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CA VERSAILLES (ch. com. 3-2), 25 mars 2025

Nature : Décision
Titre : CA VERSAILLES (ch. com. 3-2), 25 mars 2025
Pays : France
Juridiction : Versailles (CA), ch. com. 3-2
Demande : 23/08499
Date : 25/03/2025
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 19/12/2023
Décision antérieure : T. com. Versailles (4e ch.), 6 octobre 2023 : RG n° 2022F00440
Décision antérieure :
  • T. com. Versailles (4e ch.), 6 octobre 2023 : RG n° 2022F00440
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CERCLAB - DOCUMENT N° 23622

CA VERSAILLES (ch. com. 3-2), 25 mars 2025 : RG n° 23/08499

Publication : Judilibre

 

Extrait : « La directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs a notamment établi au profit des consommateurs un droit à une information pré-contractuelle utile et à la rétractation dans les contrats hors établissement.

Il résulte de ses articles 2, 6), et 3 que la directive est notamment applicable aux contrats de service, c'est-à-dire à « tout contrat autre qu'un contrat de vente en vertu duquel le professionnel fournit ou s'engage à fournir un service au consommateur et le consommateur paie ou s'engage à payer le prix de celui-ci ». Cette règle est aujourd'hui transposée à l'article L. 221-1, II, du code de la consommation. En son article 3, §3, d), la directive exclut de son champ d'application les contrats portant sur les services financiers. Est défini à l'article 2, 12), de la directive comme un service financier « tout service ayant trait à la banque, au crédit, à l'assurance, aux pensions individuelles, aux investissements ou aux paiements ».

La directive a été transposée au code de la consommation par la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014. Selon l'article L. 121-16-1, I, 4°, devenu L. 221-2, 4° du code de la consommation, les dispositions protégeant le consommateur lorsque le contrat est conclu hors établissement ne sont pas applicables aux contrats portant sur des services financiers.

Selon l'article L. 221-3, […]. L'effectif social visé à ce texte doit être calculé selon les modalités prévues aux articles L. 1111-2 et L. 1111-3 du code du travail. […] Aux termes de l'article L. 242-1 du code de la consommation, les dispositions de l'article L. 211-9 sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement.

Statuant sur une question préjudicielle d'une juridiction allemande, la Cour de justice de l'Union européenne (21 décembre 2023, C-38/21, C-47/21 et C-232/21, BMW Bank) a récemment éclairé le champ d'application de la directive de 2011, en examinant la nature d'un contrat « leasing » se présentant (arrêt, §§46 à 49) comme un contrat de prêt affecté à l'achat d'une automobile acquise par une banque pour l'emprunteur, assorti d'un taux d'intérêt, sans option d'achat. La Cour de justice dit pour droit (§1 du dispositif de son arrêt ; §§126 à 156 de ses motifs) qu'un tel contrat relève du champ d'application de la directive 2011/83, en tant que contrat de service, au sens de l'article 2, point 6, de celle-ci ; corrélativement, qu'il ne relève du champ d'application ni de la directive 2002/65/CE du 23 septembre 2002 concernant la commercialisation à distance de services financiers auprès des consommateurs, ni de la directive 2008/48/CE du 23 avril 2008 relative aux contrats de crédit aux consommateurs. Dès lors que la CJUE a dégagé cette solution à partir d'une convention se présentant comme un contrat de crédit affecté consenti par une banque, elle doit a fortiori être appliquée à toute situation contractuelle dans laquelle, par un contrat dit de « location financière », un professionnel finance l'utilisation d'un bien par un consommateur en en faisant lui-même l'acquisition et en le mettant à la disposition du consommateur moyennant le paiement d'échéances fixes, sans que le consommateur ne dispose d'une option d'achat. Le droit de rétractation n'est inapplicable que dans les contrats hors établissement prévus à l'article 16 de la directive, transposé à l'article L. 221-28 du code de la consommation.

