CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA NÎMES (ch. civ. 2e ch. sect. A), 13 février 2025

Nature : Décision
Titre : CA NÎMES (ch. civ. 2e ch. sect. A), 13 février 2025
Pays : France
Juridiction : Nimes (CA), 2e ch. civ. sect. A
Demande : 23/02570
Date : 13/02/2025
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 26/07/2023
Décision antérieure : TJ Nîmes, 1er juin 2023 : RG n° 20/05095
Décision antérieure :
  • TJ Nîmes, 1er juin 2023 : RG n° 20/05095
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 23702

CA NÎMES (ch. civ. 2e ch. sect. A), 13 février 2025 : RG n° 23/02570 

Publication : Judilibre

 

Extrait : « La SA SMA soutient que sa garantie ne peut être mobilisée au titre des fuites affectant le réseau d'eau potable dans la mesure où la SARL ALPILLES DURANCE BATIMENT était assurée uniquement pour l'activité de maçonnerie et que si elle était autorisée à réaliser des travaux de VRD, ce n'était qu'à titre accessoire ou complémentaire au marché principal, ce qui n'est pas le cas ici selon elle.

Selon l'article 1171 du code civil, « Dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui créé un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite.

L'appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix à la prestation. »

Dans le cas présent, l'indication de la police d'assurance selon laquelle est garantie l'activité principale de maçonnerie et béton armé sauf précontraint in situ, qui est précisément définie quant à la nature des travaux en relevant, ainsi que les travaux complémentaires ou accessoires, dont ceux de démolition et VRD, ne constitue en rien une clause abusive au sens de ces dispositions. En outre, si les conditions générales ne définissent pas le terme d'accessoire, il est cependant manifeste, selon la définition commune qui considère comme accessoire ce qui n'est pas l'essentiel mais est secondaire, qu'au cas d'espèce, les travaux de VRD visés dans le devis du 21 février 2011, outre le fait qu'ils sont pour partie d'entre eux totalement indépendants des travaux de maçonnerie s'agissant plus particulièrement de la réalisation des murs de soutènement et des terrasses ainsi que des travaux concernant la piscine, représentent près de 42 % du marché de travaux du 21 février 2011.

Aussi, ces travaux de VRD ne présentent pas de caractère accessoire et ne sont pas davantage complémentaires, ce qui exclut la prise en charge par l'assureur des travaux de réparation.

En considération de l'ensemble de ces éléments et pour les seuls désordres pour lesquels la garantie est due, la SA SMA sera condamnée à payer à la SARL [Adresse 9] la somme de 96.654,26 EUR TTC au titre des travaux de reprise. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

DEUXIÈME CHAMBRE SECTION A

ARRÊT DU 13 FÉVRIER 2025

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 23/02570. N° Portalis DBVH-V-B7H-I5AD. Décision déférée à la cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Nîmes en date du 1er juin 2023 : RG n° 20/05095.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Mme Nathalie AZOUARD, Présidente de Chambre, Madame Virginie HUET, Conseillère, M. André LIEGEON, Conseiller,

GREFFIER : Mme Céline DELCOURT, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS : A l'audience publique du 12 novembre 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 23 janvier 2025 prorogé à ce jour. Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

 

APPELANTE :

SARL [Adresse 9]

Société à Responsabilité Limitée au capital social de XX euros Inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de NIMES sous le numéro YYY, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès-qualités audit siège. [Adresse 5], [Localité 2], Représentée par Maître Christine BANULS de la SELARL CHABANNES-RECHE-BANULS, Postulant, avocat au barreau de NIMES, Représentée par Maître Jean-Luc VINCKEL de la SELARL VINCKEL - ARMANDET - LE TARGAT - BARAT BAIER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de MONTPELLIER

 

INTIMÉE :

SA SMA

Société anonyme immatriculée au RCS de [Localité 12] sous le n° ZZZ, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, [Adresse 4], [Localité 3], Représentée par Maître Caroline FAVRE DE THIERRENS de la SELARL FAVRE DE THIERRENS BARNOUIN VRIGNAUD MAZARS DRIMARACCI, Plaidant, avocat au barreau de NIMES, Représentée par Maître Romain LEONARD de la SELARL LEONARD VEZIAN CURAT AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de NIMES

 

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 17 octobre 2024

ARRÊT : Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Nathalie AZOUARD, Présidente de Chambre, le 13 février 2025,par mise à disposition au greffe de la cour

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

La SARL [Adresse 9] a fait édifier, entre 2007 et 2013, un ensemble de onze habitations et une piscine au lieu-dit [Adresse 10] à [Localité 8] (30) qui sont proposées en location saisonnière de vacances.

