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CA BORDEAUX (1re ch. civ.), 27 mars 2025

Nature : Décision
Titre : CA BORDEAUX (1re ch. civ.), 27 mars 2025
Pays : France
Juridiction : Bordeaux (CA), 1re ch.
Demande : 22/04014
Date : 27/03/2025
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 19/08/2022
Décision antérieure : TJ Angoulême, 19 mai 2022 : RG n° 19/02630
Décision antérieure :
  • TJ Angoulême, 19 mai 2022 : RG n° 19/02630
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CERCLAB - DOCUMENT N° 23686

CA BORDEAUX (1re ch. civ.), 27 mars 2025 : RG n° 22/04014

Publication : Judilibre

 

Extrait : « Au terme de l'article 1171 du code civil, « dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite. L'appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix à la prestation. » Il appartient à l'appelante qui soutient avoir été victime d'un déséquilibre significatif de l'article 2 du contrat de le démontrer.

Toute définition ou exclusion de garantie devant être libellée en termes clairs et précis pour garantir une parfaite information de l'assuré, les clauses doivent avoir un contenu parfaitement déterminé et ne pas conduire à vider la garantie de sa substance.

En vertu de l'article L. 132-1, alinéa 1er, du code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels, sont abusives […].

La clause de garantie mentionnée à l'article 2 prévoit dans son champ de garantie « les dommages matériels causés directement par l'eau aux biens assurés, à l'intérieur des bâtiments » sans placer hors champ les bâtiments de manière explicite mais par déduction n'est pas garanti ce qui se trouverait à l'extérieur des bâtiments. C'est par référence à la clause d'exclusion qui suit dans le même article et rédigé en caractère gras que sont ainsi exclus de la garantie certains bâtiments : « les frais de dégorgement, déplacement, remplacement, réparation, des conduites, chéneaux, gouttières, descentes d'eaux pluviales, robinets, appareils ainsi que les frais de réparation des toitures, terrasses, balcons et murs (autres que les frais de recherche des fuites) ».

La clause d'exclusion de garantie est définie par la jurisprudence comme celle privant l'assurée de la garantie en raison de circonstances particulières de réalisation du risque par ailleurs garanti. Toutefois, le risque déclaré par M. X. est bien un risque par nature exclu du domaine de la garanti puisque portant sur les toitures, terrasses, balcons et murs ayant subi un dégât des eaux, type de sinistre par ailleurs pris en charge mais uniquement au titre des biens situés dans le bâtiment par le contrat au titre du dégât des eaux, alors que ces mêmes structures sont garanties en cas d'incendie ou de tempête par le même contrat d'assurance.

En ce qu'elle instaure en conséquence une clause d'exclusion de garantie, la clause d'exclusion doit être formelle et limitée. Il est admis qu'une clause est formelle lorsqu'elle est facilement délimitée, compréhensible, ne donnant lieu à aucune difficulté d'interprétation et qu'elle est limitée lorsque l'effet de l'exclusion laisse encore place à la garantie dans une proportion significative.

Il s'en déduit que la police d'assurance multirisque habitation dans son article 2, qui exclut de son champ de garantie la toiture, terrasses, balcons et murs des biens immobiliers soumis à cette garantie, qui sont des éléments essentiels devant être compris dans une assurance multirisque habitation n'est pas limitée car elle vide de sa substance la garantie dégât des eaux à ce titre et créée un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties. Par ailleurs, la compagnie d'assurance fait également référence à la page 2 de la notice d'assurance, M. X. ayant choisi la formule 'Mélodie', mentionnant le droit à indemnisation valeur à neuf avec un plafond maximum pour les bâtiments en cas d'incendie, gel, dégât des eaux, ce dernier sinistre portant une astérisque renvoyant en bas de page à l'application d'une franchise pour les eaux de ruissellement, et les infiltrations par les murs sans porter exclusion totale.

Ainsi, la clause litigieuse figurant dans les conditions générales ne se référant pas à des critères précis n'est ni formelle ni limitée, il convient de la déclarer abusive et de confirmer le jugement qui en a prononcé sa nullité sans qu'elle puisse être opposable à M. X. »

 

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 27 MARS 2025

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

N° RG 22/04014 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-M3MK. Nature de la décision : AU FOND. Décision déférée à la cour : jugement rendu le 19 mai 2022 par le tribunal judiciaire d'ANGOULEME (RG : 19/02630) suivant déclaration d'appel du 19 août 2022.

