CA NÎMES (ch. civ. 1re ch.), 27 mars 2025
- TJ Nîmes, 31 août 2023 : RG n°18/02966
CERCLAB - DOCUMENT N° 23577
CA NÎMES (ch. civ. 1re ch.), 27 mars 2025 : RG n° 23/03342
Publication : Judilibre
Extrait : « Aux termes de l'article L. 121-16-1 4°, sont exclus du champ d'application des dispositions précitées les contrats portant sur les services financiers. Le code de la consommation ne définit pas précisément le contrat portant sur un service financier mais la directive 2011/83/UE du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs, transposée en droit interne par la loi n°2014-344 du 17 mars 2014 indique toutefois qu'il faut entendre par « service financier » tout service ayant trait à la banque, au crédit, à l'assurance, aux pensions individuelles, aux investissements ou aux paiements.
En l'espèce, le contrat de location financière, qui prévoit la mise à disposition de la société Kiné-Nemausa d'un copieur multi-fonctions en contrepartie du paiement de loyers, n'est pas assimilable à une opération de crédit faute d'option d'achat du bien loué à son terme, et s'analyse en une location simple de matériel entre un professionnel et une société de financement. Or, la location simple d'un bien mobilier ne peut être qualifiée de service ayant trait à la banque ou au crédit, dans la mesure où ce contrat est interdépendant du contrat de fourniture et maintenance de ce matériel conclu avec son fournisseur, en l'espèce la société SIN, dès lors que ces contrats conclus le même jour se sont inscrits dans le cadre d'une même opération économique de mise à disposition d'un copieur, financée par un contrat de location financière. En outre, la BNP ne peut valablement prétendre que la société SIN n'a pas été son représentant, dès lors que c'est celle-ci qui, après démarchage, a fait signer à la société Kiné Nemausa, le même jour, d'une part un bon de commande reprenant très exactement les données financières de la location, et d'autre part le contrat de location lui-même, contresigné par l'organisme de financement quelques jours plus tard le 19 décembre 2014. Par conséquent, le contrat litigieux doit s'analyser en un contrat de fourniture de services conclu hors établissement.
L'activité de la société Kiné Nemausa est de mettre en commun des moyens pour l'activité de ses membres exerçant une activité para-médicale. Si la location d'un copieur est en rapport avec son activité professionnelle, elle ne porte pas sur le cœur de métier de cette activité et n'entre pas dans le champ de son activité principale, de sorte que les dispositions du code de la consommation sont applicables.
Enfin, l'intimée n'a pas de salarié. »
2/ « Cette nullité emporte l'anéantissement rétroactif du contrat, et le jugement est donc également confirmé en ce qu'il a condamné la BNP à restituer à la société Kiné Nemausa l'ensemble des loyers qu'elle a perçus et en ce qu'il a dit que la restitution du copieur se fera à sa diligence et à ses frais.
Le tribunal a constaté l'accord de la société Kiné Nemausa sur la fixation à son encontre d'une indemnité mensuelle de 5 euros au titre de la location du matériel, jusqu'à la date d'expiration de la première période de 21 mois du contrat. L'appelante soutient que cette somme crée un déséquilibre significatif, la somme proposée ne représentant pas le coût de la location financière d'un copieur professionnel.
En raison de l'effet rétroactif de l'annulation du contrat, le loueur n'est pas fondé à obtenir une indemnité correspondant à l'utilisation du bien loué. Dès lors, il ne peut qu'être pris acte de la proposition de l'intimée de s'acquitter d'une telle indemnité, dont le montant est laissé à sa libre appréciation, et le jugement est donc encore confirmé en ce qu'il a mis à la charge de la société Kiné Nemausa une indemnité mensuelle de 5 euros.
La compensation est ordonnée entre les sommes dues par l'intimée à ce titre, et les sommes dues par l'appelante au titre de la restitution des loyers perçus. »
3/ « Le tribunal a prononcé la nullité du contrat de vente du matériel conclu entre la BNP et la société SIN, compte-tenu de la nullité du contrat de location financière du 19 décembre 2014, mais rejeté les demandes indemnitaires de la banque, qui ne démontrait pas avoir déclaré sa créance au passif de la société SIN.