L'article L. 311-1 du code monétaire et financier dispose que « les opérations de banque comprennent la réception de fonds remboursables du public, les opérations de crédit, ainsi que les services bancaires de paiement. » Selon l'article L. 311-2 de ce code, les établissements de crédit et les sociétés de financement peuvent aussi effectuer les opérations connexes à leur activité telles que : « 6° Les opérations de location simple de biens mobiliers ou immobiliers pour les établissements habilités à effectuer des opérations de crédit-bail. » Les établissements de crédit sont, aux termes de l'article L. 511-1 du code monétaire et financier, les entreprises définies à l'article 4, §1, 1) du règlement (UE) n°575/2013 du 26 juin 2013, c'est-à-dire les entreprises dont l'activité consiste à recevoir du public des dépôts ou d'autres fonds remboursables et à octroyer des crédits pour son propre compte. Les sociétés de financement, sont, aux termes du même texte, des personnes morales, autres que de établissements de crédit, qui effectuent à titre de profession habituelle et pour leur propre compte des opérations de crédit dans les conditions et limites définies par leur agrément. L'article L. 313-1 du même code prévoit : « Constitue une opération de crédit tout acte par lequel une personne agissant à titre onéreux met ou promet de mettre des fonds à la disposition d'une autre personne ou prend, dans l'intérêt de celle-ci, un engagement par signature tel qu'un aval, un cautionnement, ou une garantie. Sont assimilés à des opérations de crédit le crédit-bail, et, de manière générale, toute opération de location assortie d'une option d'achat. »

Une location financière ne constitue pas une opération de crédit-bail ou plus généralement une opération de location associé d'une option d'achat assimilable à une opération de crédit-bail (Cass., Com., 2 novembre 2016, n° 15-10.274, publié). Cette solution est cohérente avec celle adoptée par la CJUE le 21 décembre 2023. Le contrat de « location financière « passé entre la société Agilease et la société Belle en soi a pour objet la mise à disposition de celle-ci d'un caisse enregistreuse achetée pour elle, moyennant le paiement de 21 loyers trimestriels. Ce contrat est un contrat de service au sens de l'article 2, 6), de la directive de 2011 et non un contrat portant sur des services financiers au sens de l'article 3, §3, d), de cette directive.

Au reste, si l'appelante invoque les dispositions de l'article L. 311-2 du code monétaire et financier, elle n'allègue pas et n'établit par aucune des pièces versées aux débats que la société Agilease, aux droits de laquelle elle vient, soit un établissement de crédit ou une société de financement au sens des dispositions précités du code monétaire et financier.

Le contrat litigieux a été signé au siège de la société Belle en soi, soit hors établissement ; il est suffisamment établi par la production d'une liasse fiscale que cette société n'avait pas de salarié à l'époque ; enfin, cette société exerce une activité principale de coiffure, dépourvue de lien avec l'objet du contrat.

En application de l'article L. 221-3 du code de la consommation, un tel contrat, qui n'appartient à aucune des catégories prévues à l'article L. 221-28 de ce code, ne peut être valablement conclu que dans les formes prévues aux articles L. 221-5 et L. 221-9 du même code. Or, comme l'a exactement relevé le tribunal de commerce, le contrat en cause ne comprend pas de formulaire de rétractation ni d'information sur les modalités d'exercice de ce droit. Il encourt donc la nullité en application des articles L. 221-9 et L. 242-1 du code de la consommation.

Selon l'article 1182 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016 applicable au contrat, la confirmation est l'acte par lequel celui qui pourrait se prévaloir de la nullité y renonce ; cet acte mentionne l'objet de l'obligation et le vice affectant le contrat ; l'exécution volontaire du contrat, en connaissance de la cause de nullité, vaut confirmation. La reproduction sur le contrat, même lisible, des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à un contrat conclu hors établissement ne permet pas au consommateur d'avoir une connaissance effective du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions et de caractériser la confirmation tacite de ce contrat, en l'absence de circonstances, qu'il appartient au juge de relever, permettant de justifier d'une telle connaissance (1re civ., 24 janv. 2024, n° 22-16.115, publié, revenant sur la solution antérieure contraire, notamment exprimée dans Cass., 1re Civ., 31 août 2022, n° 21-12.968, publié). Il n'est établi par aucune des pièces versées aux débats que la société Belle en soi avait connaissance de la cause de nullité relevée, de sorte qu'au sens de l'article 1182 du code civil, elle ne peut être considérée comme ayant tacitement confirmé le contrat en l'exécutant partiellement.

