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CA DOUAI (ch. 2 sect. 2), 24 avril 2025

Nature : Décision
Titre : CA DOUAI (ch. 2 sect. 2), 24 avril 2025
Pays : France
Juridiction : Douai (CA), 2e ch. sect. 2
Demande : 23/00858
Date : 24/04/2025
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 20/02/2023
Décision antérieure : T. com. Lille Métropole, 26 janvier 2023 : RG n° 21013526
Décision antérieure :
  • T. com. Lille Métropole, 26 janvier 2023 : RG n° 21013526
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CERCLAB - DOCUMENT N° 23694

CA DOUAI (ch. 2 sect. 2), 24 avril 2025 : RG n° 23/00858 

Publication : Judilibre

 

Extraits : 1/ « Ainsi, si la société Bâti courtage avait en charge la définition et la mise en œuvre de sa propre politique de sauvegarde, elle avait néanmoins souscrit auprès de la société OVH une option de sauvegarde automatisée, les parties s'opposant sur la teneur et le contenu de cette dernière obligation. […] En effet, en l'absence de définition contractuelle spécifique résultant des conditions générales de service, la cour estime que l'expression « physiquement isolé » doit s'entendre dans son sens commun, à savoir comme ce qui est séparé de tout ce qui est voisin, ou encore à l'écart l'un de l'autre. Ainsi, cela renvoie à l'idée de services reposant sur des infrastructures distinctes et séparées, n'ayant pas de contact entre elles, sans nécessairement qu'elles soient géographiquement éloignées. Juger le contraire reviendrait à ajouter a posteriori au contrat une condition qu'il ne prévoit pas. »

2/ « S'il ressort indéniablement de ces stipulations que seule la société Bâti courtage était responsable de sa politique de sauvegarde des données se trouvant sur son serveur privé virtuel et des modalités de mise en œuvre de cette politique de sauvegarde, il n'en demeure pas moins qu'elle avait souscrit auprès de la société OVH une option de sauvegarde (ou backup) automatisée, visant à effectuer une copie des données, issues de son serveur, certes à proximité du serveur sauvegardé, mais qui n'en devait pas moins exister et lui permettre, selon les stipulations précitées, de restaurer ses données à partir de son interface de gestion.

Deuxièmement, les stipulations précitées édictent une simple obligation de moyen pesant sur la société OVH quant à la réussite et la qualité de la sauvegarde automatisée, le client devant alors informer la société OVH, qui ne peut être tenue responsable de la non-réalisation de la sauvegarde ou du caractère défectueux de la sauvegarde, afin de procéder à une nouvelle sauvegarde.

Néanmoins, il découle nécessairement de cette option de sauvegarde automatisée que des données sont fixées dans un espace dédié. Et une fois la sauvegarde réalisée, il appartient à la société OVH d'assurer l'accès du client à ces données sauvegardées durant le temps de la convention, et ainsi indirectement de veiller à leur conservation le temps de la relation contractuelle. Cela est d'ailleurs conforté par les stipulations prévoyant que « l'ensemble des données stockées sur l'espace de stockage alloué à l'option Backup sera effacé par OVH suite au non-renouvellement de l'option Backup ou suite au non renouvellement du serveur privé virtuel, le client [devant] prendre soin de procéder au rapatriement de toutes ses données avant la date d'expiration de l'option backup ».

Ainsi, si la société OVH n'a qu'une obligation de moyen concernant l'effectivité de cette sauvegarde et la qualité de cette sauvegarde, l'obligation de réaliser la sauvegarde est une obligation de résultat et comporte l'obligation pour la société OVH de laisser le client avoir accès à ses données sauvegardées dans l'état dans lequel la sauvegarde est intervenue. »

3/ « Des stipulations contractuelles, on peut retenir que : - suivant l'article 7-7 des conditions générales, « aucune des parties ne peut voir sa responsabilité engagée sur le fondement d'une défaillance résultant, directement ou non, d'événements non prévisibles ayant les caractéristiques de la force majeure telle que définie par l'article 1218 du code civil. Les parties déclarent que la force majeure inclut notamment les grèves y compris la grève d'un personnel d'un sous-traitant de l'une des parties, les actes de vandalisme, de guerre ou de menace de guerre, le sabotage, les actes terroristes, les incendies, les épidémies, les tremblements de terre, les inondations et explosions, ainsi que les coupures d'électricité en dehors du contrôle de la partie affectée. Toutefois, pour pouvoir se prévaloir de la présente disposition, la partie qui se trouve empêchée d'exécuter ses obligations, doit en informer l'autre partie dans les plus brefs délais [...] » ; - en application de l'article 6 des conditions particulières VPS, « la responsabilité d'OVH ne pourra être recherchée en cas de force majeure, événement ou incident indépendant de la volonté d'OVH », l'article 11-4 précisant que « le client ne pourra en aucun cas se prévaloir du présent article [niveau de service et dédommagement] et prétendre aux dédommagement susvisés dans l'hypothèse où l'indisponibilité résulte en tout ou partie (i) d'événements ou de facteurs échappant au contrôle d'OVH tels que non limitativement cas de force majeure, fait d'un tiers, problème de connexion [...] » ; - l'annexe 1 ne prévoit aucune disposition spécifique de ce chef.

En premier lieu, loin de se contredire, les stipulations des conditions générales et particulières VPS, qui se complètent, font de la force majeure une cause exonératoire de responsabilité. Elles trouvent à s'appliquer au service automatisé de backup souscrit dans l'annexe 1, laquelle ne comporte aucune stipulation dérogatoire de ce chef, tel qu'indiqué ci-dessus. Néanmoins, la cour observe que l'article 7-7 comporte deux énonciations bien distinctes, l'une constituée d'un rappel des conditions légales de la force majeure, l'autre d'une énumération d'événements pour lesquels les parties déclarent qu'ils constituent des cas de force majeure, sans toutefois qu'il soit établi de lien véritable et d'articulation entre ces deux énonciations. Il doit cependant être noté que le dénominateur commun des événements listés dans cette seconde stipulation est qu'il s'agit de phénomènes ou actes qui, par essence ou par nature, échappent au contrôle de la « partie affectée » - autrement dit le débiteur que les subit -, la guerre ou les tremblements de terre en étant les exemples topiques ».

Or, que la clause précitée des conditions générales soit lue : - comme un rappel des conditions légales caractéristiques de la force majeure dans la première énonciation, avec un certain nombre d'illustrations figurant dans la seconde énonciation, sans qu'il soit expressément indiqué qu'il soit dérogé pour ses événements aux caractéristiques de la force majeure ; - ou comme un rappel des conditions légales caractéristiques de la force majeure pour la première énonciation, la seconde étendant la notion de force majeure à des événements qu'elle énumère et « en dehors du contrôle de la partie affectée », il s'ensuit que, dans les deux cas, les événements visés doivent, pour être exonératoires de responsabilité, se trouver hors de la maîtrise tant intellectuelle que matérielle de la « partie affectée », c'est-à-dire présenter un caractère d'extériorité, et être imprévisible et irrésistible.

Il doit d'ailleurs être observé que la société OVH, qui affirme dans un premier temps dans les développements qu'elle consacre à la force majeure, que l'incendie en lui-même constitue, compte tenu de la seconde énonciation de l'article 7-7, un cas de force majeure, corrobore cette interprétation, en réintroduisant au cours de sa démonstration, en page 52, la notion d'événement hors de la maîtrise de la partie affectée. Elle abandonne, au détour de son argumentation, la qualification de facto de force majeure pour l'incendie, en affirmant que « cet article (7-7) n'emporte aucun déséquilibre significatif dans la mesure où si la société Bâti courtage n'a pas souscrit de service de sauvegarde distante, il est légitime que la responsabilité d'OVH soit écartée dans le cas de la survenance d'un événement hors de son contrôle affectant les données placées par la société Bâti courtage dans ses serveurs (soulignement de la cour).

En deuxième lieu, compte tenu du sens donné aux stipulations précitées, lesquelles renvoient, soit purement et simplement à la notion légale de force majeure, soit à « un événement ou incident » « indépendant de la volonté », soit à une liste d'événements « en dehors du contrôle de la partie affectée », recoupant les notions d'imprévisibilité et d'irrésistibilité, ces stipulations ne sont pas de nature à priver les obligations essentielles souscrites par la société OVH de leur substance, voire d'engendrer, s'agissant d'un contrat d'adhésion et d'une clause non négociable et déterminée à l'avance par l'une des parties, à savoir la société OVH, un déséquilibre significatif entre les obligations et droits respectifs des parties. D'ailleurs, comprendre la clause 7-7 comme signifiant que la seule existence d'un incendie, quelles qu'en soient l'origine ou l'étendue, suffit à exonérer la société OVH, comme elle le prétend dans les premières pages de sa démonstration sur la force majeure (pages 48-50), conduirait à réduire de manière notable et sans contrepartie les obligations de la société OVH, qui consciente de cette difficulté, réintroduit elle-même cette notion de maîtrise de la partie affectée sur la liste des événements listés, comme précédemment exposé. Il doit d'ailleurs être observé que la société Bâti courtage, qui se prévaut du déséquilibre engendré par cette clause, se contente de l'affirmer, sans nullement le démontrer, et sans procéder à un comparatif des différentes clauses contenues dans les conventions souscrites, seul susceptible de mettre en lumière un déséquilibre dans leur ensemble des obligations et droits souscrits par chacune des parties. Ce moyen n'est donc pas fondé.

En troisième lieu, il appartient à la société OVH, qui se prévaut de cette cause d'exonération de responsabilité, de démontrer que l'incendie survenu dans la nuit du 9 au 10 mars 2021 répondait soit aux conditions légales posées par l'article 1218 du code civil, soit à celles contractuellement prévues par les stipulations contractuelles.

Si l'incendie figure bien parmi l'énumération d'événements figurant à l'article 7-7 des conditions générales, les pièces versées aux débats ne permettent toutefois ni d'en déterminer précisément l'origine, la société OVH concédant que l'origine et la cause même de ce dernier ne sont à ce jour pas connues (page 54 des conclusions OVH), ni d'établir que cet événement était « en dehors du contrôle de la partie affectée », c'est-à-dire elle-même. Outre qu'il ne peut être affirmé que cet événement soit véritablement hors de contrôle de la personne même de la société OVH, en ce compris d'un de ses préposés, un incendie survenant dans un centre d'hébergement informatique comportant, d'une part, de nombreux serveurs, un réseau électrique complexe, avec des ondulateurs et des batteries et recourant, d'autre part, à des matériaux et techniques hautement inflammables, n'est ni hors de la maîtrise intellectuelle et matérielle du prestataire ni imprévisible et irrésistible pour le propriétaire de tels locaux, contrairement à ce que prétend la société OVH. Le fait que ces centres fassent d'ailleurs l'objet de mesures de prévention de l'incendie, ce que concède la société OVH en se prévalant du respect par ses soins des standards de l'industrie de l'hébergement en matière de sécurité incendie, démontrent que, quand bien même ce phénomène est rarissime ou d'une ampleur sans pareille, l'incendie n'est pas en lui-même imprévisible et irrésistible. La réunion de l'ensemble des conditions contractuelles et légales applicables à la force majeure n'étant pas prouvée, la société OVH ne peut prétendre que l'incendie litigieux relèverait de la force majeure ni, dès lors, se prévaloir cette clause exonératoire de responsabilité. »

4/ « Les parties invoquent l'article 1171 du code civil, issu de l'ordonnance du 10 février 2016, qui répute non écrite « dans un contrat d'adhésion, toute clause, non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ». Il ressort des travaux parlementaires de la loi du 20 avril 2018 ratifiant ladite ordonnance, que l'intention du législateur était que ce texte, qui régit le droit commun des contrats, sanctionne les clauses abusives dans les contrats ne relevant pas des dispositions spéciales des articles L. 442-6 du code de commerce et L. 212-1 du code de la consommation. A supposer que l'article 1171 précité, seul invoqué par les parties, soit applicable en la cause, à l'exclusion des dispositions de l'article L.442-6, I, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, applicable aux sociétés commerciales dans le cadre de contrat de prestation de service tel que celui en litige (V. Cass., Com., 26 janvier 2022, pourvoi n° 20-16.782) « lequel prévoit qu’« engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers [...] 2° de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties » -, cela est sans incidence en l'espèce, dès lors que ces deux textes reposent sur une condition commune : l'existence d'un déséquilibre significatif dans les droits et obligations. Ainsi, la jurisprudence rendue sous l'empire de l'article L. 442-6, I précité peut nourrir l'interprétation du texte de droit commun.

Dans le cadre de ces dispositions, il appartient à la partie qui invoque un tel déséquilibre de l'établir dans toute ses composantes, et donc de caractériser, d'une part, la rupture dans l'équilibre des obligations et droits souscrits, d'autre part, le caractère significatif de ce déséquilibre, qui doit ainsi être marquant et d'une certaine importance, et non uniquement exister. Pour apprécier le caractère abusif d'une clause créant « un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat », il convient de prendre en compte le contexte dans lequel le contrat a été conclu et son économie, après une appréciation et concrète du contrat liant les parties (Cass. com, 3 mars 2015, n° 13-27.525). Ainsi une clause doit s'apprécier au regard de toutes les autres clauses du contrat, le déséquilibre instauré par une clause pouvant être corrigé par l'effet d'une autre, ou compensé par une autre clause (CPCE, avis n°15-23 du 25 juin 2015 ou CPEC, avis n° 19-01 du 17 janvier 2019 ; Com. 26 févr. 2025, F-B, n° 23-20.225). L'absence de réciprocité dans l'attribution d'un droit peut être significative d'un déséquilibre, lequel peut être financier ou juridique.

En l'espèce, quel que soit le texte applicable, il pèse sur la société Bâti courtage la charge d'alléguer et de caractériser l'existence d'un déséquilibre significatif.

Or, premièrement, c'est par des conclusions imprécises que la société Bâti courtage se contente, dans les développements (pages 83 à 87) consacrés au déséquilibre significatif des clauses ci-dessus rappelées d'affirmer le caractère certain du déséquilibre significatif engendré par ces clauses, sans étayer ses propos au moyen d'une véritable démonstration de ce chef. Ainsi, elle ne procède pas au moindre examen concret et comparatif des différentes clauses que le contrat comporte, alors que seul un tel examen serait à même d'étayer l'allégation de déséquilibre des obligations à la charge de chacune des parties. Elle ne s'astreint pas plus à établir le caractère significatif du déséquilibre invoqué, en étudiant l'économie de la relation contractuelle unissant les parties.

Deuxièmement, l'existence d'une limitation de responsabilité n'implique aucunement de facto l'existence d'un déséquilibre significatif, contrairement à ce qu'affirme la société Bâti courtage.

En outre, la société Bâti courtage assimile perte de substance des obligations et déséquilibre significatif. Or, en ce qui concerne le déséquilibre qui tiendrait à la perte de substance des obligations à la charge d'une partie en raison des clauses limitatives, la cour a déjà écarté ce moyen par les motifs ci-dessus, auxquels il convient de se référer.

Ainsi, quel que soit le texte applicable, et sans même qu'il soit nécessaire de s'appesantir sur la notion de contrat d'adhésion exigée par l'article 1171 du code civil, la condition de l'existence d'un déséquilibre significatif des droits et obligations souscrites par les parties fait défaut, de sorte que la demande de la société Bâti courtage tendant à réputer non écrite les clauses de limitations ou évaluations forfaitaires de responsabilités ne peut qu'être rejetée. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 14 AVRIL 2025

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 23/00858. N° Portalis DBVT-V-B7H-UYQQ. Jugement (RG n° 21013526) rendu le 26 janvier 2023 par le tribunal de commerce de Lille Métropole.

 

APPELANTE :

SAS OVH

représentée par son président, domicilié en cette qualité audit siège, ayant son siège social [Adresse 2], [Localité 5], Représentée par Maître Loîc Le Roy, avocat au barreau de Douai, avocat constitué, assistée de Maître Arthur Dethomas, avocat plaidant, substitué par Maîtres Nicolas Rohfritsch et Anais Ligot, avocats au barreau de Paris

 

INTIMÉE :

SAS France Bati Courtage

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, ayant son siège social [Adresse 1], [Localité 3], Représentée par Maître Catherine Camus-Demailly, avocat au barreau de Douai, avocat constitué, assistée de Maître Martin Le Pechon, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant

 

DÉBATS à l'audience publique du 30 janvier 2025 tenue en double rapporteur par Stéphanie Barbot, présidente et Nadia Cordier, conseiller, après rapport oral de l'affaire par Nadia Cordier.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Stéphanie Barbot, présidente de chambre, Nadia Cordier, conseiller, Caroline Vilnat, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 24 avril 2025 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Stéphanie Barbot, présidente et Marlène Tocco, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 17 octobre 2024

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

La société France Bâti courtage (la société Bâti courtage) est à la tête d'un réseau commercial composé d'entrepreneurs indépendants, ayant le statut de franchisés et exerçant chacun une activité de courtier en travaux, sous l`enseigne et selon le concept de « La maison des travaux. »

Depuis sa création en 2007, la société Bâti courtage développe son activité quasi-exclusivement au travers du site internet « lamaisondestravaux.com », lequel constitue le point d'entrée principal permettant :

- de promouvoir l'enseigne, le concept et l'activité du réseau auprès du grand public ;

- de recruter de nouveaux franchisés ;

- de sélectionner de nouveaux artisans et fournisseurs.

