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CA NÎMES (2e ch. civ. sect. C), 3 avril 2025

Nature : Décision
Titre : CA NÎMES (2e ch. civ. sect. C), 3 avril 2025
Pays : France
Juridiction : Nimes (CA), 2e ch. civ.
Demande : 24/02727
Date : 3/04/2025
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 8/08/2024
Décision antérieure : TJ Privas (réf.), 25 avril 2024 : RG n° 24/00027
Décision antérieure :
  • TJ Privas (réf.), 25 avril 2024 : RG n° 24/00027
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CERCLAB - DOCUMENT N° 23704

CA NÎMES (2e ch. civ. sect. C), 3 avril 2025 : RG n° 24/02727 

Publication : Judilibre

 

Extrait : « L'appelante conclut à l'existence d'une contestation sérieuse en l'état de l'intégration de la valeur résiduelle du tracteur en cas d'option d'achat en l'absence d'option de la part du crédit preneur, outre la totalité des mensualités à échoir, 5 % des loyers à échoir ainsi que la restitution du tracteur, ces exigences constituant des clauses abusives créant un déséquilibre significatif, de nature à justifier de les voir déclarer réputées non écrites. Elle se fonde sur les dispositions de l'article 1171 du Code civil en rappelant que le crédit-bail est un contrat d'adhésion dont les clauses sont non négociables.

L'intimée rappelle tout d'abord que les dispositions de l'article 1171 sanctionnent les clauses abusives dans les contrats qui ne relèvent pas des dispositions spéciales des articles L 442-6 du code de commerce ce qui est le cas des contrats de crédit-bail qui sont gérées par des sociétés agréées et relèvent du code monétaire et financier.

Les dispositions de l'article 1171 du code civil prévoient que sont réputées non écrites les clauses qui dans un contrat d'adhésion créent un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des partie, ont vocation à s'appliquer aux contrats qui ne relèvent pas de dispositions spéciales et notamment des articles L. 442-1 du code de commerce. Les contrats de crédit-bail ne relèvent ni des dispositions du code monétaire ni de celle du code de commerce s'agissant de ce point. Il relève donc du régime général de l'article 1771 du Code civil.

Le caractère abusif doit s'apprécier au regard de l'économie générale du contrat et il ressort du principe même du contrat de crédit-bail que les risques sont intégralement assumés par le crédit bailleur qui exécute l'intégralité de ses obligations dès la conclusion du contrat ce qui n'est pas le cas du crédit preneur qui lui dispose de l'intégralité de la durée contractuellement consentie pour exécuter les siennes. La contestation à ce titre ne revêt pas un caractère sérieux. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE – DEUXIÈME CHAMBRE SECTION C

ARRÊT DU 3 AVRIL 2025

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

N° RG 24/02727 - N° Portalis DBVH-V-B7I-JJOA. Décision déférée à la cour : Ordonnance du Président du TJ de PRIVAS en date du 25 avril 2024, RG n° 24/00027.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Madame S. DODIVERS, Présidente de chambre, Mme L. MALLET, Conseillère, Mme S. IZOU, Conseillère,

GREFFIER : Mme Véronique LAURENT-VICAL, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS : A l'audience publique du 20 janvier 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 20 mars 2025 prorogé à ce jour. Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

 

APPELANTE :

EARL LES JACYNTHES

Exploitation agricole à responsabilité limitée, immatriculée au RCS d'AUBENAS sous le numéro XXX, représentée et M. X., gérant en exercice, agissant ès-qualités et domicilié de droit audit siège [Adresse 4], [Localité 1], Représentée par Maître Sophie MENARD-CHAZE, Postulant, avocat au barreau de NIMES, Représentée par Maître Myriam BEN SALEM, Plaidant, avocat au barreau de VALENCE

 

INTIMÉE :

Société LIXXBAIL

Société Anonyme au capital YYY, immatriculée au RCS de Nanterre sous le numéro ZZZ, représentée par son Directeur Général, domicilié en cette qualité audit siège, [Adresse 3], [Localité 2], Représentée par Maître Romain LEONARD de la SELARL LEONARD VEZIAN CURAT AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de NIMES, Représentée par Maître Quentin SIGRIST de la SELARL SIGRIST & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

 

Affaire fixée en application des dispositions de l'ancien article 905 du code de procédure civile

ARRÊT : Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Madame S. DODIVERS, Présidente de chambre, le 3 avril 2025, par mise à disposition au greffe de la cour