L'appelante sollicite de la cour la fixation de sa créance au passif de la société SIN, par voie d'infirmation du jugement sur ce point.
La cour n'est pas saisie, par l'effet dévolutif de l'appel, des dispositions du jugement ayant prononcé la nullité du contrat de vente du matériel entre la BNP et la société SIN, aucune des parties n'ayant interjeté appel de ce chef. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE PREMIÈRE CHAMBRE
ARRÊT DU 27 MARS 2025
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 23/03342. N° Portalis DBVH-V-B7H-I7JL. Décision déférée à la cour : jugement du tribunal judiciaire de Nîmes en date du 31 août 2023, RG n°18/02966.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS : Mme Audrey Gentilini, conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Mme Isabelle Defarge, présidente de chambre, Mme Alexandra Berger, conseillère, Mme Audrey Gentilini, conseillère,
GREFFIER : Mme Nadège Rodrigues, greffière, lors des débats, et Mme Audrey Bachimont, greffière, lors du prononcé,
DÉBATS : A l'audience publique du 25 février 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 27 mars 2025. Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTE :
La SA BNP PARIBAS LEASE GROUP
prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité [Adresse 1], [Adresse 1], [Localité 8], Représentée par Maître Pascale Comte de la Scp Akcio Bdcc avocats, plaidante/postulante, avocate au barreau de Nîmes
INTIMÉES :
La SCM KINÉ-NEMAUSA
prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité [Adresse 2], [Localité 4], Représentée par Maître Frédéric Leclerc de la Selas IN'NOVA, plaidant, avocat au barreau de Pyrénées-Orientales, Représentée par Maître Aurélie Mendre, postulante, avocate au barreau de Nîmes
La SAS SOLUTION IMPRESSION NUMÉRIQUE – SIN
prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité [Adresse 3], [Localité 7]
La SCP BR ASSOCIES
prise en la personne de Maître T., en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société SIN, domicilié en cette qualité [Adresse 5], [Localité 6], Assignée à personne le 5 janvier 2024, Sans avocat constitué
ARRÊT : Arrêt réputé contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Isabelle Defarge, présidente de chambre, le 27 mars 2025, par mise à disposition au greffe de la cour
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :
Le 28 novembre 2014, la société Kiné-Nemausa a conclu avec la société BNP Paribas Lease Group un contrat de location portant sur un copieur multi-fonctions fourni par la société Solution Impression Numérique (SIN) moyennant le règlement de 63 loyers mensuels de 320 euros HT.
Ce contrat a été consenti par signature le même jour du bon de commande de ce copieur et d'un contrat de maintenance avec la société SIN.
Le contrat de location a été signé par le bailleur le 19 décembre 2014.
Par acte du 4 et 7 mai 2018, la société Kiné-Nemausa a assigné les sociétés SIN et BNP Paribas Lease Group devant le tribunal de grande instance de Nîmes en nullité pour dol du contrat conclu le 28 novembre 2014, et restitution par la société BNP Paribas Lease Group de tous les loyers perçus sauf à en déduire la somme correspondant à une indemnité d'utilisation des biens loués.
Un jugement du tribunal de commerce de Toulon du 17 mai 2019 a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société SIN.
Par acte en date du 10 septembre 2020, la société Kiné Nemausa a appelé en intervention forcée le liquidateur judiciaire, la société BR Associés, prise en la personne de M. P.
Par jugement réputé contradictoire du 31 août 2023, le tribunal judiciaire de Nîmes :
- a prononcé la nullité du contrat de location du 19 décembre 2014, conclu entre la société Kiné-Nemausa et la société BNP Paribas Lease Group,
- a condamné la société BNP Paribas Lease Group à lui restituer l'ensemble des loyers perçus,
- a constaté son accord pour que soit fixée une indemnité mensuelle de 5 euros au titre de la location du matériel, ce jusqu'à la date d'expiration de la première période de 21 mois,
- a dit que la restitution du matériel se fera à sa diligence et à ses frais,
- a ordonné la nullité
* du bon de commande du 28 novembre 2014 et du contrat de maintenance et de garantie conclus avec la société SIN,
* du contrat de vente entre la société BNP Paribas Lease Group et la société SIN
- a débouté la société BNP Paribas Lease Group du surplus de ses demandes reconventionnelles,
- a condamné les sociétés BNP Paribas Lease Group et SIN à supporter la charge des entiers dépens, et à verser 2.000 euros chacune à la société Kiné Nemausa au titre des frais irrépétibles,
- a ordonné l'exécution provisoire,
- a débouté les parties du surplus de leurs demandes.