Le développement de l`activité du réseau La maison des travaux est également porté par les 123 franchisés qui accèdent, contre redevances versées au franchiseur, à 183 sites internet prenant la forme de sous-domaines rattachés au domaine principal « lamaisondestravaux.com ».

La société Bâti courtage exploite également les sites : « lamaisondestravaux.com », « franchise-lamaisondestravaux.com », « lamaisondesarchitectes.com », « lamaisondestravaux-pro.com » et « expertbricolagecom ».

La société OVH est une société à l'origine orientée vers les services d'hébergement de sites internet et qui développe depuis quelques années des services de « cloud computing » ou « informatique en nuage ».

Elle possède un réseau de 32 datacentres situés dans onze pays répartis sur quatre continents, dont 4 sont situés en France à [Localité 5], à [Localité 4] et à [Localité 6].

Afin d'assurer l'hébergement de ses sites, la société Bâti courtage a souscrit auprès de la société OVH un contrat de location de serveur virtuel (VPS), et a, en complément de ce contrat, souscrit à une option contractuelle de « sauvegarde automatisée » (ou option « backup »).

Dans la nuit du 9 au 10 mars 2021, un incendie est survenu dans les datacenters os-sbgl, os-sbg2et os-sbg4 de la société OVH situés à [Localité 6], le bâtiment os-sbgl abritant notamment le serveur et les données de la société Bâti courtage.

Suite à cet incendie, l'interface Web et les données des sites eux-mêmes de la société Bâti courtage ont été inaccessibles. Cette société a relancé la société OVH pour pouvoir récupérer ses données et réactiver l'activité.

Le 3 avril 2021, la société OVH a informé la société Bâti courtage que le « backup », souscrit avait lui aussi été détruit totalement et irrémédiablement par l`incendie, les sauvegardes étant stockées dans le même bâtiment que celui où se trouvait le serveur principal intégralement détruit par l`incendie.

A la suite de ces pertes de données, la société Bâti courtage a refusé la proposition émise par la société OVH en vue de réparer le préjudice et l'a vainement mise en demeure, au vu des manquements contractuels commis selon elle, de l'indemniser, dans un délai de 15 jours, du préjudice subi correspondant à la perte des données, à l'inactivité de ses sites pendant plusieurs jours et à la perte du taux de fréquentation et aux investissements et efforts financiers réalisés, évalué alors à la somme de 6 540 000 euros.

Le 19 juillet 2021, la SAS Bâti courtage a assigné la société OVH devant le tribunal de commerce de Lille Métropole en réparation de son préjudice.

Par jugement du 26 janvier 2023, ce tribunal a :

- dit que les contrats liant les sociétés OVH et Bâti courtage relevaient de l'obligation de moyens ;

- dit que la société OVH n'avait pas commis de faute lourde ou de graves manquements à la sécurité anti incendie de son datacentre de [Localité 6].

- déclaré non écrite la clause 7.7 « Force majeure » du contrat OVH souscrit par la société Bâti courtage ;

- dit que le contrat OVH relatif à la sauvegarde souscrit par la société Bâti courtage devait s'interpréter comme suit : « l'espace de stockage alloué à l'option Backup est physiquement isolé de l'infrastructure dans laquelle est mis en place le Serveur Privé Virtuel du client », c'est-à-dire dans un lieu physiquement différent du lieu de stockage des données du serveur principal ;

- dit que la société OVH avait commis un manquement contractuel au contrat la liant à la société Bâti courtage ;

- débouté la société OVH de ses demandes de juger :

- qu'elle avait respecté ses obligations en matière de sauvegarde des données à l'égard de la société Bâti courtage,

- qu'elle avait respecté ses obligations en matière de mise en 'uvre de mesures de sécurité à l'égard la société Bâti courtage ;

- et qu'elle avait respecté ses obligations en matière de localisation des sauvegardes à l`égard de la société Bâti courtage ;

- déclaré non écrites les clauses de limitation de responsabilités des contrats liant les sociétés Bâti courtage et OVH ;

- débouté la société OVH de sa demande d'ordonner l'application de la clause de limitation de responsabilité ;

- condamné la société OVH à payer à la société Bâti courtage :

- la somme de 26 472 euros au titre du préjudice pour perte d'un actif incorporel ;

- la somme de 9 100 euros au titre du préjudice pour les travaux de restitution d'un hébergement, des données et des sites ;

- la somme de 38 530 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice financier pour l'année 2021 ;

- la somme de 20 000 euros au titre du préjudice d'atteinte à l'image ;

- débouté la société Bâti courtage de ses autres demandes indemnitaires ;

- condamné la société OVH à payer à la société Bâti courtage la somme de 7 000 euros à titre d`indemnité, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société OVH aux entiers frais et dépens,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration du 20 février 2023, la société OVH a interjeté appel de l'ensemble des chefs de la décision, hormis ceux ayant dit que les contrats liant les sociétés OVH et Bâti courtage relèvent de l'obligation de moyens, dit que la société OVH n'a pas commis de faute lourde ou de graves manquements à la sécurité anti-incendie de son datacentre de [Localité 6] et enfin débouté la société Bâti courtage de ses autres demandes indemnitaires.

 

MOYENS ET PRÉTENTIONS :

Par conclusions signifiées par voie électronique le 7 octobre 2024, la société OVH demande à la cour de :

A titre principal :

‘juger qu'elle a respecté ses obligations en matière de sauvegarde des données à l'égard de la société Bati courtage ;

‘juger qu'elle a respecté ses obligations en matière de mise en 'uvre de mesures de sécurité à l'égard de la société Bati courtage ;

‘juger qu'elle a respecté ses obligations en matière de localisation des sauvegardes à l'égard de la société Bâti courtage ;

En conséquence :

‘confirmer le jugement du tribunal de commerce en ce qu'il a :

‘dit que les contrats la liant à la société Bâti courtage relevaient de l'obligation de moyens ;

‘a dit qu'elle n'avait pas commis de faute lourde ou de graves manquements à la sécurité anti-incendie de son datacentre de [Localité 6] ;

‘infirmer le jugement en ce qu'il :

- a dit que le contrat OVH relatif à la sauvegarde souscrit par la société Bâti courtage doit s'interpréter comme suit : « l'espace de stockage alloué à l'option Backup est physiquement isolé de l'infrastructure dans laquelle est mis en place le Serveur Privé Virtuel du client », c'est-à-dire dans un lieu physiquement différent du lieu de stockage des données du serveur principal ;

- a dit qu'elle avait commis un manquement contractuel au contrat la liant à la société Bâti courtage ;

- l'a déboutée de ses demandes de juger :

- qu'elle avait respecté ses obligations en matière de sauvegarde des données à l'égard de la société Bâti courtage ;

- qu'elle avait respecté ses obligations en matière de mise en 'uvre de mesures de sécurité à l'égard la société Bâti courtage ;

- et qu'elle avait respecté ses obligations en matière de localisation des sauvegardes à l`égard de la société Bâti courtage ;

‘rejeter l'appel incident formé par la société Bâti courtage ;

‘rejeter l'ensemble des demandes de la société Bâti courtage ;

A titre subsidiaire :

‘juger que l'incendie ayant entraîné la perte des données de la société Bâti courtage présente les caractères de la force majeure ;

En conséquence :

‘infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré non écrite la clause 7.7 « Force majeure » du contrat OVH souscrit par la société Bâti courtage ;

‘rejeter l'appel incident formé par la société Bâti courtage ;

‘rejeter l'ensemble des demandes de la société Bati courtage ;

A titre encore plus subsidiaire :

‘juger que la société Bati courtage ne rapporte pas la preuve de ses préjudices allégués ;

En conséquence :

‘confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Bati Courtage de ses demandes :

‘de condamnation au paiement de la somme de 292 306,70 euros en indemnisation d'un prétendu préjudice de destruction de travaux externes réalisés de 2014 à février 2021 sur les sites ;

‘de condamnation au paiement de la somme de 3 034 520 euros en indemnisation d'un prétendu préjudice de destruction des URLs et perte de valeur ;

‘de condamnation au paiement de la somme de 1 871 769,95 euros en indemnisation d'un prétendu préjudice financier pour 2022 et 2023 ;

‘de condamnation au paiement de la somme totale de 71 773 euros en remboursement des factures prétendument établies par [Z] [K], la société Setex, la société BLC Courtage Travaux, la société Nefermedia, la société Labsense, la société Grasset et la société Devisscher ;

‘de condamnation au paiement de la somme de

150 000 euros en indemnisation d'un prétendu préjudice de désorganisation ;

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société Bâti courtage ;

‘la somme de 26 472 euros au titre d'un prétendu préjudice de perte d'un actif incorporel ;

‘la somme de 9 100 euros au titre d'un prétendu préjudice pour les travaux de restitution d'un hébergement des données et des sites ;

‘la somme de 38 530 euros au titre d'un prétendu préjudice financier pour l'année 2021 ;

‘la somme de 20 000 euros au titre d'un prétendu préjudice d'atteinte à l'image ;

‘rejeter l'appel incident formé par la société Bâti courtage ;

- rejeter l'ensemble des demandes de la société Bati courtage ;

A titre infiniment subsidiaire :

- juger l'existence et l'application de la clause limitant sa responsabilité à la somme de 1 800,48 euros ;

En conséquence :

- infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré non écrites les clauses de limitation de responsabilités des contrats la liant à la société Bâti courtage ;

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande d'ordonner l'application de la clause de limitation de responsabilité ;

- ordonner l'application de cette clause de limitation de responsabilité et ainsi limiter sa condamnation à une somme qui ne saurait dépasser 1 800,48 euros ;

En tout état de cause :

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société Bâti courtage la somme de 7 000 euros à titre d'indemnité en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée aux entiers frais et

dépens ;

- rejeter l'appel incident interjeté par la société Bâti courtage ;

- condamner la société Bati courtage à lui verser la somme de

25 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Bati courtage aux entiers dépens de la présente instance.

[*]

Par conclusions signifiées par voie électronique en date du 16 octobre 2024, la société Bâti courtage, demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

- déclaré non-écrite la clause 7.7 de force majeure du contrat la liant à la société OVH ;

- dit que le contrat OVH relatif à la sauvegarde souscrit doit s'interpréter comme suit « L'espace de stockage alloué à l'option Backup est physiquement isolé de l'infrastructure dans laquelle est mise en place le Serveur Privé Virtuel du Client », c'est-à-dire dans un lieu physiquement différent du lieu de stockage des données du serveur principal ;

- dit que la SAS OVH avait commis un manquement contractuel ;

- débouté la société OVH de ses demandes ;

o de juger que la société OVH avait respecté ses obligations en matière de sauvegarde des données à son égard ;

o que la SAS OVH avait respecté ses obligations en matière de mise en 'uvre de mesures de

sécurité ;

o et que la SAS OVH avait respecté ses obligations en matière de localisation des sauvegardes ;

- déclaré non écrites les clauses de limitation de responsabilité des contrats la liant à la SAS OVH ;

- débouté la SAS OVH de sa demande d'ordonner l'application de la clause de limitation de responsabilité ;

- condamné la société OVH à lui payer la somme de 7 000 euros à titre d'indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la SAS OVH aux entiers frais et dépens ;

- infirmer le jugement en ce qu'il a :

- dit que les contrats la liant à la société OVH relèvent de l'obligation de moyens ;

- dit que la société OVH n'avait pas commis de faute lourde ou de graves manquements à la sécurité anti incendie de son data center de [Localité 6] ;

- limité les condamnations de la société OVH à lui payer :

‘la somme de 26 472 euros au titre du préjudice pour perte d'un actif incorporel ;

‘la somme de 9 100 euros au titre du préjudice pour les travaux de restitutions d'un hébergement, des données et des sites ;

‘La somme de 38 530 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice financier pour l'année 2021 ;

‘La somme de 20 000 euros au titre du préjudice de l'atteinte à son image ;

- débouté de ses autres demandes indemnitaires ;

Statuant à nouveau :

- juger que la société OVH a failli à ses obligations de résultat (l'accès au serveur, le fonctionnement du matériel et la disponibilité et sécurité des données n'ont pas été assurés) ;

- juger que la SAS OVH a commis une faute lourde / de graves manquements à la sécurité incendie de son datacentre de [Localité 6] ;

- En conséquence,

- condamner la société OVH à lui payer la somme de 6 365 281 euros en réparation des préjudices subis, se décomposant comme

suit :

- 264 720 euros au titre de la perte d'actif incorporel ;

- 292 306 euros au titre du préjudice de destruction de travaux externes réalisés de 2014 à 2021 sur ses sites à elle, intimée ;

- 1 034 520 euros au titre de la destruction des URLs et de la perte de valeur en résultant ;

- 183 967 euros au titre des frais de travaux de restitution d'un hébergement, des données et des sites ;

- 1'871'768 ‘au titre des préjudices financiers pour les années 2021, 2022 et 2023 ;

- 200 000 euros au titre des dépenses engagées en interne ;

- 1 968 000 euros au titre de la perte de leads et de contenu ;

- 150 000 euros au titre de la désorganisation ;

- 400 000 euros au titre de l'atteinte à l'image ;

* en toute hypothèse :

- débouter la société OVH de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner la société OVH à lui payer au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 25 000 euros, ainsi que les entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de la SCP Processuel, avocat aux offres de droit.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIVATION :

I - Sur la faute reprochée à la société OVH par la société Bâti courtage :

La société OVH rappelle que :

- la société Bâti courtage n'a souscrit auprès d'elle qu'un service de serveur privé virtuel, avec une option de sauvegarde standard, faisant le choix de ne pas souscrire un service associant une sauvegarde géographiquement distante de ses données, qui lui était pourtant proposé ;

- la société Bati courtage est seule responsable de sa politique de sauvegarde, laquelle a été la cause exclusive du préjudice qu'elle prétend avoir subi ;

- elle, société OVH, n'avait pas l'obligation, en l'absence de souscription d'un service par la société Bâti courtage, de sauvegarder les données dans un autre datacentre, que ce soit au titre d'une obligation de moyen ou de résultat.

Elle revient sur les différentes offres qu'elle propose, et notamment :

- des services de sauvegarde, associés aux différents services offerts ou indépendants, qui sont soit localisés dans le même datacentre que le serveur principal à défaut de stipulation contraire, soit dans des datacentres distants ;

- plus particulièrement les VPS, des services de snapshots (soit un instantané de la machine virtuelle qui ne constitue pas une sauvegarde pérenne des données), un espace de sauvegarde simple dans lequel les utilisateurs de VPS peuvent déposer et récupérer leurs fichiers sur un espace disque dédié de manière manuelle, soit une sauvegarde automatisée qui est planifiée quotidiennement, exportée du serveur puis répliquée automatiquement au sein du même datacentre ;

- dans le cadre d'autres services, des mécanismes de sauvegarde permettant la mise en place de sauvegardes dans d'autres datacentres, par exemple pour les services de « cloud privé », avec option de sauvegarde « Veeam Backup Managed » qui, dans ses versions Advanced et Premium, prévoit explicitement une réplication hors site ;

- un service de plan de reprise d'activité multisite « pour protéger [les] environnements critiques de la perte de données, de dysfonctionnements techniques ou d'interruptions de service. La plate-forme Zerto, managée par OVHcloud, garantit la résilience de vos données dans le datacenter de [son] choix ».

A titre principal, elle conclut à l'absence de manquement à ses obligations contractuelles, soulignant que :

- la société Bâti courtage ne justifie pas avoir établi un plan de reprise d'activité, ni même une politique de sauvegarde, ce qui était de sa seule responsabilité, et encore moins, contrairement à ce qu'elle semble prétendre, avoir souscrit à un tel service auprès d'elle, société OVH ;

- les services et les conditions générales et particulières souscrites par la société Bâti courtage sont particulièrement clairs quant à la répartition des obligations entre elle-même et la société Bâti courtage, laquelle n'a souscrit qu'une offre de serveurs virtuels privés ou « VPS », auxquels elle, société OVH, s'est engagée à assurer l'accès et la possibilité d'y stocker des données ; l'hypothèse d'un dysfonctionnement des serveurs et d'une perte ou d'une indisponibilité des données y est expressément prévue ;

- les conditions générales souscrites par la société Bâti courtage excluent sa responsabilité à elle, société OVH, en cas de « perte, altération ou destruction de tout ou partie des contenus (informations, données, applications, fichiers ou autres éléments hébergés sur l'infrastructure, dans la mesure où elle, société OVH, n'est pas en charge de la gestion de la continuité des activités du client et notamment des opérations de sauvegarde », ce que confirme l'article 6 des conditions particulières VPS souscrites ;

- le choix d'un hébergement, d'une triple réplication, du lieu d'hébergement, de la mise en place et des modalités d'une politique de sauvegarde incombe, non pas au prestataire de services d'hébergement de contenus, mais bien à la société qui cherche à faire héberger et à faire sauvegarder ses données, précisant que la souscription à une option de sauvegarde locale n'équivaut donc naturellement pas à la définition et à la mise en place d'une politique de sauvegarde.