L'entreprise DI MARTINO, assurée auprès de la compagnie ALLIANZ, a réalisé le scellement de pièces telles que les bondes de fond, l'éclairage et les skimmers de la piscine.

La société SM CONSTRUCTION, assurée auprès de la SA SMA, a réalisé l'application d'un enduit de ciment sur la piscine et le scellement de cinq skimmers.

Par ailleurs, la SARL [Adresse 9] a confié à la SARL ALPILLES DURANCE BATIMENT, assurée auprès de la SA SMA, suivant une police à effet au 3 avril 2010, la réalisation de divers travaux se rattachant aux lots terrassement, VRD, canalisations, aménagement de cour intérieure, fosse septique, pose de planchers béton sur terrasses, création de murs de soutènement, bétonnage de chemin, talutage et travaux de reprise sur la piscine existante.

La police d'assurance a été résiliée par la SA SMA à effet du 20 juin 2011 pour défaut de paiement par la SARL ALPILLES DURANCE BATIMENT des cotisations.

L'ensemble des travaux ont été réceptionnés.

La SARL [Adresse 7] a constaté, après l'achèvement des travaux et au démarrage de son activité, plusieurs désordres consistant en une fuite sur le réseau d'eau, des fissures sur le mur de soutènement et sur les terrasses des maisons n°10 et 11, des fissures sur le mur porteur de la maison n°5 et une fuite d'eau dans la piscine, puis a procédé à une déclaration de sinistre le 13 décembre 2017 auprès des assureurs des différents intervenants à l'opération de construction.

La compagnie ALLIANZ et la SA SMA, anciennement SAGENA, ont dénié leur garantie.

Par ordonnance de référé du 10 avril 2019, M. [J] [C] a été désigné en qualité d'expert judiciaire.

Le rapport d'expertise a été déposé le 28 juillet 2020.

Par acte du 13 novembre 2020, la SARL [Adresse 9] a assigné, sur le fondement des articles L. 241-1 du code des assurances et 1792 du code civil, la SA SMA, ès qualités d'assureur décennal de la SARL ALPILLES DURANCE BATIMENT, aux fins d'obtenir sa condamnation au paiement de la somme de 129.991,97 EUR TTC au titre de la réparation des désordres, outre au paiement d'une indemnité procédurale et des dépens.

Par jugement du 1er juin 2023, le tribunal judiciaire de NÎMES a :

- débouté la SARL [Adresse 9] de ses demandes à l'encontre de la SA SMA,

- condamné la SARL [Adresse 9] à verser à la SA SMA la somme de 1.500 EUR au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SARL [Adresse 9] aux entiers dépens.

Par déclaration enregistrée le 26 juillet 2023, la SARL LE HAMEAU DU COULON a interjeté appel de ce jugement.

[*]

Aux termes des dernières écritures de la SARL [Adresse 9] notifiées par RPVA le 10 octobre 2024, il est demandé à la cour de :

Vu les articles L. 124-5, L. 241-1 et A. 243-1 du code général des assurances,

Vu les articles 1792 et 1171 du code civil,

Vu l'ordonnance de référé du 10 avril 2019,

Vu le rapport d'expertise judiciaire du 28 juillet 2020,

Vu les pièces,

- réformer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

- homologuer le rapport d'expertise judiciaire du 28 juillet 2020,

En conséquence,

- juger l'action de la SARL LE HAMEAU DU COULON recevable,

- juger la SARL ALPILLES DURANCE BATIMENT entièrement responsable des dommages de nature décennale,

En conséquence,

- ordonner la mobilisation de la garantie décennale de la SA SMA en raison de la responsabilité de son assurée, la SARL ALPILLES DURANCE BATIMENT,

- condamner la SA SMA à payer au titre de la garantie décennale à la SARL [Adresse 9] la somme de 129.991,97 EUR TTC en réparation des dommages indemnisables affectant les constructions réalisées par son assurée, la SARL ALPILLES DURANCE BATIMENT,

- condamner la SA SMA à payer à la SARL [Adresse 9] la somme de 30.000 EUR pour résistance abusive,

- condamner la SA SMA à payer à la SARL [Adresse 9] la somme de 5.000 EUR au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SA SMA en tous les dépens.

