce jugement.
Par requête du 1er août 2023, la société Locam Automobiles Matériels a sollicité la radiation de l'affaire sur le fondement de l'article 524 du code de procédure civile et réclamé la condamnation de la société Tendance Déco 94 à lui verser la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 de ce même code.
Par conclusions du 6 février 2024, exposant que l'exécution du jugement est intervenue par le biais d'une saisie-attribution acceptée, la société Locam Automobiles Matériels a sollicité que soit constaté son désistement de l'incident de radiation et que la demande de la société Tendance Déco 94 sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile soit rejetée.
Entre-temps, par conclusions d'incident du 1er février 2024, la société Viséo Conseil a sollicité la radiation de l'affaire sur le fondement de l'article 524 du code de procédure civile et la condamnation de la société Tendance Déco 94 à lui verser la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 de ce même code, pour défaut d'exécution du jugement.
Par conclusions d'incident du 7 février 2024, la société Tendance Déco 94 a sollicité que les demandes de la société Locam Automobiles Matériels et de la société Viséo Conseil soient rejetées et que la société Locam Automobiles Matériels soit condamnée à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ordonnance du 29 mai 2024, le conseiller de la mise en état a constaté le désistement d'incident de la société Locam Automobiles Matériels, déclaré irrecevable la demande de radiation de la société Viséo Conseil fondée sur les dispositions de l'article 524 du code de procédure civile, d'y n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile et condamné la société Locam Automobiles Matériels aux dépens de l'incident.
[*]
Par conclusions du 13 octobre 2023, la SAS Tendance Déco 94 demande à la cour, au visa des articles L. 221-1 et suivants, L. 242-1 du code de la consommation et des articles 1128, 1130 et suivants, 1163, 1178, 1194 et suivants,1216, 1225 et 1353 du code civil, de :
- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a jugé les dispositions du code de la consommation applicables au litige ;
Statuant à nouveau,
À titre principal,
- déclarer tous les contrats litigieux anéantis par l'effet de la rétractation exercée le 17 septembre 2021 ;
En conséquence,
- débouter les sociétés Viséo Conseil et Locam Automobiles Matériels de toutes leurs demandes, et notamment de leur appel incident ;
À titre subsidiaire ;
- annuler les contrats litigieux aux motifs de la violation de l'obligation d'information sur le droit de rétractation et sur le délai de livraison ou d'exécution des prestations, sur la violation de l'obligation d'indiquer le total des coûts mensuels, sur la violation de l'obligation d'information sur les caractéristiques essentielles du site internet, sur le contenu indéterminé et sur l'erreur sur les qualités essentielles du site internet ;
En conséquence,
- débouter les sociétés Viséo Conseil et Locam Automobiles Matériels de toutes leurs demandes ;
À titre très subsidiaire,
- prononcer la résolution rétroactive des contrats litigieux et ce, avec effet rétroactif à la date de leur conclusion ;
En conséquence,
- les débouter de toutes leurs demandes ;
En tout état de cause,
- prononcer la caducité de tous les autres contrats interdépendants en conséquence de l'anéantissement de l'un quelconque des contrats ;
- les débouter de toutes leurs demandes ;
- et les condamner in solidum à lui verser la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code procédure civile au titre de la première instance et de l'appel, ainsi qu'aux entiers frais et dépens, en ce compris les frais de constat d'huissier.