Elle ajoute que :

- son site internet indiquait précisément que les « sauvegardes et réplications sont localisées au plus proche de votre VPS », de sorte qu'il fallait « acheter un nouveau service VPS dans le nouvel emplacement et transférer [les] données manuellement » et qu’« un VPS ne peut être ni migré, ni « copié » vers un autre datacentre » ;

- contrairement à ce qu'estime la société Bâti courtage, prévoir qu'il appartient au client ayant justement souscrit une option de sauvegarde d'effectuer une sauvegarde sur un site externe a un sens, en ce qu'il lui appartient ainsi librement, et à lui seul, d'établir sa politique de sauvegarde et de choisir les services de sauvegarde auprès d'elle-même OVH, ou d'autres prestataires ;

- contrairement à ce que soutient la société Bâti courtage, elle rapporte la preuve qu'au stade de la souscription de ses services en avril 2018, cette société pouvait souscrire une option de plan de reprise d'activité « Zerto », cette option étant déjà disponible sur le site internet d'OVH en novembre 2017, voire aurait pu également, depuis 2019, souscrire à une option « Veeam backup managed » dans ses configurations Advanced et Premium.

Elle s'oppose à la thèse de la société Bâti courtage qui prétend que les soi-disant obligations de « stockage », de « sécurisation », de « disponibilité » et de « d'accessibilité » des données seraient de résultat, en ce que cette dernière obligation découlerait de la notion de « disponibilité ».

Elle ajoute que :

- cette allégation ne repose sur aucune disposition légale, aucune jurisprudence ni aucune disposition contractuelle, ladite allégation étant factuellement et juridiquement erronée ;

- à l'instar de l'ensemble des prestataires de services d'hébergement et de services d'infrastructures managés, en raison de la haute technicité des services dont il est question, elle, société OVH, est soumise à une obligation de moyens et s'engage à déployer ses « meilleurs efforts » afin d'assurer la meilleure disponibilité des serveurs loués ;

- classiquement, en matière d'obligation de moyens, il appartient au demandeur de démontrer que son cocontractant n'aurait pas mis en 'uvre tous les moyens légitimement attendus pour parvenir à exécuter son obligation, ce que la société Bâti courtage s'abstient de faire ;

- afin de récupérer les espaces de stockage souscrits par la société Bâti courtage, elle a sécurisé les locaux, diligenté des expertises et enquêtes, et procédé au rétablissement de l'électricité, entrepris de sortir des décombres, une fois sécurisés, l'intégralité des serveurs et fait appel à des prestataires pour l'aider à nettoyer chacun des serveurs ainsi identifiés, puis, quand cela était possible, les a remis en service afin de voir si des données pouvaient être récupérées.

Elle précise qu'il n'est pas établi qu'elle aurait commis une faute lourde ou de graves manquements à l'égard de la sécurité anti-incendie de son site de [Localité 6] et qu'il n'est pas démontré que ses choix techniques auraient un lien de causalité avec l'incendie.

Elle conteste avoir violé ses obligations contractuelles en réalisant les « backups » dans le même datacentre que le serveur vps248938.ovh.net, puisque :

- ni les prescriptions contractuelles, ni les descriptions des services présentes sur le site internet OVH ne stipulaient une obligation à sa charge de localiser le serveur de sauvegarde dans un datacentre distinct ;

- si la sauvegarde est bien exportée vers un « espace physiquement différent du serveur où sont stockées les données principales », cela ne signifie toutefois pas que cet espace différent soit un bâtiment différent ou un datacentre différent, mais qu'il s'agit d'une pièce ou d'un serveur différent du serveur où sont stockées les données principales ;

- le fait qu'un espace de stockage destiné à stocker des sauvegardes soit situé sur un serveur « différent » et isolé de celui du serveur principal permet d'éviter les conséquences de la grande majorité des événements pouvant affecter un espace de stockage, tels qu'une défaillance technique d'un élément physique composant ce serveur (un processeur défaillant, une connectivité interrompue, une panne d'électricité), ou encore une corruption ou un piratage des données et, dans le cas de la survenance de ces événements, une reconstruction rapide des données ;

- elle n'a jamais indiqué à la société Bâti courtage que la sauvegarde du VPS serait localisée dans un datacentre différent.

Concernant l'obligation de disponibilité, elle pointe qu'elle s'engage sur une certaine disponibilité des serveurs et non à la disponibilité des données de ses clients, contrairement à ce qu'affirme la société Bâti courtage ; conformément à cette obligation, elle a accordé le 3 mai 2021 à la société Bâti courtage un bon d'achat de 941,22 euros, qui représente l'équivalent de 6 mois de services souscrits par ce client.

La société Bâti courtage expose que :

- au vu de la valeur économique considérable des sites exploités par ses soins, de la valeur tout aussi importante des données y afférentes (« leads », contacts, contenu éditorial et technique), mais aussi et surtout, au vu de la notoriété et du référencement acquis par lesdits sites leur permettant de figurer dans les plus hautes pages des moteurs de recherches, elle a, en complément du contrat de location de serveur VPS, souscrit auprès de l'appelante une option contractuelle complémentaire de « sauvegarde automatisée » permettant la préservation et la récupération des données du serveur dédié, option interdépendante du service d'espace de stockage alloué à l'option de « backup »;

- cette option contractuelle essentielle a été sollicitée au vu de l'offre de la société OVH qui présente le service comme permettant de garantir le redémarrage de l'activité en cas de défaillance technique ou de mauvaise manipulation, l'offre précisant en outre qu'elle s'appuie sur une fonction « auto-backup » qui affranchit le client de toutes complexités puisque « concrètement une sauvegarde [du] VPS (hors disques additionnels) est planifiée quotidiennement, exportée puis répliquée trois fois avant d'être disponible dans [l'] espace client » ;

- les dispositions relatives au service de backup automatisé indiquent que la société OVH s'engage à ce que l'espace de stockage alloué à l'option de backup soit physiquement isolé de l'infrastructure dans laquelle est mis en place le serveur privé virtuel du client et qu'en cas de défaillance de l'espace de stockage alloué à l'option de backup et/ou si des données de celui-ci étaient corrompues ou inaccessibles, la société OVH effectue une nouvelle sauvegarde des données du client.

La société Bâti courtage ajoute que :

- à la suite de l'incendie, la société OVH n'a ni assuré l'accès aux sites internet, ni retransmis les données, ni, enfin, réactivé l'activité atteinte, ce qui a entraîné une érosion grandissante et exponentielle en termes de référencement ;

- elle, société Bâti courtage, n'a alors eu d'autres possibilités que de prendre les devants et d'engager des moyens financiers et humains particulièrement importants, tant auprès de ses propres équipes que de prestataires extérieurs, afin de tenter de reconstituer, dans l'urgence, les sites internet à partir de données anciennes qu'elle avait conservées ;

- elle n'a ainsi pu que constater que la société OVH, pourtant tenue, d'une part, de maintenir en état de fonctionnement le matériel et de permettre l'accès au serveur 24h/24 tous les jours de l'année, d'autre part, d'intervenir rapidement en cas d'incident, d'assurer le maintien au meilleur niveau de la qualité de ses outils et enfin de sauvegarder et d'assurer la récupération des données, a failli à ses engagements contractuels les plus élémentaires.

La société Bâti courtage fait valoir que :

- la société OVH a été missionnée et payée pour assurer les sauvegardes (trois au total) du serveur principal (dont elle avait aussi la responsabilité), et ce dans les règles de l'art, et notamment dans le respect de la règle « 3-2-1 » que l'appelante met en avant sans vouloir se l'appliquer à elle-même ;

- la formulation des documents commerciaux de la société OVH présentant l'offre de sauvegarde automatique et le contrat relatif à cette offre ne laissent aucun doute sur le fait que les données de la sauvegarde doivent être stockées dans un espace physiquement différent du serveur où sont stockées les données principales ;

- la société OVH avait les moyens de stocker les données de sauvegarde dans un autre datacentre pour réaliser sa mission conformément aux règles de l'art et à l'objet du contrat, qui était de mettre les données en sécurité, en les répliquant trois fois et en les exportant dans l'intérêt de son client ;

- stocker les données censées être sauvegardées au même endroit que le serveur principal, et a fortiori conserver toutes les copies de sauvegarde de ces données au même endroit, procède « non seulement d'un piétinement des engagements contractuels de l'appelante mais également, hors de tout contrat, d'une hérésie technique » ;

- aucune offre spécifique de sauvegarde sur site distant ne lui a été proposée, une pseudo offre ayant été créée par la société OVH, à quelques jours de la plaidoirie, pour les besoins de sa cause, aucun choix entre une « option de sauvegarde spécifique » et une « option de sauvegarde distante » ne lui ayant été permis, à l'époque, puisqu'elle n'existait pas, et si elle existait, elle, société Bâti courtage, n'en pas été informée ;

Elle en conclut que :

- « du fait de négligences et de décisions coupables et contraires aux termes du contrat souscrit mais également aux règles de l'art, » la société OVH n'a assuré ni la disponibilité et la récupération des données ni la sécurité de ses services ;

- les sauvegardes de sécurité devant se faire en trois exemplaires et sur des serveurs distincts, auraient dû permettre la préservation et la récupération des données du serveur dédié ;

- la question du backup et de sa responsabilité est hors de propos, puisque les données ont effectivement été stockées et sauvegardées sur lesdits serveurs, mais ces données, bien qu'enregistrées sur les disques durs des serveurs de sauvegarde, n'ont pas été préservées par la société OVH comme elle devait le faire, du fait de ses manquements et défaillances qui ont conduit à la destruction pure et simple des infrastructures physiques hébergeant les données.

Elle ajoute d'ailleurs qu'à la suite de l'incendie, la société OVH propose désormais à ses clients de répartir les sauvegardes sur des datacentres différents en installant plusieurs centres de données en région parisienne consacrés aux sauvegardes de services hébergés dans les centres d'OVH à [Localité 6], [Localité 5] et [Localité 4].

Elle estime que :

- la société OVH elle-même admet qu'en présence de services de sauvegarde, le prestataire de service est tenu à des obligations de sécurisation, de disponibilité et d'accessibilité des données ;

- le rôle de la société OVH ne s'est pas limité à celui d'un loueur d'un espace de stockage de données ;

- « les obligations claires, binaires et très simples [de la société OVH] à mettre en 'uvre pour tout professionnel qui s'en donne la peine, sont donc des obligations de résultat » ;

- si par extraordinaire l'analyse des premiers juges était retenue quant à une obligation de moyens, la cour confirmera néanmoins que l'appelante a gravement manqué à ses obligations en ce qu'elle n'a pas « fait ses meilleurs efforts » pour fournir des espaces de stockage sécurisés, comme elle le devait ;

- la société OVH ne saurait affirmer que l'obligation de disponibilité se cantonne à la disponibilité des serveurs et non la disponibilité des données de ses clients en se fondant sur les dispositions des conditions particulières VPS ; le serveur privé virtuel contient les données stockées et garantir son accès, c'est garantir l'accès aux données.

 

Réponse de la cour :

Aux termes des dispositions des articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

En vertu de l'article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

Enfin, conformément aux dispositions de l'article 1353 du même code, il appartient à la société Bâti courtage, qui invoque un non-respect par la société OVH des obligations qu'elle a souscrites, de rapporter la preuve des fautes invoquées, et ce par tous moyens, s'agissant de faits juridiques.

A titre liminaire, premièrement, et quand bien même les parties consacrent d'importants développements aux différentes décisions, de première instance ou d'appel, intervenues sur des litiges opposant des clients à la société OVH, le manquement de la société OVH à ses obligations, dans le présent litige, doit être examiné au regard des obligations contractuellement souscrites et liant les parties, et des règles de l'art applicables en la matière.

La spécificité du présent litige tient, en l'espèce, au fait, qu'aux côtés de la convention de location d'un serveur virtuel privé, la société Bâti courtage a également souscrit un service de sauvegarde automatisée, les parties s'opposant essentiellement sur le contenu et l'étendue de cette dernière obligation.

Il doit néanmoins d'ores et déjà être noté que ni la réalisation régulière de la sauvegarde par la société OVH ni la qualité de cette sauvegarde ne sont discutées dans le présent litige, et ce en dépit certaines remarques de la société Bâti courtage, cette dernière indiquant clairement (en gras) dans les motifs de ses écritures qu’« elle n'a jamais fait de reproche en ce sens à son prestataire OVH ».

Deuxièmement, il sera également observé que c'est sans aucun fondement que la société Bâti courtage évoque un certain nombre de faits comme valant, selon elle, une reconnaissance, voire un aveu, de responsabilité de la part de la société OVH, laquelle a toujours contesté fermement sa responsabilité.

En effet, le seul fait que la société OVH ait pu provisionner une somme de plus de 31 millions dans ses comptes n'est pas de nature à valoir reconnaissance de responsabilité, s'agissant uniquement pour la partie, victime d'un sinistre, d'une application des règles et exigences de prudence existant en matière comptable.

Par ailleurs, de la modification des locaux à la suite du sinistre, avec notamment l'abandon de la construction de datacentre au moyen de des conteneurs maritimes, d'une part, de la modification du contenu des services offerts aux clients par le biais désormais de sauvegarde sur sites distants, d'autre part, il ne peut pas plus être tiré une reconnaissance d'une inadaptation et d'un non-respect de ses obligations de la part de la société OVH, s'agissant d'évolutions illustrant une volonté de ce prestataire de tirer les leçons des difficultés mises en lumière par l'incendie subi et de faire évoluer en conséquence l'offre mise en 'uvre par ses soins.

Troisièmement, la cour observe que les importants développements consacrés par la société OVH aux règles de l'art en matière de politique de sauvegarde et au système de sauvegarde mis en 'uvre par la société Bâti courtage, et notamment à la conformité dudit système aux règles de l'art, sont sans emport sur la faute éventuellement commise par la société OVH qu'il appartient à la société Bâti courtage de caractériser.

Tout au plus, à supposer le non-respect des règles de l'art par la société Bâti courtage établi et susceptible de constituer une faute, cela constituerait un moyen à prendre en compte en termes de partage de responsabilité ou de limitation de l'indemnisation accordée, ce que la société OVH ne plaide pas expressément dans ses conclusions d'appel.

Quatrièmement, la société Bâti courtage ne structure pas les développements qu'elle consacre aux manquements contractuels de la société OVH, (pages 18 à 51), abordant pèle-mêle les obligations découlant des contrats souscrits, ses griefs et également la nature des obligations, en termes d'obligations de moyen et de résultat, la question de l'incendie ainsi que des moyens mis en œuvre pour éviter un tel incendie, avant d'envisager la question de la force majeure.

La cour parvient cependant à extraire de ces développements deux séries de griefs formulées par la société Bâti courtage : l'une tenant à un manquement à une obligation de sauvegarde géographiquement et physiquement isolée, l'autre tenant à un manquement à une obligation de préservation des données, l'obligation de sauvegarde comportant nécessairement une obligation de fourniture d'un espace de stockage sécurisé et une obligation de disponibilité et de sécurité des services.

Dès lors qu'est alléguée une inexécution des obligations de la société OVH et que les parties divergent quant à l'étendue de ces obligations, c'est à la société Bâti courtage, demanderesse à l'indemnisation de ses préjudices, de démontrer le contenu de la réglementation applicable comme le contenu du ou des contrat(s).

En l'espèce, la société Bâti courtage a souscrit auprès de la société OVH la location d'un serveur privé virtuel, en se soumettant aux « conditions générales d'OVH Cloud » ainsi qu'aux conditions particulières du service de serveur privé virtuel, dont la société Bâti courtage ne conteste pas qu'elles lui sont opposables dans leurs versions produites aux débats (pièces d'OVH n° 2 et 3 ou pièces de Bâti courtage n° 4 et 6). Les parties y ont adjoint, le 13 avril 2018, un « service de Backup automatisé », objet d'une annexe 1 (pièce n° 6 d'OVH), dont la teneur n'est pas discutée par la société Bâti courtage.

Il s'extrait de ces pièces contractuelles que la société OVH avait pour obligation, d'une part, de mettre à disposition de son client un serveur privé virtuel disposant de ressources dédiées et de ressources appartenant au serveur hôte, d'autre part, d'en assurer la disponibilité.

