CA RENNES (3e ch. com.), 11 février 2025
- T. com. Nantes, 22 avril 2024 : RG n° 2024000816
CERCLAB - DOCUMENT N° 23610
CA RENNES (3e ch. com.), 11 février 2025 : RG n° 24/02928 ; arrêt n° 72
Publication : Judilibre
Extraits : 1/ « Il résulte des pièces contractuelles produites aux débats que le contrat de location a été conclu à [Localité 7]. La société Locam ne soutient pas qu'il s'agisse d'un lieu d'établissement de sa société.
L'article L. 221-2 4° du code de la consommation exclut les contrats portant sur des services financiers du champ d'application de la réglementation sur les contrats conclus hors établissement. Le contrat conclu correspond à une location longue durée : le locataire paie des loyers en contrepartie de la mise à disposition du site web et restitue celui-ci, sans frais ni option d'achat, à l'issue du contrat (article 19). La directive 2011/83/UE relative aux droits des consommateurs et la directive 2002/65/CE relative à la commercialisation à distance de services financiers auprès des consommateurs définissent le « service financier » comme tout service ayant trait à la banque, au crédit, à l'assurance, aux retraites individuelles, aux investissements et aux paiements, ce que n'est pas le contrat de location simple de longue durée (à rappr. CJCE 21 déc. 2023, BMW BANK, aff. C-38/21, C-47/21 et C-232/21). Si l'article L. 311-2, 6° du code monétaire et financier autorise les établissements de crédit à effectuer des opérations connexes à leur activité, parmi lesquelles la location simple de biens mobiliers pour les établissements habilités à effectuer des opérations de crédit-bail, il ne s'en déduit pas pour autant que les contrats de location simple soient des « services financiers ». Ainsi, le fait que les dispositions du chapitre II du code de la consommation réglementant les contrats conclus à distance portant sur des services financiers visent l'ensemble des services mentionnés au livre III du code monétaire et financier, ne permet pas de soustraire, sans analyse préalable du contrat, le contrat de location aux dispositions du chapitre I du code de la consommation dès lors qu'il ne revêt pas les caractéristiques d'un service « financier ».
M. X. a signé le contrat portant la mention par laquelle il attestait que le contrat est en rapport direct avec son activité professionnelle et souscrit pour les besoins de cette dernière. Toutefois, s'il a effectivement souscrit le contrat dans le but de promouvoir son activité auprès de tiers, l'objet même du contrat de location du site web n'entre pas dans le champ de son activité principale, à savoir la plomberie-chauffagerie, qu'il exerce, en outre, seul.
Les dispositions du code de la consommation relatives aux contrats conclus hors établissement s'appliquent ainsi au contrat conclu par M. X. »
2/ « Le contrat produit par la société Locam n'est pas accompagné du formulaire type de rétractation ni ne mentionne le droit de rétractation, sa durée d'application et les conditions de son exercice. Il ne porte pas mention des coordonnées téléphoniques de la société Locam ni de la possibilité à recourir à un médiateur comme prévu aux 4° et 6° de l'article L.221-5. Le contrat ne satisfait pas aux exigences légales, il convient de prononcer sa nullité sans qu'il soit besoin d'étudier le moyen tiré du dol. En conséquence, il y a lieu d'infirmer le jugement et de rejeter la demande principale en paiement de la société Locam. »
3/ « L'article 1352-6 du code civil dispose que : « La restitution d'une somme d'argent inclut les intérêts au taux légal et les taxes acquittées entre les mains de celui qui l'a reçue ». L'article 1352-8 du code civil précise que : « La restitution d'une prestation de service a lieu en valeur. Celle-ci est appréciée à la date à laquelle elle a été fournie ».
Il ressort des pièces des parties et de leurs absences de contestations sur ces points que le site Internet a été mis en ligne le 10 mars 2023 et que M. X. a réglé un « loyer » de 1.260 euros le 30 mai 2023 par prélèvement automatique. M. X. ne justifie pas avoir critiqué la qualité de la prestation. Ainsi la prestation en valeur sera-t-elle évaluée au montant du loyer fixé initialement entre les parties et il est opéré une compensation entre le loyer que doit restituer la société Locam et la valeur de la prestation fournie. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
TROISIÈME CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 11 FÉVRIER 2025
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 24/02928. Arrêt n° 72. N° Portalis DBVL-V-B7I-UZFH (Réf. 1ère instance : 2024000816).
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,
Assesseur : Madame Fabienne CLÉMENT, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Sophie RAMIN, Conseiller,
GREFFIER : Madame Frédérique HABARE, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS : A l'audience publique du 12 décembre 2024 devant Madame Sophie RAMIN, magistrat rapporteur, tenant seule l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement le 11 février 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
APPELANT :
Monsieur X.