[*]
Par conclusions du 31 juillet 2023, formant appel incident, la SARL Viséo Conseil demande à la cour, au visa de l'article 1103 du code civil, de :
- juger son appel incident recevable et bien fondé ;
- infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a dit que la société Tendance Déco 94 est bien fondée à invoquer les dispositions protectrices visées par l'article L..221-3 du code de la consommation ;
Statuant à nouveau,
- juger que les dispositions de l'article L. 221-3 du code de la consommation ne sont pas applicables au litige ;
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Tendance Déco 94 de l'ensemble de ses autres demandes, l'a condamné à lui payer la somme de 442,80 euros en paiement de la facture n°FAC20210, assortie des intérêts au taux légal à compter du 28 août 2021 et l'a condamné à payer la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à chacune ainsi qu'aux entiers dépens ;
- rejeter toutes les demandes de chacune des parties adverses ;
À titre subsidiaire,
- condamner la société Locam Automobiles Matériels à la relever et garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre ;
En tout état de cause,
- et condamner la société Tendance Déco 94 à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
[*]
Par conclusions du 1er août 2023, la SAS Locam Automobiles Matériels demande à la cour, au visa de l'article L. 221 2 4° du code de la consommation et de l'article 1343-2 du code civil, de :
- infirmer le jugement en ce qu'il a soumis les contrats aux dispositions du code de la consommation ;
- juger inapplicable les dispositions du code de la consommation ;
- débouter la société Tendance Déco 94 de l'application du code de la consommation ayant contracté dans son champ d'activité principale ;
- la débouter de sa demande d'application du code de la consommation ;
- la débouter de toutes ses demandes ;
En tout état de cause,
- confirmer le jugement et juger irrecevable et sans effet la rétractation invoquée, intervenue au-delà du quatorzième jour après la signature des contrats de location et de prestation ;
- condamner la société Tendance Déco 94 à lui verser la somme de 21.225 euros avec intérêts au taux- légal à compter du 18 novembre 2021 et ordonner la capitalisation des intérêts ;
- et la condamner à lui verser la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
[*]
Il est renvoyé, pour l'exposé exhaustif des moyens des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est datée du 22 octobre 2024.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIVATION :
Sur la soumission des contrats au droit de la consommation et au droit de rétractation :
Moyens des parties :
1. Au visa de l'article L. 221-3 du code de la consommation, l'appelante fait valoir que le contrat, a été conclu hors établissement et n'entre pas dans le champ de son activité principale et que tenant compte du nombre de ses salariés, inférieurs à cinq, les dispositions consuméristes s'appliquent aux deux contrats.
2. La SARL Viséo Conseil objecte que si le bon de commande est soumis au droit de la consommation, la société Tendance Déco 94 ne peut se prévaloir d'un droit de rétractation au regard du 3°, de l'article L. 221-28 du code de la consommation, lequel dispose que le droit de rétractation ne peut être exercé pour les contrats de fourniture de biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés.
Selon elle, il ne ferait aucun doute que le contrat porte sur un site nettement personnalisé au sens de ce texte, ce qui exclurait l'application de l'article L. 221-3 du code de la consommation.
3. La SAS Locam s'en réfère pour sa part à l'article L. 221-2, 4°, du code de la consommation pour dénier toute application du droit de la consommation au service financier qu'elle dit avoir fourni et rappelle le contenu de la clause contractuelle aux termes de laquelle, le locataire a reconnu que le contrat a été conclu dans le cadre exclusif de son activité professionnelle.
Réponse de la cour :
4. En préambule, il sera fait observer aux parties :
- En premier lieu, que l'impossibilité d'exercer le droit de rétractation de l'article L. 221-18 du code de la consommation ne signifie pas que le contrat ne serait pas soumis au droit de la consommation comme le soutient dans ses écritures la SARL Viséo Conseil ; en effet, ce n'est que par exceptions listées à l'article L. 221-28 du code de la consommation que le droit de rétractation ne peut être exercé alors même que le contrat serait soumis aux autres dispositions des contrats conclus à distance et hors établissement ;
- En deuxième lieu, dès lors que le bon de commande est soumis au droit de la consommation, la location financière qui n'est qu'une modalité de financement du contrat principal encoure la nullité (ou la caducité) en raison d'une interdépendance avec ce bon de commande ;
- En troisième lieu, que l'invocation de l'article L. 221-2, 4° est inopérant dès lors que la directive 2011/83/UE définit les services financiers, comme des services ayant trait à la banque, au crédit, à l'assurance, aux pensions individuelles, aux investissements ou aux paiements (chapitre 1er, article 2, paragraphe 12) et que le contrat de location, même financière, n'entre pas dans la catégorie de la notion de services financiers telle que définie par cette directive ;
45. Aux termes de l'article L. 221-3 du code de la consommation, les dispositions des sections 2, 3, 6 du présent chapitre applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.