Il y est expressément précisé que le client est seul responsable de la gestion des données qu'il décide d'y placer et de leur intégrité, tel que cela résulte des articles 3 des conditions générales et 7-3 des conditions particulière VPS.

En outre, par le biais de l'annexe 1, la société Bâti courtage a souscrit à « l'option de Backup proposée par OVH [..], basée sur une solution développée par un tiers et intégrée à l'interface de gestion ['], permet[tant] au client de restaurer son serveur privé virtuel ou tout ou partie des données stockées sur celui-ci. »

Ainsi, si la société Bâti courtage avait en charge la définition et la mise en œuvre de sa propre politique de sauvegarde, elle avait néanmoins souscrit auprès de la société OVH une option de sauvegarde automatisée, les parties s'opposant sur la teneur et le contenu de cette dernière obligation.

 

Sur le caractère « physiquement isolé » du serveur de sauvegarde :

Il doit être, au préalable, noté que l'affirmation de la société OVH suivant laquelle le « backup » (défini ci-après) était situé sur un serveur différent de l'infrastructure dans une salle de serveurs différente de celle du serveur VPS principal, disposant de son propre réseau et de sa propre bande passante, et séparée physiquement de la salle du serveur principal, c'est-à-dire, dans un serveur, une baie et une salle différents, n'est pas critiquée par la société Bâti courtage.

En l'espèce, la société Bâti courtage reproche à la société OVH d'avoir stocké dans un même lieu géographique, objet de l'incendie, le serveur principal ainsi que le « backup », constitué par les 3 répliques effectuées quotidiennement dans le cadre de l'offre de sauvegarde, et ainsi de n’avoir respecté ni l'engagement, figurant dans l'annexe 1, de dédier « un espace de stockage alloué à l'option Backup physiquement isolé de l'infrastructure dans laquelle est mis en place le serveur privé virtuel », ni les règles de l'art applicable en la matière.

Premièrement, si la notion d'infrastructure est définie par les conditions générales de services comme étant l’« ensemble des éléments physiques et virtuels appartenant au groupe OVHcloud ou étant sous sa responsabilité, mis à disposition par OVHcloud dans le cadre des services, et pouvant être constitué notamment d'un réseau, de bande passante, de ressources physiques et de logiciels et/ou application » ( article 13 des conditions générales de service), sans même qu'il soit nécessaire de recourir au glossaire OVH (pièce d'OVH n°15), dont l'auteur est inconnu et dont l'opposabilité à la société Bâti courtage n'est pas démontrée, l'expression « physiquement isolé de l'infrastructure » ne donne lieu à aucune définition spécifique dans les conditions générales précitées.

Les discussions des parties sur la possibilité de souscrire des serveurs et des sauvegardes distantes géographiquement, juste avant ou après l'incendie, en mars 2021, ne sont pas de nature à déterminer, avec certitude le sens de cette expression « physiquement isolé » ni, ainsi, le contenu de l'offre souscrite par la société Bâti courtage en avril 2018.

Si la commune intention des parties peut être déterminée en fonction d'éléments postérieurs à la conclusion d'une convention, encore faut-il établir que l'offre n'ait pas été ultérieurement modifiée, ce qui n'est aucunement démontré en l'espèce.

Ainsi, les extraits de site internet, versés aux débats par la société OVH, à savoir la copie d'écran du site internet « OVH cloud service PRA » au 9 septembre 2018 (pièce 32), la copie d'écran du site internet « Autobakup » (pièce 34), l'extrait du site internet OVH au 8 mars 2021 (pièce 36), l'extrait du site internet OVH au 14 mai 2020 (pièce 37), l'extrait des site internet et VPS au 19 mars 2021 (pièces 45 et 46), sont insuffisants pour, d'une part, attester de la présence d'offres précisant bien le caractère géographiquement distant des différentes offres pouvant être souscrites ou d'un backup « au plus proche » lors de la souscription de la convention par la société Bâti courtage, d'autre part, déterminer le sens à donner à l'expression précitée.

Néanmoins, la société Bâti courtage procède par voie de confusion et amalgame lorsqu'elle déduit de l'expression « physiquement isolé » que le backup devait être géographiquement isolé de l'infrastructure contenant le serveur privé, soit dans un datacentre géographiquement différent.

En effet, en l'absence de définition contractuelle spécifique résultant des conditions générales de service, la cour estime que l'expression « physiquement isolé » doit s'entendre dans son sens commun, à savoir comme ce qui est séparé de tout ce qui est voisin, ou encore à l'écart l'un de l'autre. Ainsi, cela renvoie à l'idée de services reposant sur des infrastructures distinctes et séparées, n'ayant pas de contact entre elles, sans nécessairement qu'elles soient géographiquement éloignées. Juger le contraire reviendrait à ajouter a posteriori au contrat une condition qu'il ne prévoit pas.

Cette interprétation est d'ailleurs confirmée par les extraits de site internet OVH, reproduits dans le constat d'huissier réalisé le 24 septembre 2024, par consultation des copies écran d'archives internet présentes sur le site web.archive.org, qui permettent d'établir, d'une part, qu'il n'était mentionné dans l'offre aucune condition de distanciation géographique entre le serveur VPS et le backup (pièce 33 et pièce 47 page 125 sur 638), d'autre part, qu'il existait une offre de reprise d'activité et de sauvegarde à distance d'ores et déjà en avril 2018, mais distincte de l'offre backup souscrite par la société Bâti courtage (pièce 47 pages 239 à 260 sur 638).

Les propres pièces de la société Bâti courtage, et plus particulièrement la pièce n°5 relative à l'offre « sauvegarde VPS », qui n'est pas datée mais dont nul ne discute qu'elle soit contemporaine de la souscription de l'option de sauvegarde par la société Bâti courtage, confortent ces deux points.

En effet, en dépit du caractère parcellaire de la copie écran produite, la société Bâti courtage se gardant bien de communiquer l'intégralité de l'offre en ne produisant que son premier tiers, il en ressort, d'une part, qu'il était expressément proposé « deux méthodes pour sauvegarder vos données », parmi lesquelles la sauvegarde automatique à partir de 3 euros par mois, seule reproduite, d'autre part, qu'étaient définies les principales caractéristiques de la sauvegarde en termes de disponibilité et de régularité, sans aucune référence à une quelconque distanciation géographique de cette sauvegarde avec le serveur VPS.

Ainsi, c'est sans aucun fondement contractuel que la société Bâti courtage affirme que la société OVH aurait manqué à une prétendue obligation de localiser les infrastructures détenant la sauvegarde et le VPS dans des entités géographiquement distinctes et distantes.

Deuxièmement, il n'est pas démontré par la société Bâti courtage qu'existerait une obligation, résultant des règles de l'art applicable en matière de sauvegarde, pesant sur le prestataire d'une option backup, de conserver lesdites sauvegardes (données répliquées trois fois) dans des endroits distincts et séparés l'un de l'autre, et également du serveur sauvegardé.

En effet, il n'est justifié ni du caractère normatif et contraignant des recommandations relatives à une politique de sauvegarde « 3-2-1 » - soit 3 copies au moins, avec 2 médias et systèmes mis en œuvre, et au moins 1 site externe pour la seconde sauvegarde -, auxquelles la société Bâti courtage se réfère, ni de leur applicabilité au prestataire de service dans le cadre d'un option de backup, dès lors que le client demeure responsable de sa politique de sauvegarde, ce que rappelle expressément tant les conditions générales que les conditions particulières de service et l'annexe 1.

Dès lors, aucune faute, et encore moins une faute lourde, ne saurait être reprochée de ce chef à la société OVH.

Troisièmement, à supposer que les écritures de la société Bâti courtage puissent s'interpréter comme reprochant à la société OVH un manquement à un devoir de conseil ou d'information sur l'absence de distanciation géographique des deux infrastructures, il doit être observé que :

- aucun des documents contractuels et aucune copie-écran des sites internet existant au jour de la conclusion de la convention, ne laissaient planer d'ambiguïté quant à une localisation géographiquement distante ;

- la société Bâti courtage ne verse aux débats qu'une pièce présentant de manière parcellaire l'offre OVH en matière de sauvegarde, sans permettre de déterminer quels étaient le contenu et le coût de la seconde offre proposée, ce qui permettait d'attirer ainsi le souscripteur par comparaison sur les caractéristiques, propres à chaque offre, et d'éclairer le choix effectué ;

- il n'est nullement démontré que pèserait une obligation particulière de conseil ou d'information du prestataire vis-à-vis de son client, dont il ne doit pas être occulté qu'il s'agit en l'espèce d'un professionnel averti, disposant de services informatiques spécialisés, la société Bâti courtage soulignant en effet avoir un « business modèle principalement fondé sur l'activité Web et avoir, depuis sa création en 2007, développé son activité quasi exclusivement au travers de sites internet.

Ce grief n'est donc pas non plus fondé.

 

Sur la teneur de l'option de sauvegarde automatisée :

La société Bâti courtage estime que cette obligation de sauvegarde engendrait une obligation de préservation des données, en ce sens que l'obligation de sauvegarde comportait nécessairement une obligation de fourniture d'un espace de stockage sécurisé et une obligation de disponibilité et de sécurité des services, qui n'a pas été respectée par la société OVH. Cette dernière lui oppose la nature de cette obligation constituée, selon elle, d'une simple obligation de moyens.

Premièrement, des stipulations contractuelles unissant les parties, on peut retenir que :

- suivant l'article 7 des conditions particulières VPS, « OVHcloud n'assure en ce sens que l'accès du client à son serveur privé virtuel lui permettant de stocker ses données et celles de ses clients », la société OVH s'engageant à un taux de disponibilité mensuelle de 99, 99 % (article 11) ;

- suivant les conditions générales de services et les conditions particulières VPS, le client est seul responsable, d'une part, de la gestion des données qu'il décide d'y placer (articles 3-2, 3-5, 7-4 des conditions générales, article 7-3 des conditions particulières VPS) et de leur intégrité (article 3-5 des conditions générales), d'autre part, de la mise en œuvre de sa politique de sauvegarde, puisqu'« il appartient au client de prendre toutes mesures nécessaires à la sauvegarde de ses contenus afin de se prémunir contre les risques de perte ou de détérioration, quelle qu'en soit la cause (article 3-5 des conditions générales), l'article 5-3 des conditions générales excluant la responsabilité de la société OVH en cas de « perte, altération ou destruction de tout ou partie des contenus (informations, données, applications, fichiers ou autre éléments) hébergés sur l'infrastructure, dans la mesure où OVHcloud n'est pas en charge de la gestion de la continuité des actives du client et notamment des opérations de sauvegardes » ;

- l'article 6 des conditions particulières VPS prévoit que « OVH n'effectue aucune sauvegarde spécifique des données stockées sur le serveur privé virtuel du client. Il appartient en conséquence au client de prendre toutes mesures nécessaires à la sauvegarde de ses données en cas de perte, ou de détérioration des données confiées, quelle qu'en soit la cause, y compris celles non expressément visées par les présentes », l'article 7-8 des mêmes conditions précisant que « les technologies de virtualisation utilisées par OVH pour la gestion du serveur privé virtuel du client ne sauraient en aucun cas s'apparenter à une obligation de résultat à la charge de la société OVH quant à la conservation des données du clients. L'ensemble des mesures visant à la sauvegarde des données demeurant à la charge exclusive du client » ;

- l'annexe 1, relative au service de backup automatisé, souscrite par la société Bâti courtage confirme le fait que la société OVH n'a ni la connaissance et la responsabilité des données sauvegardée, ni la responsabilité de la politique de sauvegarde, « OVH ne particip[ant] aucunement à la conception, au développement et à la réalisation de la solution Backup » ;

- il y est prévu que l'option backup proposée « permet au client de sauvegarder et restaurer son serveur privé virtuel ou tout ou partie des données stockées sur celui-ci », puisque le client « pourra récupérer tout ou partie de ses données via son interface de gestion », ce client devant « s'assurer que les backup ont bien été effectués conformément à sa demande et à la configuration choisie » et la société « OVH dégage[ant] toute responsabilité quant à la bonne exécution de la sauvegarde » ;

- les conditions générales et particulières rappellent que la société OVH est « soumise à une obligation de moyen » (articles 2-3 des conditions générales et 2 des conditions particulières VPS), la société OVH « s'engageant à apporter tout le soin et la diligence nécessaires à la fourniture de services de qualité, soit « conformément aux caractéristiques, modalités et niveaux de service prévus au contrat » (article 2- 3 des conditions générales), soit « conformément aux usages de la profession et à l'état de l'art » (article 5 conditions particulières VPS et stipulation de l'annexe 1).

S'il ressort indéniablement de ces stipulations que seule la société Bâti courtage était responsable de sa politique de sauvegarde des données se trouvant sur son serveur privé virtuel et des modalités de mise en œuvre de cette politique de sauvegarde, il n'en demeure pas moins qu'elle avait souscrit auprès de la société OVH une option de sauvegarde (ou backup) automatisée, visant à effectuer une copie des données, issues de son serveur, certes à proximité du serveur sauvegardé, mais qui n'en devait pas moins exister et lui permettre, selon les stipulations précitées, de restaurer ses données à partir de son interface de gestion.

Deuxièmement, les stipulations précitées édictent une simple obligation de moyen pesant sur la société OVH quant à la réussite et la qualité de la sauvegarde automatisée, le client devant alors informer la société OVH, qui ne peut être tenue responsable de la non-réalisation de la sauvegarde ou du caractère défectueux de la sauvegarde, afin de procéder à une nouvelle sauvegarde.

Néanmoins, il découle nécessairement de cette option de sauvegarde automatisée que des données sont fixées dans un espace dédié. Et une fois la sauvegarde réalisée, il appartient à la société OVH d'assurer l'accès du client à ces données sauvegardées durant le temps de la convention, et ainsi indirectement de veiller à leur conservation le temps de la relation contractuelle.

Cela est d'ailleurs conforté par les stipulations prévoyant que « l'ensemble des données stockées sur l'espace de stockage alloué à l'option Backup sera effacé par OVH suite au non-renouvellement de l'option Backup ou suite au non renouvellement du serveur privé virtuel, le client [devant] prendre soin de procéder au rapatriement de toutes ses données avant la date d'expiration de l'option backup ».

Ainsi, si la société OVH n'a qu'une obligation de moyen concernant l'effectivité de cette sauvegarde et la qualité de cette sauvegarde, l'obligation de réaliser la sauvegarde est une obligation de résultat et comporte l'obligation pour la société OVH de laisser le client avoir accès à ses données sauvegardées dans l'état dans lequel la sauvegarde est intervenue.

La société OVH estime que la société Bâti courtage procède par confusion quand elle déduit de l'obligation de disponibilité et de sécurité des services (article 2-3 des conditions générales), s'entendant comme « tous services, tels que l'utilisation des produits, éléments d'OVHcloud (infrastructures, réseau ') et l'accès au support, fournis par OVHcloud dans le cadre de l'exécution du contrat », une obligation de disponibilité et de sécurisation des données.

De première part, il doit être noté que, d'abord, dans les motifs de ses écritures, la société OVH s'astreint essentiellement à démontrer que l'obligation de disponibilité et de sécurité du serveur privé virtuel n'était qu'une obligation de moyen et qu'elle n'était soumise à aucune obligation de préservation ou sécurisation des données se trouvant sur le serveur privé virtuel, ce qui n'est nullement contesté en l'espèce, ensuite, les parties ne disconviennent pas de ce que les stipulations précitées, notamment l'article 2-3 des conditions générales et les niveaux de disponibilité de service, s'appliquent également au service automatisé de backup souscrit.

De seconde part, en l'espèce, la réalisation de la sauvegarde, ainsi que d'ailleurs la qualité de la sauvegarde réalisée, ne sont pas critiquées, les parties admettant que la société OVH avait rempli son obligation d'effectuer la copie des données.

Ne sont pas plus discutées la disponibilité du serveur privé virtuel et la disponibilité du service automatisé de backup, compris comme le service de sauvegarde des données, régies par les stipulations précitées, avant la nuit du 9 au 10 mars 2021, disponibilités qui ont toutes deux été néanmoins interrompues par l'incendie.

Mais, compte tenu de l'incendie, la société OVH n'a pas été en mesure de laisser le client accéder aux éléments sauvegardés afin de lui permettre, à partir de ces derniers, de restaurer le service privé virtuel et les données qui se trouvaient fixées sur le serveur de sauvegarde dont la société OVH avait la garde, dans l'état dans lequel ces données se trouvaient lorsqu'elle les y avait fixées.

De troisième part, c'est de manière exacte que la société OVH pointe que cette obligation de disponibilité et de sécurité des services prévue par les conditions générales n'est pas absolue, mais dépend « des caractéristiques, modalités et niveau de service prévus au contrat », voire, s'agissant du serveur privé virtuel, des niveaux de disponibilité prévus à l'article 11 des conditions particulières VPS, intitulé « engagement du niveau de service. »

Cependant, l'obligation d'allouer un espace de stockage à l'option backup et d'en assurer la disponibilité pour laisser au client la possibilité de venir rechercher les données qui y sont fixées comportent par ricochet pour le débiteur, durant le temps de la relation contractuelle, celle d'éviter une altération des données pour qu'une restitution soit possible dans l'état dans lequel elles existaient lors de la sauvegarde.

