CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 11 avril 2025
- T. com. Paris, 28 septembre 2022 : RG n° J202200439
CERCLAB - DOCUMENT N° 23591
CA PARIS (pôle 5 ch. 11), 11 avril 2025 : RG n° 22/19261
Publication : Judilibre ; JurisData n° 2025-005003
Extraits : 1/ « La société 2CGO produit une attestation de l'URSSAF confirmant qu'elle n'a jamais employé de salarié depuis son immatriculation en 2011. Elle remplissait donc la condition requise tenant à l'emploi de moins de six salariés à la date de signature du contrat.
Il est manifeste que, malgré la mention préimprimée figurant sur le contrat Leasecom « Fait à [Localité 9] », la société 2CGO ne s'est pas déplacée au siège de la société Leasecom, sachant au demeurant que tous les contrats ont été signés le même jour, soit le 13 décembre 2017 et que la société 2CGO exerce son activité en Gironde (33). Elle explique avoir été démarchée par la société Matecopie et n'est en cela pas contredite par la société Leasecom. Cette dernière se contente, pour exclure la qualification de contrat conclu « hors établissement » de pointer la condition relative à la « présence physique simultanée des parties ». Or la société Matecopie a agi comme un mandataire apparent de la société Leasecom, ayant été l'unique interlocuteur et intermédiaire auprès du client. Le contrat a donc été donc conclu « hors établissement » selon la définition précitée.
En outre, la location et l'exploitation de matériel d'un copieur multifonction n'entrent pas dans le champ de l'activité principale de la société 2CGO qui est, selon l'extrait Kbis versé aux débats « l'accompagnement et le conseil en gestion opérationnelle, en stratégie de vente et commerciale, en suivi des marges et coûts, en stratégie d'achat, vente de fournitures, de logiciels. Formation ».
Au surplus et comme le souligne à juste titre la société 2CGO, les conditions générales du contrat Leasecom en leur article 14 qualifient le contrat de contrat conclu hors établissement - « présent contrat conclu hors établissement » - et font référence aux dispositions issues du code de la consommation. Quant au contrat de maintenance, il comporte un formulaire de rétractation conformément au code de la consommation. Les parties ont donc entendu volontairement soumettre les contrats conclus au droit de la consommation. La société 2CGO bénéficie donc des dispositions protectrices du code de la consommation et le jugement sera infirmé sur ce point. »
2/ « Si le contrat conclu avec la société Leasecom comporte une information sur le droit de rétractation, celle-ci est erronée puisque le point de départ du délai de rétractation est indiqué comme étant la signature du contrat et non la livraison du bien « sachant qu'un procès-verbal de réception a bien été signé postérieurement » et que l'exigence d'une lettre recommandée est mentionnée. Le contrat de location ne contient par ailleurs aucun bordereau de rétractation. Quant au bon de commande et au contrat de maintenance, s'ils comprennent un bordereau de rétractation au verso, nulle indication n'est donnée sur le point de départ du délai.
La sanction prévue par l'article L. 242-1 étant d'ordre public, l'extension de la possibilité de rétractation à un délai de douze mois au lieu de quatorze jours - en application des articles L. 221-18 à L. 221-20 du code de la consommation - ne peut y faire échec.
Au-delà des dispositions relatives au droit de rétractation, il est manifeste que les caractéristiques essentielles du bien ne sont pas détaillées, la mention elliptique « MF 222+ reconditionné » étant insuffisante à répondre aux exigences de l'article L.111-1 auquel renvoie l'article L.221-5 du code de la consommation.
Il en résulte que le bon de commande et le contrat de maintenance signés avec la société Matecopie, et le contrat de location financière conclu avec la société Leasecom ne respectent pas les exigences issues des articles L. 221-5 et L. 221-9 du code de la consommation et encourent de ce fait la nullité. »
3/ « Les loyers versés depuis l'origine par la société 2CGO doivent donc lui être restitués par la société Leasecom, soit la somme de 15.444 euros. La société 2CGO demande que cette somme soit assortie des intérêts particuliers prévus à l'article L. 242-4 du code de la consommation. Cependant cet article renvoie à l'article L. 221-24 du même code relatif au droit de rétractation de sorte que la société 2CGO n'ayant pas exercé cette faculté, ces intérêts ne sont pas dus. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
PÔLE 5 CHAMBRE 11
ARRÊT DU 11 AVRIL 2025
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 22/19261. N° Portalis 35L7-V-B7G-CGWHI. Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 septembre 2022 - Tribunal de Commerce de Paris - RG n° J202200439.