En substance, la SARL [Adresse 9] fait valoir que la SA SMA était bien l'assureur décennal de la SARL ALPILLES DURANCE BATIMENT à la date de commencement effectif des travaux objet du litige, soit au 21 février 2011, et que c'est à tort, par voie de conséquence, que le tribunal a retenu la date du 1er septembre 2007 correspondant à la déclaration réglementaire d'ouverture du chantier. Par ailleurs, elle expose que l'expert a relevé le caractère décennal des désordres et leur imputabilité à l'intervention de la SARL ALPILLES DURANCE BATIMENT. Elle précise, à propos des fuites affectant la piscine, que celle-ci a effectué les travaux initiaux et ceux de reprise de 2011 et 2013, de sorte qu'elle n'avait pas à souscrire une nouvelle police et que la garantie en vigueur en 2011 couvre les travaux exécutés en 2013. Elle note également que la SARL ALPILLES DURANCE BATIMENT était couverte pour l'activité de VRD, contrairement à ce que fait valoir la SA SMA, et souligne que cette dernière n'est pas fondée à soutenir que les travaux de VRD n'étaient pas accessoires à l'activité de maçonnerie garantie mais auraient présenté un caractère principal, ajoutant par ailleurs que la clause du contrat y afférente doit être réputée non écrite par application de l'article 1171 du code civil. Elle indique encore que la SA SMA doit sa garantie, alors même que des factures ont été émises postérieurement à la résiliation du contrat, dans la mesure où celle-ci était l'assureur décennal de la SARL ALPILLES DURANCE BATIMENT à la date de commencement des travaux, et que la police était en cours à cette période.

[*]

Aux termes des dernières conclusions de la SA SMA notifiées par RPVA le 17 octobre 2024, il est demandé à la cour de :

Vu les articles L. 241-1 et suivants et A. 243-1 du code des assurances,

Vu les conditions générales et particulières de la police PPAB n°8632000/003 122172/000 souscrite à effet du 3 avril 2010 et résiliée à effet du 20 juin 2011,

- déclarer recevable mais mal fondé l'appel interjeté par la SARL [Adresse 9] à l'encontre du jugement rendu par le tribunal judiciaire de NÎMES sous la date du 1er juin 2023,

- confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions et débouter la SARL LE HAMEAU DU COULON de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

Y ajoutant,

- condamner la SARL [Adresse 9] à porter et payer à la SA SMA la somme de 2.500 EUR sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

- la condamner aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.

Pour l'essentiel, la SA SMA fait valoir qu'elle ne peut être éventuellement tenue à garantie qu'à raison des désordres affectant les travaux de son assuré dans les conditions des articles 1792 et suivants du code civil pour des chantiers réalisés sur la période de garantie, soit entre le 3 avril 2010 et le 20 juin 2011. Elle précise que la déclaration d'ouverture de chantier du 1er septembre 2007 établie au profit de M. Z. est sans lien établi avec les travaux confiés à la SARL ALPILLES DURANCE BATIMENT et en tout état de cause bien antérieure à la souscription de l'assurance, de sorte qu'elle ne saurait être l'assureur en risque. Elle ajoute, ainsi que l'a retenu le tribunal, que la SARL [Adresse 9] est défaillante dans la preuve de la date du commencement des travaux, le devis non signé du 21 février 2011 étant à cet égard inopérant, ce qui exclut sa garantie. Par ailleurs, elle indique, à supposer que ce devis puisse être retenue, que la date du 21 février 2011 ne pourrait être retenue que pour les travaux de VRD seuls visés au marché et aucunement pour les travaux de la piscine qui n'ont pu être réalisés qu'en 2013, comme le démontre le devis du 8 avril 2013, de sorte qu'aucune garantie n'est due pour ces derniers travaux. De plus, elle expose, à propos des travaux de VRD, qu'aucune garantie n'est due dès lors que ces travaux n'étaient pas accessoires à l'activité de maçonnerie seule souscrite, représentant 42 % du marché global. Enfin, la SA SMA soutient qu'aucune garantie n'est en tout état de cause due au titre des préjudices immatériels aux motifs que la surfacturation d'eau ne répond pas à la définition du préjudice immatériel et qu'elle n'était pas l'assureur de la SARL ALPILLES DURANCE BATIMENT au moment de la réclamation.