La société BNP Paribas Lease Group a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 24 octobre 2023.
Par ordonnance du 23 septembre 2024, la procédure a été clôturée le 14 janvier 2025 et l'affaire fixée à l'audience du 28 janvier 2025 avant d'être déplacée à l'audience du 25 février 2025.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS :
Au terme de ses dernières conclusions régulièrement notifiées le 23 septembre 2024, la société BNP Paribas demande à la cour :
- d'infirmer le jugement en ce qu'il :
- a prononcé la nullité du contrat de location du 19 décembre 2014 conclu avec la société Kiné Nemausa,
- l'a condamnée à lui restituer l'ensemble des loyers perçus,
- a constaté l'accord de cette société pour que soit fixée une indemnité mensuelle de 5 euros au titre de la location du matériel jusqu'à la date d'expiration de la première période de 21 mois,
- a dit que la restitution du matériel se fera à sa diligence et à ses frais
- a ordonné la nullité
- du bon de commande du 28 novembre 2014 et du contrat de maintenance et de garantie conclus avec la société SIN
- du contrat de vente avec la société SIN,
- l'a déboutée du surplus de ses demandes reconventionnelles,
- l'a condamnée avec la société SIN à supporter la charge des entiers dépens et à verser 2.000 euros à la société Kiné Nemausa au titre des frais irrépétibles,
- a ordonné l'exécution provisoire de la présente décision,
Statuant à nouveau
- de condamner la société Kiné Nemausa à lui payer la somme de 8.977,57 euros, assortie des intérêts au taux légal,
- de débouter cette société de toutes ses demandes, fins et conclusions,
A titre subsidiaire
- de fixer l'indemnité due par la société Kiné Nemausa au titre des 21 premiers mois de location à de plus justes proportions,
- d'ordonner la compensation des créances connexes,
A titre encore plus subsidiaire
- de fixer sa créance dans la procédure de liquidation judiciaire de la société SIN aux sommes de :
- 19.834,72 euros correspondant au prix de vente du matériel déduction faite de l'indemnité mise à la charge de la société Kiné Nemausa au titre des 21 premiers mois de location le cas échéant,
- 3.632 euros HT à titre de dommages et intérêts,
- de condamner la société SIN à la relever et garantir de toutes autres condamnations dont elle pourrait faire l'objet au profit de la société Kiné Nemausa,
En tout état de cause
- de confirmer le jugement pour le surplus,
- de juger commun et opposable « le jugement » à intervenir à la société BR Associés ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SIN,
- de condamner la société Kiné Nemausa au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner la société Kiné Nemausa aux entiers dépens.
L'appelante soutient :
- que le contrat de location financière n'est pas soumis aux dispositions du code de la consommation,
- que le contrat de location financière n'entre pas non plus dans le champ d'application des articles L. 341-1 et L. 341-12 du code monétaire et financier relatifs au démarchage bancaire ou financier,
- que le contrat de location financière est clair et non équivoque, et la société Kiné Nemausa ne rapporte pas la preuve de man'uvres frauduleuses constitutives d'un dol de sa part,
- subsidiairement, que la somme de 5 euros ne représente pas le coût de la location financière et doit être revu à la hausse,
- qu'à titre encore plus subsidiaire, en manquant à ses obligations, la société SIN à l'origine de la nullité du contrat a engagé sa responsabilité contractuelle à son encontre,
- que la caducité du contrat de location financière lui cause un préjudice équivalent au montant des loyers susceptibles d'être restitués et qu'elle aurait dû percevoir,
- que la société Kiné Nemausa ne rapporte pas la preuve du caractère disproportionné de l'indemnité de résiliation.