APPELANTE :
EURL 2CGO
prise en la personne de ses représentants légaux [Adresse 2], [Localité 4], immatriculée au RCS de BORDEAUX sous le numéro XXX, Représentée par Maître Guillaume DAUCHEL de la SELARL CABINET SEVELLEC DAUCHEL, avocat au barreau de PARIS, toque : W09
INTIMÉES :
SAS LEASECOM
prise en la personne de ses représentants légaux [Adresse 8], [Localité 6], immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro XXX, Représentée par Maître Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480
SELARL A ASSOCIE UNIQUE MANDATAIRES JUDICIAIRES A LA LIQUIDATION DES ENTREPRISES MAÎTRE D. W. ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société MATECOPIE
[Adresse 5], [Localité 3], DÉFAILLANTE
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 22 janvier 2025, en audience publique, rapport ayant été fait par Mme Marie-Sophie L'ELEU DE LA SIMONE, conseillère, conformément aux articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : M. Denis ARDISSON, Président de chambre, Mme Marie-Sophie L'ELEU DE LA SIMONE, conseillère, Mme Caroline GUILLEMAIN, conseillère, Qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Damien GOVINDARETTY
ARRÊT : - réputé contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par M. Denis Ardisson, président de la chambre 5-11 et par M. Maxime Martinez, greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire, présent lors de la mise à disposition.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
La société 2CGO exerce son activité dans le domaine du conseil pour les affaires et autres conseils de gestion.
Elle a signé le 22 octobre 2015 auprès de la société Matecopie un bon de commande portant sur la location d'un photocopieur Olivetti « MF 222 + neuf » ainsi qu'un contrat de maintenance. Elle a également signé un contrat de partenariat portant engagement de la société Matecopie sur une participation commerciale de 4.800 euros et « changement du matériel tous les 21 mois et solde du contrat en cours par nos soins au renouvellement de celui-ci (nouvelle participation identique) : 4.800 euros ».
Le même jour, la société 2CGO a conclu un contrat de location financière portant sur ce matériel avec la société Locam pour une durée de 21 trimestres (63 mois) moyennant un loyer mensuel de 290 euros HT.
Le 13 décembre 2017, la société 2CGO a signé un nouveau bon de commande avec la société Matecopie portant sur le même photocopieur « MF 222+ » ainsi qu'un contrat de maintenance. Elle a également signé un contrat de rachat/reprise dans lequel la société Matecopie s'engageait à solder le précédent contrat avec Locam à hauteur de 7.120 euros HT (« prime de rachat ») et à renouveler le contrat et le matériel « dans 18 mois », avec la mention « Au renouvellement, à matériel équivalent, rachat équivalent ».
La société 2CGO a signé le même jour avec la société Leasecom, spécialisée dans le financement d'équipement professionnels, un contrat de location financière prévoyant une durée d'engagement de 21 trimestres, soit 63 mois, avec des loyers mensuels de 390 euros HT (1.170 euros HT soit 1.404 euros TTC par trimestre).
La société 2CGO a signé le procès-verbal de réception de l'équipement le 18 janvier 2018.
La société Leasecom a acquis le matériel auprès de la société Matecopie suivant facture du 19 janvier 2018 pour un montant de 24.484,26 euros TTC.
Suivant jugement du 5 février 2020, le tribunal de commerce de Bordeaux a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société Matecopie, et désigné la Selarl [D] [W] en qualité de liquidateur judiciaire de la société Matecopie.
Le 12 mars 2020, la société 2CGO a déclaré sa créance auprès du liquidateur judiciaire de la société Matecopie.
Par lettre recommandée du 16 avril 2020, la société CGO a mis en demeure le liquidateur judiciaire de la société Matecopie de « prendre position sur la poursuite ou non du contrat Leasecom N°218L85866 ».
Suivant lettre du 24 août 2020, la société 2CGO a sollicité auprès de la société Leasecom la résiliation amiable du contrat en raison de la liquidation judiciaire du fournisseur rendant impossible l'utilisation du copieur et l'absence de maintenance et de versement de la commission promise par la société Matecopie tous les dix-huit mois.