[*]

Pour un rappel exhaustif des moyens des parties, il convient, par application de l'article 455 du code de procédure civile, de se référer à leurs dernières écritures notifiées par RPVA.

Par ordonnance du 9 juillet 2024, la clôture de la procédure a été fixée au 17 octobre 2024.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

SUR LES DEMANDES D'INDEMNISATION DE LA SARL [Adresse 9] :

Dans son jugement, le tribunal expose que la SARL LE HAMEAU DU COULON a effectué la déclaration d'ouverture du chantier le 1er septembre 2007 et que la SARL ALPILLES DURANCE BATIMENT a souscrit l'assurance de responsabilité décennale le 16 juin 2010 avec effet au 3 avril 2010. Il relève que le contrat d'assurance a par conséquent été souscrit postérieurement à la déclaration d'ouverture du chantier, et considère, l'unicité de l'opération de construction n'étant par ailleurs pas démontrée, que la déclaration dont s'agit ne peut donc être liée aux travaux concernés par la présente affaire, soulignant par ailleurs que la déclaration du 1er septembre 2007 a été faite au nom de M. Z. et non à celui de la SARL [Adresse 9].

Il indique encore que la SARL LE HAMEAU DU COULON n'apporte pas la preuve que les travaux visés dans le marché de travaux du 21 février 2011 proposé par la SARL ALPILLES DURANCE BATIMENT ont bien été effectués pendant la période de couverture, à savoir entre le 21 février et le 20 juin 2011, le contrat d'assurance qui a fait l'objet d'une tacite reconduction ayant été résilié à cette dernière date. A cet égard, il note que le maître de l'ouvrage a produit une unique facture en date du 28 juin 2013 pour des travaux réalisés selon le devis du 8 avril 2013 et relève par ailleurs l'absence de paiements, de comptes rendus de chantier ou de tout autre échange sur le déroulement des travaux.

Il expose par ailleurs, en ce qui concerne les travaux de reprise de la piscine, que le marché de travaux a été passé le 21 février 2011, sans qu'aucune date sur le commencement des travaux ne soit communiquée. Il ajoute que le contrat d'assurance a été résilié pour non-paiement des primes le 20 juin 2011 et que le devis de reprise des travaux est en date du 8 avril 2013, soit postérieur à la résiliation du contrat. Il poursuit en indiquant que les conditions générales du contrat d'assurance ne prévoient pas les effets d'une telle garantie, se bornant à stipuler que les garanties de la responsabilité décennale et de bon fonctionnement s'appliquent aux sinistres affectant les ouvrages exécutés sur des chantiers ayant fait l'objet d'une ouverture de chantier postérieurement à la date d'effet du contrat et aux sinistres pour des activités déclarées pendant la période de validité du contrat et pendant dix ans à compter de la réception des travaux.

Il déduit de l'ensemble de ces éléments que les garanties de l'assurance ne peuvent être mobilisées compte tenu d'une part, de l'absence d'indication des effets et de la date de commencement des travaux, et d'autre part, parce que la date du devis de reprise des travaux de la piscine est postérieure à la date de résiliation du contrat.

L'article L. 241-1 du code des assurances dans sa rédaction applicable au litige dispose : « Toute personne physique ou morale dont la responsabilité décennale peut être engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du code civil, doit être couverte par une assurance.

A l'ouverture de tout chantier, elle doit être en mesure de justifier qu'elle a souscrit un contrat d'assurance couvrant cette responsabilité.

Tout contrat d'assurance souscrit en vertu du présent article est, nonobstant toute stipulation contraire, réputé comporter une clause assurant le maintien de la garantie pour toute la durée de la responsabilité décennale pesant sur la personne assujettie à l'obligation d'assurance. »

Par ailleurs, l'article A. 243-1 de ce même code prévoit à propos de la durée et du maintien de la garantie dans le temps les dispositions suivantes :

« Le contrat couvre, pour la durée de la responsabilité pesant sur l'assuré en vertu des articles 1792 et suivants du code civil, les travaux ayant fait l'objet d'une ouverture de chantier pendant la période de validité fixée aux conditions particulières. (...)