Le contrat de location financière doit en conséquence être annulé par la cour ; le jugement entrepris n'a pas statué sur ce point dans son dispositif. »

2/ « La cour retient que le loueur, propriétaire du matériel en cause, est bien fondé à réclamer l'indemnisation du préjudice que lui a causé l'absence de sa restitution ; que l'appareil n'a pas été maintenu au-delà du 6 janvier 2021, date à laquelle la société BPI a été placée en liquidation judiciaire.

Il convient en conséquence de réformer le jugement en ce qu'il a condamné la société Belle en soi à payer à la société Franfinance Location la somme de 8.172,98 euros et d'allouer à cette dernière de ce chef, en l'absence de production de la facture d'achat de ce matériel et de preuve de son adéquation au prix du marché, une somme forfaitaire limitée à 1.000 (mille) euros. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE VERSAILLES

CHAMBRE COMMERCIALE 3-2

ARRÊT DU 25 MARS 2025

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 23/08499 - N° Portalis DBV3-V-B7H-WICR. Code nac : 59A. PAR DEFAUT. Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 6 octobre 2023 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLES, 4e ch. : RG n° 2022F00440.

LE VINGT CINQ MARS DEUX MILLE VINGT CINQ, La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

 

APPELANT :

SAS FRANFINANCE LOCATION

Ayant son siège, [Adresse 5], [Localité 7], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social, Représentant : Maître Typhanie BOURDOT de la SELARL MBD AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 644 - N° du dossier 23TB3337, Plaidant : Maître Nicolas CROQUELOIS de la SELEURL CROQUELOIS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1119 -

 

INTIMÉS :

Société BELLE EN SOI

Ayant son siège, [Adresse 6], [Adresse 6], [Adresse 6], [Localité 1], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social, Représentant : Maître Franck LAFON, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 - N° du dossier 20240091 - Plaidant : Maître Sophie ARNAUD, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, vestiaire : 144

SAS.AGILEASE

Ayant son siège [Adresse 8], [Localité 2], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social, Défaillant - déclaration d'appel signifiée par PV 659

SELARL Z. L. ET ASSOCIES

Ayant son siège [Adresse 4], [Localité 3], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social, Défaillant - déclaration d'appel signifiée à personne habilitée

 

Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 21 janvier 2025 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Cyril ROTH, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Monsieur Ronan GUERLOT, Président de chambre, Monsieur Cyril ROTH, Président de chambre, Madame Gwenael COUGARD, Conseillère.

Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN,

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 22 janvier 2018, la société Agilease a mis à la disposition de l'EURL Belle en soi une caisse enregistreuse Olivetti Explora 460, moyennant le paiement de loyers.

Le même jour, la société Belle en soi a souscrit un contrat de maintenance de ce matériel auprès de la société BPI.

Le 19 février 2018, la société Agilease a cédé le matériel et le contrat de location financière à la société Franfinance Location.

Le 6 janvier 2021, le tribunal de commerce de Rennes a placé la société BPI en liquidation judiciaire et désigné la société Z. L. en qualité de liquidateur.

Le 2 mai 2022, la société Franfinance Location a assigné la société Belle en soi devant le tribunal de commerce de Versailles.

Les 16 et 19 septembre 2022, la société Belle en soi a assigné en intervention forcée la société Agilease, ainsi que la société Z. L., ès qualités.