Suivant lettre du 27 août 2020, la société Leasecom a contesté les motifs invoqués par la locataire et indiqué que l'ensemble du parc de la société Matecopie avait été repris par la société Acteis en charge de la maintenance et de la gestion des problèmes techniques sur les contrats apportés par la société Matecopie.
La société 2CGO a cessé de régler les loyers à compter du 1er septembre 2020.
La société Leasecom a mis en demeure la société 2CGO de payer les loyers du 1er septembre 2020 au 1er avril 2021 à hauteur de 5.616 euros TTC par lettre recommandée avec accusé de réception du 17 mai 2021 visant les conditions générales de location relatives à la résiliation de plein droit et le paiement d'une indemnité de résiliation de 10.296 euros.
Cette mise en demeure est restée infructueuse.
Suivant exploit du 29 juillet 2021 la société Leasecom a fait assigner la société 2CGO devant le tribunal de commerce de Paris.
L'affaire a été enregistrée sous le numéro de RG2 2021039770.
Suivant acte du 12 novembre 2021, la société 2CGO a fait assigner la Selarl [D] [W] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Matecopie devant le tribunal de commerce de Paris.
L'affaire a été enregistrée sous le numéro de RG 2021054933.
Par jugement du 28 septembre 2022, le tribunal de commerce de Paris a :
- joint les instances enrôlées sous les numéros RG 2021039770 et RG 2021054933 sous un seul et unique numéro J2022000439 ;
- constaté la résiliation au 25/05/2021 du contrat de location financière n°218L85866 signé entre la SAS Leasecom et l'EURL 2CGO,
- condamné l'EURL 2CGO à payer à la SAS Leasecom la somme de 5.616 euros TTC, augmentée des intérêts calculés au taux légal à compter du 25/05/2020 ;
- condamné l'EURL 2CGO à payer à la société Leasecom la somme de 10.296 euros HT, augmentée des intérêts calculés au taux légal à compter du 25/05/2020 ;
- ordonné la capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du code civil,
- condamné l'EURL 2CGO à payer à la SAS Leasecom la somme de 40 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement,
- ordonné à l'ERUL 2CGO, de procéder à la restitution du matériel, à l'adresse suivante : Leasecom [Adresse 1],
- condamné l'ERUL 2CGO à payer à la SAS Leasecom la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- rappelé que l'exécution provisoire du présent jugement est de droit ;
- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;
- condamné l'EURL 2CGO aux dépens.
La société 2CGO a formé appel du jugement par déclaration du 15 novembre 2022 enregistrée le 25 novembre 2022.
[*]
Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 18 novembre 2024, la société 2CGO demande à la cour, au visa des articles L.221-3, L.221-9, L.221-5, L111-1, L.112-4, L.221-7, R221-1 et L.242-1 du code de la consommation, 1130 et suivants du code civil, 1302 et suivants du code civil :
- d'annuler ou à défaut, d'infirmer le jugement dont appel dans toutes ses dispositions et ce dans la limite des chefs du jugement critiqués,
- de statuer à nouveau
- de déclarer que les dispositions visées par l'article L.221-3 du code de la consommation sont applicables,
A titre principal
- d'annuler le contrat de location entre la société 2CGO et la société Leasecom, ainsi que le bon de commande de matériel et le contrat de maintenance entre la société 2CGO et la société Matecopie, pour les motifs suivants :
* Violation de l'obligation d'information sur le droit de rétractation, o Violation de l'obligation d'information sur les caractéristiques essentielles, o Violation de l'obligation d'information sur le délai de livraison ou d'exécution de la prestation de service,
* Violation de l'obligation d'indiquer le total des coûts mensuels, 'o Absence de contrepartie,
* Contenu illicite.
* Dol.