Le manquement de la société OVH aux obligations souscrites est ainsi établi, l'incendie ayant empêché l'accès à l'espace de stockage alloué à l'option de backup et anéanti la possibilité pour le client de venir y rechercher le résultat du service mis en 'uvre par la société OVH au titre du backup réalisé, puisque les copies se trouvant fixées dans l'espace alloué ont été altérées et perdues en raison du sinistre.

En conséquence, le manquement de la société OVH est de ce chef établi.

 

II- Sur l'exonération ou la limitation de la responsabilité de la société OVH :

A) Sur la question d'une faute lourde paralysant l'application des stipulations exonératoires ou limitatives de responsabilité :

La société OVH conteste toute faute, qui plus est lourde, et en déduit que cela doit conduire à appliquer les clauses contractuelles prévues en ce qui concerne l'exonération, voire la limitation de sa responsabilité.

La société Bâti courtage expose que :

- la société OVH a failli à ses obligations contractuelles en ne réalisant pas les sauvegardes du serveur sur un site distant et en ne prenant pas les précautions de bon sens élémentaire permettant leur préservation et leur mise en sécurité ;

- une analyse de l'ensemble des éléments du dossier démontre les graves manquements et la lourde responsabilité de la société OVH ;

- quand bien même les obligations de la société OVH ne seraient que des obligations de moyens, cette dernière savait que ses infrastructures étaient défaillantes, inadaptées et dangereuses au regard des exigences minimales et des règles de sécurité les plus élémentaires en matière de stockage de serveurs ;

- si les causes de l'incendie sont encore ‘du moins en théorie - inconnues, il est certain que l'accumulation de plusieurs défaillances graves et reconnues par l'appelante ont contribué à la propagation et à l'ampleur de l'incendie qui, ajoutées à l'absence de sauvegarde effective dans un lieu géographiquement distant, constituent indubitablement un manquement grave et lourd.

Réponse de la cour

Aux termes des dispositions de l'article 1231-3 du code civil, le débiteur n'est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou pouvaient être prévus lors de la conclusion du contrat, sauf lorsque l'inexécution est due à une faute lourde ou dolosive.

La faute dolosive est le refus délibéré d'exécuter le contrat sans qu'il y ait, pour autant, intention de nuire. Elle est caractérisée par un comportement d'une extrême gravité, confinant au dol et dénotant l'inaptitude du débiteur de l'obligation à l'accomplissement de la mission contractuelle qu'il avait acceptée (Cass., Com., 3 avril 1990, pourvoi n° 88-14-871). Il est jugé que la faute lourde ne peut résulter du seul manquement à une obligation contractuelle, fût-elle essentielle, mais doit se déduire de la gravité du comportement du débiteur (Cass., Com., 29 juin 2010 n° 09-11.841)

Par ailleurs, le texte précité consacre une jurisprudence constante suivant laquelle la faute lourde, assimilable au dol, empêche le contractant auquel elle est imputable de limiter la réparation du préjudice qu'il a causé aux dommages prévus ou prévisibles lors du contrat et de s'en affranchir par une clause de non-responsabilité (Req. 24 octobre 1932 : DP1932.1.176).

En l'espèce, la société Bâti courtage estime que les manquements de la société OVH procèdent d'une faute lourde, les faits démontrant selon elle, « des prestations entreprises en dépit du bon sens, un mépris des règles de sécurité élémentaires, avec une nonchalance et une indigence rares », et ce en ce qui concerne l'obligation de sauvegarde comme l'obligation de localisation des serveurs.

Cependant, il a été précédemment exposé que ni les obligations contractuellement souscrites au titre de l'option de sauvegarde ni les règles de l'art ou les bonnes pratiques professionnelles applicables en la matière, qui ne sont d'ailleurs ni détaillées ni prouvées par la société Bâti courtage, n'imposaient au prestataire d'effectuer une sauvegarde en l'espèce sur un site externe et géographiquement distant de celui du serveur principal.

Il s'ensuit, qu'en l'absence de toute faute et manquement de ce chef, aucune faute lourde ou dolosive ne peut être reproché à la société OVH à ce titre.

La société Bâti courtage se prévaut de coupures de presse relatives au rapport des pompiers sur l'incendie litigieux et d'extraits du rapport du bureau d'enquêtes et d'analyses sur les risques industriels du 24 mai 2022 (le BEA-RI) pour affirmer le caractère « défaillant, inadapté et dangereux » du datacentre de [Localité 6] dans lequel étaient conservées les données, lequel ne respectait, selon elle, ni les normes de sécurité en matière d'incendie ni les normes applicables aux bâtiments classés.

Il doit être au préalable relevé le caractère parcellaire des éléments transmis, seules quelques pages du rapport du BEA-RI étant versées aux débats (pages 3 à 9 sur 43 et pages 25 à 30 sur 43).

En outre, ce rapport comporte l'avertissement exprès selon lequel « cette enquête a pour seul objet de prévenir de futurs accidents », d'« établir des recommandations de sécurité », et « ne vise pas à déterminer des responsabilités, l'utilisation de ce rapport à d'autres fins que la prévention [pouvant] conduire à des interprétations erronées. »

Ensuite, la société Bâti courtage ne s'astreint à démontrer ni le caractère contraignant des réglementations qu'elle invoque (en matière notamment de système d'extinction automatique) ni la qualification d'installation classée qu'elle attribue aux locaux de la société OVH, et notamment les obligations qui en découleraient et n'auraient pas été respectées, ni enfin le lien entre ces éventuels manquements et le déclenchement de l'incendie dont a été victime la société OVH.

Ainsi, s'il est mentionné dans le rapport du BEA-RI l'absence d'un système d'extinction automatique, ce rapport ne fait état d'aucune obligation d'installation d'un tel système.

Il en est de même de l'insuffisance des moyens en eaux, aucun élément n'établissant que cette insuffisance soit en lien avec une défaillance de la société OVH.

Concernant les éléments relatifs à la tenue et la résistance au feu, notamment de la salle de batteries, les éléments sont insuffisants pour affirmer que le non-respect des obligations en la matière ait eu une incidence sur le déclenchement ou l'aggravation de l'incendie, le BEA-RI soulignant la particularité de ce dernier, lié à un départ simultané de feu dans la salle des batteries et la salle des ondulateurs, non soumise explicitement à la réglementation IPCE.

La société Bâti courtage procède par voie d'affirmations non étayées, énumérant de multiples manquements (absence de système de coupure d'urgence de l'électricité, impossibilité d'aspiration dans la darses, risque toxique lié au plomb, voie d'engin trop étroite, site non répertorié comme sensible, planchers en bois et gaines non isolés coupe-feu), sans établir que la société OVH avait conscience de ces éléments et de leur possible influence, à la supposée établie - ce qui n'est pas le cas, sur le déclenchement et l'aggravation d'un incendie en la matière, et qu'elle n'aurait pris aucune disposition pour cantonner le risque incendie.

D'ailleurs, le rapport souligne en page 30 des éléments mis en œuvre par la société OVH qui ont contribué à limiter les conséquences de l'incendie et sa propagation, tels que l'équipement de détections automatiques optiques et par aspiration, outre les déclencheurs manuels, la présence de personnels sur place alertés rapidement et ayant levé les doutes, la mobilisation rapide du personnel d'astreinte sur la sécurisation électrique du site.

Il est en outre justifié par la société OVH de personnels dédiés et formés à la sécurité incendie, d'une vérification annuelle des moyens d'extinction en 2020 ainsi que l'existence d'une visite du site de [Localité 6] au titre de la sécurité par un organisme tiers qui avait donné lieu à un rapport de vérification, maintenance et désenfumage naturel.

Enfin, l'affirmation du dirigeant de la société OVH indiquant, à la suite d'une panne électrique survenue en 2017, avoir « réalisé que le datacentre en containers maritimes n'est pas adapté aux exigences de notre métier », ne peut être sortie de son contexte par la société Bâti courtage ni généralisée pour en déduire que la société OVH avait connaissance et conscience d'une inadaptation totale de l'organisation des datacentres de [Localité 6], d'autant moins que l'incendie a touché le bâtiment SBG2, lequel n'est pas constitué de conteneurs maritimes.

En conséquence, au vu de l'ensemble de ces éléments, n'étant pas démontré que la société OVH se serait mise dans l'incapacité de respecter les obligations qu'elle avait souscrites, aucune faute lourde n'est démontrée par la société Bâti courtage. La décision des premiers juges sur ce point est donc justifiée.

La société Bâti courtage ne peut dès lors prétendre que la société OVH ne peut, pour ce motif, lui opposer les stipulations contractuelles exonératoires ou limitatives de responsabilité.

 

B) Sur la question de l'incendie et les stipulations exonératoires de responsabilité :

A titre subsidiaire, la société OVH estime que sa responsabilité ne saurait être engagée du fait du caractère de force majeure de l'incendie, exposant que :

- il est possible d'aménager contractuellement les conditions et effets de la force majeure et quand bien même le contrat est un contrat d'adhésion, il est parfaitement possible de retenir l'incendie comme cas de force majeure, la stipulation contractuelle en ce sens ne créant pas un déséquilibre significatif ;

- l'incendie survenu sur son site revêt le caractère de force majeure dès lors qu'il remplit les trois conditions d'extériorité, d'imprévisibilité et d'irrésistibilité et le préjudice prétendument subi par la société Bâti courtage est la conséquence directe de l'incendie qui s'est déclaré dans le bâtiment SBG2 ;

- c'est l'incendie, et non d'éventuels manquements contractuels, qui l'a empêchée d'exécuter son obligation de mise à disposition des sauvegardes, détruisant partiellement tout à la fois le serveur principal et le serveur de sauvegarde, malgré les diligences et mesures qu'elle avait prises ;

- les points mis en exergue dans des rapports techniques produits par l'intimée n'ont pas de rapport direct ni même indirect avec l'incendie de mars 2021 (panne électrique sur BSG1 et BSG4 en 2017, et non BSG2 ; audit du datacentre de [Localité 5], distinct de [Localité 6]) ;

- les termes de la stipulation en cause ne contredisent pas l'essence même de l'obligation pesant sur la société OVH et n'entraîne pas de déséquilibre significatif.

La société Bâti courtage conclut au caractère réputé non écrit de la clause de limitation de responsabilité établie par la société OVH en ce que :

- elle lui octroie un avantage injustifié en l'absence de contrepartie pour le client et crée une véritable asymétrie entre les obligations de chacune des parties, puisque cette clause transfère le risque sur l'autre partie de manière injustifiée et sans contrepartie pour cette dernière ;

- cette clause limitative de responsabilité ne lui est pas opposable, cette clause, qui définit les cas de force majeure incluant notamment l'incendie, n'ayant pas été déterminée par les deux parties, s'agissant d'un contrat d'adhésion qui n'a pu être négocié et lui a été imposé ;

- la qualification contractuelle d'un cas de force majeure ne dispense pas de démontrer que les conditions habituelles de la force majeure sont bien réunies s'agissant de cet événement, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, l'incendie ne répondant pas à la condition de non-prévisibilité que la société OVH rappelle elle-même et d'extériorité ;

- la défaillance ou la négligence du cocontractant ne peut être à l'origine du fait, et recevoir la qualification de force majeure.

Elle expose que « si l'incendie, objet du sinistre, constitue un cas unique et qu'il a été d'une ampleur inhabituelle et même inédite, c'est parce qu'il a été à la hauteur des manquements et insuffisances de la société OVH dont les datacenters n'ont pas répondu aux normes les plus élémentaires et au bon sens qui s'imposaient en termes de sécurité dans la mise en place des équipements qui sont utilisés par toute entreprise spécialisée dans l'hébergement et la sauvegarde. »

A titre superfétatoire et subsidiaire, elle plaide l'absence de toute force majeure à l'origine du sinistre, les conditions nécessaires à une telle qualification n'étant pas réunies.

 

Réponse de la cour

L'article 1170 du code civil précise que toute clause qui prive de sa substance l'obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite. Cette même sanction est prévue par l'article 1171 du même code, dans un contrat d'adhésion, pour « toute clause, non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. »

L'article 1231-1 du code civil prévoit que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

Aux termes des dispositions de l'article 1218 du code civil, il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu'un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l'exécution de son obligation par le débiteur.

Cette définition légale de la force majeure, issue de l'ordonnance du 10 février 2016, ne reprend pas explicitement l'un des caractères de la force majeure déterminé par la jurisprudence ‘qui exigeait un événement à la fois imprévisible, irrésistible et extérieur -, à savoir la condition d'extériorité, quand bien même cette idée reste présente dans l'exigence d'un événement échappant au contrôle du débiteur.

Il est traditionnellement admis que la définition ou les effets de la force majeure puissent faire l'objet d'aménagements contractuels, ces clauses pouvant avoir pour objet soit d'étendre les obligations du débiteur lorsque celui-ci accepte de prendre en charge la force majeure dans le cadre de clause de garantie, soit au contraire d'élargir la définition de la force majeure, en retenant une définition plus accueillante que celle retenue dans la loi ou la jurisprudence, soit, plus fréquemment, en énumérant des événements qui doivent être contractuellement considérés comme tels alors même que ferait défaut l'un des caractères légalement requis, dans le cadre de clause d'élargissement ou élusive de responsabilité.

Concernant cette dernière hypothèse, une clause élargissant la définition de la force majeure est valable entre professionnels (Com. 8 juill. 1981, n° 79-15.626), sauf à priver de sa substance l'obligation essentielle du débiteur ou, dans un contrat d'adhésion, à créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, ce qui sera sanctionné par le caractère non écrit de ladite clause, respectivement en application des articles 1170 et 1171 précités, voire, si cette clause octroyait au débiteur la faculté arbitraire de ne pas exécuter le contrat, sous l'angle de la prohibition de la condition potestative.

Il est jugé que ces clauses s'interprètent restrictivement et que toute imprécision est de nature à les neutraliser (Com. 19 juin 2007, n° 06-13.706). Enfin, si le contrat se contente d'énoncer à titre indicatif des événements qui pourront être retenus comme force majeure, cela ne prive pas le juge de son pouvoir de vérifier si lesdits événements présentent les caractéristiques de la force majeure.

Enfin, il appartient à celui qui invoque des circonstances de fait relevant de la force majeure de justifier de toutes les composantes de celle-ci.

Réponse de la cour

Des stipulations contractuelles, on peut retenir que :

- suivant l'article 7-7 des conditions générales, « aucune des parties ne peut voir sa responsabilité engagée sur le fondement d'une défaillance résultant, directement ou non, d'événements non prévisibles ayant les caractéristiques de la force majeure telle que définie par l'article 1218 du code civil. Les parties déclarent que la force majeure inclut notamment les grèves y compris la grève d'un personnel d'un sous-traitant de l'une des parties, les actes de vandalisme, de guerre ou de menace de guerre, le sabotage, les actes terroristes, les incendies, les épidémies, les tremblements de terre, les inondations et explosions, ainsi que les coupures d'électricité en dehors du contrôle de la partie affectée. Toutefois, pour pouvoir se prévaloir de la présente disposition, la partie qui se trouve empêchée d'exécuter ses obligations, doit en informer l'autre partie dans les plus brefs délais [...] » ;

- en application de l'article 6 des conditions particulières VPS, « la responsabilité d'OVH ne pourra être recherchée en cas de force majeure, événement ou incident indépendant de la volonté d'OVH », l'article 11-4 précisant que « le client ne pourra en aucun cas se prévaloir du présent article [niveau de service et dédommagement] et prétendre aux dédommagement susvisés dans l'hypothèse où l'indisponibilité résulte en tout ou partie (i) d'événements ou de facteurs échappant au contrôle d'OVH tels que non limitativement cas de force majeure, fait d'un tiers, problème de connexion [...] » ;

- l'annexe 1 ne prévoit aucune disposition spécifique de ce chef.

En premier lieu, loin de se contredire, les stipulations des conditions générales et particulières VPS, qui se complètent, font de la force majeure une cause exonératoire de responsabilité. Elles trouvent à s'appliquer au service automatisé de backup souscrit dans l'annexe 1, laquelle ne comporte aucune stipulation dérogatoire de ce chef, tel qu'indiqué ci-dessus.

Néanmoins, la cour observe que l'article 7-7 comporte deux énonciations bien distinctes, l'une constituée d'un rappel des conditions légales de la force majeure, l'autre d'une énumération d'événements pour lesquels les parties déclarent qu'ils constituent des cas de force majeure, sans toutefois qu'il soit établi de lien véritable et d'articulation entre ces deux énonciations.

