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CA CAEN (2e ch. civ. com.), 20 février 2025

Nature : Décision
Titre : CA CAEN (2e ch. civ. com.), 20 février 2025
Pays : France
Juridiction : Caen (CA), 2e ch.
Demande : 23/01787
Date : 20/02/2025
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 21/07/2023
Décision antérieure : T. com. Alençon, 17 juillet 2023 : RG n° 2022000479
Décision antérieure :
  • T. com. Alençon, 17 juillet 2023 : RG n° 2022000479
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CERCLAB - DOCUMENT N° 23688

CA CAEN (2e ch. civ. com.), 20 février 2025 : RG n° 23/01787 

Publication : Judilibre

 

Extrait : « Il résulte des dispositions de l'article 1231-5 du code civil que la clause selon laquelle, en cas de non-communication par le client des quittances de sa compagnie d'assurances, permettant d'évaluer les économies qu'il a effectivement réalisées, il sera dû au prestataire une rémunération forfaitaire égale à la moitié des économies prévisionnelles estimées en début de mission, a pour objet d'évaluer par avance les dommages-intérêts dus par le client en cas d'inexécution de son obligation et de contraindre ce dernier à exécution, et s'analyse donc en une clause pénale (Cass., Com., 12 mai 2021, n°19-17.309).

En l'espèce, le contrat liant les parties prévoit le versement d'honoraires correspondant à la moitié du résultat de l'économie réalisée par l'entreprise, limitée à la première année d'économies, calculée sur la différence enregistrée entre les quittances de primes n et n-1 et, à défaut de présentation desdites quittances par le client, sur les réductions estimées en début de mission. Ce contrat précise que la société Acier distribution s'engage à fournir à la société Négociations services la copie des quittances de primes des deux échéances principales ultérieures à la date de la confirmation de mission afin de prouver qu'elle n'a pas bénéficié de son intervention, que ces quittances sont à présenter maximum trente jours après la date d'échéance principale du contrat et que, passé cette date, un courrier recommandé avec accusé de réception sera envoyé accordant un dernier délai définitif de huit jours afin de respecter ses engagements et qu'en cas de non-respect de ce dernier préavis, il sera considéré que le signataire de cette convention préfère choisir irrévocablement une facturation sur la base de la moitié des réductions estimées en début de mission. Après avoir vainement mis en demeure la société Acier distribution de lui transmettre les quittances établies par ses compagnies d'assurances, la société Négociations services a calculé le montant de ses honoraires en fonction des réductions estimées en début de mission dans son rapport, et l'a fixé à 8.000 euros HT, soit 9.600 euros TTC.

Cette clause s'analyse en une clause pénale pouvant être réduite si elle est manifestement excessive en application aux dispositions précitées. En effet, contrairement à ce que fait valoir l'intimée, cette clause ne saurait être qualifiée de clause de facturation optionnelle relevant du choix du client, dès lors que ladite clause édicte bien une obligation pour son client de communiquer ses quittances d'assurance et prévoit, en cas de non-respect de cette obligation une rémunération forfaitaire destinée non seulement à contraindre l'autre partie à l'exécution de son obligation mais également à fixer une réparation forfaitaire de son préjudice résultant de cette inexécution.

L'appelante soutient que cette clause pénale est nulle pour être potestative et compte tenu du déséquilibre significatif créé en ce que cette clause dépend uniquement de l'évaluation faite par le créancier lui-même. Or la clause pénale litigieuse ne peut être considérée comme potestative au sens de l'article 1304-2 du code civil au motif que, selon ce texte, est potestative l'obligation contractée sous une condition dont la réalisation dépend de la seule volonté du débiteur, alors que la société Acier distribution soutient que l'application de cette clause dépend uniquement de l'évaluation faite par le créancier.