6. L'article L. 221-28 du code de la consommation, également dans sa version en vigueur du 1er juillet 2016 au 28 mai 2022, dispose notamment que :
« Le droit de rétractation ne peut être exercé pour les contrats : […]
3° De fourniture de biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés ; »
7. Il résulte des justificatifs fournis et des textes susmentionnés par l'appelante :
- que la SAS Tendance Déco 94 emploie moins de cinq salariés et que le contrat litigieux a été conclu hors établissement au sens de l'article L. 221-1 du Code de la consommation ;
- qu'il n'est pas discuté que cette société, qui exerce une activité de travaux de peinture et de vitrerie, a signé le contrat dans le cadre de son activité professionnelle afin de promouvoir celle-ci et que cette activité n'a pas de lien avec la création et la mise en ligne d'un site internet, sa mise à jour, son hébergement et son référencement ; que ces missions ne relèvent donc pas du champ de l'activité principale de la SAS Tendance Déco 94 ;
- que le fait que le contrat comporte une mention selon laquelle le locataire « atteste que le contrat est en rapport direct avec son activité professionnelle et souscrit pour les besoins de cette dernière » est indifférent et ne saurait faire obstacle à l'application des dispositions protectrices du code de la consommation en vertu de l'article L. 242-3 du code de la consommation ;
- que le prestataire ne peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 221-28 3° du Code de la consommation excluant l'exercice du droit de rétractation en cas de « biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés » dès lors que le contrat comportait, outre la création du site internet, son hébergement, son référencement ainsi que le suivi de ce référencement, de sorte que le contrat n'avait pas pour seul objet la fourniture d'un bien au sens de ce texte.
8. Il est à relever de surcroît, comme le souligne l'appelante, qu'un modèle de bordereau de rétractation est annexé au contrat alors que la société Viséo Conseil qui dénie tout droit à rétractation devait, dans cette hypothèse, expressément le signifier à son cocontractant en vertu du 5°de l'article L. 221-5 du code de la consommation.
9. Ce texte prescrit, en effet, que lorsque le droit de rétractation ne peut être exercé en application de l'article L. 221-28, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, l'information selon laquelle, le consommateur ne bénéficie pas de ce droit ou, le cas échéant, les circonstances dans lesquelles le consommateur perd son droit de rétractation.
10. Le contrat est donc soumis aux dispositions de l'article L. 221-3 dans toutes ses composantes et, notamment la section 6 du chapitre relatif aux contrats conclus hors établissement, à savoir, le droit de rétractation, le tout, sans qu'il n'y ait lieu d'examiner les moyens surabondants relatifs à la soumission volontaire au droit de la consommation ou à la société créée de fait.
Sur l'existence d'un droit de rétractation conforme au droit de la consommation et ses conséquences :
Moyens des parties :
11. Au visa des articles L. 221-29 et L. 221-25 du code de la consommation, la SAS Tendance Déco 94 explique que la SAS Locam n'a donné aucune information sur le droit de rétractation et elle n'a remis aucun bordereau de rétractation tandis que la société Viséo Conseil aurait utilisé au moins trois subterfuges afin d'exécuter de la manière la plus déloyale possible, son obligation d'information sur le droit de rétractation. Il en serait ainsi :
- de l'information confuse sur ce droit, issue d'une lecture combinée des articles 5 et 2 du contrat, dès lors que le droit de rétractation vise une personne physique alors qu'elle est une personne morale ;
- du point de départ, visant la conclusion du contrat, qui serait erroné dès lors que le contrat incluait la livraison d'un bien et qu'à ce titre, il était assimilé à un contrat de vente pour le calcul du point de départ du délai de rétractation, tel que défini par l'article L. 221-18 du code de la consommation ;
- du bordereau de rétractation, impossible à utiliser en ce qu'il ne serait pas lisible et compréhensible au sens de l'article L. 221-5 du code de la consommation et du fait que la remise d'un tel bordereau exclurait la possibilité de se rétracter par d'autres voies ;
12. La société Viséo Conseil réplique que la jurisprudence relative au droit de rétractation ne s'applique pas de manière générale au site nettement personnalisé et, plus singulièrement, du fait qu'elle concerne la livraison d'un bien meuble corporel et nullement un site internet.
