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CA PARIS (pôle 5 ch. 5), 20 février 2025

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 5 ch. 5), 20 février 2025
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 5 ch. 5
Demande : 22/03643
Date : 20/02/2025
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 11/02/2022
Décision antérieure : T. com. Bobigny (7e ch.), 4 janvier 2022 : RG n° 2020F01125
Décision antérieure :
  • T. com. Bobigny (7e ch.), 4 janvier 2022 : RG n° 2020F01125
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CERCLAB - DOCUMENT N° 23587

CA PARIS (pôle 5 ch. 5), 20 février 2025 : RG n° 22/03643

Publication : Judilibre

 

Extraits : 1/ « La société CM Transport soutient que : - L'article préliminaire du code de la consommation dispose que « Pour l'application du présent code, on entend par : (…) 2° Non-professionnel : toute personne morale qui n'agit pas à des fins professionnelles ». - La société CM Transport est une personne morale ayant pour activité la mise à disposition de chauffeur VTC ; il s'agit d'une activité de service aux personnes. Dès lors, la société CM Transport a agi en dehors de ses activités professionnelles habituelles et elle a la qualité de « non-professionnel ».

La société Renault Retail Group réplique que : - L'article L. 217-3 du code de la consommation précise que les dispositions de la non-conformité du code de la consommation ne sont applicables qu'entre un vendeur professionnel et un acheteur, agissant en sa qualité de consommateur. - En l'espèce, la société CM Transport utilise le véhicule dans le cadre de son activité professionnelle, elle a donc la qualité de professionnel. - En conséquence, agissant en sa qualité de professionnel, la société CM Transport ne peut se prévaloir des dispositions de l'article L217-5 du code de la consommation.

L'article liminaire du code de la consommation, dans sa version en vigueur du 23 février 2017 au 1er octobre 2021 dispose que : « Pour l'application du présent code, on entend par : - consommateur : toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ; - non-professionnel : toute personne morale qui n'agit pas à des fins professionnelles ; - professionnel : toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu'elle agit au nom ou pour le compte d'un autre professionnel. » L'article L. 221-3 du code de la consommation dispose que « Les dispositions des sections II, III, VI du présent chapitre applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq ».

En l'espèce, aux termes de son K-bis, la société CM Transport a pour activité « l'exploitation de véhicules de transport avec chauffeur ». Il ressort des débats que le contrat de location avec option d'achat a été conclu par la société CM transport pour les besoins de son activité professionnelle. Dès lors, la société CM transport ne peut donc prétendre avoir conclu un contrat hors de son champ de compétence.

En conséquence, les demandes de la société CM Transport fondées sur l'article L. 217-3 du code de la consommation seront rejetées. »

2/ « La répétition des interventions de la société Renault Retail Group, pour des pannes affectant les mêmes éléments de motorisation, notamment le système frein, le démarrage et l'arrêt automatique du moteur, ainsi que les ceintures de sécurité, la mise en marche des warnings, établit que le résultat escompté, à savoir une réparation effective et durable des désordres affectant le véhicule, n'a pas été atteint par le garagiste.

Le fait que l'expert amiable relève que le véhicule est couvert par la garantie du constructeur et que les désordres qui subsistent ne rendent pas le véhicule impropre à son usage n'élude pas la responsabilité contractuelle de la société Renault Retail Group dans la mesure où l'expertise ne remet pas en cause les « multiples interventions réalisées en garantie ».

Le manquement de la société Renault Retail Group à son obligation de résultat étant démontré, le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a débouté la société CM Transport de toutes ses demandes indemnitaires. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 5 CHAMBRE 5

ARRÊT DU 20 FÉVRIER 2025

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n°22/03643 (8 pages). N° Portalis 35L7-V-B7G-CFJJM. Décision déférée à la Cour : Jugement du 4 janvier 2022 - Tribunal de commerce de Bobigny, 7ème chambre - RG n° 2020F01125.