La clause litigieuse ne saurait davantage être considérée comme créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au sens de l'article 1171 du code civil, le contrat prévoyant par ailleurs la faculté pour le client de mettre fin à tout moment à la mission sans aucune pénalité et qu'en cas d'insuccès dans l'obtention d'économies aucune indemnité ne sera due à la société Négociations services, étant relevé en outre que le texte précité prévoit que la clause abusive sera réputée non écrite et non déclarée nulle comme demandé en l'espèce.

Cependant, la clause pénale litigieuse est manifestement excessive au regard du préjudice réellement subi par la société Négociations services du fait du défaut de transmission par la société Acier distribution des quittances établies par ses compagnies d'assurances, qui s'analyse en une simple perte de chance de percevoir une rémunération correspondant à la moitié du résultat de l'économie réalisée par l'entreprise, et doit être réduite à la somme de 7.000 euros, cette somme n'étant pas assujettie à la TVA.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a condamné la société Acier distribution à payer la somme de 9.600 euros TTC à la société Négociations services au titre de la facture impayée n°20676HH du 26 octobre 2021, augmentée d'un intérêt de retard dont le taux est égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage à compter du 3 décembre 2021 et ce jusqu'au parfait paiement et en ce qu'il a condamné la société Acier distribution à payer à la société Négociations services la somme de 40 euros au titre de l'indemnisation forfaitaire de recouvrement. La cour statuant à nouveau de ce chef, la société Acier distribution sera condamnée à verser à la société Négociations services la somme de 7.000 euros au titre de la clause pénale, les intérêts majorés et l'indemnité forfaitaire de recouvrement s'appliquant seulement aux honoraires en vertu du contrat en cause. »

 

COUR D’APPEL DE CAEN

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 20 FÉVRIER 2025

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

RG n° 23/01787. ORIGINE : DECISION en date du 17 juillet 2023 du Tribunal de Commerce d'Alençon : RG n° 2022000479.

 

APPELANTE :

S.A.R.L. ACIER DISTRIBUTION

N° SIRET : XXX, [Adresse 4], [Localité 2], prise en la personne de son représentant légal, Représentée et assistée par Me Didier LEFEVRE, avocat au barreau d'ALENCON

 

INTIMEE :

S.A.R.L. NEGOCIATIONS SERVICES

N° SIRET : YYY, [Adresse 1], [Localité 3], prise en la personne de son représentant légal, Représentée et assistée par Me France LEVASSEUR, avocat au barreau de CAEN

 

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Madame EMILY, Président de Chambre, Mme COURTADE, Conseillère, M. GOUARIN, Conseiller,

DÉBATS : A l'audience publique du 19 décembre 2024

GREFFIER : Mme LE GALL, greffier

ARRET prononcé publiquement le 20 février 2025 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Madame EMILY, président, et Mme COLLET, greffier

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

Le 20 juin 2020, la SARL Acier distribution, société exerçant une activité d'achat, vente et commercialisation de métaux, aciers et fournitures industrielles sous l'enseigne 'AD clôture', a confié à la SARL Négociations services, société spécialisée dans l'activité de conseil en assurance à destination des professionnels une mission de détection et d'estimation des économies réalisables sur les contrats d'assurances multirisque incendie, responsabilité civile professionnelle et de véhicules, moyennant le versement d'honoraires correspondant à 50 % du résultat de l'économie réalisée par l'entreprise, limitée à la première année d'économies, calculée sur la différence enregistrée entre les quittances de primes n et n-1 et, à défaut de présentation desdites quittances, sur les réductions estimées en début de mission.

Il a été convenu qu'en cas d'insuccès dans l'obtention d'économies, aucune indemnité ne serait due à la société Négociations services.

Le 23 juillet 2020, la société Négociations services a établi un rapport et une analyse des contrats de la société Acier distribution.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 8 septembre 2021, la société Négociation services a mis en demeure la société Acier distribution de lui adresser la quittance d'assurance de son contrat flotte de véhicules venant à échéance le 1er janvier 2021 et les quittances du 1er août 2021 des contrats incendie Allianz n°46589059 et 54040394 en vue de la facturation de ces prestations.

