TJ STRASBOURG (1re ch. civ.), 14 janvier 2025
CERCLAB - DOCUMENT N° 23660
TJ STRASBOURG (1re ch. civ.), 14 janvier 2025 : RG n° 21/02639
Publication : Judilibre
Extraits : 1/ « Attendu que la société G&S LEGAL développe de nombreux moyens au soutien de sa demande en nullité de ce contrat d'exploitation ; Attendu cependant que ledit contrat n'est pas versé aux débats, de sorte qu'il n'est pas démontré qu'il soit susceptible de donner lieu à annulation ; Qu'en conséquence, tous les moyens développés au soutien de la demande en nullité d'un contrat d'exploitation d'un site conclu entre la SELARL G&S LEGAL et la société COMETIK seront rejetés ; Que pour les mêmes raisons, tous les moyens développés au titre de l'interdépendance des contrats et de la caducité consécutive du contrat conclu entre les sociétés G&S LEGAL et LOCAM seront également rejetés ».
2/ « Attendu que le contrat liant la SELARL G&S LEGAL à la société LOCAM est intitulé « contrat de location de site Web » et précise que le loueur concède au locataire une licence d'exploitation sur les éléments constitutifs du site Web qu'il lui fournit ;
Attendu que l'article L. 221-2 du Code de la consommation, dans sa rédaction applicable au moment de la formation du contrat, dispose que sont exclus de l'application du Chapitre Ier du titre II du Livre II du Code de la consommation « les contrats portant sur les services financiers » ; Que l'article 2, point 12 de la directive 2011/83/UE du Parlement Européen et du Conseil du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs, modifiant la directive 93/13/CEE du Conseil et la directive 1999/44/CE du Parlement Européen et du Conseil et abrogeant la directive 85/577/CEE du Conseil et la directive 97/7/CE du Parlement Européen et du Conseil, dont les articles L. 221-1 et suivants du Code de la consommation sont la transposition, définit la notion de « services financiers » comme « tout service ayant trait à la banque, au crédit, à l'assurance, aux pensions individuelles, aux investissements ou aux paiements» ; Attendu que c'est au regard de l'objet du contrat et non pas de la qualité des parties ou de considérations fiscales qu'il convient d'apprécier si un contrat relève de l'exclusion prévue par l'article L. 221-2 du Code de la consommation précité ;
Attendu que si l'article L. 511-21 du Code monétaire et financier définit les « services bancaires » comme « une opération de banque au sens de l'article L. 311-1 ou l'une des activités connexes au sens de l'article I de l'article L. 311-2 » du même Code, lesquels visent, notamment à l'article L. 311-2 6e du Code monétaire et financier, les contrats de location simple, d'une part, cette définition porte sur les « services bancaires » et non sur les « services financiers » et d'autre part, elle figure dans une sous-section du Code relative au « libre établissement et [la] libre prestation de services sur le territoire des États partie à l'accord sur l'Espace économique européen » et est expressément prévue pour l'application de cette sous-section ; Que cette définition ne saurait en conséquence nécessairement s'imposer pour l'interprétation de la notion de « services financiers » contenue dans le Code de la consommation ; Attendu que les articles L. 311-1 et L. 311-2 du Code monétaire et financier définissent les activités que peuvent exercer les établissements comme LOCAM, dont il n'est effectivement pas contesté qu'il s'agit d'une société de financement agréée auprès de l'Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution, soumise au Code monétaire et financier ; Attendu enfin que les règles particulières prévues au sein du Chapitre II, du Titre II, du Livre II du Code de la consommation qui s'appliquent, au regard de l'article L. 222-1 du Code de la consommation, « aux services mentionnés aux livres Ier à III et au titre V du livre V du Code monétaire et financier » et donc, aux services visés à l'article L. 311-2 du Code monétaire et financier, sont sans emport, au cas d'espèce ; Qu'en effet, ces règles spécifiques s'appliquent aux contrats conclus à distance et non pas aux contrats conclus hors établissement, alors que le contrat litigieux est un contrat conclu hors établissement au sens de l'article L. 221-1 du Code de la consommation ;
Attendu qu'en conséquence, le contrat conclu, le 20 juin 2017, entre la société G&S LEGAL et la société LOCAM, ayant exclusivement pour objet la location d'un site internet, n'est pas exclu du champ du Chapitre Ier, Titre II et Livre II du Code de la consommation ;