 

APPELANTE :

SAS CM TRANSPORT

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège, immatriculée au R.C.S. de [Localité 5] sous le numéro XXX, [Adresse 1], [Localité 4], représentée et assistée de Maître Matthieu Lesage, avocat au barreau de Paris, toque : C1204

 

INTIMÉE :

SA RENAULT RETAIL GROUP

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, immatriculée au R.C.S. de [Localité 6] sous le numéro YYY, [Adresse 2], [Localité 3], représentée et assistée de Maître Carlos Rodriguez Leal de la SELARL Guemaro Associes, avocat au barreau de Paris, toque : E1145

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Novembre 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marilyn Ranoux-Julien, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme Nathalie Renard, présidente de la chambre 5-5, Mme Christine Soudry, conseillère, Mme Marilyn Ranoux-Julien, conseillère.

Greffier, lors des débats : M. Maxime Martinez

ARRÊT : - contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Mme Nathalie Renard, présidente de la chambre 5-5 et par M. Maxime Martinez, greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire, présent lors de la mise à disposition.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

La société CM Transport, dont M. X. est le gérant, a pour activité l'exploitation de véhicules de transport avec chauffeur.

Le 22 septembre 2017, la société CM Transport a conclu avec la société Renault Retail Group un contrat location avec option d'achat d'un véhicule Renault Talisman pour les besoins de son activité.

Parallèlement, la société CM Transport a souscrit un contrat de services couvrant une extension de garantie pendant une durée de 36 mois ou 36.000 kilomètres.

Ce véhicule a fait l'objet de plusieurs ordres de réparation :

- Le 25 octobre 2017 : « Contrôle stop/start, radar de proximité sonne sans raison, bruit perceuse pédale de frein, cale au feu, ceinture reste allumée, sifflement freinage, message de desserrer le frein manuellement » ;

- Le 10 novembre 2017 : « contrôle fuite roue AV » ;

- Le 6 février 2018 : « feux de croisement AV droit ne fonctionnent pas » ;

- Le 17 avril 2018 : « warning à contrôler, vase d'expansion vide, bruit grave au démarrage du VH, VH a du mal à démarrer, ceinture à contrôler, démarrage en côte à contrôler, ventilation cloquée sur 1, liquide de refroidissement, frein de parking à contrôler, réduction des émissions suite courrier » ;

- Le 23 mai 2018 : « bouton warning défectueux, bruit au démarrage start stop, ceinture arrière sonne sans arrêt et celle conducteur ne revient, moteur sale et vérifier les freins AV » ;

- Le 11 juin 2018 : « éliminer bruit au départ, défaut ceinture de sécurité conducteur, warning, bip ceinture arr, fuite huile bouchon vidange, défaut échec localisation pneus camera recul » ;

- Le 12 juillet 2018 : « remettre en état affichage tête haute » ;

- Le 18 septembre 2018 : « visière tableau de bord » ;

- Le 23 avril 2019 : « freins restent bloqués, problème de consommation du liquide de refroidissement, climatisation ne fait pas de froid, capteur pneus absents » ;

- Le 3 juin 2019 : « panne et bruit au freinage, bruit d'aspiration, bruit sous caisse sur ligne d'échappement, bip intempestif de la ceinture arrière droite, voyant électronique stop and start » ;

- Le 20 janvier 2020 : « fuite liquide de refroidissement, bruit train AV et AR, éclairage les lampes grillent souvent » ;

- Le 1er juillet 2020 : « dépose repose groupe moto-ventilateur de refroidissement de moteur » ;

- Le 7 septembre 2020 : « dépose repose enjoliveur de console, maître-cylindre, amplificateur freinage et tuyau assistance freinage » ;

- Le 22 septembre 2020 : « bruit moteur côté chaine de distribution, ABS fonctionne une fois sur 3, freinage actif déconnecté, levier de vitesse bloqué av passage du R au D au parking » ;

- Le 14 octobre 2020 : « recherche bruit moteur, dépose repose arbre à cames ».

Par acte du 1er octobre 2020, la société CM Transport a assigné la société Renault Retail Group devant le tribunal de commerce de Bobigny en indemnisation de ses préjudices.