13. Concernant le caractère détachable ou non du bordereau de rétractation, elle indique qu'à la date de conclusion du contrat, l'article L. 221-21 du Code de la consommation permettait de se rétracter par bordereau ou sur papier libre et rappelle qu'antérieurement, l'article L. 121-24 du code de la consommation exigeait bien un formulaire « détachable » mais que ce texte est abrogé depuis le 14 juin 2014.
14. La SAS Locam ne conclut pas sur la conformité au droit de la consommation du bordereau de rétractation et des informations portées au contrat pour l'exercice de ce droit.
Réponse de la cour :
15. Selon l'article L. 221-9 du code de la consommation, le « professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l'accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l'engagement exprès des parties.
Ce contrat comprend toutes les informations prévues à l'article L. 221-5.
Le contrat mentionne, le cas échéant, l'accord exprès du consommateur pour la fourniture d'un contenu numérique indépendant de tout support matériel avant l'expiration du délai de rétractation et, dans cette hypothèse, le renoncement de ce dernier à l'exercice de son droit de rétractation.
Le contrat est accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° de l'article L. 221-5. »
16. L'article L. 242-1 du code de la consommation énonce que les dispositions de l'article L. 221-9 sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement.
17. L'article L.221-5 du code de la consommation, dans sa version applicable, prévoit quant à lui que, préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
1° Les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 ;
2° Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par décret en Conseil d'État ;
18. Selon l'article R. 221-1 de ce code, le formulaire type de rétractation mentionné au 2° de l'article L. 221-5 figure en annexe au présent code.
19. Enfin aux termes de l'article R. 221-3 du code de la consommation, il est indiqué que les informations relatives au droit de rétractation mentionnées aux 2°, 3° et 4° de l'article L. 221-5 peuvent être fournies au moyen de l'avis d'information type dûment complété figurant en annexe au présent code.
20. En l'espèce, le contrat renseigne suffisamment sur la possibilité de se rétracter autrement que par le formulaire de rétractation figurant en bas du document (article 5). Il est donc inopérant de dire que la faculté de rétractation serait illisible et incompréhensible.
21. Par ailleurs, le fait que le la rétractation s'adresse au « client consommateur, personne physique » est sans conséquence sur la possibilité de se rétracter pour la SAS Tendance Déco 94.
22. En revanche, le délai de rétractation de 14 jours qui est mentionné, tant à l'article 5 des conditions générales de vente, que dans le formulaire de rétractation, a pour point de départ, respectivement, « le jour de la conclusion du contrat » et « la commande » alors que s'agissant d'un contrat de prestations de services web comprenant l'installation et signature d'un procès-verbal de livraison (article 8), le délai court à compter de la réception du bien.
23. À ce titre, les mentions du bon de commande sont irrégulières et le contrat encourt la nullité.
24. Par ailleurs, la limitation des modalités d'envoi à la seule lettre recommandée avec accusé de réception n'est pas conforme aux modalités fixées à l'annexe à l'article R. 221-3 puisque celle-ci rappelle la possibilité de l'adresser par télécopie ou par courrier électronique, s'ils sont disponibles (ce qui est le cas pour l'adresse de courrier électronique qui est mentionnée à l'article 1er du contrat, sans que l'envoi possible selon cette modalité ne soit évoqué).
25. En définitive, le contrat est atteint d'une cause de nullité tenant, d'une part, au défaut de conformité du bordereau de rétractation, et d'autre part, aux mentions inexactes et incomplètes relatives aux conditions, délais et modalités d'exercice de cette faculté de rétractation.
26. La nullité du contrat principal sera prononcée sans qu'il ne soit nécessaire de statuer sur les fondements invoqués à titre subsidiaire relatifs aux nullités pour violation de l'obligation d'information sur le délai de livraison ou d'exécution des prestations, violation de l'obligation d'indiquer le total des coûts mensuels, indétermination du contenu du site, de l'erreur sur les qualités essentielles du site ou, enfin, la résolution du contrat.
27. Le jugement déféré sera réformé de ce chef et il convient désormais de s'interroger sur le sort du contrat de location financière.
Sur l'interdépendance des contrats :
Moyens des parties :
28. La SAS Tendance Déco 94 soutient que L'article L.221-27 du code de la consommation pose le principe de l'interdépendance entre le contrat principal et les contrats qui n'en sont que l'accessoire et que selon l'article L.221-29 du même code, les dispositions du code de la consommation étendues aux professionnels sont d'ordre public.