En conséquence,
- de débouter la société Leasecom de l'intégralité de ses demandes,
- de condamner la société Leasecom à restituer à la société 2CGO, la somme de 15.444 euros, avec les intérêts :
* calculés selon les modalités de l'article L.242-4 du code de la consommation à compter du jugement de première instance, et capitalisation, en cas de violation du code de la consommation,
* au taux légal et capitalisation à compter du jugement de première instance, en l'absence de violation du code de la consommation,
Premier niveau de subsidiarité
- de déclarer que la société Matecopie a failli à son obligation de verser la prime de rachat reprise qu'elle devait verser,
- de déclarer que la société Leasecom a failli à son obligation d'acquérir le matériel,
En conséquence
- de prononcer la résolution rétroactive du contrat de location entre la société 2CGO et la société Leasecom, ainsi que du bon de commande de matériel et du contrat de maintenance entre la société 2CGO et la société Matecopie, et ce, avec effet à compter de la date de leur conclusion,
- de débouter la société Leasecom de l'intégralité de ses demandes,
- de condamner la société Leasecom à restituer à la société 2CGO, la somme de 15.444 euros, avec intérêts au taux légal et capitalisation à compter du jugement de première instance ;
Second niveau de subsidiarité
- de déclarer que les contrats ont été valablement résiliés par la société 2CGO au 24/08/2020,
En conséquence,
- de débouter la société Leasecom de toutes ses demandes.
Troisième niveau de subsidiarité
- de prononcer la caducité de tous les autres contrats ou bon de commande en conséquence - de l'anéantissement de l'un quelconque d'entre eux,
- de débouter la société Leasecom de l'intégralité de ses demandes,
- de condamner la société Leasecom à restituer à la société 2CGO, la somme de 15.444 euros, avec les intérêts :
* calculés selon les modalités de l'article L.242-4 du code de la consommation à compter du jugement de première instance, et capitalisation, en cas de violation du code de la consommation,
* au taux légal et capitalisation à compter du jugement de première instance, en l'absence de violation du code de la consommation,
En tout état de cause
- de déclarer que la société Leasecom ne justifie pas de la propriété du matériel,
- de condamner la société Leasecom à restituer à la société 2CGO, la somme indue de 15.444 euros, avec intérêts au taux légal et capitalisation à compter du jugement de première instance ;
- de débouter la société Leasecom de toutes ses demandes ;
- de condamner la société Leasecom à verser à la société 2CGO, la somme de 10.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel, ainsi qu'aux entiers - dépens de première instance et d'appel.
[*]
Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 14 avril 2023, la société Leasecom demande à la cour, au visa de l'article 1186 du code civil, et des articles 1103 et 1104 du code civil, et des dispositions du code de la consommation :
- de confirmer en toutes ses dispositions le Jugement rendu le 28 septembre 2022 par le tribunal de commerce de Paris (RG : J2022000439) ;'
- de débouter l'EURL 2CGO de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;'
Y ajoutant
- de condamner l'EURL 2CGO à régler à la SAS Leasecom la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;
- de condamner l'EURL 2CGO aux entiers dépens.
[*]
La Selarl [D] [W] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Matecopie n'a pas constitué avocat. La société 2CGO lui a fait signifier sa déclaration d'appel et ses conclusions d'appelante par acte d'huissier du 8 février 2023. La société Leasecom a fait signifier ses conclusions d'intimée à la Selarl [D] [W] ès qualités par acte d'huissier du 30 mai 2023.
[*]
La clôture a été prononcée suivant ordonnance en date du 12 décembre 2024.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE, LA COUR,
Sur l'application du code de la consommation :
La société 2CGO fait valoir que les trois conditions cumulatives pour bénéficier des dispositions issues du code de la consommation sont réunies. Elle expose ainsi que le contrat a été conclu hors établissement puisque c'est à l'occasion d'un démarchage physique dont elle a fait l'objet à son siège social à [Localité 7] le 13 décembre 2017 de la part d'un commercial représentant à la fois les sociétés Matecopie et Leasecom que tous les documents contractuels ont été signés. Elle ajoute que l'article 14 des conditions générales du contrat de location Leasecom indique qu'il a été conclu hors établissement. La société 2CGO déclare ensuite n'avoir jamais employé de salarié depuis son immatriculation en 2011. Enfin elle explique aider ses clients à améliorer leur gestion d'entreprise à partir de l'analyse qu'elle fait de plusieurs indicateurs de performance et en déduit que la location d'un matériel de bureautique n'est pas au cœur de son activité professionnelle et que l'objet des contrats n'entre pas dans son champ d'activité principale. Elle excipe ensuite de la soumission volontaire au code de la consommation dans la mesure où le bon de commande du matériel et le contrat de maintenance ainsi que le contrat de location y font référence.