Au terme de ses dernières conclusions régulièrement notifiées le 12 janvier 2025, la société Kiné Nemausa demande à la cour :
A titre principal
- de confirmer le jugement rendu le 24 janvier 2022 par le tribunal judiciaire de Nîmes en intégralité,
- de débouter la société BNP Paribas Lease Group de l'ensemble de ses demandes,
A titre subsidiaire
- d'annuler sur le fondement combiné de l'article 6 du Code civil et des articles L. 341-1 et suivants du code monétaire et financier le contrat de location de longue durée conclu le 15 janvier 2015 entre elle et la société BNP Paribas Lease Group,
- de condamner la société BNP Paribas Lease Group à lui restituer l'ensemble des loyers perçus par elle,
- de débouter en conséquence la société BNP Paribas Lease Group de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- de lui donner acte de sa volonté de payer une indemnité mensuelle de 5 euros, au titre de la location du matériel, et ce jusqu'à la date d'expiration de la première période de 21 mois,
A titre très subsidiaire
- d'annuler pour dol le contrat de location de longue durée conclu le 28 novembre 2014 entre elle et la société BNP Paribas Lease Group,
- de condamner la société BNP Paribas Lease Group à lui restituer l'ensemble des loyers perçus par elle,
- de débouter la société BNP Paribas Lease Group de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- de lui donner acte de sa volonté de payer une indemnité mensuelle de 5 euros, au titre de la location du matériel, et ce jusqu'à la date d'expiration de la première période de 21 mois,
- de dire et juger que le contrat de garantie et de maintenance est caduc,
A titre infiniment subsidiaire
- d'annuler le « bon de commande », signé le 28 novembre 2014 en vue de la location du matériel entre elle et la société SIN et de prononcer par voie de conséquence, la caducité du contrat de location longue durée conclu le 28 novembre 2014, entre elle et la société BNP Paribas Lease Group,
- d'ordonner la restitution par la société BNP Paribas Lease Group de tous les loyers perçus, sauf à en déduire la somme correspondant à une indemnité d'utilisation des biens loués fixée à 5 euros par trimestre jusqu'à l'expiration de la première période de 21 mois,
- de dire et juger que le contrat de garantie et de maintenance est caduc,
A titre infiniment subsidiaire
- de constater que le bon de commande signé le 28 novembre 2014, dans ses dispositions relatives au partenariat commercial, a été résolu suite au refus de financement d'un nouveau contrat,
- de dire et juger que, par voie de conséquence, le contrat de location financière est devenu caduc,
- de dire et juger que la société BNP Paribas Lease Group doit lui restituer l'ensemble des loyers acquittés par elle au titre de la location,
- de lui donner acte de sa volonté de payer une indemnité mensuelle de 5 euros, au titre de la location du matériel jusqu'à la fin de la première période de 21 mois,
A titre infiniment subsidiaire
- de constater que le contrat de partenariat client référent conclu le 23 novembre 2024 est caduc,
- de dire et juger que, par voie de conséquence, le contrat de location financière est devenu caduc, et ce à compter de l'issue de la première période de 21 mois,
- de dire et juger que la société BNP Paribas Lease Group doit lui restituer l'ensemble des loyers acquittés par elle au titre de la location postérieurement à l'issue de la période de 21 mois,
- de lui donner acte de sa volonté de payer une indemnité mensuelle de 5 euros, au titre de la location du matériel, et ce jusqu'à l'expiration de la première période de 21 mois,
A titre infiniment subsidiaire
- de condamner la société SIN à lui payer la somme de 17 544 euros au titre du solde du contrat de location financière susdit, outre toutes sommes que pourrait réclamer la société BNP Paribas Lease Group au titre du solde de ce contrat, « le tout avec intérêts à compter de la présente assignation »,
A titre infiniment subsidiaire
- de dire et juger que les sommes de 8.448 euros TTC et de 844,80 euros TTC réclamée par la « Locam » au titre de la clause pénale doit être réduite au montant d'un euro,
- dire et juger qu'en tout état de cause, cette somme ne saurait être supérieure à la somme de 1226 euros,
En toute hypothèse
- de débouter la société BNP Paribas Lease Group de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions contraires,
- de condamner la société BNP Paribas Lease Group et la société SIN au paiement chacune de la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
L'intimée réplique :
- que le contrat de location financière est soumis aux dispositions du code de la consommation,
- que le contrat signé par les parties en méconnaissance des dispositions d'ordre public du code monétaire et financier doit être annulé,
- qu'à titre subsidiaire, les manœuvres dolosives imputables à la société SIN qui était la représentante de la société BNP Paribas Lease Group ont été déterminantes de son consentement,
- qu'à titre infiniment subsidiaire, le bon de commande signé le 28 novembre 2014 a été résolu suite au refus de financement d'un nouveau contrat ; que du fait du lien d'interdépendance unissant ce contrat au bon de commande et au contrat de location financière conclu le même jour, le contrat de location financière est devenu caduc,
- qu'à titre infiniment subsidiaire, la société SIN a commis une faute engageant sa responsabilité en n'exécutant pas son obligation de solder le contrat de location financière ; que la clause de résiliation anticipée imposant le paiement de l'ensemble des loyers à échoir s'analyse en une clause pénale donnant lieu à réduction en raison de son caractère disproportionné.