 

APPELANTE :

Société MUTUELLE DE POITIERS ASSURANCES

société d'assurance mutuelle à cotisations variables, entreprise régie par le Code des Assurances, identifiant SIREN 775 715 683, dont le siège social est sis [Adresse 2], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège, demeurant [Adresse 2], Représentée par Me Katell LE BORGNE de la SCP LAVALETTE AVOCATS CONSEILS, avocat au barreau de BORDEAUX

 

INTIMÉ :

X.

né le [Date naissance 1] à [Localité 3] (pays), de nationalité Irlandaise, demeurant [Adresse 4], [Adresse 4], Représenté par Me Mathieu RAFFY de la SELARL MATHIEU RAFFY - MICHEL PUYBARAUD, avocat au barreau de BORDEAUX

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 février 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Bénédicte LAMARQUE, conseiller, qui a fait un rapport oral de l'affaire avant les plaidoiries,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Paule POIREL, présidente, Bérengère VALLEE, conseiller, Bénédicte LAMARQUE, conseiller,

Greffier lors des débats : Vincent BRUGERE

ARRÊT : - contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

M. X. est propriétaire d'une maison d'habitation située [Adresse 5].

Le 9 août 2012, M. X. a souscrit un contrat d'assurance multirisque habitation n°111681442 à effet du 19 juillet 2012 auprès de la société Mutuelle de Poitiers Assurances.

Le 27 janvier 2018, le mur pignon de l'une des dépendances de la propriétaire s'est effondré, emportant dans sa chute une partie de la toiture de ce même bâtiment.

Une expertise amiable a été organisée. Aucun accord amiable n'a été trouvé.

Par acte d'huissier du 25 novembre 2019, M. X. a fait assigner en référé la société Mutuelle de Poitiers Assurances aux fins de désigner un expert.

Par acte d'huissier du 17 décembre 2019, M. X. a fait assigner au fond la société Mutuelle de Poitiers Assurances devant le tribunal judiciaire d'Angoulême, aux fins, notamment, d'obtenir la prise en charge par l'assureur du coût des réparations.

L'expert judiciaire a rendu son rapport le 3 novembre 2020. Aucun accord amiable n'a été trouvé.

Par jugement contradictoire du 19 mai 2022, le tribunal judiciaire d'Angoulême a :

- prononcé la nullité de la clause d'exclusion de garantie dégâts des eaux au titre du contrat d'assurance multirisque habitation n°111681442 à effet du 19 juillet 2012 souscrit par M. X. auprès de la société Mutuelle de Poitiers Assurances ;

- condamné la société Mutuelle de Poitiers Assurances à payer à M. X. la somme de 47 410 euros TTC au titre des travaux de reprise de la grange ;

- condamné la société Mutuelle de Poitiers Assurances à payer à M. X. la somme de 2 600 euros en réparation de son préjudice de jouissance ;

- débouté M. X. de sa demande de dommages et intérêts au titre de la résistance abusive ;

- condamné la société Mutuelle de Poitiers Assurances à payer à M. X. une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Mutuelle de Poitiers Assurances aux entiers dépens comprenant ceux de la procédure de référé et les frais d'expertise judiciaire ;

- ordonné l'exécution provisoire du jugement ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes.

La société Mutuelle de Poitiers Assurances a relevé appel de ce jugement par déclaration du 19 août 2022, en ce qu'il a :

- prononcé la nullité de la clause d'exclusion de garantie dégâts des eaux au titre du contrat d'assurance multirisque habitation n°111681442 à effet du 19 juillet 2012 souscrit par M. X. auprès de la société Mutuelle de Poitiers Assurances ;

- condamné la société Mutuelle de Poitiers Assurances à payer à M. X. la somme de 47 410 euros TTC au titre des travaux de reprise de la grange ;

- condamné la société Mutuelle de Poitiers Assurances à payer à M. X. la somme de 2 600 euros en réparation de son préjudice de jouissance ;

- condamné la société Mutuelle de Poitiers Assurances à payer à M. X. une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Mutuelle de Poitiers Assurances aux entiers dépens comprenant ceux de la procédure de référé et les frais d'expertise judiciaire ;

- débouté la société Mutuelle de Poitiers Assurances du surplus de ses demandes.