Attendu qu'en vertu de l'article L. 221-3 du même Code, « les dispositions des sections 2, 3, 6 du présent chapitre applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq » ;
Attendu qu'en l'espèce, il ne saurait être considéré que la création et l'exploitation d'un site internet entre dans le champ d'activité d'un cabinet d'avocats ; Que le fait qu'un site internet puisse avoir un intérêt réel pour une société quelle que soit son activité et que le contrat de location litigieux ait été conclu pour les besoins de l'activité de la société G&S LEGAL ne saurait faire entrer son objet dans le champ d'activité de ladite société ; Qu'il est par ailleurs établi que le nombre de salariés employés par la société G&S LEGAL est inférieur à cinq ; Que dès lors, la société G&S LEGAL est fondée à se prévaloir des dispositions de l'article L 221-3 du Code de la consommation précitées ;
Attendu que l'article L. 221-28 3e du Code de la consommation, dans sa rédaction applicable au jour de la formation du contrat, dispose que le droit de rétractation ne saurait s'appliquer aux contrats dont l'objet est « la fourniture de biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés» ; Attendu qu'en l'espèce, il ne ressort d'aucun élément versé aux débats que le site internet donné en location par la société LOCAM réponde à des spécificités particulières demandées par la société G&S LEGAL, aucun cahier des charges, aucun bon de commande faisant état d'une telle demande n'étant versé aux débats ; Qu'il ressort par ailleurs du procès-verbal de constat d'huissier du 1er mars 2022 produit par la SELARL G&S LEGAL que les caractéristiques du site sont, dans leur ensemble, plus que communes et ne témoignent d'aucune conception particulière, ce qui conduit à affirmer que la structure du site internet objet de la location est parfaitement réutilisable à l'infini au profit d'autres clients, le site loué ayant du reste lui-même été repris d'autres professionnels ; Que l'argument tiré du nom de domaine est sans intérêt, dans la mesure où le nom de domaine n'est pas lui-même l'objet de la location et le locataire, aux termes de l'article 4 des conditions générales, décidant seul du choix de ce nom ; Quant aux éléments graphiques et aux textes contenus sur les pages du site, ils ne sont pas non plus objets de la location consentie par la société LOCAM, puisque ces éléments appartiennent à la société G&S LEGAL, ce que confirme du reste l'article 1.2 des conditions générales applicables au contrat de location ; Que dès lors, le site objet de la location n'entre pas dans le champ de l'exclusion prévue à l'article L. 221-28 3e du Code de la consommation ;
Attendu qu'il découle de ce qui précède que les règles spéciales du droit de la consommation relatives au contrat conclus hors établissement, et plus singulièrement le droit de rétractation, sont applicables à la relation contractuelle liant la société G&S LEGAL et la société LOCAM ».
3/ « Attendu que la charge de la preuve de la remise des éléments nécessaires à la formation du contrat prévus à l'article L. 221-5 précité repose sur le professionnel ;
Attendu qu'en l'espèce, il n'est pas démontré, par la société LOCAM, qu'elle a régulièrement informé la société G&S LEGAL des modalités lui permettant d'exercer son droit de rétractation ; Attendu qu'en conséquence, le contrat conclu entre la société G&S LEGAL et la société LOCAM est nul ; […]
Attendu que l'article 1178 alinéas 1er à 3ème du Code civil dispose qu'« […] » ; Attendu que par application de ce texte, la présente juridiction prononcera la nullité du contrat de location de site Web conclu, le 20 juin 2017, par la SELARL G&S LEGAL et la société LOCAM, et déboutera celle-ci de sa demande en paiement d'arriérés de loyers et d'une indemnité de résiliation ; Attendu qu'il est constant que la société G&S LEGAL a versé, en exécution du contrat annulé, un premier loyer de 300 € puisque la société LOCAM ne sollicite, dans le cadre de sa demande, que le paiement de 47 loyers sur 48, ce qui suffit à démontrer qu'un loyer a été acquitté ; Que par application du texte précité, cette somme de 300 € devra être restituée à la SELARL G&S LEGAL par la société LOCAM ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE STRASBOURG
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
JUGEMENT DU 14 JANVIER 2025
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 21/02639. N° Portalis DB2E-W-B7F-KMIR.