L'ouverture de chantier s'entend à date unique applicable à l'ensemble de l'opération de construction. Cette date correspond, soit à la date de la déclaration d'ouverture de chantier, mentionnée au premier alinéa de l'article R. 424-16 du code de l'urbanisme pour les travaux nécessitant la délivrance d'un permis de construire, soit, pour les travaux ne nécessitant pas la délivrance d'un tel permis, à la date du premier ordre de service ou à défaut, à la date effective de commencement des travaux.

Lorsqu'un professionnel établit son activité postérieurement à la date unique ainsi définie, et par dérogation à l'alinéa précédent, cette date s'entend pour lui comme la date à laquelle il commence effectivement ses prestations. (...) »

Ces dispositions telles que résultant de l'arrêté du 19 novembre 2009 s'appliquent aux contrats d'assurance conclus ou reconduits postérieurement au 27 novembre 2009, date de sa publication, et sont d'ordre public de sorte qu'il ne peut y être dérogé contractuellement.

Dans le cas présent, la police souscrite par la SARL ALPILLES DURANCE BATIMENT auprès de la SA SMA étant en date du 16 juin 2010 avec effet au 3 avril 2010, les dispositions précitées ont vocation à s'appliquer.

La SARL [Adresse 9] produit une déclaration d'ouverture de chantier en date du 1er septembre 2007. Cette déclaration de chantier désigne comme bénéficiaire M. Z. Toutefois, il importe de relever que figure à côté de la signature de ce dernier le cachet de la SARL LE HAMEAU DU COULON et la déclaration de travaux précise, concernant la nature des travaux, que ceux-ci portent sur la réhabilitation d'un hameau situé à [Localité 8] [Adresse 1] [Localité 13] [Adresse 6]. Aussi, la déclaration de travaux concerne bien l'opération de réhabilitation par elle entreprise, observation à ce propos étant faite que M. Z. a assuré la cogérance de la SARL jusqu'à sa démission intervenue suivant un courrier du 8 décembre 2010.

Par ailleurs, il sera relevé que la déclaration d'ouverture de chantier mentionne l'existence d'un permis de construire portant le n°PC3013406C0006.

L'opération de réhabilitation comprenant onze villas et une piscine s'est étalée entre 2007 et 2013.

Si en application des articles précités, la date devant être prise en compte doit en principe être celle du 1er septembre 2007, en l'état du permis de construire accordé pour la réalisation des travaux de réhabilitation du hameau du [Adresse 6], cette date est toutefois susceptible d'être différée à la date de commencement des travaux en cas de création de la SARL ALPILLES DURANCE BATIMENT postérieurement à cette date, étant précisé que le caractère dérogatoire des dispositions de l'article A. 243-1 trouvent son explication dans le fait qu'un assureur ne peut garantir, sauf reprise du passé, l'activité d'un professionnel qui à la date d'ouverture du chantier n'avait pas d'existence légale.

Dans le cas présent, il ressort des écritures de la SARL [Adresse 9] que la SARL ALPILLES DURANCE BATIMENT a été créée le 1er janvier 2010, ce que ne conteste pas la SA SMA dans ses conclusions.

Aussi, la date à prendre en considération est celle du commencement effectif des travaux par la SARL ALPILLES DURANCE BATIMENT.

La SARL [Adresse 9] produit aux débats un devis de travaux du 21 février 2011 de la SARL ALPILLES DURANCE BATIMENT portant sur l'exécution de travaux de terrassement, VRD, aménagement d'une cour intérieure, assainissement (fosse septique), pose de dalles de béton sur un chemin, talutage et reprise de l'installation d'une piscine. Ce devis engage la SARL ALPILLES DURANCE BATIMENT dès lors qu'elle l'a signée, le fait que la signature et le cachet de la SARL [Adresse 9] n'y figurent pas étant à l'inverse sans effet. En outre, il sera noté qu'en date du 8 mars 2011, la SARL ALPILLES DURANCE BATIMENT a signé un ordre de service portant sur les travaux visés au devis du 21 février 2011, dont la piscine, de sorte que cette date marque le début des travaux. Et ainsi que l'établit la facture ADB003 du 10 juin 2011 de la SARL ALPILLES DURANCE BATIMENT d'un montant de 111.000 EUR correspondant à une demande d'acompte, le marché avait à cette date été exécuté en partie, se poursuivant en 2011 et 2012 comme l'établissent les factures des 10 décembre 2011 de 37.000 EUR TTC, 31 août 2012 de 16.061,07 EUR TTC et 18 décembre 2012 de 5.737,32 EUR TTC, puis en 2013.