Le 26 octobre 2021, la société Négociations services a établi une facture n°C20676HH d'un montant de 9.600 euros TTC, exigible au 5 novembre suivant correspondant à 50 % des économies détectées.

Suivant lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 3 décembre 2021, la société Négociations services a mis en demeure la société Acier distribution de lui payer la somme totale de 9.740,41 euros comprenant 9.600 euros en principal, 80,41 euros au titre des intérêts de retard, 40 euros à titre d'indemnité forfaitaire complémentaire et 20 euros au titre des frais exposés.

Sur requête de la société Négociations services, le président du tribunal de commerce d'Alençon a, par ordonnance du 7 janvier 2022 signifiée à personne morale le 31 janvier suivant, enjoint à la société Acier distribution de payer à la société Négociations services les sommes de 9.600 euros en principal, augmentée des intérêts légaux, de 90 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre 40 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement et les dépens s'élevant à 33,47 euros.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 14 février 2022, reçue au greffe le 15 février 2022, la société Acier distribution a formé opposition à cette ordonnance.

Par jugement du 17 juillet 2023, le tribunal de commerce d'Alençon :

- a déclaré recevable l'opposition formée par la société Acier distribution à l'ordonnance d'injonction de payer du 7/01/2022 ;

- a mis à néant l'ordonnance d'injonction de payer du 7 janvier 2022 ;

- s'est déclaré compétent pour trancher le litige ;

- a dit que la lettre de mission est un contrat légalement formé entre la société Négociations services et la société Acier distribution ;

- a condamné la société Acier distribution à payer la somme de 9.600 euros TTC à la société Négociations services au titre de la facture impayée n°20676HH du 26 octobre 2021, augmentée d'un intérêt de retard dont le taux est égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage à compter du 3 décembre 2021 et ce jusqu'au parfait paiement ;

- a condamné la société Acier distribution à payer à la société Négociations services la somme de 40 euros au titre de l'indemnisation forfaitaire de recouvrement ;

- a condamné la société Acier distribution à payer la somme de 960 euros à la société Négociations services à titre de dommages et intérêts ;

- a débouté les parties du surplus de leurs demandes, fins et prétentions ;

- a condamné la société Acier distribution à payer à la société Négociations services la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens en ce compris les frais d'exécution, de recouvrement et d'encaissement ;

- a dit qu'il n'y a pas lieu d'écarter l'exécution provisoire ;

- a liquidé les frais de greffe à la somme de 92,65 euros.

Par déclaration du 21 juillet 2023, la société Acier distribution a relevé appel de ce jugement.

[*]

Par dernières conclusions du 5 novembre 2024, la SARL Acier distribution, outre une demande de 'constater’ne constituant pas une prétention sur laquelle il y a lieu de statuer, demande à la cour de réformer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a déclaré recevable son opposition, a mis à néant l'ordonnance d'injonction de payer du 7 janvier 2022, s'est déclaré compétent pour trancher le litige et, statuant à nouveau dans cette limite, de débouter la société Négociations services de l'ensemble de ses demandes.

Subsidiairement, elle demande à la cour de prononcer la nullité du contrat litigieux et de la clause pénale et, en tout état de cause, de déclarer non fondée la demande en paiement formée par la société Négociations services, de débouter en conséquence l'intimée de ses demandes.

Plus subsidiairement, l'appelante demande à la cour de déclarer nulle la clause pénale et à tout le moins d'en réduire le montant à l'euro symbolique et de débouter l'intimée de toutes autres demandes.

En tout état de cause, la société Acier distribution demande à la cour de débouter la société Négociations services de l'ensemble de ses demandes accessoires et de condamner celle-ci aux entiers dépens, dont distraction au profit de son conseil et de lui payer la somme de 3.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et celle de 5.000 euros au titre de ses frais irrépétibles en appel.