Le 6 octobre 2023, par jugement réputé contradictoire, le tribunal de commerce de Versailles a :

- constaté l'absence des sociétés Agilease et Z. L. ;

- condamné la société Franfinance Location à payer à la société Belle en soi la somme totale de 8 172,98 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 2 mai 2022 ;

- ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;

- condamné la société Belle en soi à payer à la société Franfinance Location la somme de 8 172,98 euros ;

- ordonné la compensation des créances ;

- ordonné à la société Belle en soi de restituer à ses frais au siège social de la société Franfinance Location le matériel suivant : une caisse enregistreuse Olivetti Explora 460, numéro de série TWJSNH300295, sous astreinte de 300 euros par mois passé un délai d'un mois suivant la signification du présent jugement et pendant deux mois ; après quoi il appartiendra à la société Franfinance Location de faire une nouvelle demande d'astreinte, le cas échéant ;

- dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- mis les dépens à la charge de la société Franfinance Location et dont les frais de greffe s'élèvent à la somme de 119,82 euros.

[*]

Le 19 décembre 2023, la société Franfinance Location a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a :

- condamné la société Franfinance Location à payer à la société Belle en soi la somme totale de 8 172,98 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 2 mai 2022 ;

- ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;

- condamné la société Belle en soi à payer à la société Franfinance Location la somme de 8 172,98 euros ;

- ordonné la compensation des créances ;

- mis les dépens à la charge de la société Franfinance Location et dont les frais de greffe s'élèvent à la somme de 119,82 euros.

Par dernières conclusions du 18 mars 2024, elle demande à la cour de :

- débouter la société Belle en soi de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- réformer les dispositions suivantes du jugement entrepris en ce qu'il :

l'a condamné à payer à la société Belle en soi la somme totale de 8.172,98 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 2 mai 2022 ;

a ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;

a condamné la société Belle en soi à lui payer la somme de 8.172,98 euros ;

a ordonné la compensation des créances ;

a mis les dépens à sa charge et dont les frais de greffe s'élèvent à la somme de 119,82 euros ;

Statuant à nouveau,

- constater la résiliation de plein droit du contrat de location financière n°001526072-00, intervenue huit jours après la délivrance de l'assignation intervenue le 2 mai 2022 ;

A défaut,

- prononcer la résiliation du contrat de location financière n°001526072-00, huit jours après la délivrance de l'assignation intervenue le 2 mai 2022 ;

En conséquence,

- condamner la société Belle en soi à lui payer la somme totale de 14.514 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'acte introductif d'instance et se décomposant comme suit :

* 10.620 euros TTC au titre des loyers échus impayés du 1er janvier 2020 au 1er avril 2022 inclus ;

* 3.894 euros HT au titre de l'indemnité contractuelle de résiliation (comprenant les loyers à échoir du 1er juillet 2022 au 1er avril 2023 inclus) ;

- condamner la société Belle en soi à lui payer une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Belle en soi aux entiers dépens.

[*]

Par dernières conclusions d'intimée et d'appelant incident du 7 octobre 2024, la société Belle en soi demande à la cour de :

- réformer la décision entreprise en ce qu'elle :

l'a condamnée à payer à la société Franfinance Location la somme de 8 172,98 euros ;

a ordonné la compensation des créances ;

lui a ordonné de restituer à ses frais au siège social de la société Franfinance Location le matériel suivant : une caisse enregistreuse Olivetti Explora 460, numéro de série TWJSNH300295, sous astreinte de 300 euros par mois passé un délai d'un mois suivant la signification du présent jugement et pendant deux mois ; après quoi il appartiendra à la société Franfinance Location de faire une nouvelle demande d'astreinte, le cas échéant ;

a dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la confirmer pour le surplus et statuant à nouveau ;

A titre principal,

- prononcer la nullité des contrats établis entre elle et la société BPI, le 22 janvier 2018 ;

- prononcer la nullité des contrats établis entre elle et les sociétés Agilease et Franfinance Location le 22 janvier 2018 ;

- condamner la société Franfinance Location à lui rembourser la somme de 8.172,98 euros correspondant aux loyers versés, aux frais de prise de garantie, et frais de prise d'inscription au greffe, au loyer intercalaire, somme à parfaire au jour de la décision à intervenir, avec intérêt à taux légal, à compter du 23 avril 2021 ;

- ordonner la capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1343-2 du code civil ;

- juger que le matériel litigieux a été restitué à la société Franfinance Location le 23 octobre 2023 ;

- condamner la société Franfinance Location au remboursement de ces frais ;