[*]
La déclaration d'appel a été signifiée à la société BR Associés, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SIN, le 5 janvier 2024. Les conclusions d'appelante lui ont été signifiées le 29 janvier 2024. La société Kiné Nemausa ne lui a pas signifié ses conclusions.
[*]
Il est expressément fait renvoi aux dernières écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens conformément aux dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIVATION :
* Nullité du contrat de location financière :
Le premier juge a jugé que l'opération financée, soit la location d'un photocopieur, n'entrait pas dans le champ de l'activité principale de la société Kiné Nemausa, que les dispositions du code de la consommation étaient par conséquent applicables et qu'en l'absence de bordereau de rétractation, le contrat de location financière du 19 décembre 2014 était nul.
L'appelante soutient que ce contrat n'est pas un contrat conclu hors établissement et entre dans l'objet social d'une société civile de moyens de kinésithérapeutes ; que la seule sanction prévue par le code de la consommation pour défaut de stipulation du droit de rétractation est la prolongation du délai d'exercice de ce droit et non la nullité du contrat.
L'intimée réplique que le contrat signé hors établissement par le micro-professionnel portant sur un objet en lien avec son activité professionnelle mais n'entrant pas dans le champ de son activité principale est soumis aux dispositions du code de la consommation.
Aux termes de l'article L. 121-16 du code de la consommation, dans sa version en vigueur à la date de signature du contrat, est considéré comme contrat hors établissement tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, dans un lieu qui n'est pas celui où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle, en la présence physique simultanée des parties, y compris à la suite d'une sollicitation ou d'une offre faite par le consommateur.
Selon l'article L. 121-16-1 III du même code les sous-sections 2, 3, 6 et 7, applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont ces dispositions sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que leur objet n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.
Selon l'article L. 121-17 I (sous-section 2), préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes : (...)
2° Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par décret en Conseil d'Etat.
Selon l'article L. 121-18 (sous-section3), dans ce cas, le professionnel fournit au consommateur, sur papier ou, sous réserve de l'accord du consommateur, sur un autre support durable, les informations prévues au I de l'article L. 121-17. Ces informations sont rédigées de manière lisible et compréhensible.
Enfin, selon l'article L. 121-18-1 (sous-section3), le professionnel fournit au consommateur un exemplaire du contrat sur papier signé par les parties ou, avec l'accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l'engagement exprès des parties. Ce contrat comprend, à peine de nullité, toutes les informations mentionnées au I de l'article L. 121-17, mentionne, le cas échéant, l'accord exprès du consommateur pour la fourniture d'un contenu numérique indépendant de tout support matériel avant l'expiration du délai de rétractation et, dans cette hypothèse, son renoncement à l'exercice de son droit de rétractation.
Le contrat est accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° du I de l'article L. 121-17.
Aux termes de l'article L. 121-16-1 4°, sont exclus du champ d'application des dispositions précitées les contrats portant sur les services financiers.
Le code de la consommation ne définit pas précisément le contrat portant sur un service financier mais la directive 2011/83/UE du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs, transposée en droit interne par la loi n°2014-344 du 17 mars 2014 indique toutefois qu'il faut entendre par « service financier » tout service ayant trait à la banque, au crédit, à l'assurance, aux pensions individuelles, aux investissements ou aux paiements.