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Juge Unique : Florence VANNIER, Vice-Président
Greffier : Audrey TESSIER,
DÉBATS : à l'audience publique du 19 novembre 2024 à l’issue de laquelle le Président a avisé les parties que le jugement serait prononcé par mise à disposition au greffe à la date du 14 janvier 2025.
JUGEMENT : - déposé au greffe le 14 janvier 2025 - réputé contradictoire et en premier ressort, - signé par Florence VANNIER, Président et par Audrey TESSIER,
DEMANDERESSE :
SAS LOCAM - Location automobiles et matériels
inscrite au RCS de [Localité 13] sous le numéro B XXX agissant poursuites et diligences par son Président en exercice domicilié es qualité audit siège, [Adresse 2], [Localité 4], représentée par Maître Christine WEIL, avocat au barreau de STRASBOURG, avocat plaidant, vestiaire : 144, Maître SELARL LEXI CONSEIL ET DEFENSE, avocat au barreau de SAINT-ÉTIENNE, avocat plaidant,
DÉFENDERESSES :
SCP ALPHA MANDATAIRES
représentée par Maître V. L., mandataire judiciaire, ès qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la société COMETIK SARL, ayant son siège social [Adresse 10], [Adresse 3], [Localité 8], représentée par Maître Éric DELFLY, avocat au barreau de LILLE, avocat plaidant, Maître Céline FUCHS, avocat au barreau de STRASBOURG, avocat postulant, vestiaire : 161
SARL COMETIK
immatriculée au RCS de [Localité 12] sous le n° YYY prise en la personne de son Gérant, [Adresse 9], [Localité 6], représentée par Maître Céline FUCHS, avocat au barreau de STRASBOURG, avocat plaidant/postulant, vestiaire : 161
SELARL AJC
représentée par Maître G. W., administrateur judiciaire, ès qualité d’administrateur au redressement judiciaire de la SARL COMETIK ayant son siège social [Adresse 10], [Adresse 5], [Localité 7], défaillant
SELARL G&S LEGAL
immatriculée au RCS de [Localité 14] sous le n° D ZZZ agissant poursuites et diligences par représentant légal domicilié ès qualité audit siège, [Adresse 1], [Localité 11], représentée par Maître Michel FEUERBACH, avocat au barreau de STRASBOURG, avocat plaidant, vestiaire : 83
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu le dossier de la procédure enregistrée sous le N° RG 21/2639 ;
Vu l'assignation délivrée le 16 avril 2021, à la SELARL G&S LEGAL, à la requête de la société LOCAM-LOCATION AUTOMOBILES MATERIELS (ci-après la société LOCAM) ;
Vu l'assignation en intervention forcée délivrée le 4 avril 2022, à la société COMETIK, à la requête de la SELARL G&S LEGAL ;
Vu la jonction opérée entre ces procédures le 20 septembre 2022 ;
Vu l'ordonnance du Juge de la mise en état du 21 novembre 2023 ayant constaté l'interruption de la procédure à l'égard de la société COMETIK placée en redressement judiciaire, le 2 octobre 2023 ;
Vu les assignations délivrées les 22 et 26 décembre 2023, à la SELARL AJC et à la SCP ALPHA MANDATAIRES, organes de la procédure collective de la société COMETIK, à la requête de la SELARL G&S LEGAL ;
Vu la jonction de ces procédures opérée le 9 avril 2024 ;
[*]
Vu les dernières écritures datées du 14 juin 2024, de la société LOCAM tendant à ce que le présent Tribunal :
- déboute la SELARL G&S LEGAL de toutes ses prétentions
- condamne la SELARL G&S LEGAL à lui payer la somme de 15.510 € avec intérêts au taux légal "et autres accessoires de droit" à compter de la mise en demeure du 7 novembre 2017
- condamne la SELARL G&S LEGAL aux dépens ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 1.500 € par application des dispositions de l'art. 700 du Code de procédure civile ;
[*]
Vu les dernières conclusions de la SELARL G&S LEGAL, datées du 9 avril 2024 et tendant à ce que la juridiction :
- déclare l'action introduite par la société LOCAL irrecevable
- déboute la société LOCAM et la société COMETIK de toutes leurs prétentions
- prononce la nullité du contrat d'exploitation de site internet conclu entre la société COMETIK et elle-même
- dise que la société LOCAM « doit également tirer les conséquences de la nullité conformément à l'art. L. 312-55 et suivants du Code de la consommation et que cette nullité affecte ses rapports contractuels avec » elle-même
- prononce la nullité du contrat conclu entre la société LOCAM et elle-même
- subsidiairement, déclare ledit contrat caduc
- ordonne la restitution des montants suivants et y condamne la société LOCAM :
* 600 € versés à la conclusion du contrat
* 300 € correspondant à la première mensualité d'exécution du contrat