Il s'ensuit qu'à la date de résiliation de la police intervenue le 20 juin 2011, le contrat d'assurance avait vocation à trouver application, y compris en ce qui concerne les travaux de la piscine expressément visés dans l'ordre de service du 8 mars 2011 qui marque le commencement des travaux, le fait qu'un nouveau devis en date du 8 avril 2013 ait été établi étant à cet égard indifférent dès lors que les travaux relèvent du chantier confié à la SARL ALPILLES DURANCE BATIMENT. A ce propos, il sera noté que dans le cadre des opérations d'expertise, cette dernière, par la voix de son conseil, n'a aucunement soutenu que ces travaux seraient totalement distincts et ne se rapporteraient pas au chantier qui lui avait été confié en 2011. De plus, il sera observé qu'aux termes de ses conclusions, la SA SMA précise, comme devant le juge des référés, que le chantier a débuté en 2011 et a été réceptionné sans aucune réserve à la date du 29 novembre 2013, ladite réception comprenant, ainsi que l'indique le procès-verbal dressé à cette date, l'ensemble des travaux réalisés par la SARL ALPILLES DURANCE BATIMENT dont ceux concernant la piscine objet du devis du 8 avril 2013.

Du rapport d'expertise, il ressort que les travaux exécutés par la SARL ALPILLES DURANCE BATIMENT sont affectés de nombreux désordres consistant en des fuites dans la piscine, des fissures sur les murs de soutènement et les terrasses des maisons 10 et 11 et des fuites sur le réseau d'eau potable. La SA SMA, qui rappelle les conclusions du rapport d'expertise, ne discute pas le caractère décennal de ces désordres retenu par l'expert et tenant principalement au défaut d'étanchéité de la piscine, au dévers des murs de soutènement qui remet en cause la solidité de l'ouvrage et aux fuites du réseau d'eau potable.

L'expert chiffre les travaux de reprise à la somme de 98.382,26 EUR TTC se décomposant comme suit :

- murs de soutènement : 45.764,45 EUR TTC

- piscine : 50.889,81 EUR TTC

- réseau d'adduction d'eau potable : 1.728 EUR TTC

La SA SMA soutient que sa garantie ne peut être mobilisée au titre des fuites affectant le réseau d'eau potable dans la mesure où la SARL ALPILLES DURANCE BATIMENT était assurée uniquement pour l'activité de maçonnerie et que si elle était autorisée à réaliser des travaux de VRD, ce n'était qu'à titre accessoire ou complémentaire au marché principal, ce qui n'est pas le cas ici selon elle.

Selon l'article 1171 du code civil, « Dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui créé un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite.

L'appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix à la prestation. »

Dans le cas présent, l'indication de la police d'assurance selon laquelle est garantie l'activité principale de maçonnerie et béton armé sauf précontraint in situ, qui est précisément définie quant à la nature des travaux en relevant, ainsi que les travaux complémentaires ou accessoires, dont ceux de démolition et VRD, ne constitue en rien une clause abusive au sens de ces dispositions. En outre, si les conditions générales ne définissent pas le terme d'accessoire, il est cependant manifeste, selon la définition commune qui considère comme accessoire ce qui n'est pas l'essentiel mais est secondaire, qu'au cas d'espèce, les travaux de VRD visés dans le devis du 21 février 2011, outre le fait qu'ils sont pour partie d'entre eux totalement indépendants des travaux de maçonnerie s'agissant plus particulièrement de la réalisation des murs de soutènement et des terrasses ainsi que des travaux concernant la piscine, représentent près de 42 % du marché de travaux du 21 février 2011.

Aussi, ces travaux de VRD ne présentent pas de caractère accessoire et ne sont pas davantage complémentaires, ce qui exclut la prise en charge par l'assureur des travaux de réparation.