[*]

Par dernières conclusions déposées le 11 mai 2023, la société Mutuelle de Poitiers Assurances demande à la cour de :

- déclarer recevable et bien fondée la société Mutuelle de Poitiers Assurances en son appel du jugement rendu le 19 mai 2022 par le tribunal judiciaire d'Angoulême.

Y faisant droit :

- infirmer le jugement entrepris susvisé en ce qu'il a :

- prononcé la nullité de la clause d'exclusion de garantie dégâts des eaux au titre du contrat d'assurance multirisque habitation n°111681442 à effet du 19 juillet 2012 souscrit par M. X. auprès de la société Mutuelle de Poitiers Assurances ;

- condamné la société Mutuelle de Poitiers Assurances à payer à M. X. la somme de 47 410 euros TTC au titre des travaux de reprise de la grange ;

- condamné la société Mutuelle de Poitiers Assurances à payer à M. X. la somme de 2 600 euros en réparation de son préjudice de jouissance ;

- condamné la société Mutuelle de Poitiers Assurances à payer à M. X. une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Mutuelle de Poitiers Assurances aux entiers dépens comprenant ceux de la procédure de référé et les frais d'expertise judiciaire ;

- débouté la société Mutuelle de Poitiers Assurances du surplus de ses demandes.

Statuant à nouveau :

- débouter M. X. de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions, et partant, de toutes ses prétentions élevées par appel incident ;

- condamner M. X. aux entiers dépens de première instance, en ce compris les dépens du référé et les frais d'expertise judiciaire, ainsi qu'à payer à la société Mutuelle de Poitiers Assurances une indemnité de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance.

Ajoutant au jugement entrepris :

- condamner M. X. aux entiers dépens d'appel, outre à payer à la société Mutuelle de Poitiers Assurances une indemnité de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;

- débouter M. X. de toutes demandes plus amples ou contraires.

[*]

Par dernières conclusions déposées le 17 février 2023, M. X. demande à la cour de :

- débouter de leurs demandes, fins et prétentions la société Mutuelle de Poitiers Assurances ;

- confirmer ledit jugement en ce qu'il a :

- prononcé la nullité de la clause d'exclusion de garantie dégâts des eaux au titre du contrat d'assurance multirisque habitation n°111681442 à effet du 19 juillet 2012 souscrit par M. X. auprès de la société Mutuelle de Poitiers Assurances ;

- condamné la société Mutuelle de Poitiers Assurances à payer à M. X. une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Mutuelle de Poitiers Assurances aux entiers dépens comprenant ceux de la procédure de référé et les frais d'expertise judiciaire ;

- ordonné l'exécution provisoire du jugement ;

- infirmer ledit jugement en ce qu'il a :

- condamné la société Mutuelle de Poitiers Assurances à payer à M. X. la somme de 47 410 euros TTC au titre des travaux de reprise de la grange ;

- condamné la société Mutuelle de Poitiers Assurances à payer à M. X. la somme de 2 600 euros en réparation de son préjudice de jouissance.

Statuant de nouveau :

- débouter de leurs demandes, fins et prétentions la société Mutuelle de Poitiers Assurances ;

- juger que la clause définissant l'accident dont se prévaut la société Mutuelle de Poitiers Assurances ne respecte pas les dispositions de l'article L.113-1 du code des assurances, et/ou de l'article 1171 du code civil, et/ou de l'article L. 212-1 du code de la consommation.

En conséquence et en tout état de cause :

- prononcer la nullité de ladite clause ;

- juger que la garantie de la société Mutuelle de Poitiers Assurances est mobilisable et que celle-ci est tenue de réparer le préjudice de M. X. suite à l'effondrement d'une partie des bâtiments de sa propriété sise [Adresse 5] le 27 janvier 2018 en application du contrat multirisque habitation qui a été signé ;

- condamner la société Mutuelle de Poitiers Assurances à payer à M. X. la somme totale de 63 000 euros au titre de son préjudice correspondant à :

- travaux de reprise : 53 000 euros ;

- préjudice de jouissance : 10 000 euros.