En l'espèce, le contrat de location financière, qui prévoit la mise à disposition de la société Kiné-Nemausa d'un copieur multi-fonctions en contrepartie du paiement de loyers, n'est pas assimilable à une opération de crédit faute d'option d'achat du bien loué à son terme, et s'analyse en une location simple de matériel entre un professionnel et une société de financement.
Or, la location simple d'un bien mobilier ne peut être qualifiée de service ayant trait à la banque ou au crédit, dans la mesure où ce contrat est interdépendant du contrat de fourniture et maintenance de ce matériel conclu avec son fournisseur, en l'espèce la société SIN, dès lors que ces contrats conclus le même jour se sont inscrits dans le cadre d'une même opération économique de mise à disposition d'un copieur, financée par un contrat de location financière.
En outre, la BNP ne peut valablement prétendre que la société SIN n'a pas été son représentant, dès lors que c'est celle-ci qui, après démarchage, a fait signer à la société Kiné Nemausa, le même jour, d'une part un bon de commande reprenant très exactement les données financières de la location, et d'autre part le contrat de location lui-même, contresigné par l'organisme de financement quelques jours plus tard le 19 décembre 2014.
Par conséquent, le contrat litigieux doit s'analyser en un contrat de fourniture de services conclu hors établissement.
L'activité de la société Kiné Nemausa est de mettre en commun des moyens pour l'activité de ses membres exerçant une activité para-médicale.
Si la location d'un copieur est en rapport avec son activité professionnelle, elle ne porte pas sur le cœur de métier de cette activité et n'entre pas dans le champ de son activité principale, de sorte que les dispositions du code de la consommation sont applicables.
Enfin, l'intimée n'a pas de salarié.
Par conséquent, le contrat litigieux relève du code de la consommation, et des articles L. 121-17 I et L. 121-18 susvisés.
Or, le contrat de location financière signé le 19 décembre 2014 porte sur la location d'un copieur multi-fonction pour une durée de 63 mois moyennant un loyer mensuel de 320 euros HT.
Il n'est pas assorti d'un bordereau de rétractation, ne comporte aucune référence à l'exercice et aux modalités du droit de rétractation et ne renvoie pas aux dispositions d'ordre public du code de la consommation qui n'ont donc pas été respectées.
Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat conclu entre la BNP Paribas Lease Group et la société Kiné Nemausa.
Cette nullité emporte l'anéantissement rétroactif du contrat, et le jugement est donc également confirmé en ce qu'il a condamné la BNP à restituer à la société Kiné Nemausa l'ensemble des loyers qu'elle a perçus et en ce qu'il a dit que la restitution du copieur se fera à sa diligence et à ses frais.
Le tribunal a constaté l'accord de la société Kiné Nemausa sur la fixation à son encontre d'une indemnité mensuelle de 5 euros au titre de la location du matériel, jusqu'à la date d'expiration de la première période de 21 mois du contrat.
L'appelante soutient que cette somme crée un déséquilibre significatif, la somme proposée ne représentant pas le coût de la location financière d'un copieur professionnel.
En raison de l'effet rétroactif de l'annulation du contrat, le loueur n'est pas fondé à obtenir une indemnité correspondant à l'utilisation du bien loué.
Dès lors, il ne peut qu'être pris acte de la proposition de l'intimée de s'acquitter d'une telle indemnité, dont le montant est laissé à sa libre appréciation, et le jugement est donc encore confirmé en ce qu'il a mis à la charge de la société Kiné Nemausa une indemnité mensuelle de 5 euros.
La compensation est ordonnée entre les sommes dues par l'intimée à ce titre, et les sommes dues par l'appelante au titre de la restitution des loyers perçus.
* Nullité des contrats conclus avec la société SIN :
La cour n'est pas saisie, par l'effet dévolutif de l'appel, des dispositions du jugement ayant prononcé la nullité du bon de commande du 28 novembre 2014 et du contrat de maintenance conclus entre la société Kiné Nemausa et la société SIN, aucune des parties n'ayant interjeté appel de ces chefs.
* Caducité du contrat de vente et conséquences :
Le tribunal a prononcé la nullité du contrat de vente du matériel conclu entre la BNP et la société SIN, compte-tenu de la nullité du contrat de location financière du 19 décembre 2014, mais rejeté les demandes indemnitaires de la banque, qui ne démontrait pas avoir déclaré sa créance au passif de la société SIN.