En considération de l'ensemble de ces éléments et pour les seuls désordres pour lesquels la garantie est due, la SA SMA sera condamnée à payer à la SARL [Adresse 9] la somme de 96.654,26 EUR TTC au titre des travaux de reprise.

Dans son rapport, l'expert évalue le préjudice financier subi par la SARL LE HAMEAU DU COULON au titre de la perte d'eau sur le réseau enterré à la somme de 5.475 EUR TTC et celui lié à la perte d'eau consécutive à la fuite de la piscine à la somme de 4.590 EUR TTC.

Les conditions générales de la police d'assurance définissent le préjudice immatériel comme suit :

« Tout préjudice pécuniaire résultant de la privation de jouissance d'un droit, de l'interruption d'un service ou de la perte d'un bénéfice. »

En l'occurrence, les pertes subies par la SARL [Adresse 9] ne répondent pas à cette définition. A cet égard, il sera rappelé qu'en application des articles L. 241-1 et A. 243-1 du code des assurances, l'assurance obligatoire de la responsabilité du constructeur ne garantit que les travaux de réparation et ne s'étend pas, sauf stipulation contraire, aux dommages immatériels qui ne relèvent que des garanties facultatives.

Dès lors, la SARL LE HAMEAU DU COULON sera déboutée de sa demande d'indemnisation formée au titre du préjudice financier consécutif aux pertes d'eau.

Le remboursement des frais d'expertise, qui ne constituent pas au cas présent des dépens liés à l'instance devant le tribunal et à la présente instance en appel, ne peuvent davantage être mis à la charge de la SA SMA dans la mesure où ils ne présentent pas le caractère d'un préjudice immatériel, selon la définition contractuelle.

 

SUR LA DEMANDE EN DOMMAGES-INTÉRETS POUR RÉSISTANCE ABUSIVE :

Aux termes de ses écritures, la SARL [Adresse 9] expose que ce n'est qu'en date du 1er juin 2022 que la SA SMA, assignée depuis le 13 novembre 2020, a fait connaître ses arguments. Elle ajoute qu'elle a été, face à cette longueur procédurale, confrontée à deux années d'inflation qui n'ont pas été sans effet sur le montant des travaux de réparation.

Le seul fait pour la SA SMA d'avoir le cas échéant tardé à conclure n'est pas en lui-même de nature à caractériser un comportement fautif. En outre, il sera noté que la SARL [Adresse 9] ne produit aucun élément relatif à une augmentation du coût des matériaux et au préjudice qui en résulterait.

En conséquence, sa demande en dommages-intérêts sera rejetée.

 

SUR L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE :

Le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a condamné la SARL LE HAMEAU DU COULON à payer à la SA SMA la somme de 1.500 EUR sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la garantie de cette dernière étant due partiellement.

L'équité commande de faire application, en cause d'appel, de ces dispositions en faveur de la SARL [Adresse 9] qui obtiendra donc à ce titre la somme de 3.000 EUR.

La SA SMA, qui succombe, sera déboutée de sa demande présentée à ce titre.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe et en dernier ressort :

INFIRME le jugement du tribunal judiciaire de NÎMES du 1er juin 2023 en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau,

DIT que la SA SMA doit sa garantie au titre des travaux de reprise des désordres décennaux affectant les travaux exécutés par la SARL ALPILLES DURANCE BATIMENT, à l'exception de ceux concernant le réseau d'eau potable,

DIT qu'elle n'est pas tenue à garantie concernant les préjudices immatériels,

En conséquence, CONDAMNE la SA SMA à payer à la SARL [Adresse 9] la somme de 96.654,26 EUR TTC au titre des travaux de reprise,

DÉBOUTE la SARL LE HAMEAU DU COULON de sa demande d'indemnisation au titre du préjudice financier résultant des pertes d'eau et des frais d'expertise,

DÉBOUTE la SARL [Adresse 9] de sa demande en dommages-intérêts pour résistance abusive,

DÉBOUTE la SA SMA de sa demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SA SMA aux entiers dépens de première instance,

Et y ajoutant,

CONDAMNE la SA SMA à payer à la SARL [Adresse 9], en cause d'appel, la somme de 3.000 EUR au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE la SA SMA de sa demande présentée à ce titre,

CONDAMNE la SA SMA aux entiers dépens d'appel

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

LA GREFFIÈRE,                            LA PRÉSIDENTE,