A titre subsidiaire,

- prononcer la résiliation des contrats de fourniture et maintenance à compter du mois d'octobre 2019 du fait des manquements fautifs de la société BPI, dans l'exécution du contrat ;

- annuler les clauses contractuelles inconciliables avec l'interdépendance des conventions ;

- prononcer la caducité des contrats de locations longue durée attachés à ces opérations contractuelles conclus auprès des sociétés Agilease et Franfinance Location à compter de cette date ;

- condamner la société Franfinance Location à lui restituer les loyers versés à compter du mois d'octobre 2019, soit la somme de 1.062 euros avec intérêt à taux légal, à compter du 10 mai 2022 ;

- ordonner la capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1343-2 du code civil ;

- dire et juger que le matériel litigieux, mis à la disposition de la société Franfinance Location devra être récupéré à ses frais par cette dernière ;

A titre infiniment subsidiaire,

- dire et juger que les contrats de fourniture et maintenance sont résiliés de plein droit le 6 janvier 2021 ;

- annuler les clauses contractuelles inconciliables avec l'interdépendance des conventions ;

- prononcer la caducité des contrats de location longue durée attachés à ces opérations contractuelles conclus auprès de la société Franfinance Location à compter de cette date ;

- condamner la société Franfinance Location à lui restituer les loyers versés à compter du mois de janvier 2021, avec intérêt à taux légal ;

- ordonner la capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1343-2 du code civil ;

- dire et juger que le matériel litigieux, mis à la disposition de la société Franfinance Location devra être récupéré à ses frais par cette dernière ;

En tout état de cause,

- débouter la société Franfinance Location de l'ensemble de leurs demandes fins et prétentions ;

- condamner M. L. et les sociétés Agilease et Franfinance Location au paiement in solidum de la somme de 5 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, distraits au profit de Maître Lafon, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

[*]

La déclaration d'appel a été signifiée à la société Agilease le 20 février 2024 par procès-verbal de recherches infructueuses. Celle-ci n'a pas constitué avocat.

[*]

La déclaration d'appel a été signifiée à la société Z. L. le 23 février 2024 par remise à personne habilitée. Celle-ci n'a pas constitué avocat.

[*]

La clôture de l'instruction a été prononcée le 5 décembre 2024.

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux conclusions susvisées.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Sur la demande d'annulation du contrat de location financière :

La société Belle en soi fait notamment valoir que ce contrat ne comporte pas de formulaire de rétractation et ne comporte pas les mentions rendues obligatoires par les articles L. 221-5 et L. 221-9 du code de la consommation ; qu'elle ne l'a pas exécuté en connaissance de cause de sa nullité, puisque les mentions y figurant ne lui permettaient pas de la connaître.

La société Franfinance Location, s'appuyant notamment sur les conclusions de l'avocat général et sur le texte de l'arrêt rendu par la CJUE le 21 décembre 2023, soutient que le contrat de location financière porte sur un service financier au sens de l'article L. 221-2 du code de la consommation, de sorte qu'il n'est pas soumis aux dispositions du code de la consommation invoquées ; en tout cas, que sa nullité a été couverte en application de l'article 1182 du code civil, par la poursuite de son exécution.

Réponse de la cour

La directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs a notamment établi au profit des consommateurs un droit à une information pré-contractuelle utile et à la rétractation dans les contrats hors établissement.

Il résulte de ses articles 2, 6), et 3 que la directive est notamment applicable aux contrats de service, c'est-à-dire à « tout contrat autre qu'un contrat de vente en vertu duquel le professionnel fournit ou s'engage à fournir un service au consommateur et le consommateur paie ou s'engage à payer le prix de celui-ci ». Cette règle est aujourd'hui transposée à l'article L. 221-1, II, du code de la consommation.

En son article 3, §3, d), la directive exclut de son champ d'application les contrats portant sur les services financiers.

Est défini à l'article 2, 12), de la directive comme un service financier « tout service ayant trait à la banque, au crédit, à l'assurance, aux pensions individuelles, aux investissements ou aux paiements ».

La directive a été transposée au code de la consommation par la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014.