Il doit cependant être noté que le dénominateur commun des événements listés dans cette seconde stipulation est qu'il s'agit de phénomènes ou actes qui, par essence ou par nature, échappent au contrôle de la « partie affectée » - autrement dit le débiteur que les subit -, la guerre ou les tremblements de terre en étant les exemples topiques ».

Or, que la clause précitée des conditions générales soit lue :

- comme un rappel des conditions légales caractéristiques de la force majeure dans la première énonciation, avec un certain nombre d'illustrations figurant dans la seconde énonciation, sans qu'il soit expressément indiqué qu'il soit dérogé pour ses événements aux caractéristiques de la force majeure ;

- ou comme un rappel des conditions légales caractéristiques de la force majeure pour la première énonciation, la seconde étendant la notion de force majeure à des événements qu'elle énumère et « en dehors du contrôle de la partie affectée »,

il s'ensuit que, dans les deux cas, les événements visés doivent, pour être exonératoires de responsabilité, se trouver hors de la maîtrise tant intellectuelle que matérielle de la « partie affectée », c'est-à-dire présenter un caractère d'extériorité, et être imprévisible et irrésistible.

Il doit d'ailleurs être observé que la société OVH, qui affirme dans un premier temps dans les développements qu'elle consacre à la force majeure, que l'incendie en lui-même constitue, compte tenu de la seconde énonciation de l'article 7-7, un cas de force majeure, corrobore cette interprétation, en réintroduisant au cours de sa démonstration, en page 52, la notion d'événement hors de la maîtrise de la partie affectée.

Elle abandonne, au détour de son argumentation, la qualification de facto de force majeure pour l'incendie, en affirmant que « cet article (7-7) n'emporte aucun déséquilibre significatif dans la mesure où si la société Bâti courtage n'a pas souscrit de service de sauvegarde distante, il est légitime que la responsabilité d'OVH soit écartée dans le cas de la survenance d'un événement hors de son contrôle affectant les données placées par la société Bâti courtage dans ses serveurs (soulignement de la cour).

En deuxième lieu, compte tenu du sens donné aux stipulations précitées, lesquelles renvoient, soit purement et simplement à la notion légale de force majeure, soit à « un événement ou incident » « indépendant de la volonté », soit à une liste d'événements « en dehors du contrôle de la partie affectée », recoupant les notions d'imprévisibilité et d'irrésistibilité, ces stipulations ne sont pas de nature à priver les obligations essentielles souscrites par la société OVH de leur substance, voire d'engendrer, s'agissant d'un contrat d'adhésion et d'une clause non négociable et déterminée à l'avance par l'une des parties, à savoir la société OVH, un déséquilibre significatif entre les obligations et droits respectifs des parties.

D'ailleurs, comprendre la clause 7-7 comme signifiant que la seule existence d'un incendie, quelles qu'en soient l'origine ou l'étendue, suffit à exonérer la société OVH, comme elle le prétend dans les premières pages de sa démonstration sur la force majeure (pages 48-50), conduirait à réduire de manière notable et sans contrepartie les obligations de la société OVH, qui consciente de cette difficulté, réintroduit elle-même cette notion de maîtrise de la partie affectée sur la liste des événements listés, comme précédemment exposé.

Il doit d'ailleurs être observé que la société Bâti courtage, qui se prévaut du déséquilibre engendré par cette clause, se contente de l'affirmer, sans nullement le démontrer, et sans procéder à un comparatif des différentes clauses contenues dans les conventions souscrites, seul susceptible de mettre en lumière un déséquilibre dans leur ensemble des obligations et droits souscrits par chacune des parties. Ce moyen n'est donc pas fondé.

En troisième lieu, il appartient à la société OVH, qui se prévaut de cette cause d'exonération de responsabilité, de démontrer que l'incendie survenu dans la nuit du 9 au 10 mars 2021 répondait soit aux conditions légales posées par l'article 1218 du code civil, soit à celles contractuellement prévues par les stipulations contractuelles.

Si l'incendie figure bien parmi l'énumération d'événements figurant à l'article 7-7 des conditions générales, les pièces versées aux débats ne permettent toutefois ni d'en déterminer précisément l'origine, la société OVH concédant que l'origine et la cause même de ce dernier ne sont à ce jour pas connues (page 54 des conclusions OVH), ni d'établir que cet événement était « en dehors du contrôle de la partie affectée », c'est-à-dire elle-même.

Outre qu'il ne peut être affirmé que cet événement soit véritablement hors de contrôle de la personne même de la société OVH, en ce compris d'un de ses préposés, un incendie survenant dans un centre d'hébergement informatique comportant, d'une part, de nombreux serveurs, un réseau électrique complexe, avec des ondulateurs et des batteries et recourant, d'autre part, à des matériaux et techniques hautement inflammables, n'est ni hors de la maîtrise intellectuelle et matérielle du prestataire ni imprévisible et irrésistible pour le propriétaire de tels locaux, contrairement à ce que prétend la société OVH.

Le fait que ces centres fassent d'ailleurs l'objet de mesures de prévention de l'incendie, ce que concède la société OVH en se prévalant du respect par ses soins des standards de l'industrie de l'hébergement en matière de sécurité incendie, démontrent que, quand bien même ce phénomène est rarissime ou d'une ampleur sans pareille, l'incendie n'est pas en lui-même imprévisible et irrésistible.

La réunion de l'ensemble des conditions contractuelles et légales applicables à la force majeure n'étant pas prouvée, la société OVH ne peut prétendre que l'incendie litigieux relèverait de la force majeure ni, dès lors, se prévaloir cette clause exonératoire de responsabilité.

 

C) Sur la question des clauses limitatives et d'évaluation forfaitaire de responsabilité :

La société OVH plaide, à titre infiniment subsidiaire, sur la présence de clauses limitatives et exonératoires de responsabilité dans les contrats la liant à la société Bâti courtage, laquelle ne peut contester en avoir eu connaissance compte tenu des « processes » mis en œuvre pour souscrire un service auprès d'elle, société OVH.

Elle fait valoir que le seul préjudice direct subi est celui constitué par la perte des données et la coupure des sites internet et de l'activité, sur laquelle la société Bâti courtage ne produit aucun élément ;

Elle conteste le caractère réputé non écrit des clauses limitatives ou exonératoires de responsabilités contenues dans ses conditions générales ou particulières, la société Bâti courtage échouant à prouver, d'une part, que ces clauses priveraient de substance les obligations essentielles, pesant sur elle, société OVH, d'autre part, que ces clauses créeraient un déséquilibre significatif total entre les droits et obligations des parties aux contrats, puisque la jurisprudence admet qu'une clause limitative de responsabilité à sens unique ne saurait créer d'asymétrie entre les obligations de chacune des parties et que le déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ne se mesure pas au regard d'une clause isolée mais par référence à l'économie générale du contrat considéré. Elle revient sur la validité des clauses de niveau de service.

La société Bâti courtage soutient que les clauses d'évaluation forfaitaire du préjudice :

- privent l'obligation essentielle de sa substance, en ce qu'elles éludent toute responsabilité et proposent une indemnisation dérisoire ;

- sont valables, sauf dol ou faute lourde, laquelle était en l'espèce établie, dans la mesure où la société OVH était au fait des dysfonctionnements de son système et qu'elle n'y a pas remédié ;

- créent un déséquilibre significatif, puisqu'en se référant à l'économie générale du contrat, il existe un déséquilibre significatif certain entre les obligations des deux sociétés et en ce que la société OVH limite sa responsabilité à hauteur de 1 800,48 euros, et ce peu importe l'ampleur du préjudice subi par son client.

 

Réponse de la cour

En droit, la validité des clauses de non-responsabilité dans les contrats conduit à admettre, a fortiori, les clauses limitatives de responsabilité qui, répartissant la charge des risques entre les cocontractants, fixent un plafond à l'indemnité due (Civ. 1re, 19 janv. 1982, n° 80-15.745), dès lors qu'elles sont connues et acceptées par la partie à laquelle elle est opposée (Com. 24 janv. 1983, n° 81-13.722).

En l'espèce, des relations contractuelles sur ce point, on peut retenir que :

- l'annexe 1 ne comporte ni clause limitative de responsabilité ni clause de niveau de service ;

- dans les conditions particulières VPS, OVH s'engage à « assurer, pour un serveur virtuel de la gamme Cloud, un taux de disponibilité mensuelle de 99.99% (article 11-1) '. Si les niveaux de service définis au paragraphe 11-1 ci-dessus ne sont pas atteints, le client peut, sous réserve des cas d'exclusion énumérés ci-dessous, demander les dédommagements suivants :

- non-respect du taux de disponibilité : dédommagement égal à 0,5% du montant mensuel payé par le client au titre du mois considéré pour les éléments affectés par l'indisponibilité par tranche consécutive d'une minute d'indisponibilité (au-delà des trois premières minutes consécutives de perte d'accès ou de connectivité), et ce dans la limite dudit montant mensuel facturé. Il est expressément convenu que les dédommagements susvisés constituent pour le client une indemnisation forfaitaire de l'ensemble des préjudices résultant du non-respect par OVH des engagements de service en cause [..]. Les dédommagements s'opèrent par déduction sur la facture du mois suivant réception par OVH de la demande de dédommagement (article11-3).

Le client ne pourra en aucun cas se prévaloir du présent article et prétendre aux dédommagements susvisés dans l'hypothèse où l'indisponibilité résulte en tout ou partie (i) d'événements ou factures échappant au contrôle d'OVH tels que non limitativement cas de force majeure, fait d'un tiers, problème de connexion ‘» (article 11-4) ;

- suivant l'article 7-2 des conditions générales OVHcloud, « lorsque les conditions particulières de service applicables prévoient des engagements de niveau de service, les pénalités ou crédit correspondant pouvant être dus par OVHcloud constituent une indemnisation forfaitaire de l'ensemble des préjudices résultant du non-respect par OVHcloud des engagements de niveau de service en cause ; le client renonçant à toute autre demande, réclamation et/ou action. A défaut d'engagement de niveau de service applicable, le montant total cumulé de l'indemnisation pouvant être mis à la charge d'OVHcloud (sociétés apparentées, sous-traitants et fournisseurs inclus) en cas de manquement ou défaillance de sa part est plafonné, tous manquements confondus ( A) au montant des sommes payées par le client à OVHcloud en contrepartie des services impactés au cours des 6 derniers mois précédant la demande d'indemnisation du client ou (B) au préjudice direct subi par le client s'il est inférieur [...] » ;

- à l'article relatif à l'exonération de responsabilité, « la responsabilité d'OVHcloud ne pourra en aucun cas être engagée sur les fondements suivants : [']

[C] dommages indirects tels que notamment préjudice ou trouble commercial, perte de commandes, perte d'exploitation, atteinte à l'image de marque, perte de bénéfices ou de clients ;

[']

[F]perte, altération ou destruction de tout ou partie des contenus (informations, données, applications, fichiers ou autres éléments hébergés sur l'infrastructure, dans la mesure où OVHcloud n'est pas en charge de la gestion de la continuité des activités du client et notamment des opérations de sauvegarde » (article 7-3).

La société Bâti courtage critique les clauses limitatives contenues dans les conditions générales de service OVH sous l'angle, d'une part, de la contradiction de cette dernière avec l'obligation essentielle souscrite par la société OVH, d'autre part, de la création d'un déséquilibre significatif des droits et obligations souscrites par les parties.

 

1) Sur la prétendue contradiction avec l'obligation essentielle souscrite par le débiteur

Sous l'ancienne législation, au visa de l'article 1131 du code civil et de la notion de cause, la Cour de cassation, dans l'affaire Chronopost avait écarté une clause limitative de réparation au motif qu'elle « contredisait la portée de l'engagement pris » (Cass., ch. mixte, 22 avr. 2005, no 03-14.112 ; Cass., ch. mixte, 22 avr. 2005, no 03-14.112). Elle avait ensuite précisé que seule est réputée non écrite la clause limitative de réparation qui contredit la portée de l'obligation essentielle souscrite par le débiteur (Com. 29 juin 2010, no 09-11.841).

En dépit de la disparition de la notion de cause, cette jurisprudence a été consacrée par l'ordonnance du 10 février 2016, qui a introduit l'article 1170 du code civil, suivant lequel « toute clause qui prive de sa substance l'obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite. »

Le seul critère retenu pour déterminer la validité de la clause s'apprécie au moment de la formation du contrat et consiste à rechercher si la portée de l'obligation essentielle souscrite par le débiteur est contredite et si la clause prive le contrat de tout intérêt pour le créancier. Cette appréciation doit être effectuée in concreto au regard de l'équilibre d'ensemble de l'opération contractuelle considérée.

Réponse de la cour

Aux côtés de la location d'un privé virtuel, la société Bâti courtage a souscrit un « service de Backup automatisé », objet de l'annexe 1, qui est « l'option de Backup proposée par OVH [..], basée sur une solution développée par un tiers et intégrée à l'interface de gestion ['], permet[tant] au client de restaurer son serveur privé virtuel ou tout ou partie des données stockées sur celui-ci ».

Il appartient à la société Bâti courtage qui invoque le caractère réputé non écrit des clauses limitatives ou d'évaluation forfaitaire de responsabilité de démontrer en quoi lesdites clauses porteraient atteintes à la substance même de l'engagement souscrit par la société OVH et priveraient les obligations souscrites de leur essence.

Premièrement, que ce soient les conditions particulières ou les conditions générales, la société OVH entend par le biais de ces clauses, encadrer et ainsi assurer au client un niveau de performance, défini en termes d'engagement de disponibilité des services souscrits, notamment en ce qui concerne plus particulièrement le VPS et l'accès au serveur de stockage.

Ces clauses prévoient ainsi, en cas d'indisponibilité des services, l'octroi de pénalités sous la forme forfaitaire allant de « 0,5% du montant mensuel payé au titre du mois considéré pour les éléments affectés par l'indisponibilité par tranche consécutive d'une minute », à 100 % du montant facturé, voire, en cas d'absence de niveau de service, une indemnisation à hauteur des sommes payées lors des 6 derniers mois.

Le taux de disponibilité mensuelle est fixé à 99, 9% (conditions VPS) et l'indisponibilité quantifiée contractuellement « par tranche consécutive d'une minute d'indisponibilité (au-delà des trois premières minutes consécutives de perte d'accès ou de connectivité). »

Or, c'est sans le moindre élément au soutien de son affirmation que la société Bâti courtage prétend que les niveaux de disponibilité et d'indemnisation seraient dérisoires, puisqu'au contraire, ces clauses reviennent, faute pour la société OVH d'être en mesure d'assurer sa prestation, avec un pourcentage d'effectivité évalué à un niveau très élevé, à libérer le client de toute contrepartie, à titre d'indemnisation.

Deuxièmement, contrairement à ce que prétend la société Bâti courtage, ces clauses, et notamment les niveaux de services et l'évaluation forfaitaire du préjudice, ne portent pas atteinte à l'essence des obligations pesant sur la société OVH.

En effet, comme précédemment exposé en détail ci-dessus (§ I), l'obligation souscrite au titre de cette option Backup à la charge de la société OVH comprend celle, premièrement, d'allouer un espace de stockage dédié, deuxièmement, de réaliser une sauvegarde selon les modalités convenues, troisièmement, d'assurer l'accès à l'espace pour que le client puisse y consulter ou retirer les données fixées.

Ainsi, l'octroi d'un espace, l'accessibilité de cet espace et la réalisation de la sauvegarde sont de l'essence des obligations souscrites par la société OVH, la nécessité pour la société OVH de veiller à ce que soit assurée la conservation des données durant le temps de la relation contractuelle n'étant quant à elle qu'une obligation subséquente.

Comme il a été précédemment retenu lors de l'examen des conditions générales d'OVHcloud, les conditions particulières VPS et l'annexe 1 pour déterminer les obligations souscrites en l'espèce, c'est de manière erronée que la société Bâti courtage affirme qu'il était de l'essence même des obligations pesant sur la société OVH, d'une part, « d'effectuer une sauvegarde selon la politique 3-2-1 », d'autre part, de réaliser « une copie sur une infrastructure physiquement isolée du serveur », comprise comme géographiquement distante et isolée, de telles obligations n'ayant pas été mises contractuellement à la charge de la société OVH.

En outre, les clauses précitées, et plus particulièrement celles relatives à l'évaluation forfaitaire, prévoient des niveaux de services incluant des pénalités sous forme de crédit, afin d'assurer la disponibilité, à savoir l'accès au serveur, ce qui vise non à nier l'obligation essentielle mais au contraire à obliger la société OVHcloud à respecter ladite obligation.

Troisièmement, le fait que les préjudices indemnisés soient limités aux dommages directs, et non aux dommages indirects tels que le préjudice ou trouble commercial, la perte de commande, l'atteinte à l'image de marque, ne prive pas l'obligation essentielle de sa substance, mais cantonne uniquement le préjudice indemnisable, ce qui relève de la liberté contractuelle des parties.