- déclare le jugement à intervenir commun et opposable à la SELARL AJC et à la SCP ALPHA MANDATAIRES
- condamne la société LOCAM aux entiers dépens « ainsi qu'à » lui « payer chacune » « un montant de 3.000 € au titre de l'article 700 du CPC »
- fixe sa créance de « frais et frais irrépétibles » « contre la société COMETIK à hauteur de respectivement 257,21 € (outre les frais de signification) et de 3.000 € au titre de l'article 700 du CPC » ;
[*]
Vu l'absence de conclusions au fond de la part de la SCP ALPHA MANDATAIRES ;
[*]
Vu l'absence de constitution d'avocat de la part de la SELARL AJC ;
[*]
Vu l'ordonnance de clôture en date du 15 octobre 2024 ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Attendu qu'il est constant que :
- le 20 juin 2017, la SELARL G&S LEGAL, société civile d'exercice de la profession d'avocat, a conclu avec la société LOCAM un « contrat de location de site WEB » fourni par la société COMETIK
- ce contrat dont il n'est pas contesté qu'il a été conclu au siège de la défenderesse et donc hors établissement, prévoyait le versement, par la SELARL G&S LEGAL, de 48 loyers mensuels de 300 € TTC chacun
- le matériel a été réceptionné par la SELARL G&S LEGAL, le 26 juin 2017
- le 21 août 2017, la SELARL G&S LEGAL a écrit :
* à la société COMETIK, pour l'informer de sa décision de se rétracter « du contrat de licence d'exploitation de site internet conclu le 18 mai 2017 »
* à la société LOCAM pour lui faire part de sa décision de se rétracter « du contrat de location de site WEB conclu le 26 juin 2017 »
- elle a concomitamment cessé de régler les loyers prévus par ce contrat
- le 24 août 2017, la société LOCAM a fait savoir à la SELARL G&S LEGAL qu'elle considérait que la faculté de rétractation dont elle se prévalait ne lui bénéficiait pas
- la SELARL G&S LEGAL n'a pas repris le paiement des échéances de loyer et par courrier en date du 7 novembre 2017, réceptionné le 8 novembre 2017, la société LOCAM l'a mise en demeure, sous peine de déchéance du terme, de lui payer 3 loyers impayés augmentés d'une indemnité et clause pénale et d'intérêts de retard
- la SELARL G&S LEGAL ne s'étant pas exécutée, la société LOCAM a décidé de l'attraire devant la présente juridiction ;
Attendu que la SELARL G&S LEGAL conclut à l'irrecevabilité de la demande de la société LOCAM pour cause de prescription de son action ;
Mais attendu que cette demande est elle-même irrecevable, l'art. 789 du Code de procédure civile confiant désormais au seul Juge de la mise en état la connaissance d'un tel moyen de défense qui est irrecevable lorsqu'il est soumis au juge du fond alors que, comme c'est le cas en l'espèce, il préexistait à son intervention ;
Attendu qu'il n'y a pas lieu de déclarer le présent jugement commun et opposable aux organes de la procédure collective de la société COMETIK qui ont été appelés dans la cause ;
Attendu que sur le fond, la SELARL SELARL G&S LÉGAL LEGAL expose principalement que :
- les contrats conclus avec la société COMETIK et avec la société LOCAM sont nuls dans la mesure où son droit de rétractation et les informations s'y rapportant n'ont pas été portés à sa connaissance
- l'ensemble contractuel est par ailleurs nul en raison d'un manquement, par ses contractants, à l'obligation d'information prévue aux art. 1112 et suivants du Code civil ;
Que de son côté, la société LOCAM soutient que les dispositions consuméristes issues de la loi HAMON dont la SELARL G&S LEGAL entend bénéficier ne sont pas applicables à l'opération connexe à une opération de banque en cause dans le présent litige et qu'en tout état de cause, les dispositions du Code de la consommation :
- ne peuvent être étendues aux contrats qui, comme en l'espèce, ont été conclus « dans le champ d'activité principale du professionnel »
- ne sont pas applicables, s'agissant de biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés ;
Attendu que la société G&S LEGAL concluant, à titre reconventionnel, à la nullité ou à la caducité de l'ensemble des contrats qu'elle a conclus avec la société COMETIK et avec la société LOCAM, il convient de vérifier au préalable la validité desdits contrats avant d'étudier, le cas échéant, leur application ;
I. Sur la demande en nullité du contrat conclu entre la société G&S LEGAL et la société COMETIK :
Attendu que la société G&S LEGAL développe de nombreux moyens au soutien de sa demande en nullité de ce contrat d'exploitation ;
Attendu cependant que ledit contrat n'est pas versé aux débats, de sorte qu'il n'est pas démontré qu'il soit susceptible de donner lieu à annulation ;