Par jugement du 4j anvier 2022, le tribunal de commerce de Bobigny a :

- Reçu la société CM Transport en sa demande ;

- Débouté la société CM Transport de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- Condamné la société CM Transport à payer à la société Renault Retail Group la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et l'a déboutée du surplus ;

- Rappelé que l'exécution provisoire était de droit ;

- Condamné la société CM Transport aux dépens en application de l'article 696 du code de procédure civile ;

- Liquidé les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 74,54 euros TTC dont 12,42 euros de TVA.

[*]

Par déclaration du 11 février 2022, la société CM Transport a interjeté appel du jugement en ce qu'il a :

- Constaté que la demanderesse ne rapportait pas la preuve de la responsabilité contractuelle de la défenderesse ;

- Jugé que les préjudices indirects étaient exclus du champ d'application de la garantie ;

- Jugé que les demandes formulées par la demanderesse n'étaient pas couvertes par la garantie contractuelle ;

- Jugé que le véhicule livré était conforme à la commande et que les demandes ne pouvaient donc prospérer sur le fondement de l'obligation de délivrance de l'article 1604 du code de civil ;

- Jugé que les dispositions de l'obligation légale de garantie du code de la consommation étaient inapplicables du fait que le demandeur est un professionnel ;

- Jugé que la preuve des préjudices n'était pas démontrée et que les demandes formées par la demanderesse n'étaient pas justifiées.

[*]

Par ses dernières conclusions notifiées le 15 octobre 2024, la société CM Transport demande, au visa des articles L217-3, L217-5, L217-20 du code de la consommation, et des articles 1217 et 1231-1 du code civil, de :

- Réformer en totalité le jugement rendu le 4 janvier 2022 par le tribunal de commerce de Bobigny ;

Et, statuant de nouveau,

A titre principal :

- Constater que la société CM Transport a la qualité de non-professionnel ;

- Constater que les dispositions de l'obligation légale de conformité sont applicables en l'espèce ;

- Constater que le véhicule Renault Talisman livré était entaché d'un défaut de conformité ;

- Constater que la société Renault Retail Group n'a pas respecté l'obligation légale de conformité qui reposait sur elle ;

- Constater la violation par la société Renault Retail Group de son obligation de résultat de réparation du véhicule ;

- Constater la violation par Renault Retail Group de ses obligations contractuelles au titre des contrats de garantie ;

En conséquence :

- Constater que la société Renault Retail Group engage sa responsabilité contractuelle ;

En conséquence :

- Condamner la société Renault Retail Group au paiement de 53.383 euros de dommages et intérêts à la société CM Transport :

* 38.383 euros au titre de son préjudice matériel ;

* 15.000 euros au titre de son préjudice moral ;

En outre :

- Assortir l'arrêt de l'exécution provisoire ;

- Condamner la société Renault Retail Group à verser la somme de 2.400 euros à la société CM Transport sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

[*]

Par ses dernières conclusions notifiées le 11 juillet 2022, la société Renault Retail Group demande, au visa de l'article 9 du code de procédure civile, des articles 1217, 1231, 1231-1 et 1604 du code civil, et L. 217 et suivants du code de la consommation, de :

- Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

- Débouter la société CM Transport de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

Y ajoutant :

- Condamner la société CM Transport à payer à la société Renault Retail Group une somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

[*]

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 7 novembre 2024.

La cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE, LA COUR :

Sur l'application de l'obligation légale de conformité issue du code de la consommation :

La société CM Transport soutient que :

- L'article préliminaire du code de la consommation dispose que « Pour l'application du présent code, on entend par : (…) 2° Non-professionnel : toute personne morale qui n'agit pas à des fins professionnelles ».

- La société CM Transport est une personne morale ayant pour activité la mise à disposition de chauffeur VTC ; il s'agit d'une activité de service aux personnes. Dès lors, la société CM Transport a agi en dehors de ses activités professionnelles habituelles et elle a la qualité de « non-professionnel ».