Enfin, comme rappelée ci-dessus, l'obligation de conservation des données n'est pas de l'essence même de l'obligation souscrite par la société OVH dans le cadre de l'option backup, s'agissant uniquement d'une obligation subséquente et induite par l'obligation d'assurer la disponibilité et l'accessibilité aux données stockées sur le serveur.

Ainsi, l'exclusion de responsabilité de la société OVH en cas de « perte, altération ou destruction de tout ou partie des contenus (informations, données, applications, fichiers ou autres éléments hébergés sur l'infrastructure » ne prive pas de sa substance l'obligation essentielle souscrite par la société OVH.

Il convient d'ailleurs de relever que ladite exclusion a un champ limité, puisqu'elle n'est applicable que « dans la mesure où OVHcloud n'est pas en charge de la gestion de la continuité des activités du client et notamment des opérations de sauvegarde », option différente qu'il aurait été loisible à la société Bâti courtage de souscrire, ce qu'elle n'a pas fait.

Ce moyen est donc rejeté.

 

2) Sur l'allégation d'un déséquilibre significatif des droits et obligations des parties

Les parties invoquent l'article 1171 du code civil, issu de l'ordonnance du 10 février 2016, qui répute non écrite « dans un contrat d'adhésion, toute clause, non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ».

Il ressort des travaux parlementaires de la loi du 20 avril 2018 ratifiant ladite ordonnance, que l'intention du législateur était que ce texte, qui régit le droit commun des contrats, sanctionne les clauses abusives dans les contrats ne relevant pas des dispositions spéciales des articles L.442-6 du code de commerce et L. 212-1 du code de la consommation.

A supposer que l'article 1171 précité, seul invoqué par les parties, soit applicable en la cause, à l'exclusion des dispositions de l'article L.442-6, I, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, applicable aux sociétés commerciales dans le cadre de contrat de prestation de service tel que celui en litige (V. Cass., Com., 26 janvier 2022, pourvoi n° 20-16.782) ‘lequel prévoit qu’« engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers [...] 2° de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties » -, cela est sans incidence en l'espèce, dès lors que ces deux textes reposent sur une condition commune : l'existence d'un déséquilibre significatif dans les droits et obligations.

Ainsi, la jurisprudence rendue sous l'empire de l'article L. 442-6, I précité peut nourrir l'interprétation du texte de droit commun.

Dans le cadre de ces dispositions, il appartient à la partie qui invoque un tel déséquilibre de l'établir dans toute ses composantes, et donc de caractériser, d'une part, la rupture dans l'équilibre des obligations et droits souscrits, d'autre part, le caractère significatif de ce déséquilibre, qui doit ainsi être marquant et d'une certaine importance, et non uniquement exister.

Pour apprécier le caractère abusif d'une clause créant « un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat », il convient de prendre en compte le contexte dans lequel le contrat a été conclu et son économie, après une appréciation et concrète du contrat liant les parties (Cass., Com, 3 mars 2015 n° 13-27.525).

Ainsi une clause doit s'apprécier au regard de toutes les autres clauses du contrat, le déséquilibre instauré par une clause pouvant être corrigé par l'effet d'une autre, ou compensé par une autre clause (CPCE, avis n°15-23 du 25 juin 2015 ou CPEC, avis n° 19-01 du 17 janvier 2019 ; Com. 26 févr. 2025, F-B, n° 23-20.225).

L'absence de réciprocité dans l'attribution d'un droit peut être significative d'un déséquilibre, lequel peut être financier ou juridique.

En l'espèce, quel que soit le texte applicable, il pèse sur la société Bâti courtage la charge d'alléguer et de caractériser l'existence d'un déséquilibre significatif.

Or, premièrement, c'est par des conclusions imprécises que la société Bâti courtage se contente, dans les développements (pages 83 à 87) consacrés au déséquilibre significatif des clauses ci-dessus rappelées d'affirmer le caractère certain du déséquilibre significatif engendré par ces clauses, sans étayer ses propos au moyen d'une véritable démonstration de ce chef.

Ainsi, elle ne procède pas au moindre examen concret et comparatif des différentes clauses que le contrat comporte, alors que seul un tel examen serait à même d'étayer l'allégation de déséquilibre des obligations à la charge de chacune des parties. Elle ne s'astreint pas plus à établir le caractère significatif du déséquilibre invoqué, en étudiant l'économie de la relation contractuelle unissant les parties.

Deuxièmement, l'existence d'une limitation de responsabilité n'implique aucunement de facto l'existence d'un déséquilibre significatif, contrairement à ce qu'affirme la société Bâti courtage.

En outre, la société Bâti courtage assimile perte de substance des obligations et déséquilibre significatif. Or, en ce qui concerne le déséquilibre qui tiendrait à la perte de substance des obligations à la charge d'une partie en raison des clauses limitatives, la cour a déjà écarté ce moyen par les motifs ci-dessus, auxquels il convient de se référer.

Ainsi, quel que soit le texte applicable, et sans même qu'il soit nécessaire de s'appesantir sur la notion de contrat d'adhésion exigée par l'article 1171 du code civil, la condition de l'existence d'un déséquilibre significatif des droits et obligations souscrites par les parties fait défaut, de sorte que la demande de la société Bâti courtage tendant à réputer non écrite les clauses de limitations ou évaluations forfaitaires de responsabilités ne peut qu'être rejetée.

 

III- Sur l'indemnisation des préjudices sollicitée par la société Bâti courtage :

La société OVH estime que la société Bâti courtage ne rapporte pas la preuve des préjudices allégués et observe que :

- la note sur laquelle la société Bâti courtage se fonde comporte des valorisations des préjudices largement surévaluées et est éminemment contestable ;

- les demandes formées sont incohérentes, excessives et ont été diminuées de moitié au stade de son assignation ;

- à supposer les préjudices établis, ils ne seraient pas la conséquence des manquements contractuels prétendus commis, mais les conséquences de l'incendie intervenu dans la nuit du 9 au 10 mars 2021, dont l'origine et la cause ne sont pas à ce jour établies ;

- n'ayant ni la responsabilité de la définition ni de la mise en 'uvre du plan de reprise d'activité de la société Bâti courtage, elle ne peut être tenue responsable d'une perte ou d'une indisponibilité des données qu'aurait subie la société Bâti courtage, et donc des préjudices en découlant.

Elle précise qu'elle est responsable de l'indisponibilité des serveurs, qui a fait l'objet d'une indemnisation selon des taux et conditions convenus.

Elle revient sur chacun des préjudices (perte de valeur de l'actif incorporel ; destruction des URLs, coupure des sites et de l'activité ; perte de référencement ; dépenses et surcoûts ; désorganisation ; atteinte à l'image).

La société Bâti courtage conteste que puisse être remise en cause la force probante de la note technique établie par son expert, estimant être en droit de recourir à une expertise indépendante tendant à chiffrer son préjudice.

Elle ajoute qu'il n'existe aucune contradiction entre les éléments produits et que les documents ayant servi de base à la note technique sont cités et font l'objet d'une communication à l'appui de ses écritures pour chaque chef de préjudice.

Elle revient sur chacun des postes de préjudices : perte des sites internet (immobilisations incorporelles), destruction des travaux externes et internes réalisés de 2014 au 2 février 2021 sur les sites et destruction des URLs, perte de valeur désorganisation ; atteinte à l'image.

Elle précise notamment que :

- la situation consécutive à la coupure brutale de ses sites internet était extrêmement complexe à gérer et a nui intrinsèquement au référencement desdits sites, les atermoiements de la société OVH et la croyance qu'elle a fait naître auprès d'elle, société Bâti courtage, selon laquelle les sites allaient être rétablis, ont accentué la chute de ces sites et leur effacement pur et simple du moteur de recherche Google et de tous les autres moteurs de recherche ;

- l'incurie de la société OVH l'a empêchée de récupérer ses données et de rétablir ses sites, et est à l'origine d'une chute drastique du référencement et d'une baisse tout aussi drastique du taux de fréquentation des sites considérés, un cercle vicieux s'installant puisque moins un site est consulté, moins il est référencé.

Réponse de la cour

A) Sur l'existence des préjudices invoqués et leur caractère indemnisable

Il résulte des articles 6 et 9 du code de procédure civile qu'à l'appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d'alléguer les faits propres à les fonder et qu'il leur incombe de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de leur prétention.

En matière commerciale, la preuve est libre et la partie peut apporter la preuve des faits par tous moyens, notamment par le biais d'un rapport d'expertise amiable, fût-il non contradictoire.

Néanmoins, le juge ne peut prendre en considération ce rapport établi de manière non contradictoire que sous deux conditions :

- le rapport doit avoir été régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties. Ainsi, lorsque les parties ont été mises en mesure de discuter contradictoirement du rapport au cours de l'instance, celui-ci peut être exploité par le juge au soutien de sa décision, quand bien même elles n'auraient pas été appelées ou représentées au cours des opérations d'expertise (voir, par exemple : Cass., Com. 10 décembre 2013, n° 12-20.252 ; 2ème Civ., 7 septembre 2017, pourvoi n° 16-15.531)

- et le juge ne peut fonder sa décision exclusivement sur une expertise extra-judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties, cette dernière devant être corroborée par d'autres éléments de preuve (Cass., Ch. mixte, 28 septembre 2012, n° 11-18.710 ; Cass., Com., 29 janvier 2013, n°11-28.205 ; Cass., 1re Civ., 30 novembre 2016, n° 15-25.429 ; Cass., 2e Civ., 14 décembre 2017, n° 16-24.305 ; Cass 3ème Civ. 5 mars 2020, n°19-13.509).

En l'espèce, la société Bâti courtage décompose sa demande de dommages et intérêts en plusieurs chefs de préjudice distincts, dont elle sollicite l'indemnisation pour un montant global de 6 365 281 euros, la société OVH lui opposant l'absence de tout préjudice et, à titre subsidiaire, l'existence de clauses limitatives de responsabilité et d'évaluation forfaitaire du préjudice.

Premièrement, compte tenu de la validité des clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité contenues dans les conditions générales d'OVHcloud et les conditions particulières VPS, dont nul ne conteste qu'elles soient applicables à l'option backup souscrite dans l'annexe 1, la cour se doit de vérifier, d'abord, que le débiteur justifie de l'existence même de ce préjudice et de son évaluation, ensuite, que le préjudice sollicité n'est pas exclu par les clauses précitées, et plus particulièrement par les stipulations figurant à l'article 7-3 des conditions générales de services OVHCloud en ses points C et F, enfin, que le plafond fixé par les clauses précitées se trouve dépassé par le montant du préjudice considéré.

Ces conditions sont cumulatives. Dès lors, le seul fait que le préjudice invoqué puisse être rattaché à l'un des cas prévus à l'article 7-3, point C et F suffit à rejeter la demande, sans même qu'il soit nécessaire de vérifier la réalité du préjudice invoqué.

Deuxièmement, l'article 7-3 des conditions générales prévoient que « la responsabilité d'OVHcloud ne pourra en aucun cas être engagée sur les fondements suivants : '

[C] dommages indirects tels que notamment préjudice ou trouble commercial, perte de commandes, perte d'exploitation, atteinte à l'image de marque, perte de bénéfices ou de clients ;

[']

[F]perte, altération ou destruction de tout ou partie des contenus (informations, données, applications, fichiers ou autres éléments hébergés sur l'infrastructure, dans la mesure où OVHcloud n'est pas en charge de la gestion de la continuité des activités du client et notamment des opérations de sauvegarde ».

Cette stipulation renvoie à des notions : « dommages indirects », « préjudice ou trouble commercial », qui sont imprécises et ne font l'objet d'aucune définition, que ce soit dans les conditions générales de services ou dans les conditions particulières VPS, l'annexe 1 ne comportant aucune disposition spécifique de ce chef.

Cependant, s'agissant de clauses limitant le champ de la responsabilité et de l'indemnisation d'une partie, et dérogeant au principe de la réparation intégrale, elles doivent s'appliquer et s'interpréter strictement.

Ainsi, quand bien même l'exclusion de responsabilité prévue par le point C envisage tous « les dommages indirects », avec une liste d'illustrations non limitative de dommages indirects et l'adverbe « notamment », cette liste ne saurait être étendue au-delà des exemples précis déterminés par la clause.

Troisièmement, il ne peut qu'être noté le caractère mal circonscrit, voire redondant, des différents postes invoqués par la société Bâti courtage, laquelle reprend parfois les mêmes préjudices sous des intitulés différents, au mépris du principe de la réparation intégrale du préjudice, sans gain ni profit pour la victime.

Ainsi la perte des données et la disparition des sites est invoquée dans le poste « perte des actifs incorporels », pour un montant global de 1 591 546 euros, et également dans les développements consacrés au poste intitulé « coupure des sites et de l'activité », se trouvant dès lors pour partie comprise également dans la réclamation à hauteur de 1 871 768 euros « au titre des préjudices financiers pour les années 2021, 2022 et 2023 ».

Le poste du préjudice tenant aux « dépenses et surcoûts liés aux travaux de restitution d'un hébergement, des données, et des sites liés », pour un montant de 183 967 euros, regroupe les coûts salariaux et également les réclamations au titre des dépenses engendrées par le recours à des prestataires. Or, il est aussi sollicité une somme de « 200 000 euros au titre des dépenses engagées en interne », ce qui correspond encore à des coûts salariaux. Il sera ajouté que les développements consacrés au préjudice de désorganisation, chef distinct de demande, visent aussi à caractériser l'impossibilité pour les personnels du franchisé et du franchiseur de se consacrer à leurs tâches habituelles.

Par ailleurs, au travers du poste désorganisation est étudiée par la société Bâti courtage la question d'une atteinte à son image, qui pourtant fait déjà l'objet d'une réclamation au titre d'un poste distinct.

Or, nul ne pouvant obtenir une double indemnisation d'un même préjudice, la cour procédera au regroupement des différentes réclamations résultant d'un même poste, lors de l'étude de chacun des postes invoqués.

Désormais, compte tenu des principes ci-dessus rappelés, il convient donc d'examiner chacun des préjudices invoqués par la société Bâti courtage.

 

Sur la perte des actifs incorporels, destructions des travaux externes et internes réalisés de 2014 au 2 février 2021 sur les sites et destructions des Urls, perte de valeur :

Au préalable, il convient de souligner que les postes réclamés de ces chefs sont mal circonscrits par la société Bâti courtage et peuvent se recouper, comme l'ont justement pointé les premiers juges, notamment en ce qui concerne la réclamation portant sur la destruction des travaux réalisés sur les sites et celle relative à la perte des actifs incorporels.

Il ressort par ailleurs des explications des parties sur ces postes de préjudice que la perte de valeur invoquée ne vise qu'à décrire le coût des investissements et travaux sur la période antérieure à l'incendie, et non ceux générés par la résorption des difficultés engendrées par ce dernier.

Tout d'abord, contrairement à ce que prétend la société Bâti courtage, la société OVH n'a nullement reconnu la perte des sites et le caractère irrécupérable de leur contenu, confirmant seulement au terme du courrier invoqué (pièce 14 bâti courtage) que « les machines associées à ce service VPS et celles relatives à leur sauvegarde automatique sont malheureusement non récupérables. »

Le seul fait que la société OVH ait proposé d'attribuer « des mesures commerciales exceptionnelles » en accordant un voucher représentant l'intégralité du montant de la facturation de l'option de sauvegarde automatique depuis sa souscription, ne vaut pas renonciation non équivoque de sa part à invoquer les clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité précitées, ce qui n'est d'ailleurs pas clairement allégué par la société Bâti courtage.

Ensuite, comme l'ont justement souligné les premiers juges, les actifs incorporels d'une société en la matière sont constitués des noms de domaines, marques, noms commerciaux, lesquels n'ont pas disparu à la suite de l'incendie, pas plus que les différents sites, lesquels sont juste devenus indisponibles, leur reconstitution, notamment auprès des différents prestataires les ayant créés, étant toujours possible.

D'ailleurs, si la société Bâti courtage invoque une disparition complète ou une perte sèche des sites, des données ou encore « une destruction pure et simple de ces plus de 25 000 Urls », elle admet elle-même au détour de ces développements que tel ne fut pas exactement le cas, puisque «finalement, [elle] n'est parvenue à récupérer la liste de ces Urls que postérieurement et indirectement, en procédant à une recherche via l'outil Google search console, ces Urls étant toutefois devenues faute de rétablissement rapide des sites qui les contenaient, inexploitables et sans valeur. »

Si l'existence même d'Urls, voire leur nombre, sont suffisamment établis par les pièces versées, aucune des pièces ne permet en revanche de s'assurer de leur caractère irrécupérable ou inexploitable définitivement, étant observé que le temps mis pour éventuellement reconstituer les données, sites, Urls, ou encore rétablir un référencement de qualité, fait l'objet d'un autre chef de préjudice, qui sera examiné ultérieurement.