[*]

Par dernières conclusions du 16 octobre 2024, la société Négociations services demande à la cour de rejeter l'appel de la société Acier distribution et de le dire mal fondé, de débouter celle-ci de l'intégralité de ses demandes, de confirmer le jugement entrepris et, y ajoutant, de condamner l'appelante à lui payer une indemnité complémentaire de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance et procédure abusives et troubles dans les conditions de gestion de la société Négociations services, une indemnité de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

[*]

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 13 novembre 2024.

Il est expressément renvoyé aux écritures précitées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

1. Sur l'existence du contrat en cause :

Au visa des articles 1359, 1367 et 1376 du code civil, l'appelante fait grief au tribunal de rejeter sa demande tendant à voir constater l'inexistence d'un contrat entre les parties, alors que la confirmation de mission du 22 juin 2020 a été signée seulement par ses soins et non par la société Négociations services, si bien qu'elle ne constitue qu'un projet de contrat et non un contrat synallagmatique, qui doit être signé des deux parties.

Cependant, les dispositions invoquées édictent des règles de preuve et non des conditions de validité des actes et il en résulte qu'un acte vaut comme acte sous signature privée dès lors qu'il est signé par la partie à laquelle on l'oppose et qu'il est invoqué par celui à qui il a été remis.

Or, en l'espèce, la confirmation de mission établie par la société Négociations services a été signée le 26 juin 2020 par la société Acier distribution à laquelle cet acte est opposé.

À ces motifs, le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

 

2. Sur la validité du contrat en cause :

Selon l'article 1169 du code civil, un contrat à titre onéreux est nul lorsque, au moment de sa formation, la contrepartie convenue au profit de celui qui s'engage est illusoire ou dérisoire.

L'appelante fait grief au tribunal de rejeter sa demande d'annulation du contrat litigieux, alors que la société Négociations services n'offrait aucune contrepartie réelle en ce qu'elle ne procédait à aucun appel d'offre et que le rapport transmis est la simple reprise des polices souscrites sans aucune analyse ni expertise et justificatifs des prix standard évoqués, préconisant essentiellement des baisses de garanties pour obtenir une diminution des primes.

Cependant, le contrat conclu le 20 juin 2020 entre la société Acier distribution et la société Négociations services met à la charge de cette dernière, spécialisée dans l'activité de conseil en assurance à destination des professionnels, une mission de détection et d'estimation des économies réalisables sur les contrats d'assurances multirisque incendie, responsabilité civile professionnelle et de véhicules souscrits par sa cliente.

Les honoraires dus à la société Négociations services sont fixés à 50 % du résultat de l'économie réalisée par l'entreprise, limitée à la première année d'économies, calculée sur la différence enregistrée entre les quittances de primes n et n-1 et, à défaut de présentation desdites quittances, sur les réductions estimées en début de mission.

En cas d'insuccès dans l'obtention d'économies, aucune indemnité n'est due à la société Négociations services.

Il ressort de ces stipulations qu'à la date de formation du contrat litigieux celui-ci comportait une contrepartie réelle consistant en une mission d'audit en assurances confiée à une société spécialisée dans ce domaine.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

 

3. Sur la résolution du contrat et l'exception d'inexécution :

En vertu de l'article 1104 du code civil, les contrats doivent être formés et exécutés de bonne foi.

Selon l'article 1217, la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement peut :

- refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation ;

- poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation ;

- obtenir une réduction de prix ;

- provoquer la résolution du contrat ;

- demander réparation des conséquences de l'inexécution.

Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages-intérêts peuvent toujours s'y ajouter.

Suivant l'article 1231-1, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages-intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

L'article 1353 dispose que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de l'obligation.

L'appelante fait grief au tribunal de rejeter sa demande de résolution du contrat litigieux et le moyen tiré de l'exception d'inexécution, alors que le rapport établi par la société Négociations services ne contient que des allégations ne reposant sur aucun devis d'assureurs, tableaux comparatifs ou études sérieuses permettant de mettre en évidence les économies réalisables, que l'économie de 16.000 euros repose essentiellement sur des baisses de garanties et qu'en l'absence de diligences et de prestations, la résolution du contrat doit être prononcée ou, à tout le moins, l'inexécution de la société Acier distribution de son obligation de paiement doit être considérée comme légitime.