La société Renault Retail Group réplique que :

- L'article L. 217-3 du code de la consommation précise que les dispositions de la non-conformité du code de la consommation ne sont applicables qu'entre un vendeur professionnel et un acheteur, agissant en sa qualité de consommateur.

- En l'espèce, la société CM Transport utilise le véhicule dans le cadre de son activité professionnelle, elle a donc la qualité de professionnel.

- En conséquence, agissant en sa qualité de professionnel, la société CM Transport ne peut se prévaloir des dispositions de l'article L217-5 du code de la consommation.

L'article liminaire du code de la consommation, dans sa version en vigueur du 23 février 2017 au 1er octobre 2021 dispose que : « Pour l'application du présent code, on entend par :

- consommateur : toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ;

- non-professionnel : toute personne morale qui n'agit pas à des fins professionnelles ;

- professionnel : toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu'elle agit au nom ou pour le compte d'un autre professionnel. »

L'article L. 221-3 du code de la consommation dispose que « Les dispositions des sections II, III, VI du présent chapitre applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq ».

En l'espèce, aux termes de son K-bis, la société CM Transport a pour activité « l'exploitation de véhicules de transport avec chauffeur ». Il ressort des débats que le contrat de location avec option d'achat a été conclu par la société CM transport pour les besoins de son activité professionnelle. Dès lors, la société CM transport ne peut donc prétendre avoir conclu un contrat hors de son champ de compétence.

En conséquence, les demandes de la société CM Transport fondées sur l'article L. 217-3 du code de la consommation seront rejetées.

 

Sur la responsabilité contractuelle :

La société CM Transport soutient que :

Sur l'obligation de résultat : - L'ensemble des pannes successives du véhicule forment un dysfonctionnement général, que la société Renault Retail Group avait l'obligation de réparer.

- Sans prendre les mesures suffisantes pour faire cesser ces dysfonctionnements qui empêchaient le fonctionnement normal de la voiture, la société Renault Group Retail a commis une faute.

Sur les obligations contractuelles : - Dans le cadre du contrat de crédit-bail, la société CM Transport bénéficiait de diverses garanties qui prévoyaient en cas de panne, le prêt d'un véhicule de remplacement.

- La société Renault Retail Group n'a cependant proposé un véhicule de remplacement à la société CM Transport qu'une seule fois. Ce véhicule ne pouvait être utilisé qu'à titre personnel et pas en tant que véhicule de tourisme avec chauffeur.

- La société Renault Retail Group a manqué à ses obligations contractuelles en ne prêtant pas à la société CM Transport un véhicule de remplacement pour une durée assez longue, lui permettant d'exercer son activité de chauffeur.

La société Renault Retail Group réplique que :

Sur l'obligation de résultat

- S'il pèse sur le garagiste réparateur une obligation de résultant emportant présomption de responsabilité, il appartient au client de démontrer que l'intervention du réparateur est à l'origine du dommage (Civ. 1ère 31 octobre 2012, pourvoi n°11-24.234).

- En l'espèce, cette preuve fait défaut.

Sur les obligations contractuelles

- La société CM Transport n'établit pas la preuve d'une inexécution ou d'un retard dans l'exécution, et ne justifie d'aucune mise en demeure préalable.

* * *

L'article 1217 du code civil dispose que « la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut :

- refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation ;

- poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation ;

- obtenir une réduction du prix ;

- provoquer la résolution du contrat ;

- demander réparation des conséquences de l'inexécution.

Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter. »

En vertu de l'article 1231-1 du code civil, « le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure. »

Enfin, l'article 1231 du même code dispose que « à moins que l'inexécution soit définitive, les dommages et intérêts ne sont dus que si le débiteur a préalablement été mis en demeure de s'exécuter dans un délai raisonnable ».

En l'espèce, la société CM Transport justifie avoir adressé à la société Renault Retail Group un courrier recommandé le 9 mai 2019 faisant état des dysfonctionnements récurrents du véhicule et par lequel il réclame son intervention. Une mise en demeure a donc été transmise à la société Renault Retail Group.