Y ajoutant :

- condamner la société Mutuelle de Poitiers Assurances à payer 2 500 euros à M. X. sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure en appel ;

- condamner la société Mutuelle de Poitiers Assurances aux entiers dépens pour la procédure en appel.

[*]

L'affaire a été fixée à l'audience rapporteur du 13 février 2025.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 30 janvier 2025.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le litige porte d'une part sur le caractère accidentel ou non du sinistre pouvant permettre de mettre en jeu la garantie et dans l'affirmative sur le caractère limité ou non de la clause d'exclusion dégâts des eaux figurant au contrat d'assurance liant les parties.

L'article 2 des conditions générales du contrat multirisques habitation souscrit par m. X. auprès de la mutuelle de Poitiers Assurances stipule que :

'Nous garantissons les dommages matériels causés directement par l'eau aux biens assurés, à l'intérieur des bâtiments, et provenant exclusivement de :

* fuites, ruptures ou débordements accidentels -y compris en cas de gel à l'intérieur des bâtiments entièrement clos et couverts :

- des conduites de distribution ou d'évacuation des eaux ou de chauffage central,

- d'appareils sanitaires, d'appareils à effet d'eau ou de récipients tels que baignoires, machines à laver, aquariums...

- des chéneaux, gouttières et descentes d'eaux pluviales,

* ruissellement et refoulement accidentels des égouts (ou autres conduites d'évacuation des eaux),

* infiltrations accidentelles au travers des :

- toitures et ciels vitrés, terrasses, balcons et murs,

- joints d'étanchéité du pourtour des installations sanitaires et des carrelages.

L'Assuré doit, dès l'apparition des dommages, procéder aux réparations nécessaires pour supprimer ces infiltrations. A défaut cette garantie n'est plus acquise.

Nous garantissons également :

* les frais de recherche des fuites ayant provoqué un dommage garanti,

* les dommages provoqués par le gel aux canalisations non enterrées et aux installations d'eau et de chauffage (chaudières comprises) situées à l'intérieur des bâtiments entièrement clos et couverts.

Nous ne garantissons pas, outre les exclusions énoncées à l'article 36 :

‘les dommages occasionnés par les inondations, raz de marée, marées, débordements de sources, cours d'eau ou étendues d'eau, (sauf application de la garantie catastrophes naturelles art. 4),

‘les dommages dus à l'humidité ou à la condensation lorsqu'ils ne sont pas la conséquence directe d'un sinistre garanti,

‘les dommages résultant d'un défaut d'entretien caractérisé ou de réparation incombant à l'Assuré s'il n'y a pas remédié dans un délai de trente jours après en avoir eu connaissance,

‘le coût de l'eau perdue (sauf souscription de la clause 31 art. 54),

‘les frais de dégorgement, déplacement, remplacement, réparation, des conduites, chéneaux, gouttières, descentes d'eaux pluviales, robinets, appareils ainsi que les frais de réparation des toitures, terrasses, balcons et murs (autres que les frais de recherche des fuites et les dommages causés par le gel garantis dans les conditions définies ci-contre),

‘les événements faisant l'objet d'un arrêté de catastrophes naturelles.'

 

I - sur les demandes en nullité des clauses contractuelles

- sur la demande en nullité de la clause article 53 définissant la notion d'accident

L'intimé soulève la nullité de la clause définissant l'accident à l'article (53) en ce que la définition de l'accident figurant au contrat omet de préciser les notions de soudaineté et d'imprévisibilité et ne se réfère pas à des hypothèses limitativement énumérées. Cet article ne précise pas non plus ce qu'est une infiltration accidentelle.L'article 53 des conditions générales du contrat d'assurance définit l'accident comme :

'Tout événement qui est à la fois : soudain et imprévu, extérieur à la victime et à la chose endommagée et la cause de dommages corporels ou matériels.'

Il convient de relever la clarté des termes employés, ce qui est 'soudain’se révélant brutalement et le terme 'imprévisible’faisant référence à ce qui n'a pu être prévu, ne nécessitant donc pas une explication plus précise dans le contrat.