La société Leasecom soutient à l'inverse que la société 2CGO ne peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 221-3 du code de la consommation, qui étend aux professionnels le bénéfice des dispositions protectrices du code de la consommation, dans la mesure où ses conditions d'application ne sont pas réunies. Elle fait valoir qu'il n'est pas démontré que le contrat ait été signé en la présence simultanée des parties, ce qui de facto exclut l'application de l'article L. 221-1 du code de la consommation. Quant au critère du champ de l'activité principale du professionnel, elle expose que le seul critère pertinent pour déterminer si les contrats entrent bien dans le champ de l'activité principale du professionnel doit être celui de l'utilité des prestations commandées pour l'exercice de l'activité principale du professionnel. A cet égard, la société Leasecom soutient qu'il ressort explicitement du site internet de l'EURL 2CGO que la connaissance du matériel informatique fait partie de ses compétences. Enfin elle fait valoir que le contrat de location financière est indépendant du contrat de maintenance.
Aux termes de l'article L. 221-3 du code de la consommation : « Les dispositions des sections 2, 3, 6 du présent chapitre applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq. ».
Le contrat hors établissement est ainsi défini par l'article L. 221-1 :
« 2° "Contrat hors établissement" tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur :
a) Dans un lieu qui n'est pas celui où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle, en la présence physique simultanée des parties, y compris à la suite d'une sollicitation ou d'une offre faite par le consommateur ;
b) Ou dans le lieu où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle ou au moyen d'une technique de communication à distance, immédiatement après que le consommateur a été sollicité personnellement et individuellement dans un lieu différent de celui où le professionnel exerce en permanence ou de manière habituelle son activité et où les parties étaient, physiquement et simultanément, présentes ;
c) Ou pendant une excursion organisée par le professionnel ayant pour but ou pour effet de promouvoir et de vendre des biens ou des services au consommateur. ».
La société 2CGO produit une attestation de l'URSSAF confirmant qu'elle n'a jamais employé de salarié depuis son immatriculation en 2011. Elle remplissait donc la condition requise tenant à l'emploi de moins de six salariés à la date de signature du contrat.
Il est manifeste que, malgré la mention préimprimée figurant sur le contrat Leasecom « Fait à [Localité 9] », la société 2CGO ne s'est pas déplacée au siège de la société Leasecom, sachant au demeurant que tous les contrats ont été signés le même jour, soit le 13 décembre 2017 et que la société 2CGO exerce son activité en Gironde (33). Elle explique avoir été démarchée par la société Matecopie et n'est en cela pas contredite par la société Leasecom.
Cette dernière se contente, pour exclure la qualification de contrat conclu « hors établissement » de pointer la condition relative à la « présence physique simultanée des parties ». Or la société Matecopie a agi comme un mandataire apparent de la société Leasecom, ayant été l'unique interlocuteur et intermédiaire auprès du client. Le contrat a donc été donc conclu « hors établissement » selon la définition précitée.
En outre, la location et l'exploitation de matériel d'un copieur multifonction n'entrent pas dans le champ de l'activité principale de la société 2CGO qui est, selon l'extrait Kbis versé aux débats « l'accompagnement et le conseil en gestion opérationnelle, en stratégie de vente et commerciale, en suivi des marges et coûts, en stratégie d'achat, vente de fournitures, de logiciels. Formation ».
Au surplus et comme le souligne à juste titre la société 2CGO, les conditions générales du contrat Leasecom en leur article 14 qualifient le contrat de contrat conclu hors établissement - « présent contrat conclu hors établissement » - et font référence aux dispositions issues du code de la consommation. Quant au contrat de maintenance, il comporte un formulaire de rétractation conformément au code de la consommation. Les parties ont donc entendu volontairement soumettre les contrats conclus au droit de la consommation.
La société 2CGO bénéficie donc des dispositions protectrices du code de la consommation et le jugement sera infirmé sur ce point.