Entrepreneur individuel immatriculé sous le numéro SIREN XXX exerçant sous l'enseigne BSA PLOMBERIE, CHAUFFAGE, SANITAIRE., né le [date] à [Localité 8] (Pays), [Adresse 1], [Localité 3], Représenté par Maître Sébastien CHEVALIER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES
INTIMÉE :
SAS LOCAM - LOCATION AUTOMOBILES MATÉRIEL
immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Saint-Étienne sous le numéro XXX, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège, [Adresse 4], [Localité 2], Représentée par Maître Christine JULIENNE de la SELARL MENARD-JULIENNE, Postulant, avocat au barreau de NANTES, Représentée par Maître Ghislaine BETTON de la SARL PIVOINE SOCIETE D'AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de LYON
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
M. X. exerce en qualité d'entrepreneur individuel sous l'enseigne BSA plomberie, chauffage, sanitaire, une activité de plombier-chauffagiste.
Le 17 novembre 2022, M. X. a conclu avec la société Locam un contrat de location longue durée d'un site internet fourni par la société Axecibles moyennant un loyer mensuel de 420 euros pendant 48 mois.
Le 10 mars 2023, le procès-verbal de livraison et de conformité a été signé entre M. X. et la société Axecibles.
Le 17 mai 2023, une facture unique a été émise par la société Locam portant sur 46 échéances courant du 30 mai 2023 au 30 février 2027.
Par lettre recommandée du 25 septembre 2023, la société Locam a réclamé le paiement d'un arriéré de 1.834,12 euros et a averti M. X. qu'à défaut de paiement sous huit jours, la totalité de la créance deviendrait exigible, soit 20.776,12 euros, et la déchéance serait prononcée.
Le 23 janvier 2024, la société Locam a assigné M. X. en paiement devant le tribunal de commerce de Nantes.
Par jugement du 22 avril 2024, le tribunal de commerce de Nantes a :
- condamné M. X. à payer à la société Locam la somme de 20.790 euros TTC outre intérêts de retard contractuels à compter du 25 septembre 2023,
- condamné M. X. à payer à la société Locam la somme de 400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rappelé que la décision à intervenir est de droit, [sic]
- condamné M. X. aux dépens dont frais de greffe liquidés à 60,22 euros toutes taxes comprises.
Par déclaration du 17 mai 2024, M. X. a interjeté appel.
Les dernières conclusions de l'appelant sont du 15 novembre 2024.
Les dernières conclusions de l'intimée sont du 4 octobre 2024.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 novembre 2024.
PRÉTENTIONS ET MOYENS
M. X. demande à la cour de :
- recevoir M. X. en son appel,
- y faisant droit, infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nantes du 22 avril 2024,
statuant de nouveau,
- annuler le contrat conclu entre M. X. et la société Locam le 17 novembre 2002,
- condamner la société Locam à payer à la somme de 1.530,96 euros à titre de restitution des sommes versées,
- débouter la société Locam de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner la société Locam à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Locam aux entiers dépens de première instance comme d'appel.
[*]
La société Locam demande à la cour de :
- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nantes en toutes ses dispositions,
- rejeter par conséquent l'intégralité des prétentions de M. X.,
- condamner M. X. à payer à la société Locam la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'instance et d'exécution de la décision à venir.
[*]
Il est renvoyé aux dernières écritures des parties visées supra pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DISCUSSION :
La demande de nullité du contrat de location :
M. X. soutient que le contrat conclu avec la société Locam est un contrat de location simple de longue durée conclu hors établissement, dont l'objet n'entre pas dans le champ de son activité principale, soumis aux dispositions du code de la consommation. Il fait valoir, principalement, que le contrat ne respecte pas les dispositions des articles L. 221-9 et L. 221-5 du code de la consommation justifiant son annulation.
La société Locam fait valoir, en substance, que le contrat est une location financière et que les dispositions du code de la consommation relatives au contrat conclu hors établissement sont inapplicables aux contrats portant sur des services financiers. Elle ajoute au surplus que le contrat entrait dans le champ d'activité principale de M. X., ce qu'il a expressément admis par la signature du contrat comportant une mention en ce sens.
S’agissant des contrats conclus hors établissement, l'article L. 221-3 du code de la consommation prévoit que : « les dispositions des sections 2, 3 et 6 du présent chapitre applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq ».
Il résulte des pièces contractuelles produites aux débats que le contrat de location a été conclu à [Localité 7]. La société Locam ne soutient pas qu'il s'agisse d'un lieu d'établissement de sa société.
L'article L. 221-2 4° du code de la consommation exclut les contrats portant sur des services financiers du champ d'application de la réglementation sur les contrats conclus hors établissement.
Le contrat conclu correspond à une location longue durée : le locataire paie des loyers en contrepartie de la mise à disposition du site web et restitue celui-ci, sans frais ni option d'achat, à l'issue du contrat (article 19).
La directive 2011/83/UE relative aux droits des consommateurs et la directive 2002/65/CE relative à la commercialisation à distance de services financiers auprès des consommateurs définissent le « service financier » comme tout service ayant trait à la banque, au crédit, à l'assurance, aux retraites individuelles, aux investissements et aux paiements, ce que n'est pas le contrat de location simple de longue durée (à rappr. CJCE 21 déc. 2023, BMW BANK, aff. C-38/21, C-47/21 et C-232/21).