Contrairement à ce que soutien M. X., cette définition ne peut être assimilée à une exclusion de garantie, puisqu'il vise à définir et limiter la garantie sans l'exclure. Elle n'a donc pas à être formelle ou limitée ni rédigé en caractère gras et apparent.

Cet article n'encourt donc pas la nullité en application de l'article L. 113-1 du code des assurances. La demande de M. X. sera rejetée de ce chef.

- sur la nullité de la clause limitant la garantie dégâts des eaux aux seuls dommages matériels situés à l'intérieur des bâtiments.

L'appelant soutient que l'objet de la garantie dégât des eaux est de prendre en compte que les conséquences et dommages à l'intérieur du bâtiment sans que l'absence de prise en charge des dommages affectant les toitures, terrasses, murs et balcons soit entendue comme une exclusion de garantie, sa mention dans le paragraphe 'exclusion de garantie’du contrat étant de ce fait superfétatoire.

Elle rappelle en outre que le sinistre ne concerne que le mur de la grange.

L'intimé soulève la nullité de cette clause qui exclut de la garantie le bâtiment à l'exception des biens qui s'y seraient trouvés à l'intérieur, comme étant abusive aux visas des articles 1171 du code civil et L. 212-1 du code de la consommation.

Le jugement a retenu l'illéciété de la clause, l'exclusion de prise en charge des frais de remise en état de la toiture et des murs étant trop générale et illimitée, de sorte qu'elle prive d'effet toute garantie à ce titre.

* * *

Au terme de l'article 1171 du code civil, « dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite.

L'appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix à la prestation. »

Il appartient à l'appelante qui soutient avoir été victime d'un déséquilibre significatif de l'article 2 du contrat de le démontrer.

Toute définition ou exclusion de garantie devant être libellée en termes clairs et précis pour garantir une parfaite information de l'assuré, les clauses doivent avoir un contenu parfaitement déterminé et ne pas conduire à vider la garantie de sa substance.

En vertu de l'article L. 132-1, alinéa 1er, du code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Sans préjudice des règles d'interprétation prévues aux articles 1188, 1189, 1191 et 1192 du code civil, le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, a toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat. Il s'apprécie également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque les deux contrats sont juridiquement liés dans leur conclusion ou leur exécution.

L'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.

La clause de garantie mentionnée à l'article 2 prévoit dans son champ de garantie 'les dommages matériels causés directement par l'eau aux biens assurés, à l'intérieur des bâtiments’sans placer hors champ les bâtiments de manière explicite mais par déduction n'est pas garanti ce qui se trouverait à l'extérieur des bâtiments.

C'est par référence à la clause d'exclusion qui suit dans le même article et rédigé en caractère gras que sont ainsi exclus de la garantie certains bâtiments : « les frais de dégorgement, déplacement, remplacement, réparation, des conduites, chéneaux, gouttières, descentes d'eaux pluviales, robinets, appareils ainsi que les frais de réparation des toitures, terrasses, balcons et murs (autres que les frais de recherche des fuites) ».

La clause d'exclusion de garantie est définie par la jurisprudence comme celle privant l'assurée de la garantie en raison de circonstances particulières de réalisation du risque par ailleurs garanti.

Toutefois, le risque déclaré par M. X. est bien un risque par nature exclu du domaine de la garanti puisque portant sur les toitures, terrasses, balcons et murs ayant subi un dégât des eaux, type de sinistre par ailleurs pris en charge mais uniquement au titre des biens situés dans le bâtiment par le contrat au titre du dégât des eaux, alors que ces mêmes structures sont garanties en cas d'incendie ou de tempête par le même contrat d'assurance.

En ce qu'elle instaure en conséquence une clause d'exclusion de garantie, la clause d'exclusion doit être formelle et limitée.

Il est admis qu'une clause est formelle lorsqu'elle est facilement délimitée, compréhensible, ne donnant lieu à aucune difficulté d'interprétation et qu'elle est limitée lorsque l'effet de l'exclusion laisse encore place à la garantie dans une proportion significative.