Cependant, le rapport établi le 23 juillet 2020 par la société Négociations services comprend une analyse de huit polices d'assurance souscrites par la société Acier distribution concernant sa responsabilité civile décennale, de fabricant/négociant, la garantie du risque incendie, sa protection juridique et l'assurance de sa flotte de véhicules ainsi que des préconisations de renégociation de certaines d'entre elles tenant compte de la spécificité de l'activité de sa cliente, des attentes de celle-ci et des tarifs usuellement pratiqués par les autres compagnies d'assurances, et conclut à la possibilité de réaliser une économie globale de 16.000 euros sur les primes versées au titre de ces contrats.

Ainsi, le contenu du rapport établi par la société Négociations services est conforme à la mission de détection et d'estimation des économies réalisables sur les contrats d'assurances multirisque incendie, responsabilité civile professionnelle et de véhicules qui lui était confiée par le contrat liant les parties, lequel ne l'oblige nullement à transmettre à son client des devis d'autres compagnies d'assurances ou des tableaux comparatifs de tarifs.

Faute pour l'appelante d'établir que l'intimée n'a pas exécuté la prestation objet du contrat en cause ou l'a imparfaitement exécutée, la demande de la société Acier distribution tendant à voir prononcer la résolution dudit contrat ou déclarer légitime l'exception d'inexécution de sa propre obligation de paiement sera rejetée.

 

4. Sur les sommes dues par la société Acier distribution :

Il résulte des dispositions de l'article 1231-5 du code civil que la clause selon laquelle, en cas de non-communication par le client des quittances de sa compagnie d'assurances, permettant d'évaluer les économies qu'il a effectivement réalisées, il sera dû au prestataire une rémunération forfaitaire égale à la moitié des économies prévisionnelles estimées en début de mission, a pour objet d'évaluer par avance les dommages-intérêts dus par le client en cas d'inexécution de son obligation et de contraindre ce dernier à exécution, et s'analyse donc en une clause pénale (Cass., Com., 12 mai 2021, n°19-17.309).

En l'espèce, le contrat liant les parties prévoit le versement d'honoraires correspondant à la moitié du résultat de l'économie réalisée par l'entreprise, limitée à la première année d'économies, calculée sur la différence enregistrée entre les quittances de primes n et n-1 et, à défaut de présentation desdites quittances par le client, sur les réductions estimées en début de mission.

Ce contrat précise que la société Acier distribution s'engage à fournir à la société Négociations services la copie des quittances de primes des deux échéances principales ultérieures à la date de la confirmation de mission afin de prouver qu'elle n'a pas bénéficié de son intervention, que ces quittances sont à présenter maximum trente jours après la date d'échéance principale du contrat et que, passé cette date, un courrier recommandé avec accusé de réception sera envoyé accordant un dernier délai définitif de huit jours afin de respecter ses engagements et qu'en cas de non-respect de ce dernier préavis, il sera considéré que le signataire de cette convention préfère choisir irrévocablement une facturation sur la base de la moitié des réductions estimées en début de mission.

Après avoir vainement mis en demeure la société Acier distribution de lui transmettre les quittances établies par ses compagnies d'assurances, la société Négociations services a calculé le montant de ses honoraires en fonction des réductions estimées en début de mission dans son rapport, et l'a fixé à 8.000 euros HT, soit 9.600 euros TTC.

Cette clause s'analyse en une clause pénale pouvant être réduite si elle est manifestement excessive en application aux dispositions précitées.

En effet, contrairement à ce que fait valoir l'intimée, cette clause ne saurait être qualifiée de clause de facturation optionnelle relevant du choix du client, dès lors que ladite clause édicte bien une obligation pour son client de communiquer ses quittances d'assurance et prévoit, en cas de non-respect de cette obligation une rémunération forfaitaire destinée non seulement à contraindre l'autre partie à l'exécution de son obligation mais également à fixer une réparation forfaitaire de son préjudice résultant de cette inexécution.