L'appelante sollicite de la cour la fixation de sa créance au passif de la société SIN, par voie d'infirmation du jugement sur ce point.
La cour n'est pas saisie, par l'effet dévolutif de l'appel, des dispositions du jugement ayant prononcé la nullité du contrat de vente du matériel entre la BNP et la société SIN, aucune des parties n'ayant interjeté appel de ce chef.
Aux termes de l'article L. 622-21 I du code de commerce, le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 (créance née régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période) et tendant :
- soit à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent,
- soit à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.
En application de l'article L. 622-22 du code de commerce, l'instance en cours est interrompue jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de créance. Elle est alors reprise de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan dûment appelés.
L'instance tend alors uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.
L'article L. 641-3 du code de commerce prévoit que le jugement qui ouvre la liquidation judiciaire a les mêmes effets.
Pour permettre la reprise d'instance il doit être justifié d'une part de la mise en cause des organes de la procédure collective, d'autre part de la production à la juridiction saisie d'une copie de la déclaration de créance faite auprès du mandataire judiciaire ou du liquidateur.
En l'absence de déclaration de créance ou de demande de relevé de forclusion, les conditions de la reprise d'instance ne sont pas réunies, même si la créance du créancier forclos n'est pas éteinte, et l'instance demeure interrompue jusqu'à la clôture de la procédure collective.
Enfin, le juge doit appliquer d'office le régime des dispositions d'ordre public relatives à l'interruption de l'instance en cours.
En l'espèce, la société SIN a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 17 mai 2019, pendant l'instance introduite par la société Kiné Nemausa devant le tribunal judiciaire de Nîmes.
Si le liquidateur a été appelé en cause par assignation du 10 septembre 2020, la BNP, qui formule des demandes tendant à la condamnation du débiteur au paiement de sommes d'argent à son encontre, ne justifie pas avoir déclaré sa créance.
Par conséquent, le jugement est infirmé en ce qu'il a débouté cette société de ses demandes à l'encontre de la société SIN, et constaté que l'instance est interrompue à l'égard de la société BR Associés, liquidateur de la société SIN relativement à ces demandes.
* Autres demandes :
Les dépens et les frais irrépétibles ne contribuant pas au bon déroulement de la procédure de liquidation et ne constituant pas la contrepartie d'une prestation fournie au débiteur mais étant nés au contraire d'une action exercée contre le débiteur, il ne s'agit pas de créances privilégiées bénéficiant d'un traitement prioritaire pouvant donner lieu à condamnation.
Par conséquent, le jugement est infirmé en ce qu'il a condamné la société SIN à supporter la charge des dépens et à payer la somme de 2.000 euros à la société Kiné Nemausa.
La BNP Paribas Lease Group, qui succombe ici est condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Elle est en outre condamnée à payer à la société Kiné Nemausa la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Confirme le jugement rendu le 31 août 2023 par le tribunal judiciaire de Nîmes, sauf en ce qu'il :
- a débouté la société BNP Paribas Lease Group du surplus de ses demandes reconventionnelles,
- a condamné les sociétés BNP Paribas Lease Group et SIN à supporter la charge des entiers dépens et à verser 2.000 euros chacune à la société Kiné Nemausa au titre des frais irrépétibles,
Statuant à nouveau de ces seuls chefs
Constate l'interruption de l'instance relativement aux demandes de fixation de créances au passif de la liquidation judiciaire de la société SIN formulées par la société BNP Paribas Lease Group,
Condamne la société BNP Paribas Lease Group aux dépens de première instance,
Condamne la société BNP Paribas Lease Group à payer à la société Kiné Nemausa la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance,
Y ajoutant,
Ordonne la compensation entre les sommes dues par la société BNP Paribas Lease Group à la société Kiné Nemausa au titre de la restitution des loyers perçus et les sommes dues par la société Kiné Nemausa à la société BNP Paribas Lease Group au titre de l'indemnité mensuelle de location du matériel,
Condamne la société BNP Paribas Lease Group aux dépens de la procédure d'appel,
Condamne la société BNP Paribas Lease Group à payer à la société Kiné Nemausa la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,