Ainsi, l'existence même d'un préjudice de perte des actifs incorporels, destructions des travaux externes et internes réalisés de 2014 au 2 février 2021 sur les sites et destructions des Urls, n'est pas démontrée, étant ajouté que la conséquence tenant à la perte de valeur à raison de la perte de ces éléments ne peut, par ricochet, pas non plus se trouver établie.

En outre, et en tout état de cause, à supposer établis dans leur existence les préjudices ci-dessus examinés, le point C de l'article 7-3 écarte expressément toute responsabilité et indemnisation de ce chef.

La société Bâti courtage ne peut prétendre que la perte des sites et machines virtuelles VPS comprendrait nécessairement la perte des données qu'il reviendrait à la société OVH de réparer, puisque se trouve exclue, par la clause précitée, la responsabilité de la société OVH pour « la perte, altération ou destruction de tout ou partie des contenus (informations données, applications, fichiers, ou autre éléments) hébergés sur l'infrastructure », exclusion qui s'avère valide et applicable en l'espèce, compte tenu de l'offre souscrite par la société Bâti courtage.

 

Sur le préjudice intitulé « coupure des sites et de l'activité/ impacts financiers » :

Au préalable, il doit être souligné que, sous cet intitulé, la société Bâti courtage reprend des éléments recoupant le poste examiné précédemment, puisqu'elle y expose que « le préjudice ne se résume pas [à] une coupure d'activité d'un mois mais à la perte de 246 site[s] et sous-site[s], comportant de nombreuses ressources, Urls et leads et emportant avec eux des années d'efforts de référencement ! au-delà de l'interruption du service de VPS, de nombreuses données ont été définitivement perdues. » Il convient donc de renvoyer pour ces éléments aux développements ci-dessus, étant rappelé que la responsabilité de la société OVH de ce chef est exclue par les clauses limitatives.

Par contre, il ressort indéniablement des pièces versées aux débats, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté, que l'accès au VPS mais également à l'espace de stockage alloué au backup a été interrompu dans la nuit du 10 mars 2021, avant que la société OVH ne confirme, le 9 avril 2021, que les serveurs VPS et contenant le backup étaient en fait irrécupérables.

Il ne ressort aucunement de ce courrier que l'accès aux serveurs ait été rétabli, et ce au bout de 8 jours, comme le prétend la société OVH, les différents courriels de franchisés de la société Bâti courtage établissant que les sites ne fonctionnaient pas passé ce délai. (pièces 42, 43, 49).

Les pièces versées aux débats permettent de retenir une durée minimale d'accès aux serveurs disparue, voire perturbée, pendant près deux de mois ce qui, compte tenu du caractère quasi-exclusivement dématérialisée de l'activité de la société Bâti courtage, mis en lumière par les pièces et non contesté par la société OVH, est source d'un préjudice certain pour la société Bâti courtage sur cette période.

Concernant la perte ou « l'érosion exponentielle du référencement » des sites, engendrant une baisse drastique du taux de fréquentation de ces derniers, ce qui aurait « entraîné des baisses d'activité, baisses s'étendant sur les années 2022 et 2023 », justifiant une réclamation au titre d'un préjudice financier - étant précisé que, selon la société Bâti courtage, « le préjudice ne se résume pas aux pertes mais également à la part de progression de chiffre d'affaires manqué » -, les pièces versées aux débats ne sont pas suffisantes pour établir l'existence et la réalité de ces allégations pour la période concernée ainsi que le lien entre les éléments dénoncés et la faute commise par la société OVH.

En tout état de cause, l'article 7-3 prévoit, au titre du dommage indirect exclu, que ne peuvent être prises en charge ni « la perte d'exploitation », ni la « perte de client », ni la « perte de commandes ».

Ainsi que ce soit pour la période de deux mois suivant l'incendie ou pour la période afférente aux années 2022-2023, quand bien même ce préjudice serait jugé existant pour cette dernière période, ce qui n'est pas le cas, la société Bâti courtage ne peut, compte tenu des clauses précitées, réclamer une prise en charge de ce poste de préjudices à la société OVH.

 

Sur le poste de préjudice intitulé « dépenses et surcoûts : travaux de restitution d'un hébergement, des données et des sites » :

Sous cet angle, la société Bâti courtage réclame en réalité les « dépenses engagées, tant au plan financier qu'en termes de man'uvres et de temps investis ‘pour rétablir l'ossature des sites internet en urgence, récupérer ce qui pouvait être récupérable, relancer une activité web au sein de son réseau, et tenter de rétablir un niveau de référencement acceptable (ce qui aujourd'hui [est] loin d'être le cas) ‘sont particulièrement élevées. »

Certains développements de la société Bâti courtage, sous d'autres intitulés telles la désorganisation ou encore la réclamation de 200 000 euros au titre « des dépenses engagées en interne », recoupent le préjudice invoqué au titre de ce chef. Il y sera donc répondu en même temps.

Au vu des pièces communiquées, la société OVH ne peut prétendre qu'aucune pièce probante n'établirait le poste de préjudice constitué par le temps salarial perdu par les équipes, tant du franchiseur que des franchisés, à remédier aux dysfonctionnements engendrés par l'indisponibilité des serveurs VPS comme des serveurs de stockage et l'impossibilité sous-jacente de récupérer sur le serveur de stockage les données fixées dans l'état dans lequel elles l'étaient au jour de la dernière sauvegarde établie avant l'incendie.

En effet, le rapport du cabinet Alcor, régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties, a constaté, sur le plan organisationnel, la mise en place, d'une part, d'une « gestion de crise » par la société Bâti courtage, d'autre part, de « points d'étapes avec les franchisés », la « réactivité pour l'utilisation de moyens externes et internes », ce qui est corroboré par les courriels versés aux débats.

En effet, ces derniers démontrent que les équipes de la société Bâti courtage étaient mobilisées pour répondre aux demandes des franchisés ( Pièces 42, 43, 46, 49), faire des points d'étapes (pièce 50) avec ces derniers, lesquels ont mobilisé également leurs équipes pour remédier à la situation (pièces 49 et 50 soulignant que la rédactrice web est prête à remettre en ligne les actualités), ce qui de facto n'a pas permis aux équipes du franchisé ni à celles du franchiseur de mener leurs activités habituelles de développement et d'exploitation du réseau.

Le tableau produit en pièce 41 par la société Bâti courtage, s'il ne peut servir à établir en détail la réalité du nombre d'heures et des personnes chargées de ce travail, vient illustrer les éléments ci-dessus établis.

Des pièces versées aux débats permettent d'établir la durée de la mobilisation sur le plan organisationnel des équipes du franchiseur et du franchisé, correspondant à tout le moins à l'équivalent d'un temps plein affecté à ces opérations, durant un mois, pour un coût horaire de 38 euros, non discuté, ce qui représente un coût global de 39 900 euros.

En ce qui concerne les coûts externes, à savoir celui des prestataires que la société Bâti courtage aurait mandatés pour remédier aux dysfonctionnements constatés, à juste titre les premiers juges ont-ils pu souligner que rien ne permet de rattacher les factures de certains prestataires aux dysfonctionnements engendrés par l'indisponibilité du serveur VPS et de l'espace de stockage, ainsi que par l'impossibilité d'accéder aux données sauvegardées.

Tel est le cas, d'une part, pour les factures Marine Amaros, les factures Setex, s'étendant sur les mois de août 2021 à septembre 2021, la facture de Mme [O], qui sont relatives à la rédaction d'actualités et réalisations, d'autre part, pour la facture BLC courtage travaux 71, et pour la facture de la société Labsence qui se réfère d'ailleurs à un bon de commande du 9 décembre 2020, rien ne permettant de s'assurer de ce que les prestations commandées et réalisées soient en lien avec la « reconstitution de l'ossature des sites internet et le relancement de l'activité web ou du référencement du fait de l'indisponibilité des serveurs voire des données », comme l'affirme la société Bâti courtage. Il en est de même pour la facture Visiperf d'un montant de 30 800 euros HT.

Contrairement à ce que soutient la société OVH, les premiers juges ont pu à juste titre retenir que la société Bâti courtage établissait, par la production de deux factures de la société Visiperf, pour un montant de 8 100 euros, portant la mention « réglée », de prestations en lien avec la reconstitution et la remise en service des sites et environnement informatiques et internet, impactés par l'indisponibilité des serveurs du fait des incendies.

Ainsi, contrairement à ce que prétend la société OVH, la société Bâti courtage démontre avoir subi un préjudice, qui ne relève pas des exclusions prévues à l'article 7-3, et plus particulièrement de celles du paragraphe C) et D), ce pour les montants susvisés.

 

Sur la désorganisation :

Tout d'abord, il est rappelé que, sous le couvert d'une désorganisation, la société Bâti courtage aborde un préjudice tenant aux coûts salariaux internes, qui ont été d'ores et déjà examinés et évalués en leur ensemble ci-dessus. Il n'y a donc pas lieu d'y revenir.

Ensuite, sous le terme de désorganisation, la société Bâti courtage évoque également « la panique, le mécontentement, l'agitation qui ont éclaté au sein du réseau de l'intimée dès l'apparition du sinistre », ce qui recoupe la notion d'atteinte à l'image du réseau, dont la réparation fait l'objet pourtant d'un poste distinct.

S'il est délicat donc de déterminer avec précision ce que la société Bâti courtage entend viser par ce terme de désorganisation, au regard des éléments protéiformes invoqués, des développements décousus et de la redondance des réclamations faites de ce chef avec d'autres postes repris sous des intitulés différents, il n'en demeure pas moins que les pièces établissent avec certitude que :

- en raison de l'indisponibilité des services suite à l'incendie OVH, l'un des franchisés envisage de ne plus honorer les redevances (pièce 51) ;

- un autre souligne indique qu'« il m'est bien entendu inconcevable de repayer un travail qui a déjà été parfaitement effectué pour un incident qui ne m'incombe pas (y compris la sauvegarde de mes données personnelles au sein d'un même hébergeur et qui plus est au même endroit) au travers d'un service que je paye chaque mois à FBC [France bâti courtage] sans autre choix possible quant à l'hébergeur choisi par FBC et de ses garanties quant aux sauvegardes » (pièce 50).

Ces éléments mettent en lumière une déstabilisation de certains membres du réseau. Toutefois, la production des deux seules pièces susvisées est impropre à établir l'ampleur de la déstabilisation dénoncée par la société Bâti courtage, pas plus qu'elle ne permet de connaître les répercussions économiques qui en auraient découlé.

Enfin ces désorganisation et déstabilisation du réseau sont constitutives d'une atteinte à l'image de marque du réseau, poste qui fait l'objet d'une réclamation distincte et qui tombe sous le coup des exclusions prévues à l'article 7-3 C), comme il sera examiné ci-après.

Aucun préjudice indemnisable de ce chef n'est donc établi.

 

Sur l'atteinte à l'image :

Compte tenu de l'indisponibilité des sites, la société Bâti courtage prétend que l'enseigne « La Maison des travaux est apparue aux yeux de nombres clients et partenaires comme au mieux, laissée à l'abandon et, au pire, en état de cessation des paiements. La marque a été directement atteinte par ce phénomène et atteinte profondément dans sa notoriété et sa réputation. »

Sans même qu'il soit nécessaire de vérifier si le préjudice invoqué est établi ou si la réclamation sollicitée de ce chef ne heurte pas le principe de la réparation intégrale en ce que les faits fondant cette prétention auraient d'ores et déjà été réclamés et indemnisés dans le cadre du préjudice de désorganisation, il doit être rappelé que l'article 7-3 exclut, dans son paragraphe C, les « dommages indirects tels que notamment préjudice ou trouble commercial, perte de commandes, perte d'exploitation, atteinte à l'image de marque, perte de bénéfices ou de clients. »

Or, si la notion de trouble ou préjudice commercial ne fait l'objet d'aucune définition dans les conditions générales d'OVHcloud, il est admis traditionnellement que cette notion recouvre tout comportement qui perturbe le jeu normal du marché, et qui consiste généralement en une atteinte portée à l'enseigne, à l'image de marque, aux éléments attractifs de la clientèle.

Les faits et éléments invoqués par la société Bâti courtage ressortissent des exclusions visées à l'article 7-3 C, à savoir le trouble commercial et l'atteinte à l'image de marque, ce qui ne peut que conduire au rejet de toute demande d'indemnisation de ce chef.

 

B) Sur le montant de l'indemnisation :

Nul ne critiquant l'applicabilité des conditions particulières VPS et conditions générales OVHCloud à l'option de backup, notamment en termes de définition de niveaux de service, tels que figurant dans les conditions particulières VPS, il convient de rappeler que :

- dans ces dernières, OVH s'engage si les niveaux de service (SLA) ne sont pas atteints, aux « dédommagements suivants : non-respect du taux de disponibilité : dédommagement égal à 0,5% du montant mensuel payé par le client au titre du mois considéré pour les éléments affectés par l'indisponibilité par tranche consécutive d'une minute d'indisponibilité (au-delà des trois premières minutes consécutives de perte d'accès ou de connectivité), et ce dans la limite dudit montant mensuel facturé » (article 11-3) ;

- l'article 7-2 des conditions générales OVHcloud stipule que « lorsque les conditions particulières de service applicables prévoient des engagements de niveau de service, les pénalités ou crédit correspondant pouvant être dus par OVHcloud constituent une indemnisation forfaitaire de l'ensemble des préjudices résultant du non-respect par OVHcloud des engagements de niveau de service en cause ; le client renonçant à toute autre demande, réclamation et/ou action. A défaut d'engagement de niveau de service applicable, le montant total cumulé de l'indemnisation pouvant être mis à la charge d'OVHcloud (sociétés apparentées, sous-traitants et fournisseurs inclus) en cas de manquement ou défaillance de sa part est plafonné, tous manquements confondus ( A) au montant des sommes payées par le client à OVHcloud en contrepartie des services impactés au cours des 6 derniers mois précédant la demande d'indemnisation du client ou (B) au préjudice direct subi par le client s'il est inférieur ».

En l'espèce, la société OVH précise et justifie qu'en application de ces clauses de SLA, elle a accordé à la société Bâti courtage un bon d'achat d'un montant de 941, 22 euros, représentant l'équivalent de 6 mois de services souscrits par le client, la société Bâti courtage ne contestant pas avoir perçu cette somme, pas plus qu'elle ne remet en cause le montant alloué comme représentant 6 mois de service souscrits.

Si la société OVH avait, dans un courrier adressé à la société Bâti courtage, proposé, à titre de geste commercial, une indemnisation à hauteur de l'intégralité du montant de la facturation de l'option de sauvegarde automatique depuis sa souscription, elle sollicite subsidiairement, aux termes de ces dernières écritures, une indemnisation du préjudice de la société Bâti courtage « en application de la clause limitant la responsabilité d'OVH à la somme de 1 800, 48 euros ».

Ce dernier montant ne fait l'objet d'aucune critique de la part de la société Bâti courtage.

Ainsi, contrairement à ce que prétend la société OVH, le préjudice indemnisable de la société Bâti courtage, en lien avec sa faute et ne tombant pas sous le coup des exclusions prévues contractuellement, a été arrêté, au titre des coûts salariaux et de prestataires externes, à la somme de 47 900 euros, et n'est donc pas inférieur au plafond d'indemnisation découlant de l'article 7-2.

Il découle de tout ce qui précède qu'il convient donc de condamner la société OVH à payer à la société Bâti courtage la somme de 1800,48 euros.

 

IV- Sur les dépens et accessoires :

En application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, compte tenu de la solution du litige et du fait que chacune des parties succombe partiellement en ses prétentions, il convient de dire qu'elles supporteront chacune la charge des dépens qu'elles ont exposés, tant en première instance qu'en cause d'appel.

Les chefs de la décision entreprise relatifs aux dépens et à l'indemnité procédurale sont donc infirmés.

Compte tenu de l'équité, les demandes respectives sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile sont rejetées.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

INFIRME le jugement du tribunal de commerce de Lille Métropole du 26 janvier 2023 sauf en ce qu'il :

- dit que la société OVH n'a pas commis de faute lourde ou de graves manquements à la sécurité anti incendie de son datacentre de [Localité 6] ;

- dit que la société OVH a commis un manquement contractuel au contrat la liant à la société Bâti courtage ;

DEBOUTE la société Bâti courtage de sa demande tendant à voir reconnaître une faute tenant à l'absence de localisation géographiquement isolée des services ;

REJETTE la demande de la société OVH tendant à voir déclarer réunies les conditions contractuelles et légales de la force majeure ;

REJETTE la demande de la société Bâti courtage tendant à voir réputer non écrite :

- la clause relative à la force majeure ;

- les clauses de limitations ou d'évaluations forfaitaires de responsabilité sur le fondement de la contradiction à l'obligation essentielle et sur le fondement du déséquilibre significatif ;

CONDAMNE la société OVH à payer à la société France Bâti courtage la somme de 1 800, 48 euros ;

DIT que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens de première instance et d'appel ;

REJETTE les demandes respectives d'indemnité procédurale sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier                              La présidente

Marlène Tocco                       Stéphanie Barbot