Qu'en conséquence, tous les moyens développés au soutien de la demande en nullité d'un contrat d'exploitation d'un site conclu entre la SELARL G&S LEGAL et la société COMETIK seront rejetés ;
Que pour les mêmes raisons, tous les moyens développés au titre de l'interdépendance des contrats et de la caducité consécutive du contrat conclu entre les sociétés G&S LEGAL et LOCAM seront également rejetés ;
II. Sur la demande en nullité du contrat conclu entre la société G&S LEGAL et la société LOCAM :
A. Sur l'applicabilité du droit consumériste :
Attendu que le contrat liant la SELARL G&S LEGAL à la société LOCAM est intitulé « contrat de location de site Web » et précise que le loueur concède au locataire une licence d'exploitation sur les éléments constitutifs du site Web qu'il lui fournit ;
Attendu que l'article L. 221-2 du Code de la consommation, dans sa rédaction applicable au moment de la formation du contrat, dispose que sont exclus de l'application du Chapitre Ier du titre II du Livre II du Code de la consommation « les contrats portant sur les services financiers » ;
Que l'article 2, point 12 de la directive 2011/83/UE du Parlement Européen et du Conseil du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs, modifiant la directive 93/13/CEE du Conseil et la directive 1999/44/CE du Parlement Européen et du Conseil et abrogeant la directive 85/577/CEE du Conseil et la directive 97/7/CE du Parlement Européen et du Conseil, dont les articles L. 221-1 et suivants du Code de la consommation sont la transposition, définit la notion de « services financiers » comme « tout service ayant trait à la banque, au crédit, à l'assurance, aux pensions individuelles, aux investissements ou aux paiements»;
Attendu que c'est au regard de l'objet du contrat et non pas de la qualité des parties ou de considérations fiscales qu'il convient d'apprécier si un contrat relève de l'exclusion prévue par l'article L. 221-2 du Code de la consommation précité ;
Attendu que si l'article L. 511-21 du Code monétaire et financier définit les « services bancaires » comme « une opération de banque au sens de l'article L. 311-1 ou l'une des activités connexes au sens de l'article I de l'article L. 311-2 » du même Code, lesquels visent, notamment à l'article L. 311-2 6e du Code monétaire et financier, les contrats de location simple, d'une part, cette définition porte sur les « services bancaires » et non sur les « services financiers » et d'autre part, elle figure dans une sous-section du Code relative au « libre établissement et [la] libre prestation de services sur le territoire des États partie à l'accord sur l'Espace économique européen » et est expressément prévue pour l'application de cette sous-section ;
Que cette définition ne saurait en conséquence nécessairement s'imposer pour l'interprétation de la notion de « services financiers » contenue dans le Code de la consommation ;
Attendu que les articles L. 311-1 et L. 311-2 du Code monétaire et financier définissent les activités que peuvent exercer les établissements comme LOCAM, dont il n'est effectivement pas contesté qu'il s'agit d'une société de financement agréée auprès de l'Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution, soumise au Code monétaire et financier ;
Attendu enfin que les règles particulières prévues au sein du Chapitre II, du Titre II, du Livre II du Code de la consommation qui s'appliquent, au regard de l'article L. 222-1 du Code de la consommation, « aux services mentionnés aux livres Ier à III et au titre V du livre V du Code monétaire et financier » et donc, aux services visés à l'article L. 311-2 du Code monétaire et financier, sont sans emport, au cas d'espèce ;
Qu'en effet, ces règles spécifiques s'appliquent aux contrats conclus à distance et non pas aux contrats conclus hors établissement, alors que le contrat litigieux est un contrat conclu hors établissement au sens de l'article L. 221-1 du Code de la consommation ;
Attendu qu'en conséquence, le contrat conclu, le 20 juin 2017, entre la société G&S LEGAL et la société LOCAM, ayant exclusivement pour objet la location d'un site internet, n'est pas exclu du champ du Chapitre Ier, Titre II et Livre II du Code de la consommation ;
Attendu qu'en vertu de l'article L. 221-3 du même Code, « les dispositions des sections 2, 3, 6 du présent chapitre applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq » ;