Il s'en déduit que la police d'assurance multirisque habitation dans son article 2, qui exclut de son champ de garantie la toiture, terrasses, balcons et murs des biens immobiliers soumis à cette garantie, qui sont des éléments essentiels devant être compris dans une assurance multirisque habitation n'est pas limitée car elle vide de sa substance la garantie dégât des eaux à ce titre et créée un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties.

Par ailleurs, la compagnie d'assurance fait également référence à la page 2 de la notice d'assurance, M. X. ayant choisi la formule 'Mélodie', mentionnant le droit à indemnisation valeur à neuf avec un plafond maximum pour les bâtiments en cas d'incendie, gel,dégât des eaux, ce dernier sinistre portant une astérisque renvoyant en bas de page à l'application d'une franchise pour les eaux de ruissellement, et les infiltrations par les murs sans porter exclusion totale.

Ainsi, la clause litigieuse figurant dans les conditions générales ne se référant pas à des critères précis n'est ni formelle ni limitée, il convient de la déclarer abusive et de confirmer le jugement qui en a prononcé sa nullité sans qu'elle puisse être opposable à M. X..

 

II - Sur la mise en jeu de la garantie dégât des eaux

L'appelante conteste le caractère accidentel des infiltrations ayant provoqué l'effondrement du mur dont il est demandé réparation au titre de la garantie dégât des eaux. Elle se réfère pour ce faire à la cause du sinistre et non au sinistre lui-même, et notamment au rapport amiable du cabinet Polyexpert qu'elle a mandaté, lequel a indiqué dans son rapport du 22 mai 2018 'qu’il ne s'agit pas d'un dégât des eaux à proprement parler, ni d'une catastrophe naturelle ayant une cause accidentelle'.

Elle vise également le rapport de l'expert judiciaire qui explique 'qu'à terme, l'humidité sur ce type de mur en moellons hourdé à la terre, avec les périodes de sécheresse successives et la pluie, attaque le liant terreux qui perd de son pouvoir de cohésion, outre le fait que les têtes de mur et la couverture n'étaient pas étanches et que la réfection des joints réalisée par M. X. n'a eu comme effet que de retarder l'effondrement', lui ôtant son caractère accidentel.

L'appelante soutient ainsi que le mur datant du 19ème siècle, les têtes des murs n'étaient pas étanches, en raison des modes de construction de l'époque et M. X. n'a procédé à aucun entretien d'étanchéité.

L'appelante fait également valoir l'absence de garantie due aux dommages en ce qu'ils résultent d'un défaut d'entretien caractérisé ou de réparations qui incombent à l'assuré.

Partant du constat non contesté qu'avant l'effondrement du mur litigieux, des coulures étaient visibles le long du mur de la maison significatives de l'existence de fuites, ainsi que des trous dans la couverture de la grange, elle soutient que M. X. ne pouvait ignorer la nécessité de procéder à des réparations pour supprimer toute infiltration.

L'intimée, soutient que la grange était entretenue mais qu'il n'avait aucun moyen de savoir qu'elle allait s'écrouler et que ce n'est qu'en raison des fortes pluies imprévues et soudaines que le mur s'est effondré.

Les deux parties font référence au rapport de l'expert mandaté par la compagnie d'assurance ainsi qu'au rapport d'expertise judiciaire.

Suivant le rapport amiable de la compagnie d'assurance, 'la toiture semblait en bon état général et l'infiltration en tête de mur n'était a priori pas détectable, donc non prévisible.'

L'expert judiciaire dans son rapport indique précise quant à lui que 'si la construction date de la fin du 19ème siècle et 1940, les murs sont hourdés à la terre avec deux parements de moellons jointés à la chaux, l'ancienneté de la construction et son mode constructif ne sont pas retenus comme cause de l'effondrement du mur.'

De même si la photographie 16 du rapport d'expertise judiciaire permet d'identifier des coulures le long du mur de la maison qui indiquent des fuites avec plusieurs trous en couverture, l'expert relève que l'état de la couverture en place est correct, la charpente également, M. X. ayant posé des renforts. Aucune pièce ni photographie ne démontre que ces coulures étaient préexistantes aux importantes pluies qui ont entraînées l'effondrement du mur, de sorte qu'il ne peut être opposé à M. X. un défaut d'entretien du toit ou de la charpente.