Sur la nullité du bon de commande, du contrat de maintenance et du contrat de location financière :
La société 2CGO soutient que plusieurs violations du code de la consommation justifient l'annulation des contrats. Elle argue en premier lieu de la violation de l'obligation d'information sur le droit de rétractation dans la mesure où le contrat de location ne contient aucun bordereau de rétractation et l'information donnée à l'article 14 des conditions générales est erronée quant au point de départ du délai et les modalités d'exercice du droit de rétractation. Quant au bon de commande et des contrats conclus avec la société Matecopie, la société 2CGO fait valoir que l'information sur le point de départ du délai de rétractation est également inexacte et nulle indication n'est donnée quant aux modalités de son exercice. Elle indique que si la prolongation du délai de rétractation est prévue pour tous types de contrat, hors établissement, à distance ou à la suite d'un démarchage téléphonique, en vertu de l'article L. 221-20, l'article L. 242-1 ajoute la sanction de la nullité lorsqu'il s'agit d'un contrat conclu hors établissement. L'appelante affirme ensuite qu'aucun document contractuel ne précise les caractéristiques essentielles du photocopieur loué. Elle ajoute en troisième lieu que le contrat n'a pas reçu d'exécution immédiate et qu'il y a violation de l'obligation d'information sur le délai de livraison ou d'exécution de la prestation de service. La société 2CGO affirme en dernier lieu que l'opération litigieuse inclut un abonnement sur cinq ans et qu'aucune information n'a été donnée sur le total des coûts mensuels.
La société Leasecom fait valoir que le droit de rétractation est expressément mentionné sur la page des conditions particulières du contrat de location ainsi que dans l'article 14 des conditions générales. Elle soutient également que l'absence de bordereau de rétractation n'entraîne pas la nullité du contrat mais l'allongement du délai de rétractation conformément aux dispositions de l'article L. 221-20 du code de la consommation. S'agissant de l'obligation d'information sur les caractéristiques essentielles du bien, la société Leasecom rappelle qu'elle n'a fait que financer le copieur choisi préalablement par la société 2CGO auprès de la société Matecopie. Enfin elle explique le procès-verbal de réception a été régularisé le 18 janvier 2018, soit quelques jours après la signature du contrat de location et soutient n'avoir pas eu connaissance du fait qu'il s'agissait du matériel dont disposait déjà la société 2CGO.
En vertu de l'article L. 221-5 du même code : « Préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
1° Les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 ;
2° Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par décret en Conseil d'État ;
3° Le cas échéant, le fait que le consommateur supporte les frais de renvoi du bien en cas de rétractation et, pour les contrats à distance, le coût de renvoi du bien lorsque celui-ci, en raison de sa nature, ne peut normalement être renvoyé par la poste ;
4° L'information sur l'obligation du consommateur de payer des frais lorsque celui-ci exerce son droit de rétractation d'un contrat de prestation de services, de distribution d'eau, de fourniture de gaz ou d'électricité et d'abonnement à un réseau de chauffage urbain dont il a demandé expressément l'exécution avant la fin du délai de rétractation ; ces frais sont calculés selon les modalités fixées à l'article L. 221-25 ;
5° Lorsque le droit de rétractation ne peut être exercé en application de l'article L. 221-28, l'information selon laquelle le consommateur ne bénéficie pas de ce droit ou, le cas échéant, les circonstances dans lesquelles le consommateur perd son droit de rétractation;
6° Les informations relatives aux coordonnées du professionnel, le cas échéant aux coûts de l'utilisation de la technique de communication à distance, à l'existence de codes de bonne conduite, le cas échéant aux cautions et garanties, aux modalités de résiliation, aux modes de règlement des litiges et aux autres conditions contractuelles, dont la liste et le contenu sont fixés par décret en Conseil d'État.
Dans le cas d'une vente aux enchères publiques telle que définie par le premier alinéa de l'article L. 321-3 du code de commerce, les informations relatives à l'identité et aux coordonnées postales, téléphoniques et électroniques du professionnel prévues au 4° de l'article L. 111-1 peuvent être remplacées par celles du mandataire. ».
En vertu de l'article L. 221-7 : « La charge de la preuve du respect des obligations d'information mentionnées à la présente section pèse sur le professionnel. ».
En vertu de l'article L. 221-8 : « Dans le cas d'un contrat conclu hors établissement, le professionnel fournit au consommateur, sur papier ou, sous réserve de l'accord du consommateur, sur un autre support durable, les informations prévues à l'article L. 221-5. Ces informations sont rédigées de manière lisible et compréhensible. ».
En vertu de l'article L. 221-9 du même code : « Le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l'accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l'engagement exprès des parties.
Ce contrat comprend toutes les informations prévues à l'article L. 221-5.
Le contrat mentionne, le cas échéant, l'accord exprès du consommateur pour la fourniture d'un contenu numérique indépendant de tout support matériel avant l'expiration du délai de rétractation et, dans cette hypothèse, le renoncement de ce dernier à l'exercice de son droit de rétractation.