L'appelante soutient que cette clause pénale est nulle pour être potestative et compte tenu du déséquilibre significatif créé en ce que cette clause dépend uniquement de l'évaluation faite par le créancier lui-même.

Or la clause pénale litigieuse ne peut être considérée comme potestative au sens de l'article 1304-2 du code civil au motif que, selon ce texte, est potestative l'obligation contractée sous une condition dont la réalisation dépend de la seule volonté du débiteur, alors que la société Acier distribution soutient que l'application de cette clause dépend uniquement de l'évaluation faite par le créancier.

La clause litigieuse ne saurait davantage être considérée comme créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au sens de l'article 1171 du code civil, le contrat prévoyant par ailleurs la faculté pour le client de mettre fin à tout moment à la mission sans aucune pénalité et qu'en cas d'insuccès dans l'obtention d'économies aucune indemnité ne sera due à la société Négociations services, étant relevé en outre que le texte précité prévoit que la clause abusive sera réputée non écrite et non déclarée nulle comme demandé en l'espèce.

Cependant, la clause pénale litigieuse est manifestement excessive au regard du préjudice réellement subi par la société Négociations services du fait du défaut de transmission par la société Acier distribution des quittances établies par ses compagnies d'assurances, qui s'analyse en une simple perte de chance de percevoir une rémunération correspondant à la moitié du résultat de l'économie réalisée par l'entreprise, et doit être réduite à la somme de 7.000 euros, cette somme n'étant pas assujettie à la TVA.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a condamné la société Acier distribution à payer la somme de 9.600 euros TTC à la société Négociations services au titre de la facture impayée n°20676HH du 26 octobre 2021, augmentée d'un intérêt de retard dont le taux est égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage à compter du 3 décembre 2021 et ce jusqu'au parfait paiement et en ce qu'il a condamné la société Acier distribution à payer à la société Négociations services la somme de 40 euros au titre de l'indemnisation forfaitaire de recouvrement. La cour statuant à nouveau de ce chef, la société Acier distribution sera condamnée à verser à la société Négociations services la somme de 7.000 euros au titre de la clause pénale, les intérêts majorés et l'indemnité forfaitaire de recouvrement s'appliquant seulement aux honoraires en vertu du contrat en cause.

 

5. Sur les demandes accessoires :

La solution donnée au litige conduit à infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fait droit à la demande indemnitaire de la société Négociations services pour résistance et procédure abusives, cette dernière succombant partiellement en ses prétentions à hauteur d'appel, et de rejeter cette demande.

Les dispositions du jugement entrepris relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance, fondées sur une exacte appréciation, seront confirmées.

La société Acier distribution, qui succombe en ses principales prétentions, sera condamnée aux dépens d'appel, déboutée de sa demande d'indemnité de procédure et condamnée à payer à la société Négociations services la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Acier distribution à payer la somme de 9.600 euros TTC à la société Négociations services au titre de la facture impayée n°20676HH du 26 octobre 2021, augmentée d'un intérêt de retard dont le taux est égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage à compter du 3 décembre 2021 et ce jusqu'au parfait paiement, la somme de 40 euros au titre de l'indemnisation forfaitaire de recouvrement, la somme de 960 euros à la société Négociations services à titre de dommages et intérêts et a débouté les parties du surplus de leurs demandes, fins et prétentions ;

Confirme le jugement entrepris en ses autres dispositions soumises à la cour ;

Statuant à nouveau du chef des dispositions infirmées et y ajoutant,

Condamne la société Acier distribution à payer à la société Négociations services la somme de 7.000 euros à titre de clause pénale ;

Rejette toutes autres demandes ;

Condamne la société Acier distribution aux dépens d'appel et à payer à la société Négociations services la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER                                LE PRÉSIDENT

M. COLLET                                     F. EMILY