'M. X. entretient lui-même sa maison pour les travaux courants. Il a dans ce contexte refait les joints des murs de la grange, et remanié la couverture. L'aspect général des murs et couvertures restant conforme ces dires'.

L'expert rappelle que l'hiver 2017/2018 a été 'très pluvieux et fait suite à plusieurs épisodes de sécheresse de sorte que les ouvrages anciens ont souffert d'un manque d'humidité, ce qui a favorisé les retraits des mortiers et des liants terreux. Ces retraits sont à l'origine de création de fissures et de vides qui vont favoriser la pénétration d'eau météorique en excédent dans les structures ; cette eau en excédent va trop humidifier les liants qui vont de faire perdre leur cohésion. La réfection des joints par M. X. n'a eu comme effet que de retarder l'effondrement'.

L'expert retient ainsi comme cause du sinistre la pénétration d'eau dans le mur du pignon, qui a trop ré humidifié la terre servant de liant après plusieurs épisodes de sécheresse.

Il se déduit de ces rapports d'expertise qu'aucun défaut d'entretien ne peut être reproché à M. X., qui ne pouvait anticiper la période de fortes pluies qui allait succéder à plusieurs périodes de sécheresse.

C'est par une juste appréciation de la situation et des rapports en présence que le tribunal a retenu le caractère accidentel du sinistre, en ce que ‘c'est l'afflux d'eau lors d'un épisode pluvieux prolongé qui a diminué la cohésion du liant terreux du mur', soit les fortes précipitations de l'hiver précédant l'effondrement du mur.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a dit que la garantie était applicable pour le sinistre subi par M. X. lors de l'effondrement du mur suite à un dégât des eaux de nature accidentel.

 

III - Sur l'indemnisation

L'expert a chiffré les travaux de reconstruction et du préjudice à 49.650 euros TTC, comprenant les frais d'étaiement de 2.500 euros HT environ et le coût de la piscine hors sol de 1.500 euros HT.

Sont joints au rapport deux devis, le premier de la société Yvon Peltin d'un montant de 47.410 euros TTC et le second de la société Tradition Innovation bois de 48.708,88 euros TTC.

Le contrat d'assurance prévoyait une extension de la police pour la piscine. L'expert a constaté les dégâts du mur effondré sur la piscine et a évalué son remplacement à 1.500 euros HT. La charge des frais d'étaiement doit être indemnisée par la compagnie d'assurance, M. X. ayant agi conformément aux obligations contractuelles de mise en sécurité des lieux et de prévention de toute extension des dommages.

Au vu des devis produits aux débats, qui datent de 2018, il convient de fixer l'indemnisation du préjudice matériel de M. X. à 52.210 euros TTC, comprenant la réparation du mur, les travaux d'étaiement et le remplacement de la piscine hors sol.

Le préjudice de jouissance de M. X. est établi en ce qu'il n'a pas pu jouir dans des conditions normales de sa grange, ni de la piscine et subi la présence d'un tas de pierre dans son jardin depuis le sinistre.

Il convient de confirmer le jugement qui a fixé cette indemnisation à 2.600 euros.

 

IV - Sur les dépens et les frais irrépétibles

La compagnie d'assurance Mutuelle de Poitiers Assurances, succombant en son recours sera condamnée aux dépens ainsi qu'au versement à M. X. de la somme complémentaire de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Statuant dans les limites de sa saisine,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a fixé à 47.110 euros TTC les travaux de reprise de la grange et qu'il a débouté M. X. de l'indemnisation de la piscine et des étais posés.

Statuant à nouveau des chefs du jugement infirmés,

Condamne la compagnie d'assurance Mutuelle de Poitiers Assurances à verser à M. X. la somme de 52.210 euros TTC comprenant les frais de reconstruction de la grange, le remplacement de la piscine hors sol et les frais d'étais,

Condamne la compagnie d'assurance Mutuelle de Poitiers Assurances à verser à M. X. la somme complémentaire de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles engagés en appel,

Condamne la compagnie d'assurance Mutuelle de Poitiers Assurances aux dépens.

Le présent arrêt a été signé par Paule POIREL, présidente, et par Vincent BRUGERE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,