 

Sur la mise à disposition d'un véhicule de courtoisie :

L'article 4 du contrat de location avec option d'achat stipule qu'en cas de panne, le client peut bénéficier d'un véhicule de courtoisie. Il n'est pas démontré que la société Renault Retail Group ait refusé cette garantie à la société CM Transport, qui ne l'a actionnée qu'à une reprise, le 25 octobre 2017, pour la durée de la réparation.

La preuve d'un comportement fautif de la société Renault Retail Group à ce titre n'est pas rapportée.

 

Sur le manquement à l'obligation de résultat du réparateur :

Le contrat de prestation de services de réparation de véhicule est un contrat de louage d'ouvrage.

L'obligation de résultat qui pèse sur le garagiste en ce qui concerne la réparation du véhicule emporte à la fois présomption de faute et présomption de causalité entre la faute et le dommage, et il appartient au garagiste de démontrer qu'il n'a pas commis de faute.

Il convient de relever que le véhicule neuf Renault Talisman, livré le 12 octobre 2017, a fait l'objet par la société Renault Retail Group de réparations successives se rapportant à des organes mécaniques différents, mais dont plusieurs ont dysfonctionné de façon récurrente, sans qu'elle ne soit en mesure, à l'issue de multiples interventions, de résoudre durablement les pannes dont était affecté le véhicule.

Des problèmes récurrents ont ainsi affecté le système de freinage, impliquant des ordres de réparation les 25 octobre 2017, 23 mai 2018, 14 mai 2019 et 22 septembre 2020.

Les désordres affectant les ceintures de sécurité n'ont pas été résolus malgré plusieurs interventions les 25 octobre 2017, les 17 avril, 23 mai, 11 juin 2018 et 3 juin 2019. Le cabinet BCA, intervenant dans le cadre d'une expertise amiable réalisée sur le véhicule le 10 juillet 2019 a constaté à ce titre qu'un dysfonctionnement persistait.

Le véhicule a été remis pour réparation de la commande des « warning » les 17 avril, 23 mai et 11 juin 2018.

Des ordres de réparation ont été donnés pour des anomalies de la mise en démarrage du véhicule et de la fonction « start and stop » (fonction permettant de couper automatiquement le moteur à l'arrêt) les 25 octobre 2017, 17 avril et 5 mai 2018 et 3 juin 2019.

La répétition des interventions de la société Renault Retail Group, pour des pannes affectant les mêmes éléments de motorisation, notamment le système frein, le démarrage et l'arrêt automatique du moteur, ainsi que les ceintures de sécurité, la mise en marche des warnings, établit que le résultat escompté, à savoir une réparation effective et durable des désordres affectant le véhicule, n'a pas été atteint par le garagiste.

Le fait que l'expert amiable relève que le véhicule est couvert par la garantie du constructeur et que les désordres qui subsistent ne rendent pas le véhicule impropre à son usage n'élude pas la responsabilité contractuelle de la société Renault Retail Group dans la mesure où l'expertise ne remet pas en cause les « multiples interventions réalisées en garantie ».

Le manquement de la société Renault Retail Group à son obligation de résultat étant démontré, le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a débouté la société CM Transport de toutes ses demandes indemnitaires.

 

Sur les préjudices :

La société CM Transport soutient que :

- Elle a subi un préjudice dû à l'immobilisation du véhicule pendant 131 jours, alors qu'elle utilise chaque jour le véhicule. La perte de son chiffre d'affaires journalier d'un montant de 239 euros s'élève pour la totalité de la période à la somme de 38 383 euros.

- Elle a subi un préjudice moral à hauteur de 15.000 euros lié à la désorganisation de son activité causée par les pannes successives.

La société Renault Retail Group réplique que :

- Les conditions générales de garanties des véhicules des véhicules Renault stipulent que la garantie Constructeur ne couvre pas « les conséquences indirectes d'un éventuel défaut (perte d'exploitation, durée d'immobilisation, etc ') ».

- La perte de chiffres d'affaires ne constitue pas une perte de bénéfice sur laquelle pourrait seule reposer une indemnisation résultant d'un manquement.