Si l'article L. 311-2, 6° du code monétaire et financier autorise les établissements de crédit à effectuer des opérations connexes à leur activité, parmi lesquelles la location simple de biens mobiliers pour les établissements habilités à effectuer des opérations de crédit-bail, il ne s'en déduit pas pour autant que les contrats de location simple soient des « services financiers ».
Ainsi, le fait que les dispositions du chapitre II du code de la consommation réglementant les contrats conclus à distance portant sur des services financiers visent l'ensemble des services mentionnés au livre III du code monétaire et financier, ne permet pas de soustraire, sans analyse préalable du contrat, le contrat de location aux dispositions du chapitre I du code de la consommation dès lors qu'il ne revêt pas les caractéristiques d'un service « financier ».
M. X. a signé le contrat portant la mention par laquelle il attestait que le contrat est en rapport direct avec son activité professionnelle et souscrit pour les besoins de cette dernière. Toutefois, s'il a effectivement souscrit le contrat dans le but de promouvoir son activité auprès de tiers, l'objet même du contrat de location du site web n'entre pas dans le champ de son activité principale, à savoir la plomberie-chauffagerie, qu'il exerce, en outre, seul.
Les dispositions du code de la consommation relatives aux contrats conclus hors établissement s'appliquent ainsi au contrat conclu par M. X.
L'article L.242-1 du code de la consommation prévoit que : « les dispositions des articles L.221-9 et L.221-10 sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement ».
L'article L.221-9 du code de la consommation dispose que : « Le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l'accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l'engagement exprès des parties.
Ce contrat comprend toutes les informations prévues à l'article L. 221-5.
Le contrat mentionne, le cas échéant, l'accord exprès du consommateur pour la fourniture d'un contenu numérique sans support matériel avant l'expiration du délai de rétractation et, dans cette hypothèse, le renoncement de ce dernier à l'exercice de son droit de rétractation.
Le contrat est accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 7° de l'article L. 221-5. »
Le contrat produit par la société Locam n'est pas accompagné du formulaire type de rétractation ni ne mentionne le droit de rétractation, sa durée d'application et les conditions de son exercice.
Il ne porte pas mention des coordonnées téléphoniques de la société Locam ni de la possibilité à recourir à un médiateur comme prévu aux 4° et 6° de l'article L.221-5.
Le contrat ne satisfait pas aux exigences légales, il convient de prononcer sa nullité sans qu'il soit besoin d'étudier le moyen tiré du dol.
En conséquence, il y a lieu d'infirmer le jugement et de rejeter la demande principale en paiement de la société Locam.
Sur les demandes de restitution :
M. X. demande la restitution des loyers et sommes prélevées sur son compte.
La société Locam fait valoir que le site Internet est en ligne depuis le 10 mars 2023 et qu'il lui est dû la contrepartie en valeur de la prestation par référence au prix exprimé au contrat.
L'article 1178 du code civil prévoit que les prestations exécutées donnent lieu à restitution selon les dispositions des articles 1352 à 1352-9 du code civil.
L'article 1352-6 du code civil dispose que : « La restitution d'une somme d'argent inclut les intérêts au taux légal et les taxes acquittées entre les mains de celui qui l'a reçue ».
L'article 1352-8 du code civil précise que : « La restitution d'une prestation de service a lieu en valeur. Celle-ci est appréciée à la date à laquelle elle a été fournie ».
Il ressort des pièces des parties et de leurs absences de contestations sur ces points que le site Internet a été mis en ligne le 10 mars 2023 et que M. X. a réglé un « loyer » de 1.260 euros le 30 mai 2023 par prélèvement automatique.
M. X. ne justifie pas avoir critiqué la qualité de la prestation.
Ainsi la prestation en valeur sera-t-elle évaluée au montant du loyer fixé initialement entre les parties et il est opéré une compensation entre le loyer que doit restituer la société Locam et la valeur de la prestation fournie.
En revanche, un autre prélèvement débiteur apparaît le 31 mai 2023 sur le compte bancaire de M. X., portant le même numéro de dossier et intitulé « facture », d'un montant de 270,96 euros, pour lequel la société Locam ne donne aucune explication.
Cette somme, sans lien établi avec la prestation fournie, doit être restituée à M. X.
La société Locam sera condamnée à payer à M. X. la somme de 270,96 euros.
Toute autre demande des parties sera rejetée.
Dépens et frais
Succombant à l'instance, la société Locam sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et à payer à M. X. la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Infirme le jugement du tribunal de commerce de Nantes en toutes ses dispositions soumises à la cour,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Prononce la nullité du contrat de location conclu entre M. X. et la société Locam le 17 novembre 2022,
Condamne la société Locam à payer à M. X. la somme de 270,96 euros au titre des restitutions,
Rejette toute autre demande des parties,
Condamne la société Locam aux dépens de première instance et d'appel,
Condamne la société Locam à payer à M. X. la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,