Attendu qu'en l'espèce, il ne saurait être considéré que la création et l'exploitation d'un site internet entre dans le champ d'activité d'un cabinet d'avocats ;
Que le fait qu'un site internet puisse avoir un intérêt réel pour une société quelle que soit son activité et que le contrat de location litigieux ait été conclu pour les besoins de l'activité de la société G&S LEGAL ne saurait faire entrer son objet dans le champ d'activité de ladite société ;
Qu'il est par ailleurs établi que le nombre de salariés employés par la société G&S LEGAL est inférieur à cinq ;
Que dès lors, la société G&S LEGAL est fondée à se prévaloir des dispositions de l'article L 221-3 du Code de la consommation précitées ;
Attendu que l'article L. 221-28 3e du Code de la consommation, dans sa rédaction applicable au jour de la formation du contrat, dispose que le droit de rétractation ne saurait s'appliquer aux contrats dont l'objet est « la fourniture de biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés» ;
Attendu qu'en l'espèce, il ne ressort d'aucun élément versé aux débats que le site internet donné en location par la société LOCAM réponde à des spécificités particulières demandées par la société G&S LEGAL, aucun cahier des charges, aucun bon de commande faisant état d'une telle demande n'étant versé aux débats ;
Qu'il ressort par ailleurs du procès-verbal de constat d'huissier du 1er mars 2022 produit par la SELARL G&S LEGAL que les caractéristiques du site sont, dans leur ensemble, plus que communes et ne témoignent d'aucune conception particulière, ce qui conduit à affirmer que la structure du site internet objet de la location est parfaitement réutilisable à l'infini au profit d'autres clients, le site loué ayant du reste lui-même été repris d'autres professionnels ;
Que l'argument tiré du nom de domaine est sans intérêt, dans la mesure où le nom de domaine n'est pas lui-même l'objet de la location et le locataire, aux termes de l'article 4 des conditions générales, décidant seul du choix de ce nom ;
Quant aux éléments graphiques et aux textes contenus sur les pages du site, ils ne sont pas non plus objets de la location consentie par la société LOCAM, puisque ces éléments appartiennent à la société G&S LEGAL, ce que confirme du reste l'article 1.2 des conditions générales applicables au contrat de location ;
Que dès lors, le site objet de la location n'entre pas dans le champ de l'exclusion prévue à l'article L. 221-28 3e du Code de la consommation ;
Attendu qu'il découle de ce qui précède que les règles spéciales du droit de la consommation relatives au contrat conclus hors établissement, et plus singulièrement le droit de rétractation, sont applicables à la relation contractuelle liant la société G&S LEGAL et la société LOCAM ;
B. Sur l'application du droit consumériste et ses conséquences :
Attendu que l'article L. 221-9 du Code de la consommation, dans sa rédaction applicable au jour de la formation du contrat, dispose que « le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l'accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l'engagement exprès des parties.
Ce contrat comprend toutes les informations prévues à l'article L. 221-5 ». ;
Que l'article L. 221-5 du Code de la consommation, dans sa rédaction applicable au jour de la formation du contrat, précise que les informations que le professionnel doit fournir « de manière lisible et compréhensible » portent, notamment, « lorsque le droit de rétractation existe » sur « les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation […] » ;
Que l'article L. 242-1 du Code de la consommation, dans sa rédaction applicable au jour de la formation du contrat, ajoute que « les dispositions de l'article L. 221-9 sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement » ;
Attendu que la charge de la preuve de la remise des éléments nécessaires à la formation du contrat prévus à l'article L. 221-5 précité repose sur le professionnel ;
Attendu qu'en l'espèce, il n'est pas démontré, par la société LOCAM, qu'elle a régulièrement informé la société G&S LEGAL des modalités lui permettant d'exercer son droit de rétractation ;
Attendu qu'en conséquence, le contrat conclu entre la société G&S LEGAL et la société LOCAM est nul ;
Attendu que l'article 1178 alinéas 1er à 3ème du Code civil dispose qu'« un contrat qui ne remplit pas les conditions requises pour sa validité est nul. La nullité doit être prononcée par le juge, à moins que les parties ne la constatent d'un commun accord.