Selon l'article L. 121-16-1, I, 4°, devenu L. 221-2, 4° du code de la consommation, les dispositions protégeant le consommateur lorsque le contrat est conclu hors établissement ne sont pas applicables aux contrats portant sur des services financiers.

Selon l'article L. 221-3, inséré au chapitre 1er du titre II du livre II du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au jour de la conclusion du contrat de prestation de services en cause, certaines des dispositions du code de la consommation relatives aux conditions de formation des contrats sont applicables aux contrats conclus entre deux professionnels, lorsque l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre des salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq (« les petits professionnels »).

L'effectif social visé à ce texte doit être calculé selon les modalités prévues aux articles L. 1111-2 et L. 1111-3 du code du travail.

Selon l'article L. 221-3 précité, les dispositions applicables aux contrats souscrits par les " petits professionnels " sont celles des sections 2, 3 et 6 de ce chapitre, parmi lesquelles les dispositions des articles L. 221-5 et L. 221-9 de ce code relatif à l'obligation d'information précontractuelle pesant sur le professionnel et aux mentions que doit contenir le contrat.

Selon l'article L. 221-9, le professionnel fournit au consommateur un exemplaire du contrat conclu hors établissement comprenant toutes les informations prévues à l'article L. 221-5 et accompagné d'un formulaire type de rétractation.

Selon l'article L. 221-5 de ce code, auquel il est ainsi renvoyé, dans sa rédaction ici applicable, préalablement à la conclusion d'un contrat de prestation de services, le professionnel fournit au consommateur, de manière lisible et compréhensible les informations suivantes,

« 2° Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par décret en Conseil d'Etat. »

Aux termes de l'article L. 242-1 du code de la consommation, les dispositions de l'article L. 211-9 sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement.

Statuant sur une question préjudicielle d'une juridiction allemande, la Cour de justice de l'Union européenne (21 décembre 2023, C-38/21, C-47/21 et C-232/21, BMW Bank) a récemment éclairé le champ d'application de la directive de 2011, en examinant la nature d'un contrat « leasing » se présentant (arrêt, §§46 à 49) comme un contrat de prêt affecté à l'achat d'une automobile acquise par une banque pour l'emprunteur, assorti d'un taux d'intérêt, sans option d'achat.

La Cour de justice dit pour droit (§1 du dispositif de son arrêt ; §§126 à 156 de ses motifs) qu'un tel contrat relève du champ d'application de la directive 2011/83, en tant que contrat de service, au sens de l'article 2, point 6, de celle-ci ; corrélativement, qu'il ne relève du champ d'application ni de la directive 2002/65/CE du 23 septembre 2002 concernant la commercialisation à distance de services financiers auprès des consommateurs, ni de la directive 2008/48/CE du 23 avril 2008 relative aux contrats de crédit aux consommateurs.

Dès lors que la CJUE a dégagé cette solution à partir d'une convention se présentant comme un contrat de crédit affecté consenti par une banque, elle doit a fortiori être appliquée à toute situation contractuelle dans laquelle, par un contrat dit de « location financière », un professionnel finance l'utilisation d'un bien par un consommateur en en faisant lui-même l'acquisition et en le mettant à la disposition du consommateur moyennant le paiement d'échéances fixes, sans que le consommateur ne dispose d'une option d'achat.

Le droit de rétractation n'est inapplicable que dans les contrats hors établissement prévus à l'article 16 de la directive, transposé à l'article L. 221-28 du code de la consommation.

L'article L. 311-1 du code monétaire et financier dispose que « les opérations de banque comprennent la réception de fonds remboursables du public, les opérations de crédit, ainsi que les services bancaires de paiement. »

Selon l'article L. 311-2 de ce code, les établissements de crédit et les sociétés de financement peuvent aussi effectuer les opérations connexes à leur activité telles que :

« 6° Les opérations de location simple de biens mobiliers ou immobiliers pour les établissements habilités à effectuer des opérations de crédit-bail. »

Les établissements de crédit sont, aux termes de l'article L. 511-1 du code monétaire et financier, les entreprises définies à l'article 4, §1, 1) du règlement (UE) n°575/2013 du 26 juin 2013, c'est-à-dire les entreprises dont l'activité consiste à recevoir du public des dépôts ou d'autres fonds remboursables et à octroyer des crédits pour son propre compte.

Les sociétés de financement, sont, aux termes du même texte, des personnes morales, autres que de établissements de crédit, qui effectuent à titre de profession habituelle et pour leur propre compte des opérations de crédit dans les conditions et limites définies par leur agrément.

L'article L. 313-1 du même code prévoit :

« Constitue une opération de crédit tout acte par lequel une personne agissant à titre onéreux met ou promet de mettre des fonds à la disposition d'une autre personne ou prend, dans l'intérêt de celle-ci, un engagement par signature tel qu'un aval, un cautionnement, ou une garantie.

Sont assimilés à des opérations de crédit le crédit-bail, et, de manière générale, toute opération de location assortie d'une option d'achat. »

Une location financière ne constitue pas une opération de crédit-bail ou plus généralement une opération de location associé d'une option d'achat assimilable à une opération de crédit-bail (Cass., Com., 2 novembre 2016, n° 15-10.274, publié). Cette solution est cohérente avec celle adoptée par la CJUE le 21 décembre 2023.

Le contrat de « location financière « passé entre la société Agilease et la société Belle en soi a pour objet la mise à disposition de celle-ci d'un caisse enregistreuse achetée pour elle, moyennant le paiement de 21 loyers trimestriels.

Ce contrat est un contrat de service au sens de l'article 2, 6), de la directive de 2011 et non un contrat portant sur des services financiers au sens de l'article 3, §3, d), de cette directive.

Au reste, si l'appelante invoque les dispositions de l'article L. 311-2 du code monétaire et financier, elle n'allègue pas et n'établit par aucune des pièces versées aux débats que la société Agilease, aux droits de laquelle elle vient, soit un établissement de crédit ou une société de financement au sens des dispositions précités du code monétaire et financier.

Le contrat litigieux a été signé au siège de la société Belle en soi, soit hors établissement ; il est suffisamment établi par la production d'une liasse fiscale que cette société n'avait pas de salarié à l'époque ; enfin, cette société exerce une activité principale de coiffure, dépourvue de lien avec l'objet du contrat.

En application de l'article L. 221-3 du code de la consommation, un tel contrat, qui n'appartient à aucune des catégories prévues à l'article L. 221-28 de ce code, ne peut être valablement conclu que dans les formes prévues aux articles L. 221-5 et L. 221-9 du même code.

Or, comme l'a exactement relevé le tribunal de commerce, le contrat en cause ne comprend pas de formulaire de rétractation ni d'information sur les modalités d'exercice de ce droit.

Il encourt donc la nullité en application des articles L. 221-9 et L. 242-1 du code de la consommation.

Selon l'article 1182 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016 applicable au contrat, la confirmation est l'acte par lequel celui qui pourrait se prévaloir de la nullité y renonce ; cet acte mentionne l'objet de l'obligation et le vice affectant le contrat ; l'exécution volontaire du contrat, en connaissance de la cause de nullité, vaut confirmation.

La reproduction sur le contrat, même lisible, des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à un contrat conclu hors établissement ne permet pas au consommateur d'avoir une connaissance effective du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions et de caractériser la confirmation tacite de ce contrat, en l'absence de circonstances, qu'il appartient au juge de relever, permettant de justifier d'une telle connaissance (1re civ., 24 janv. 2024, n° 22-16.115, publié, revenant sur la solution antérieure contraire, notamment exprimée dans Cass., 1re Civ., 31 août 2022, n° 21-12.968, publié).

Il n'est établi par aucune des pièces versées aux débats que la société Belle en soi avait connaissance de la cause de nullité relevée, de sorte qu'au sens de l'article 1182 du code civil, elle ne peut être considérée comme ayant tacitement confirmé le contrat en l'exécutant partiellement.

Le contrat de location financière doit en conséquence être annulé par la cour ; le jugement entrepris n'a pas statué sur ce point dans son dispositif.

De là suit, en premier lieu, que les demandes de l'appelante tendant au constat, subsidiairement au prononcé de la résiliation de ce contrat sont sans objet, de même que ses demandes en paiement des loyers et de l'indemnité de résiliation stipulés au contrat.

De là suit, en second lieu, qu'il convient de remettre les parties en l'état et de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Franfinance Location à restituer à la société Belle en soi la somme totale de 8.172,98 euros, dont le calcul n'est pas discuté par l'appelante, avec intérêts au taux légal du 2 mai 2022, date de l'assignation introductive d'instance. Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a ordonné l'anatocisme, qui est de droit lorsqu'il est sollicité.

 

Sur l'indemnité de jouissance :

Pour condamner la société Belle en soi à payer au loueur la somme de 8.172,98 euros en indemnisation de la jouissance du matériel, le tribunal de commerce a retenu qu'elle ne contestait pas être toujours en sa possession et ne démontrait pas être d'en l'impossibilité d'en jouir ou de la restituer.

Au soutien de sa demande de réformation du jugement de ce chef, la société Belle en soi fait valoir que seule la société BPI serait fondée à solliciter une telle indemnisation ; que depuis octobre 2019, celle-ci n'exécuté plus ses prestations de maintenance et que le contrat est résilié de plein droit depuis le 6 janvier 2021, de sorte qu'aucune indemnisation n'est en tout cas due au-delà de cette date, la société Belle en soi n'ayant pas pu jouir du matériel ensuite.

La cour retient que le loueur, propriétaire du matériel en cause, est bien fondé à réclamer l'indemnisation du préjudice que lui a causé l'absence de sa restitution ; que l'appareil n'a pas été maintenu au-delà du 6 janvier 2021, date à laquelle la société BPI a été placée en liquidation judiciaire.

Il convient en conséquence de réformer le jugement en ce qu'il a condamné la société Belle en soi à payer à la société Franfinance Location la somme de 8.172,98 euros et d'allouer à cette dernière de ce chef, en l'absence de production de la facture d'achat de ce matériel et de preuve de son adéquation au prix du marché, une somme forfaitaire limitée à 1.000 (mille) euros.

 

Sur la validité du contrat de prestation de services :

Il peut être inféré des pièces produites que le contrat de prestation de services passé le 22 janvier 2018 entre la société Belle en soi et la société BPI ne comporte pas de formulaire de rétractation, de sorte qu'il doit lui aussi être annulé.

Le jugement entrepris n'a pas prononcé cette annulation dans son dispositif ; il convient donc d'y ajouter.

 

Sur la demande de restitution :

L'appelante ne conteste pas que, comme l'affirme l'intimée, le matériel lui a été restitué le 23 octobre 2023, en exécution du jugement entrepris, qui peut en conséquence être confirmé en ce qu'il a ordonné cette restitution.

 

Sur les demandes accessoires :

L'équité commande de mettre à la charge du loueur les dépens d'appel et d'allouer à la société Belle en soi l'indemnité de procédure prévue au dispositif.

Il convient d'ordonner la compensation entre les sommes dont les parties sont réciproquement débitrices.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

la cour, statuant par défaut,

Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a condamné la société Belle en soi à payer à la société Franfinance Location la somme de 8.172,98 euros et en ce qu'il a ordonné compensation ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Annule le contrat de location financière ;

Annule le contrat de prestation de services conclu entre la société Belle et la société BPI ;

Rejette les demandes de la société Franfinance Location en paiement de loyers et d'une indemnité de résiliation ;

Condamne la société Belle en soi à payer à la société Franfinance Location la somme de 1.000 euros à titre d'indemnité de jouissance ;

Condamne la société Franfinance Location aux dépens d'appel, avec distraction au profit de M. Lafon, avocat au barreau de Versailles ;

Condamne la société Franfinance Location à payer à la société Belle en soi la somme de 3.000 euros au titre des frais non compris dans les dépens ;

Ordonne la compensation entre les sommes dont les parties sont réciproquement débitrices.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévuesau deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Ronan GUERLOT, Président, et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE                                         LE PRÉSIDENT