Le contrat est accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° de l'article L. 221-5. ».
En vertu de l'article L. 242-1 du même code : « Les dispositions de l'article L. 221-9 sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement. ».
Le contrat de location signé par la société 2CGO le 13 décembre 2017 désigne ainsi l'équipement donné en location :
« 1 MF 222 + reconditionné
1 NAS DS 218 + ».
Il précise que la date d'exigibilité du premier loyer est le 1er avril 2018. Ce contrat comporte le cachet de la société Matecopie sous la rubrique « nom et adresse du fournisseur » et est signé et tamponné par la société Leasecom. La mention « Le Locataire reconnaît également avoir pris connaissance des informations concernant le délai de rétractation de 14 jours, mentionnées à l'article 14 des Conditions Générales de location » figure en petits caractères au recto. Au verso du contrat, l'article 14 « Délai de rétractation » est ainsi libellé :
« Si au jour de la signature du présent contrat conclu hors établissement, le nombre de salariés du locataire est inférieur à 6 et que l'équipement n'entre pas dans le champ de son activité principale, celui-ci dispose d'un délai de rétractation de 14 jours à compter de la signature du présent contrat qu'il pourra exercer en adressant un courrier recommandé au Service Client mentionné à l'article 15. »
La société 2CGO a signé le mandat de prélèvement SEPA au profit de Leasecom le 13 décembre 2017.
Si le contrat conclu avec la société Leasecom comporte une information sur le droit de rétractation, celle-ci est erronée puisque le point de départ du délai de rétractation est indiqué comme étant la signature du contrat et non la livraison du bien « sachant qu'un procès-verbal de réception a bien été signé postérieurement » et que l'exigence d'une lettre recommandée est mentionnée. Le contrat de location ne contient par ailleurs aucun bordereau de rétractation. Quant au bon de commande et au contrat de maintenance, s'ils comprennent un bordereau de rétractation au verso, nulle indication n'est donnée sur le point de départ du délai.
La sanction prévue par l'article L. 242-1 étant d'ordre public, l'extension de la possibilité de rétractation à un délai de douze mois au lieu de quatorze jours - en application des articles L. 221-18 à L. 221-20 du code de la consommation - ne peut y faire échec.
Au-delà des dispositions relatives au droit de rétractation, il est manifeste que les caractéristiques essentielles du bien ne sont pas détaillées, la mention elliptique « MF 222+ reconditionné » étant insuffisante à répondre aux exigences de l'article L.111-1 auquel renvoie l'article L.221-5 du code de la consommation.
Il en résulte que le bon de commande et le contrat de maintenance signés avec la société Matecopie, et le contrat de location financière conclu avec la société Leasecom ne respectent pas les exigences issues des articles L. 221-5 et L. 221-9 du code de la consommation et encourent de ce fait la nullité.
Il convient par conséquent d'infirmer le jugement en ses dispositions déférées et de prononcer la nullité du bon de commande et du contrat de maintenance signés avec la société Matecopie, et du contrat de location financière conclu avec la société Leasecom.
Les loyers versés depuis l'origine par la société 2CGO doivent donc lui être restitués par la société Leasecom, soit la somme de 15.444 euros. La société 2CGO demande que cette somme soit assortie des intérêts particuliers prévus à l'article L. 242-4 du code de la consommation. Cependant cet article renvoie à l'article L. 221-24 du même code relatif au droit de rétractation de sorte que la société 2CGO n'ayant pas exercé cette faculté, ces intérêts ne sont pas dus.
Le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a condamné la société 2CGO à restituer le matériel à la société Leasecom.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
La société Leasecom succombant à l'action, il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles. La société Leasecom sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel. Il apparaît en outre équitable de la condamner à payer à la société 2CGO la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
INFIRME le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a ordonné à la société 2CGO de procéder à la restitution du matériel auprès de la société Leasecom ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
PRONONCE la nullité du bon de commande et du contrat de maintenance signés par la société 2CGO avec la société Matecopie le 13 décembre 2017, et du contrat de location financière conclu avec la société Leasecom le 13 décembre 2017 ;
CONDAMNE la société Leasecom à restituer à la société 2CGO la somme de 15.444 euros au titre des loyers versés depuis l'origine ;
CONDAMNE la société Leasecom aux dépens de première instance et d'appel ;
CONDAMNE la société Leasecom à payer à la société 2CGO la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT