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CA POITIERS (1re ch. civ.), 28 janvier 2025

Nature : Décision
Titre : CA POITIERS (1re ch. civ.), 28 janvier 2025
Pays : France
Juridiction : Poitiers (CA), 1re ch. civ.
Demande : 23/02124
Décision : 25/36
Date : 28/01/2025
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 15/09/2023
Décision antérieure : T. com. La Roche-sur-Yon, 8 août 2023
Numéro de la décision : 36
Décision antérieure :
  • T. com. La Roche-sur-Yon, 8 août 2023
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CERCLAB - DOCUMENT N° 23606

CA POITIERS (1re ch. civ.), 28 janvier 2025 : RG n° 23/02124 ; arrêt n° 36 

Publication : Judilibre

 

Extrait : « En l'espèce, Mme X. a signé les deux devis présentés en tant que professionnelle puisque lesdits devis étaient directement liés à son activité professionnelle, à savoir l'aménagement du local commercial permettant l'exploitation d'un commerce par une société qui allait être créée pour cette exploitation

Il n'est au demeurant pas démontré qu'elle ait fait l'objet de démarchage puisqu'elle indique s'être elle-même rapprochée des sociétés intimées.

Alors que les mails versés aux débats témoignent à compter de février 2020 des discussions antérieures des parties, il ne peut être retenu en l'espèce une signature de contrats hors établissement, ces contrats étant signés les 28 mai 2020 et 05 juin 2020 à distance durant la pandémie de COVID 19 et l'application des restrictions de déplacement attachées au traitement de la pandémie.

Mme X. ne peut dans ces circonstances solliciter le bénéfice des dispositions protectrices du code de la consommation et sa demande de nullité des contrats souscrits, interdépendants, doit être écartée par confirmation du jugement entrepris sur ce point. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE POITIERS

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 28 JANVIER 2025

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 23/02124. Arrêt n° 36. N° Portalis DBV5-V-B7H-G4G2. Décision déférée à la Cour : jugement du 8 août 2023 rendu par le Tribunal de Commerce de LA ROCHE-SUR-YON.

 

APPELANTE :

Madame X.

née le [date] à [Localité 6], [Adresse 4], [Localité 5], ayant pour avocat postulant Maître François MUSEREAU de la SELARL JURICA, avocat au barreau de POITIERS et pour avocat plaidant Maître Cyril TOURNADE, avocat au barreau de NANTES, substitué par Maître Yasmina GAUVRIT, avocat au barreau de NANTES

 

INTIMÉES :

SAS MOBIL M CONSTRUCTION

[Adresse 1], [Localité 2]

SAS ATLANTIQUE AGENCEMENT

[Adresse 7], [Localité 3]

ayant toutes les deux pour avocat postulant Maître Marion LE LAIN de la SELARL 1927 AVOCATS, avocat au barreau de POITIERS et pour avocat plaidant Maître Gwendal RIVALAN, avocat au barreau de NANTES, substitué par Maître Anne-Sophie BARRIERE, avocat au barreau de NANTES

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 21 novembre 2024, en audience publique, devant la Cour composée de : M. Thierry MONGE, Président de Chambre, Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller, Monsieur Philippe MAURY, Conseiller qui a présenté le rapport, qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Madame Elodie TISSERAUD

ARRÊT : - Contradictoire - Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, - Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre et par Mme Elodie TISSERAUD, Greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Mme X. est la présidente de la Société GEORGETTE & CO, exerçant une activité de commerce de détails d'objets, d'ameublement, arts de la table, décoration d'intérieur et épicerie fine.

Courant 2020, Mme X. a contacté la société MOBIL M CONSTRUCTION et la Société ATLANTIC AGENCEMENT, ces deux sociétés faisant partie d'un même groupe : MOBIL M dans le but de procéder à une étude complète pour la création de son magasin, cette étude allant de la création graphique de l'enseigne, en passant par l'architecture intérieure du local jusqu'à la conception sur-mesure du mobilier.

En février 2020, Mme X. a transmis à la Société MOBIL M CONSTRUCTION et à la Société ATLANTIC AGENCEMENT les plans de son local commercial pour étude.

Les sociétés MOBIL M CONSTRUCTION et ATLANTIC AGENCEMENT ont donc oeuvré pour adresser des plans et aménagement pour le local commercial de Mme X.

La société ATLANTIC AGENCEMENT a adressé une offre n° 20-0140 le 28 mai 2020 pour un montant de 81.747,60 € T.T.C. et la Société MOBIL M CONSTRUCTION a envoyé le 05 juin 2020 un premier document intitulé «estimation de travaux» pour un montant de 204.444,00 € TTC.

L'offre de la Société ATLANTIC AGENCEMENT a été retournée signée avec la mention 'sous conditions obtention du prêt' et l'offre de la Société MOBIL M CONSTRUCTION a été signée avec les mentions « lu et approuvé » « bon pour accord » par Mme X. le 26 juin 2020.

Une fois ces devis acceptés, plusieurs échanges de mail sur la période de juin à septembre 2020 ont été échangés afin de travailler sur les choix d'aménagement, de couleur, de style de mobilier, sur la charte graphique.

En octobre 2020, la Société MOBIL M CONSTRUCTION a émis une facture d'acompte n° 54 du 29 octobre 2020 d'un montant de 51.111,00 € T.T.C. et la Société ATLANTIC AGENCEMENT a émis une facture d'acompte n° 167 du 23 octobre 2020 d'un montant de 24.524,28 € T.T.C.

N'ayant reçu aucun versement, la Société MOBIL M CONSTRUCTION a informé Mme X., par mail du 20 octobre 2020, qu'elle mettait en attente le dossier jusqu'à réception des acomptes, mais cette dernière n'a pas réglé les acomptes demandés.

Le 28 janvier 2021, les Sociétés MOBIL M CONSTRUCTION et ATLANTIC AGENCEMENT ont adressé une mise en demeure à Mme X. afin de payer la somme de 51.111,00 € T.T.C. et 24.524,28 € T.T.C. ;

Mme X. a ouvert son magasin en juin 2021.

Affirmant avoir constaté que Mme X. avait repris dans sa boutique le concept dans son entier (logo, meubles, aménagement intérieur, design du mobilier...), les sociétés MOBIL M CONSTRUCTION et ATLANTIC AGENCEMENT lui ont adressé, une lettre recommandée et un courriel en date du 31 août 2021, lui demandant une indemnisation égale au taux de marge brute non perçue soit la somme de 37.467,65 € HT pour la société ATLANTIC AGENCEMENT et la somme de 42.592,50 € HT pour la société MOBIL M CONSTRUCTION.

Mme X. n'a pas retiré sa lettre recommandée.

C'est dans ces conditions que suivant acte en date du 18 novembre 2021, la société MOBIL M CONSTRUCTION et la société ATLANTIC AGENCEMENT ont attrait devant le tribunal de commerce de LA ROCHE-SUR-YON Mme X., pour lui demander de, selon leurs dernières écritures :

Vu l'article 1212 du code civil,

Vu l'article 1304-3 du code civil,

Vu les articles 1842 et 1843 du code civil,

Vu l'Article 48 du code de procédure civile

. Débouter Mme X. de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

. Se déclarer matériellement et territorialement compétent aux fins de connaître du présent litige,

. Juger les sociétés MOBIL M CONSTRUCTION et ATLANTIC AGENCEMENT recevables et bien fondées en leurs demandes, fins et prétentions,

. Juger que Mme X. a résilié de manière anticipée et fautive les contrats à durée déterminée conclus avec les Sociétés MOBIL M CONSTRUCTION et ATLANTIC AGENCEMENT,

En conséquence,

. Condamner Mme X. à payer à la société MOBIL M CONSTRUCTION la somme de 42.592,50 € en réparation de la perte de sa marge brute,

. Condamner Mme X. à payer à la société ATLANTIC AGENCEMENT la somme de 37.467,65 € en réparation de la perte de sa marge brute,

. Condamner Mme X. à payer aux sociétés MOBIL M CONSTRUCTION et ATLANTIC AGENCEMENT la somme de 20.000,00€ chacune à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

. Condamner Mme X. à payer aux sociétés MOBIL M CONSTRUCTION et ATLANTIC AGENCEMENT la somme de 10.000,00 € chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,

. Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir.

Mme X. par ses dernières écritures demandait au tribunal de :

Vu les Articles 32, 32-1 et 122 du code de procédure civile,

Vu les Articles 1710, 1111-1, alinéa 1", 1186, 1304, 1304-6, alinéa 3, 1843 du code civil,

. Déclarer légitimes et bien fondées les demandes formulées par Mme X. et en conséquence :

In limine litis,

. Constater que Mme X., assignée à titre personnel, n'a pas la qualité de commerçant,

. Se déclarer incompétent au profit du tribunal judiciaire compétent,

A défaut, à titre liminaire,

. Constater que l'action engagée par les sociétés MOBIL M CONSTRUCTION et ATLANTIC AGENCEMENT est dirigée à l'encontre de Mme X., à titre personnel,

. Déclarer irrecevable l'action dirigée par les sociétés MOBIL M CONSTRUCTION et ATLANTIC AGENCEMENT à l'encontre de Mme X. en son nom propre,

A défaut, à titre principal,

. Constater la qualité de consommateur de Mme X.,

. Prononcer la nullité du devis ATLANTIC AGENCEMENT, tirée du défaut d'information précontractuelle relative aux modalités d'exercice du droit de rétractation,

. Constater la caducité du devis MOBIL M CONSTRUCTION en résultant,

. Débouter les Sociétés MOBIL M CONSTRUCTION et ATLANTIC AGENCEMENT de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires,

A défaut, à titre subsidiaire,

. Constater que les devis établis par les Sociétés MOBIL M CONSTRUCTION et ATLANTIC AGENCEMENT correspondent à des prestations à exécution instantanée, dont seules celles effectivement réalisées sont susceptibles de donner lieu à un paiement,

. Constater en toutes hypothèses la caducité des devis établis par les sociétés MOBIL M CONSTRUCTION et ATLANTIC AGENCEMENT au regard de l'absence de levée de la condition suspensive d'octroi de prêt,

. Débouter les sociétés MOBIL M CONSTRUCTION et ATLANTIC AGENCEMENT de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires,

En toutes hypothèses,

Condamner, in solidum, les sociétés MOBIL M CONSTRUCTION et ATLANTIC AGENCEMENT au paiement d'une amende civile à hauteur de 10.000,00 € à Mme X. compte-tenu du caractère abusif de la présente action intentée à son encontre personnel devant les juridictions commerciales, qui plus est de façon infondée,

. Condamner, in solidum, les sociétés MOBIL M CONSTRUCTION et ATLANTIC AGENCEMENT au paiement de la somme de 5.000,00 € en réparation du préjudice moral subi par Mme X.,

. Condamner, in solidum, les sociétés MOBIL M CONSTRUCTION et ATLANTIC AGENCEMENT au paiement de la somme de 5.000,00 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

. Condamner, in solidum, les sociétés MOBIL M CONSTRUCTION et ATLANTIC AGENCEMENT aux entiers dépens de l'instance.

[*]

Par jugement contradictoire en date du 08/08/2023, le tribunal de commerce de LA ROCHE-SUR-YON a statué comme suit :

'Vu les articles 1304-3, 1842 et 1843 du code civil,

Vu les articles 42, 43, 48, 74, 696 et 700 du code de procédure civile,

DIT irrecevable et mal fondée Mme X. de ses exceptions de procédures.

Se DÉCLARE compétent tant matériellement que territorialement pour connaître du présent litige.

DIT et JUGE les sociétés MOBIL M CONSTRUCTION et ATLANTIC AGENCEMENT, pour partie, bien fondées en leurs demandes, fins et prétentions.

CONDAMNE Mme X. à payer à la société MOBIL M CONSTRUCTION la somme de VINGT-ET-UN MILLE DEUX CENT QUATRE-VINGT-SEIZE EUROS et VINGT-CINQ CENTS (21.296,25 €) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

CONDAMNE Mme X. à payer à la Société ATLANTIC AGENCEMENT la somme de DIX-HUIT MILLE SEPT CENT TRENTE-TROIS EUROS et QUATRE-VINGT-DEUX CENTS (18.733,82 €) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

DÉBOUTE les Sociétés MOBIL M CONSTRUCTION et ATLANTIC AGENCEMENT de leurs demandes indemnitaires pour résistance abusive.

DÉBOUTE Mme X. de sa demande indemnitaire pour procédure abusive et de l'amende civile sollicitée fondée sur l'Article 32-1 du code de procédure civile.

DIT n'y avoir lieu à l'exécution provisoire.

CONDAMNE Mme X. à payer à la société MOBIL M CONSTRUCTION ainsi qu'à la Société ATLANTIC AGENCEMENT la somme de MILLE EUROS (1.000,00 €) sur le fondement de l'article 700 de code de procédure civile.

La CONDAMNE aux entiers frais et dépens de l'instance dans lesquels seront compris les frais et taxes y afférents, et notamment les frais de Greffe liquidés à la somme de QUATRE-VINGT-NEUF EUROS et SOIXANTE-SIX CENTS (89,66 €)'.

Le premier juge a notamment retenu que :

- Mme X. soulève pour la première fois dans ses conclusions n°3, puis reprend dans ses conclusions n° 4, une nouvelle exception de procédure relative à l'incompétence matérielle du tribunal de commerce de LA ROCHE-SUR-YON pour connaître de ce litige, cette dernière se qualifiant de non-commerçante et niant avoir réalisé des actes pour le compte de la Société GEORGETTE & CO alors en formation.

Mme X. est irrecevable en sa prétention pour ne pas l'avoir formulée avant toute défense au fond contrairement aux dispositions de l'article 74 du code de procédure civile.

- par application des dispositions de l'article 1843 du code civil, Mme X. demeure tenue, à tout le moins, solidairement des engagements pris suite à la signature des devis en date du 05 juin 2020 et du 28 mai 2020.

Les sociétés demanderesses sont recevables à agir contre Mme X. personnellement qui a donc qualité à agir pour défendre ses propres intérêts.

- la clause attributive de juridiction a été prise dans l'unique intérêt de la société ATLANTIC AGENCEMENT, de sorte que cette dernière pouvait renoncer à son bénéfice.

- sur le fond, Mme X. s'oppose à toute demande en paiement considérant que les devis sont caducs faute d'obtention de financement bancaire.

- Mme X. a signé les deux devis pour les besoins de son activité commerciale de sorte que suite à la signature de ces devis, ces derniers doivent être qualifiés d'actes de commerce.

Pour autant, elle n'a pas la qualité de commerçante puisqu'à la date de la signature desdits devis, son activité commerciale n'ayant pas encore débuté.

- cependant, elle a signé ses devis en tant que professionnelle et en sa qualité de professionnelle, elle pouvait bénéficier des dispositions du code de la consommation et en particulier des articles L.242-1, L.221-9, L.221-5 uniquement sous certaines conditions, notamment celle de la signature desdits contrats hors établissement

- Mme X. n'a jamais fait part de sa volonté de procéder à son droit de rétractation, et ce, alors même que les relations entre les deux sociétés et elle-même se sont poursuivies bien au-delà de la signature des devis puisque des échanges de mail ont eu lieu jusqu'au mois de septembre 2020

Elle sera déboutée de sa demande en nullité desdits devis.

- les devis litigieux correspondent à des prestations de louage d'ouvrage relevant de contrat à exécution instantanée car non répétitive mais dont ladite exécution s'étalait sur plusieurs mois compte-tenu de la nature du marché conclu.

- Elle a signé les devis litigieux mais n'a pas poursuivi l'exécution de ses obligations contractuelles en ne s'acquittant pas des acomptes convenus et stoppant tout échange avec ses cocontractants.

- Elle ne justifie pas avoir fait l'objet de refus d'établissement bancaire dans un délai et à des conditions raisonnables en cohérence avec le marché, ni avoir fait le nécessaire pour réaliser la condition, de sorte qu'il y a lieu de réputer la condition suspensive accomplie.

- les contrats litigieux contrairement aux allégations des demanderesses ne sont pas des contrats à durée déterminée mais simplement des contrats à exécution instantanée.

Les sociétés demanderesses ne sont pas fondées à opposer une indemnité égale à la perte de marge si les contrats avaient été à leur terme

- néanmoins, il est indéniable que la rupture anticipée des contrats émanant de Mme X. est fautive et a fait subir un préjudice aux sociétés MOBIL M CONSTRUCTION et ATLANTIC AGENCEMENT qu'il convient d'indemniser, ce préjudice correspondant à une perte de chance de ne pas percevoir la marge brute escomptée, laquelle demeure liée aux aléas de la réalisation

- la société MOBIL M CONSTRUCTION est fondée en sa demande indemnitaire dans la

limite de la somme de 21.296,25 € et la société ATLANTIC AGENCEMENT est fondée en sa demande indemnitaire dans la limite de la somme de 18.733,82€.

- les sociétés demanderesses ne justifient pas la faute de résistance abusive reprochée à Mme X., ni la réalité du préjudice lié à cette faute.

- Mme X. n'est pas fondée en ses demandes reconventionnelles indemnitaires.

 

LA COUR

Vu l'appel en date du 15/09/2023 interjeté par Mme X.

Vu l'article 954 du code de procédure civile

[*]

Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 21/10/2024, Mme X. a présenté les demandes suivantes :

'Vu l'article 631 du code de commerce,

Vu les articles 32, 32-1 et 122 du code de procédure civile,

Vu les articles L. 221-5, L221-9, L221-18, L221-20 et L242-1 du code de la consommation,

Vu les articles 1710, 1111-1 alinéa 1er, 1186, 1304, 1304-6 alinéa 3, 1843 du code civil,

Vu la jurisprudence,

Vu les pièces,

Il est demandé à la cour de :

DÉCLARER Mme X. recevable et bien fondée, et en conséquence,

INFIRMER le jugement dévolu en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

In limine litis,

CONSTATER que Mme X., assignée à titre personnel, n'a pas la qualité de commerçant,

DÉCLARER INCOMPÉTENT le tribunal de commerce de LA ROCHE-SUR-YON au profit du tribunal judiciaire de LA ROCHE-SUR-YON,

A défaut,

CONSTATER que l'action engagée par les sociétés MOBIL M CONSTRUCTION et ATLANTIC AGENCEMENT est dirigée à l'encontre de Mme X. à titre personnel alors qu'elle n'a pas la qualité de cocontractant,

DÉCLARER irrecevable l'action dirigée par les sociétés MOBIL M CONSTRUCTION et ATLANTIC AGENCEMENT à l'encontre de Mme X. en son nom propre,

DÉBOUTER les sociétés MOBIL M CONSTRUCTION et ATLANTIC AGENCEMENT de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions à l'encontre de Mme X.,

A défaut encore,

CONSTATER la qualité de consommateur de Mme X.,

PRONONCER la nullité du devis ATLANTIC AGENCEMENT, tirée du défaut d'information précontractuelle relative aux modalités d'exercice du droit de rétractation,

CONSTATER la caducité du devis MOBIL M CONSTRUCTION en résultant,

DÉBOUTER les sociétés MOBIL M CONSTRUCTION et ATLANTIC AGENCEMENT de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,

A titre principal,

DÉCLARER caducs les devis établis par les sociétés MOBIL M CONSTRUCTION et ATLANTIC AGENCEMENT au regard de la défaillance de la condition suspensive d'obtention préalable d'un concours bancaire,

CONSTATER l'absence de faute de Mme X. dans cette défaillance,

DÉBOUTER les sociétés MOBIL M CONSTRUCTION et ATLANTIC AGENCEMENT de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,

En toutes hypothèses,

CONDAMNER in solidum les sociétés MOBIL M CONSTRUCTION et ATLANTIC AGENCEMENT au paiement d'une amende civile à hauteur de 10.000,00 €EUROS compte tenu du caractère abusif de la présente action intentée à l'encontre personnel de Mme X. devant les juridictions commerciales, qui plus est de façon infondée,

CONDAMNER in solidum les sociétés MOBIL M CONSTRUCTION et ATLANTIC AGENCEMENT au paiement de la somme de 5.000,00 €EUROS en réparation du préjudice moral subi par Mme X.,

CONDAMNER in solidum les sociétés MOBIL M CONSTRUCTION et ATLANTIC AGENCEMENT au paiement de la somme de 10.000,00 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNER in solidum les sociétés MOBIL M CONSTRUCTION et ATLANTIC AGENCEMENT aux entiers dépens de première instance et d'appel.

A l'appui de ses prétentions, Mme X. soutient notamment que :

- in limine litis, toute clause stipulée entre un commerçant et un non-commerçant, désignant la compétence du tribunal de commerce, contrevient à la compétence d'ordre public des juridictions civiles.

Or, les sociétés intimées ont attrait Mme X. par-devant la juridiction consulaire sans faire mention de sa qualité de présidente de la société GEORGETTE & CO. Elle a bien été assignée à titre personnel, mais les devis en cause ont été régularisés pour les seuls besoins de l'activité de la société GEORGETTE & CO et les devis et factures d'acompte établis ont toujours été précisément adressés à la société GEORGETTE & CO.

- quand bien même Mme X. serait solidairement responsable, à titre personnel, des engagements souscrits pour le compte de la société en cours de formation, cela n'expliquerait pas qu'elle soit jugée, seule, par une juridiction commerciale.

- la clause attributive de juridiction insérée aux devis des sociétés intimées, stipulant la compétence du tribunal de commerce de Nantes, est en l'espèce illicite et doit être déclarée nulle et non écrite.

Mme X. est solidairement tenue des engagements de la société GEORGETTE & CO mais, n'ayant pas la qualité de commerçant, le litige doit être porté devant les juridictions civiles.

La société GEORGETTE & CO doit être considérée comme la véritable et unique cocontractante des sociétés ATLANTIC AGENCEMENT et MOBIL M CONSTRUCTION, si bien que l'action dirigée contre Mme X. à titre personnel est irrecevable en raison du défaut de qualité à défendre de Mme X. à titre personnel, l'action étant mal dirigée et irrecevable.

- à titre subsidiaire, elle a qualité de consommateur et la nullité des devis est soutenue.

- le premier devis a été signé par les deux parties hors établissement, dans les locaux de la société GESTION PLUS, et fait effectivement référence au droit de rétractation. Or, aucun bordereau détaillant les modalités de cet exercice n'a été annexé au devis, de sorte qu'elle n'en a jamais été informée et la nullité du devis ne pourra qu'être prononcée.

Partant de là, le deuxième devis de la société MOBIL M CONSTRUCTION doit être déclaré caduc.

- Mme X. pouvait parfaitement se rétracter au mois d'octobre 2020, ce qu'elle n'a effectivement pas pu faire puisqu'elle n'a jamais été informée des modalités de cette rétractation.

-à titre principal sur la caducité des prestations en cause, en cas de défaillance de la condition suspensive, l'obligation est réputée n'avoir jamais existé.

- il est de jurisprudence établie que la société qui débute la réalisation de sa prestation avant que la condition suspensive d'obtention d'un prêt ne soit levée, ne peut nullement solliciter le paiement des prestations effectuées à son co-contractant puisqu'il est constant que la défaillance de la condition suspensive anéantit le contrat, et les acomptes doivent être restitués.

Les sociétés intimées ont manifestement fait le choix, de leur propre chef, de débuter un travail de conception courant avril 2020, ce qu'elles allèguent, et ce donc avant même la conclusion d'un accord, notamment par acceptation d'un quelconque devis.

- les intimées sont seules responsables du travail réalisé, sans qu'aucun engagement définitif de la société GEORGETTE & CO n'ai été pris.

- ce n'est qu'en date des 28 mai et 5 juin 2020 que les sociétés ATLANTIC AGENCEMENT et MOBIL M CONSTRUCTION ont fait parvenir des devis chiffrés à la société GEORGETTE & CO.

Ces devis ont effectivement fait l'objet d'une signature.

- toutefois, au moment de donner son accord, Mme X., Présidente de la société GEORGETTE & CO a expressément apposé la mention 'sous conditions obtention du prêt'.

- l'obtention d'un financement conditionnait la réalisation de toutes les prestations en cause et l'indivisibilité de deux contrats peut ainsi être fondée sur la volonté des parties, comme sur un lien objectif entre les contrats.

- le tribunal a effectivement considéré l'existence d'une condition suspensive applicable aux deux devis mais cependant a cru devoir estimer que Mme X. ne justifiait pas « avoir fait l'objet de refus d'établissement bancaire dans un délai et à des conditions raisonnables en cohérence avec le marché » et que la condition suspensive devait donc être réputée accomplie.

- Mme X. a conclu un contrat de mandat auprès du cabinet de courtage 'GESTIONPLUS' mais, en exécution de ce mandat, la société GEORGETTE & CO n'a jamais réussi à obtenir le montant du prêt nécessaire au paiement des prestations complètes que lui proposaient les sociétés ATLANTIC AGENCEMENT et MOBIL M CONSTRUCTION.

Deux refus ont été opposés à Mme X. par l'intermédiaire de la société GESTIONPLUS, le premier du Crédit Mutuel courant octobre 2020, comme attesté par M. [V] le 15 mars 2022, et le second refus par la Banque populaire du Grand Ouest le 24 octobre 2020, après plusieurs mois de négociation.

- la société GESTIONPLUS atteste que ces deux refus portaient effectivement sur le projet de la société GEORGETTE & CO et les doutes formulés sur la crédibilité de cette attestation au seul motif que le gérant de la société GESTIONPLUS serait le compagnon de Mme X. sont sans fondement.

- la société GESTION PLUS a été mandatée le 29 mai 2020 et la justification des refus à partir du mois d'octobre 2020 apparaît donc parfaitement raisonnable, en période de confinement et alors qu'aucun délai n'avait été convenu entre les parties.

- les intimées ont immédiatement été informées des refus de financement, et aucune faute ne peut être reprochée à Mme X. qui n'a donc pas défailli dans l'accomplissement des formalités nécessaires à la levée de la condition suspensive.

- le fait que la société GEORGETTE & CO ait finalement réussi à obtenir un financement pour un autre projet, bien moins coûteux, ne saurait évidemment suffire à valoir accomplissement de la condition suspensive spécifiquement conclue avec les sociétés ATLANTIC AGENCEMENT et MOBIL M CONSTRUCTION.

- les refus dont Mme X. a fait l'objet justifient que l'avant-contrat envisagé soit devenu caduc.

- la condition suspensive dont les devis des sociétés ATLANTIC AGENCEMENT et MOBIL M CONSTRUCTION ont été assortis ne saurait être réputée accomplie et aucune faute dans la défaillance de la condition ne peut être imputée à la société GEORGETTE & CO.

- les intimées ne devaient entreprendre quelconque prestation puisqu'en cas de refus, le contrat encourait la caducité.

- la réalisation effective du travail qu'elles prétendent avoir « accompli en 8 mois » n'est démontrée d'aucune manière, seuls des échanges, des devis et des factures d'acompte étant pour mémoire versés aux débats.

- Mme X. n'a nullement repris le travail que les défenderesses prétendent avoir réalisé au titre de la conception du projet puisque qu'elle a notamment mandaté l'entreprise REMAUD PUBLICITÉ aux fins de réalisation de son logo.

- le caractère abusif de l'action engagée justifie le paiement d'une amende civile de 10 000 €.

- il y a lieu en outre d'allouer à Mme X. la somme de 5.000 € en réparation du préjudice moral subi du fait des multiples tracas occasionnés.

[*]

Aux termes du dispositif de leurs dernières conclusions en date du 16/10/2024, la société SAS MOBIL M CONSTRUCTION et la société SAS ATLANTIC AGENCEMENT ont présenté les demandes suivantes :

'Vu l'article 1212 du code civil ;

Vu l'article 1304-3 du code civil ;

Vu les articles 1842 et 1843 du code civil ;

Vu l'article 48 du code de procédure civile ;

Il est demandé à la cour d'appel de POITIERS de :

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de LA ROCHE-SUR-YON le 8 août 2023 en ce qu'il :

- s'est déclaré matériellement et territorialement compétent aux fins de connaître du présent litige ;

- a dit et jugé recevables et bien fondées les sociétés MOBIL M CONSTRUCTION et ATLANTIC AGENCEMENT ;

- débouté Mme X. de sa demande indemnitaire pour procédure abusive;

- infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de LA ROCHE-SUR-YON le 8 août 2023 pour le surplus et ;

Statuant à nouveau :

- Condamner Mme X. à payer à la société MOBIL M CONSTRUCTION la somme de 42 592,50 € en réparation de la perte de sa marge brute ;

- Condamner Mme X. à payer à la société ATLANTIC AGENCEMENT la somme de 37 467,65 € en réparation de la perte de sa marge brute ;

- Condamner Mme X. à payer aux sociétés MOBIL M CONSTRUCTION et ATLANTIC AGENCEMENT la somme de 20 000 € chacune à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

- Débouter Mme X. de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions;

- Condamner Mme X. à payer aux sociétés MOBIL M CONSTRUCTION et ATLANTIC AGENCEMENT la somme de 15 000 € chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens'.

A l'appui de leurs prétentions, la société SAS MOBIL M CONSTRUCTION et la société SAS ATLANTIC AGENCEMENT soutiennent notamment que :

- sur le moyen d'exception au titre de la compétence exclusive des juridictions civiles, cette exception est irrecevable, dès lors que le défendeur qui aurait pu invoquer en première instance l'incompétence de la juridiction saisie et qui ne l'a pas valablement fait, est irrecevable à soulever une telle exception pour la première fois en cause d'appel.

Au surplus, la qualité de commerçante de Mme X. s'apprécie à la date à laquelle elle a signé les devis avec les concluantes, et la signature des devis (concernant les travaux et le mobilier d'un local commercial) est un acte de commerce par nature.

En signant ces devis en mai et juin 2020 - date à laquelle la société GEORGETTE & CO n'avait pas d'existence juridique - Mme X. s'est nécessairement engagée en qualité de commerçante et avait cette qualité, et le tribunal de commerce de LA ROCHE-SUR-YON était compétent pour connaître du litige.

- sur le prétendu défaut de qualité à défendre de Mme X., les dispositions de l'article 1843 du code civil s'appliquent car il ressort du KBIS de la société GEORGETTE & CO que cette dernière a été immatriculée au RCS de [Localité 6] le 1er décembre 2020 et n'a d'ailleurs eu un commencement d'activité qu'à cette date, Mme X. étant seule co-contractante des deux sociétés intimées, et la mention GEORGETTE and Co concernant l'enseigne.

- sur la prétendue nullité des devis, l'article L 221-3 du code de la consommation dispose :' Les dispositions des sections 2, 3, 6 du présent chapitre applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel'.

- Mme X. n'a jamais été démarchée par les deux sociétés, c'est elle qui a pris attache auprès ces sociétés après avoir acquis son local, et la signature des devis transmis par mail a été précédée de multiples échanges par mails et par téléphone. Mme X. ne peut solliciter le bénéfice des dispositions protectrices du code de la consommation.

- les devis n'ont pas été conclus « hors établissement » mais simplement à distance.

La mention du délai de rétraction sur le devis de la société ATLANTIC AGENCEMENT étant également sans objet dans la mesure où l'opération ne relève pas du démarchage.

- la demande de nullité des devis soutenue par Mme X. sera rejetée et le jugement de première instance confirmé à ce titre.

- sur l'absence de caducité des contrats, la mention de la prétendue condition suspensive d'obtention d'un prêt n'a été apposée par Mme X. que sur le devis de la société ATLANTIC AGENCEMENT, alors que Mme X. n'avait nullement mentionné les caractéristiques du prêt dont elle entendait solliciter l'octroi.

Le devis de la société MOBIL M CONSTRUCTION a, quant à lui, été accepté et signé purement et simplement par cette dernière, sans la moindre condition

Les deux sociétés sont deux entités juridiques distinctes, et le débat ne concerne pas le contrat conclu entre la société MOBIL M CONSTRUCTION et Mme X.

- la cour ne pourra donc que débouter Mme X. de ses demandes fondées sur la prétendue caducité des devis dans la mesure où in fine Mme X. a bel et bien obtenu un crédit permettant de financer l'intervention de sociétés tierces.

- M. Y. est le compagnon de Mme X. de sorte que les éléments qui émanent de ce dernier, ou de sa société GESTIONPLUS (ECI EURO COURTAGE INVESTISSEMENTS) doivent être étudiés avec prudence, alors qu'aucun montant d'emprunt n'est au surplus évoqué dans son attestation.

- les intimées souhaitent préciser qu'elles n'ont jamais été informées des « difficultés de financement rencontrées » par Mme X.

- dès lors que la demande de prêt n'est pas effectuée par le signataire de l'acte au sein duquel est insérée la condition suspensive, alors celui-ci ne justifiait pas d'une « demande de prêt conforme aux caractéristiques stipulées dans l'acte » et ne justifie pas d'avoir accompli les diligences nécessaires à la réalisation de la condition suspensive. Que, partant, la condition suspensive était réputée accomplie et le jugement doit être confirmé.

- Mme X. n'a jamais indiqué aux intimées qu'elle n'avait pas obtenu son financement et surtout elle a financé le même projet en bénéficiant des prestations d'ores et déjà réalisées par les concluantes sans en acquitter le coût.

- faute de caducité des devis, sur le montant de l'indemnisation, lorsque le contrat est conclu pour une durée déterminée, chaque partie doit l'exécuter jusqu'à son terme et nul ne peut valablement le résilier.

- le prestataire évincé a droit d''une part, au paiement des prestations qu'il a d'ores et déjà réalisées au jour de la résiliation fautive du contrat par son cocontractant, d'autre part, à l'indemnisation de la perte de marge brute sur le prix des prestations non exécutées qu'il aurait dû réaliser si le contrat avait été mené jusqu'à son terme.

- Mme X. a conclu des contrats à durée déterminée et ces contrats devaient obligatoirement être menés jusqu'à leurs termes, c'est-à-dire jusqu'à la réalisation des travaux commandés.

S'agissant de la société MOBIL M CONSTRUCTION, il ressort de son bilan au 31 décembre 2020 que son taux de marge brute est de 25 %, de sorte qu'une somme de 42 592,50 € lui est due, et s'agissant de la société ATLANTIC AGENCEMENT, il ressort de son bilan au 31 décembre 2020 que son taux de marge brute est de 55 %, soit une somme due de 37 467,65 €.

Le tribunal a considéré que les contrats passés étaient des contrats à exécution instantanée, achevé après un délai de réalisation, mais il s'agit nécessairement d'un contrat à durée déterminée, justifiant une condamnation intégrale au titre des pertes de marge brute subies.

- la demande de dommages-intérêts au titre de la résistance abusive est justifiée et légitime à hauteur de 20 000 € à chacune des sociétés intimées.

- les demandes indemnitaires formées par Mme X. au titre de l'abus de procédure ou d'un préjudice moral doivent être rejetées.

[*]

Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 24/10/2024.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la compétence territoriale et sur la compétence matérielle du tribunal de commerce de La-Roche-sur-Yon :

L'article 74 du code de procédure civile dispose que : 'les exceptions doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir. Il en est ainsi alors même que les règles invoquées au soutien de l'exception seraient d'ordre public'.

En l'espèce, les premiers juges ont retenu que le moyen d'exception d'incompétence du tribunal de commerce au profit du tribunal judiciaire n'avait pas été valablement soulevé, pour ne l'avoir été que lors des conclusions écrites n° 3 de Mme X., et non avant toute défense au fond.

Toutefois, devant le tribunal de commerce, la procédure est orale, et seule importe la façon dont les prétentions sont formulées au cours de l'audience.

Ainsi, les exceptions de procédure et l'exception de compétence soulevée oralement par une partie à l'audience du tribunal de commerce, avant toute référence à ses prétentions au fond formulées par écrit est recevable, sans qu'il importe qu'elle ne l'ait pas été avant l'audience dans le premier jeu des conclusions écrites successives qui avaient été déposées précédemment à des audiences de procédure où l'affaire n'avait pas été retenue pour plaider.

Tel est le cas en l'espèce.

Le jugement entrepris doit être infirmé, le moyen d'incompétence du tribunal de commerce devant être déclaré recevable, et Mme X. est également recevable à reprendre cette exception en cause d'appel, à l'appui de sa demande d'infirmation.

S'agissant de la compétence territoriale du tribunal de commerce de LA ROCHE-SUR-YON, la société ATLANTIC AGENCEMENT a déclaré renoncer à la clause attributive de compétence au tribunal de commerce de NANTES prévue à son seul bénéfice aux conditions générales de son devis du 28/05/2020.

Le contrat souscrit avec la société MOBIL M CONSTRUCTION le 5 juin 2020 ne prévoit pas une telle clause, l'application de la compétence territoriale de droit commun étant justifiée par le domicile de Mme X. dans le respect de l'article 42 du code de procédure civile, alinéa 1, qui dispose que : « la juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur ».

C'est donc à bon droit que le tribunal de commerce de LA ROCHE-SUR-YON a retenu sa compétence territoriale.

S'agissant de la compétence de la juridiction commerciale et de la capacité à défendre de Mme X., celle-ci a personnellement signé deux devis auprès de la société ATLANTIC AGENCEMENT et de la société MOBIL M CONSTRUCTION.

Son nom apparaît aux deux contrats, ainsi que la mention « GEORGETTE AND CO », sans toutefois que la nature de cette entité soit précisée.

Il ressort en outre de l'extrait K BIS de la société SAS GEORGETTE AND CO que celle-ci n'a été immatriculée au RCS de [Localité 6] que le 3 décembre 2020.

Or, l'article 1843 du code civil dispose que : « Les personnes qui ont agi au nom d'une société en formation avant l'immatriculation sont tenues des obligations nées des actes ainsi accomplis, avec solidarité si la société est commerciale, sans solidarité dans les autres cas. La société régulièrement immatriculée peut reprendre les engagements souscrits, qui sont alors réputés avoir été dès l'origine contractés par celle-ci ».

En l'espèce, il ressort du KBIS de la société GEORGETTE & CO que Mme X. a la qualité de présidente de cette société.

Or, les devis litigieux datés du 5 juin 2020 et du 28 mai 2020 et qui font effectivement apparaître le nom de Mme X. ont été établis pour les besoins de son activité commerciale et leur souscription doit être qualifiée d'actes de commerce.

L'offre de la société ATLANTIC AGENCEMENT a été retournée signée avec la mention 'sous conditions obtention du prêt' et l'offre de la Société MOBIL M CONSTRUCTION a été signée avec les mentions « lu et approuvé » « bon pour accord » par Mme X., celle-ci ayant, dès le 29 mai 2020, lendemain du premier devis, donné mandat de recherche de capitaux à la société EUROS COURTAGE INVESTISSEMENT GESTION PLUS aux fins de recherche d'un prêt d'un montant de 360 000 €.

Il doit être souligné que le mandant du mandat de recherche n° 2021-2 est ainsi désigné : « la SAS GEORGETTE AND CO, immatriculée au N° dont le président est X. ».

Par application des dispositions de l'article 1843 du code civil, Mme X. qui agissait au nom d'une société en formation avant son immatriculation a donc qualité à défendre à l'action engagée à son encontre devant le tribunal de commerce.

Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable l'exception d'incompétence soulevée par Mme X., celle-ci étant recevable mais elle est mal fondée.

En tout état de cause, la cour de céans est juridiction d'appel du tribunal de commerce comme du tribunal judiciaire de La Roche-sur-Yon et, comme telle, a de toute façon compétence pour connaître du litige, en application de l'article 90, alinéa 2, du code de procédure civile.

 

Sur la demande de prononcé de la nullité des devis :

L'article L242-1 du code de la consommation dispose que

« Les dispositions de l'article L. 221-9 sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement ».

L'article L221-9 du même code dispose que :

« Le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l'accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l'engagement exprès des parties.

Ce contrat comprend toutes les informations prévues à l'article L. 221-5.

Le contrat mentionne, le cas échéant, l'accord exprès du consommateur pour la fourniture d'un contenu numérique indépendant de tout support matériel avant l'expiration du délai de rétractation et, dans cette hypothèse, le renoncement de ce dernier à l'exercice de son droit de rétractation.

Le contrat est accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° de l'article L. 221-5 ».

L'article L. 221-5 du code de la consommation précise :

« I.- Préalablement à la conclusion d'un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, de contenu numérique ou de services numériques, le professionnel fournit au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

(...)

7° Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par décret en Conseil d'État ».

Enfin, l'article L 221-3 du code de la consommation dispose que : « Les dispositions des sections 2, 3, 6 du présent chapitre applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq ».

En l'espèce, Mme X. a signé les deux devis présentés en tant que professionnelle puisque lesdits devis étaient directement liés à son activité professionnelle, à savoir l'aménagement du local commercial permettant l'exploitation d'un commerce par une société qui allait être créée pour cette exploitation

Il n'est au demeurant pas démontré qu'elle ait fait l'objet de démarchage puisqu'elle indique s'être elle-même rapprochée des sociétés intimées.

Alors que les mails versés aux débats témoignent à compter de février 2020 des discussions antérieures des parties, il ne peut être retenu en l'espèce une signature de contrats hors établissement, ces contrats étant signés les 28 mai 2020 et 05 juin 2020 à distance durant la pandémie de COVID 19 et l'application des restrictions de déplacement attachées au traitement de la pandémie.

Mme X. ne peut dans ces circonstances solliciter le bénéfice des dispositions protectrices du code de la consommation et sa demande de nullité des contrats souscrits, interdépendants, doit être écartée par confirmation du jugement entrepris sur ce point.

 

Sur la demande de caducité des devis :

L'article 1134 ancien du code civil dispose que :

« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.

Elles doivent être exécutées de bonne foi. »

Le principe de ces dispositions est repris désormais aux articles 1103 du code civil : ' les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits,' et 1104 du code civil 'les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi'.

L'article 1304-3, alinéa 1 du code civil dispose que : 'La condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l'accomplissement'.

L'alinéa 3ème de l'article 1304-6 du code civil précise que : 'en cas de défaillance de la condition suspensive, l'obligation est réputée n'avoir jamais existé'.

Il en résulte que l'absence de réalisation de la condition suspensive qui constituait un élément essentiel du contrat entraîne ainsi la caducité de l'acte, avec restitution des acomptes éventuellement versés.

En l'espèce, l'offre de la société ATLANTIC AGENCEMENT a été retournée signée avec la mention 'sous conditions obtention du prêt' en date du 28/05/2020.

Si l'offre de la société MOBIL M CONSTRUCTION a été signée avec les mentions « lu et approuvé » « bon pour accord » par Mme X. le 26 juin 2020 sans mention d'une condition suspensive d'obtention de prêt, cette acceptation de devis est intervenue dans un second temps, postérieurement à l'accord du 28 mai, alors que les deux devis portent sur la réalisation d'un concept global unique, tel qu'indiqué sur le site internet des intimées.