Le contrat annulé est censé n'avoir jamais existé.
Les prestations exécutées donnent lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9» ;
Attendu que par application de ce texte, la présente juridiction prononcera la nullité du contrat de location de site Web conclu, le 20 juin 2017, par la SELARL G&S LEGAL et la société LOCAM, et déboutera celle-ci de sa demande en paiement d'arriérés de loyers et d'une indemnité de résiliation ;
Attendu qu'il est constant que la société G&S LEGAL a versé, en exécution du contrat annulé, un premier loyer de 300 € puisque la société LOCAM ne sollicite, dans le cadre de sa demande, que le paiement de 47 loyers sur 48, ce qui suffit à démontrer qu'un loyer a été acquitté ;
Que par application du texte précité, cette somme de 300 € devra être restituée à la SELARL G&S LEGAL par la société LOCAM ;
Attend qu'aucun élément versé aux débats ne venant établir le paiement, par la SELARL G&S LEGAL, des 600 € prétendument versés au moment de la formation du contrat, la demande formée par la défenderesse et portant sur le remboursement d'une telle somme ne pourra qu'être rejetée ;
III. Sur les demandes accessoires :
Attendu qu'au vu de l'issue du litige, la SAS LOCAM qui succombe principalement en ses prétentions, sera condamnée aux entiers frais et dépens de l'instance, conformément à l'article 696 du Code de procédure civile ;
Que cette condamnation emporte nécessairement rejet de sa demande tendant à être indemnisée de ses frais irrépétibles ;
Attendu que l'équité commande de condamner la seule société LOCAM à payer à la SAS G&S LEGAL la somme de 2.000 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Qu'en effet, rien ne justifie la condamnation de la société COMETIK ou la fixation à son passif d'une quelconque créance, au titre des dépens ou des frais irrépétibles, dans la mesure où aucune des demandes dirigées contre elle n'a prospéré ;
Attendu qu'en vertu de l'article 514 du Code de procédure civile, « les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement » ;
Qu'en l'espèce, aucune raison ne justifie d'écarter l'exécution provisoire ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal, statuant par jugement réputé-contradictoire, rendu en premier ressort, par mise à disposition au greffe :
- DECLARE irrecevable la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par la SELARL G&S LEGAL
- DIT n'y avoir lieu de déclarer le présent jugement commun à la SELARL AJC et à la SCP ALPHA MANDATAIRES
- DÉBOUTE la SELARL G&S LEGAL de sa demande tendant à voir prononcer la nullité du contrat d'exploitation de site internet conclu avec la SAS COMETIK
- ANNULE le contrat de location de site Web conclu entre la SELARL G&S LEGAL et la SAS LOCAM, le 20 juin 2017, et en conséquence,
- DEBOUTE la SAS LOCAM de sa demande en paiement de loyers échus et impayés et d'une indemnité de résiliation
- CONDAMNE la SAS LOCAM à payer à la SELARL G&S LEGAL la somme de 300 (trois cents) € à titre de restitutions
- DEBOUTE la SELARL G&S LEGAL de sa demande tendant à ce que la SAS LOCAM soit condamnée à lui rembourser une somme complémentaire de 600 €
- CONDAMNE la SAS LOCAM aux entiers dépens
- CONDAMNE la seule SAS LOCAM à payer à la SELARL G&S LEGAL la somme de 2.000 (deux mille) € par application de l'article 700 du Code de procédure civile
- DÉBOUTE la SELARL G&S LEGAL de toutes les demandes au titre des dépens et des frais irrépétibles qu'elle dirige contre la SAS COMETIK
- RAPPELLE que le présent jugement est de droit exécutoire par provision.
Le Greffier Le Président
Audrey TESSIER Florence VANNIER