29. En conséquence, selon elle, lorsque plusieurs contrats sont indépendants, le code de la consommation s'applique à l'ensemble de l'opération contractuelle dès lors qu'il s'applique à l'un des contrats interdépendants.
30. Puis, se fondant sur l'article 1186, l'appelante fait valoir que les contrats sont interdépendants et que l'anéantissement du contrat par prononcé de sa nullité entraîne sa caducité.
31. Les deux intimées ne concluent pas sur ce point.
Réponse de la cour :
32. L'article 1186 du code civil dispose :
« Un contrat valablement formé devient caduc si l'un de ses éléments essentiels disparaît.
Lorsque l'exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d'une même opération et que l'un d'eux disparaît, sont caducs les contrats dont l'exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l'exécution du contrat disparu était une condition déterminante d'une partie.
La caducité n'intervient toutefois que si le contractant contre lequel elle est invoquée connaissait l'existence de l'opération d'ensemble lorsqu'il a donné son consentement. »
33. Les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière étant interdépendants, il en résulte que l'exécution de chacun de ces contrats est une condition déterminante du consentement des parties, de sorte que, lorsque l'un d'eux disparaît, les autres contrats sont caducs si le contractant contre lequel cette caducité est invoquée connaissait l'existence de l'opération d'ensemble lorsqu'il a donné son consentement.
34. Dans les contrats formant une opération incluant une location financière, sont réputées non écrites les clauses inconciliables avec cette interdépendance (En ce sens, Cass., Com. 10 janvier 2024, n°22-20.466).
35. Il est établi et non contesté que la société Locam avait bien connaissance du contrat conclu entre la SAS Tendance Déco 94 et la société Viséo Conseil, et en conséquence de l'opération d'ensemble.
36. Le contrat conclu par la SAS Tendance Déco 94 avec la société Viséo Conseil ayant été annulé, c'est la caducité, et non la nullité, du contrat passé avec la société Locam qui doit donc être constatée compte tenu de la disparition d'un élément essentiel de ce dernier contrat, le tout, sans qu'il ne soit nécessaire de s'interroger sur la nature du contrat conclu avec la société Locam.
37. La demande de nullité formulée par la SAS Tendance Déco à titre principal sera donc rejetée. En revanche, sa demande subsidiaire de caducité du contrat conclu avec la société Locam sera accueillie.
38. Le contrat conclu entre la SAS Tendance Déco 94 et la société Viséo Conseil étant annulé, et celui passé avec la société Locam déclaré caduc, il convient donc d'infirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions.
Sur les conséquences :
39. L'annulation et la caducité prononcées entraînent la remise des parties en l'état antérieur à la conclusion des contrats.
40. Dès lors, la SAS Tendance Déco 94 n'est redevable d'aucune somme et cette dernière doit restitution de toute prestation dont elle aurait à disposition.
41. Enfin, en raison de la nullité du conclu entre la SAS Tendance Déco 94 et la société Viséo Conseil, cette dernière ne peut prétendre obtenir la garantie de la société Locam.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a dit que la SAS Tendance Déco 94 est bien fondée à invoquer les dispositions visées par l'article L. 221-3 du code de la consommation,
L'infirmant pour le surplus, statuant à nouveau et ajoutant,
Prononce la nullité du contrat conclu le 29 juin 2021 entre la SAS Tendance Déco 94 et la SARL Viséo Conseil,
Prononce la caducité du contrat conclu le 29 juin 2021 entre la SAS Tendance Déco 94 et la SAS Locam Automobiles Matériels,
Ordonne les restitutions réciproques consécutives à cette nullité et caducité,
Déboute la SARL Viséo Conseil de sa demande de garantie,
Condamne la SAS Locam Automobiles Matériels et la SARL Viséo Conseil à payer, chacune, à la SAS Tendance Déco 94 une indemnité de 2.500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et rejette les demandes formées au même titre par ces deux intimées,
Condamne in solidum la SAS Locam Automobiles Matériels et la SARL Viséo Conseil aux dépens de première instance et d'appel.
Le greffier, La présidente,