Dès lors que les deux contrats prévoyaient la réalisation d'opérations indissociables, l'existence d'une condition suspensive d'obtention d'un prêt prévue au premier contrat engageait également le sort du second contrat indivisible.

En l'espèce, et alors que la condition suspensive prévue au contrat souscrit le 28 mai 2020 ne prévoyait pas de conditions particulières de délai de demande ou d'obtention des prêts requis, Mme X. justifie uniquement d'avoir donné le 29 mai 2020 mandat de recherche de capitaux au cabinet de courtage « GESTIONPLUS », ce mandat n° 2021-2 étant versé aux débats et prévoyant, sans autres précisions notamment de durée ou de taux d'intérêt, la recherche d'un financement à hauteur de 360.000 €.

Si elle fait état du refus de la Banque Populaire du Grand Ouest le 24 octobre 2020 par mail adressé à GESTION PLUS, et du fait qu'un refus de financement de la part du Crédit Mutuel est attesté par M. [W] [V], Mme X. ne verse aux débats aucune pièce de nature à démontrer la réalité de ses démarches engagées aux fins d'obtention des prêts qu'elle s'était engagée à solliciter auprès de ses contractants.

En outre, Mme X. a effectivement obtenu son prêt bancaire auprès de la Caisse de Crédit MUTUEL de CHALANS selon contrat du 01/06/2021 versé aux débats, et elle a ainsi pu financer l'aménagement de son magasin pour une ouverture au premier trimestre 2021, tel que retenu par le tribunal.

Elle a pu expliquer que les travaux ont été réalisés par d'autres entreprises avec une économie de plus de 70.000,00 € incluant des travaux supplémentaires.

En conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu que la condition suspensive dont se prévaut Mme X. était réputée accomplie, sa demande de caducité des contrats devant être écartée.

Il en résulte que Mme X. non seulement s'est abstenue du paiement des acomptes sollicités, mais a rompu unilatéralement les contrats qu'elle avait pourtant signés, alors que les deux sociétés intimées justifient par la production de diverses photographies, plans et charge graphique de la réalité du travail accompli par elles au bénéfice de Mme X.

Il y a lieu en outre de relever la proximité de ce travail avec la présentation du magasin de la SAS GEORGETTE AND CO, y compris de son logo.

Les sociétés SAS MOBIL M CONSTRUCTION et SAS ATLANTIC AGENCEMENT doivent être ainsi reçues en leur demande d'indemnisation au titre de la rupture unilatérale des contrats souscrits, leur perte de marge brute résultant de cette rupture constituant un chef de préjudice indemnisable.

En l'espèce, il ressort du solde intermédiaire de gestion de la SAS MOBIL M CONSTRUCTION en date du 31/12/2020 que sa marge brut globale était de 25 %, le même document relatif à la SAS ATLANTIC AGENCEMENT faisant apparaître une marge brute globale de 55 %.

La société ATLANTIC AGENCEMENT a adressé une offre le 28 mai 2020 pour un montant de 81.747,60 € T.T.C. et la société MOBIL M CONSTRUCTION a envoyé le 05 juin 2020 un devis accepté pour un montant de 204.444,00 € T.T.C.

Il convient au vu de ces éléments de condamner Mme X., par infirmation du jugement entrepris quant au montant, à verser :

- à la société MOBIL M CONSTRUCTION selon devis accepté pour un montant de 163 555,20 € HT X 25% = la somme de 40 888,80 €.

-à la société SAS ATLANTIC AGENCEMENT selon devis accepté pour un montant de 65 398,08 € HT X 55% = la somme de 35 969,94 €

La demande formée au titre de l'abus de résistance n'est pas en l'espèce justifiée et doit être rejetée.

 

Sur les demandes indemnitaires de Mme X. :

Mme X. succombe au procès, et elle ne justifie pas en l'espèce du préjudice moral qu'elle allègue, cette demande devant être rejetée, par confirmation du jugement entrepris sur ce point.

 

Sur l'abus de procédure :

Au vu du sens du présent arrêt, qui accueille dans leur principe et dans une large proportion leurs demandes, la procédure initiée par les sociétés MOBIL M CONSTRUCTION et ATLANTIC AGENCEMENT ne revêt aucun caractère abusif.

La demande d'amende civile formée à ce titre par Mme X. sera en conséquence écartée.

 

Sur les dépens :

Il résulte de l'article 696 du code de procédure civile que ' La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. (...).'

Compte tenu de la solution apportée au présent litige, les dépens d'appel seront fixés à la charge de Mme X.

 

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

Il est équitable de condamner Mme X. à payer à la société SAS MOBIL M CONSTRUCTION et à la société SAS ATLANTIC AGENCEMENT les sommes fixées au dispositif du présent arrêt sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, et en dernier ressort,

INFIRME le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable l'exception d'incompétence soulevée par Mme X.,

DIT cette exception recevable

LA DIT mal fondée

INFIRME le jugement en ce qu'il a :

- condamné Mme X. à payer à la société MOBIL M CONSTRUCTION la somme de VINGT-ET-UN MILLE DEUX CENT QUATRE-VINGT-SEIZE EUROS et VINGT-CINQ CENTS (21.296,25 €) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

- condamné Mme X. à payer à la société ATLANTIC AGENCEMENT la somme de DIX-HUIT MILLE SEPT CENT TRENTE-TROIS EUROS et QUATRE-VINGT-DEUX CENTS (18.733,82 €) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

Statuant à nouveau de ces chefs,

CONDAMNE Mme X. à payer à la société SAS MOBIL M CONSTRUCTION la somme de 40 888,80 €, avec intérêts au taux légal à compter de la signification du présent arrêt.

CONDAMNE Mme X. à payer à la société SAS ATLANTIC AGENCEMENT la somme de 35 969,94 € avec intérêts au taux légal à compter de la signification du présent arrêt.

CONFIRME le jugement pour le surplus.

Y ajoutant,

DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires.

CONDAMNE Mme X. à la société SAS ATLANTIC AGENCEMENT la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

CONDAMNE Mme X. à payer à la société SAS MOBIL M CONSTRUCTION la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

CONDAMNE Mme X. aux dépens d'appel.

LE GREFFIER,                               LE PRÉSIDENT,