- La société CM Transport ne rapporte aucune preuve de la souffrance par elle endurée.

En l'espèce, la société Renault Retail Group a commis une faute contractuelle ; elle ne peut en conséquence s'exonérer de son obligation de réparer le préjudice en résultant pour la société CM Transport par l'application des limitations de la « Garantie Losange ». Sa responsabilité est recherchée, non pas sur le fondement contractuel de la « garantie Losange » mais sur celui, légal, de l'article 1217 du code civil.

La société CM Transport soutient que les pannes à répétition ont provoqué l'immobilisation du véhicule durant 131 jours, chiffre contesté par la société Renault Retail Group, qui affirme que les réparations ont été pour la plupart effectuées dans la journée. La société CM Transport n'apporte aucune précision sur la durée d'immobilisation alléguée.

Les pièces produites aux débats et notamment les ordres de réparation et les factures afférentes établissent que le véhicule a été immobilisé :

- En 2017 : 2 jours le 25 octobre et 1 jour le 10 novembre, soit un total de 3 jours.

- En 2018 : 8 journées cumulées (le 6 février, du 17 au 19 avril, le 23 mai, du 11 au 12 juin et le 12 juillet). La société CM Transport ne démontre pas en effet que la réparation de l'anomalie de « l'affichage tête haute » (absence de lecture du kilométrage sur le pare-brise) a entrainé l'immobilisation du véhicule du 12 juillet au 10 octobre 2018, l'ordre de réparation versé au débat indiquant seulement que la panne, qui n'empêchait pas la bonne marche du véhicule, signalée le 12 juillet a été réparée le 10 octobre, entrainant son immobilisation une journée.

- En 2019 : 42 journées cumulées. La société CM Transport produit en effet l'ordre de réparation mécanique délivré par la société Renault Retail Groupe attestant une entrée du véhicule le 23 avril et une sortie le 31 mai 2019 du fait de différentes pannes (freins, warning, consommation de liquide de refroidissement, climatisation, et capteur des pneus), soit 39 jours ainsi qu'une nouvelle intervention les 3 et 4 juin (2 jours).

- En 2020 : 6 journées cumulées (le 20 janvier, du 1er au 2 juillet, le 7 et le 22 septembre, le 14 octobre).

Au soutien de sa demande formée au titre de la perte de son chiffre d'affaires, la société CM Transport ne produit cependant aucun document comptable ni liasse fiscale, mais un seul document d'une page qu'elle a elle-même établi, intitulé « moyenne sur le mois où le véhicule a été le moins mobilisé ». Il ne produit aucune demande de prestation de service qu'il aurait dû refuser durant les périodes de dysfonctionnement.

Cette seule pièce ne permet pas de démontrer l'existence de son préjudice.

En revanche, les pannes successives ainsi que la participation aux opérations d'expertise amiable ont nécessairement entraîné la désorganisation de l'activité commerciale de la société CM Transport, liée aux journées d'immobilisation du véhicule et aux perturbations causées par son dysfonctionnement entre le 25 octobre 2017 et le 14 octobre 2020.

La cour dispose d'éléments suffisants pour fixer à la somme de 7.000 euros le préjudice moral de la société CM Transport.

La société Renault Retail Groupe sera par voie d'infirmation condamnée au paiement de cette somme.

 

Sur les demandes accessoires :

Le jugement sera infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

La société Renault Retail Group, perdante, supportera les dépens de première instance et d'appel.

Il apparaît équitable de condamner la société Renault Retail Group au paiement de la somme globale de 2 400 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel, et de rejeter les autres demandes.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Infirme le jugement du tribunal de commerce de Bobigny du 4 janvier 2022 sauf en ce qu'il a débouté la société CM Transport de sa demande de dommages et intérêts au titre d'un préjudice matériel.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la société Renault Retail Group à payer à la société CM Transport la somme de 7.000 euros à titre de dommages et intérêt en réparation de son préjudice moral,

Condamne la société Renault Retail Group à payer à la société CM Transport la somme de 2 400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Renault Retail Group aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER                                            LA PRÉSIDENTE