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

Par acte sous seing privé du 31 mai 2024, l'EARL Les Jacynthes a conclu un contrat de crédit-bail n°2773368BN0 avec la SA Lixxbail portant sur le financement d'un tracteur de marque New Holland modèle T5.100 et ses accessoires, au prix de 94 800 euros, moyennant 84 loyers mensuels de 935,82 euros HT à compter du 6 juin 2023, avec une option d'achat de 20 000 euros HT.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 14 septembre 2023, la SA Lixxbail a vainement mis en demeure l'EARL Les Jacynthes de lui régler la somme de 5 105,74 euros au titre les loyers impayés et accessoires, sous peine de résiliation de plein droit du contrat.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 30 septembre 2023, la SA Lixxbail a notifié à l'EARL Les Jacynthes la résiliation du contrat, sollicité la restitution du tracteur et le paiement des loyers impayés augmentés des primes d'assurances groupes ainsi que de l'indemnité contractuelle de résiliation.

Par exploit de commissaire de justice du 11 janvier 2024, la SA Lixxbail a fait assigner l'EARL Les Jacynthes devant le président du tribunal judiciaire de Privas, statuant en référé, sur le fondement de l'article 835 al. 2 du code de procédure civile et des articles 1103 et 1104 du code civil, aux fins de constater la résiliation de plein droit du contrat n°2773368BN au 30 septembre 2023, de la voir condamner à lui payer, à titre provisionnel, la somme de 120 232,65 euros, majorée des intérêts au taux légal, de lui restituer à ses frais et risques le tracteur et ses accessoires et au besoin, et l'autoriser à appréhender le tracteur en toutes mains et en tout lieu en sollicitant le concours de la force publique.

Par ordonnance contradictoire du 25 avril 2024, le président du tribunal judiciaire de Privas, statuant en référé, a :

Écarté l'exception d'incompétence territoriale opposée par l'EARL Les Jacynthes à la demande de la SA Lixxbail ;

Constaté la résiliation du contrat de crédit-bail n°2773368BN0 conclu entre l'EARL Les Jacynthes et la SA Lixxbail ;

Condamné l'EARL Les Jacynthes à payer à la SA Lixxbail une provision d'un montant de 96 232,65 euros à valoir sur sa créance après résiliation à compter du 30 septembre 2023 du contrat de crédit-bail n°2773368BN0 ;

Dit que cette somme produit intérêts au taux légal à compter du 11 janvier 2024 ;

Dit que les intérêts sont capitalisés en application de l'article 1342-2 du code civil lorsqu'ils seront dus pour une année entière ;

Condamné l'EARL Les Jacynthes à restituer à la SA Lixxbail le tracteur New Holland T5.100 et ses accessoires tels que désignés dans la facture n°FC2023060002 ;

Rejeté toutes autres demandes ;

Laissé les dépens à la charge de l'EARL Les Jacynthes,

Condamné l'EARL Les Jacynthes à payer à la SA Lixxbail la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 8 août 2024, l'EARL Les Jacynthes a relevé appel de l'intégralité de cette ordonnance.

[*]

Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 26 novembre 2024, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, l'EARL Les Jacynthes, appelante, sollicite de la cour, au visa de l'article 1103 et 1171 du Code civil et de l'article 835 du Code de procédure civile, de :

Recevoir l'EARL les Jacynthes et M. X., son Gérant, en leurs demandes, fins et conclusions et les juger bien fondées ;

Réformer l'ordonnance de M. le Juge des référés du Tribunal Judiciaire de Privas, en date du 25/04/2024, en ses dispositions suivantes :

« -Constatons la résiliation du contrat de crédit-bail n°2773368BNO conclu entre l'EARL Les Jacynthes et la SA Lixxbail à compter du 30 septembre 2023 ; Condamnons l'EARL Les Jacynthes à payer à la SA Lixxbail une provision d'un montant de 96 232.65 euros à valoir sur sa créance après résiliation à compter du 30 septembre 2023 du contrat de crédit-bail n°2773368BNO ; Disons que cette somme produit intérêts au taux légal à compter du 1er janvier 2024 ; Disons que les intérêts sont capitalisés en application de l'article 1343-2 du code civil lorsqu'ils seront dus pour une année entière ; Condamnons l'EARL Les Jacynthes à restituer à la SA Lixxbail le tracteur New Holland T5.100 et ses accessoires tels que désignés dans la facture n°FC2023060002 du 1er juin 2023 ; Rejetons toutes autres demandes des parties ; Laissons les dépens à la charge de l'EARL Les Jacynthes ; Condamnons l'EARL Les Jacynthes à payer à la SA Lixxbail al somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. ».

Statuant à nouveau,

À titre principal,

Juger que les clauses de l'article 9.3 et 9.4 des conditions générales de ventes de la Société Lixxbail sont réputées non écrites en ce qu'elles créent un déséquilibre significatif entre les droits et devoirs des parties ;

Constater qu'il y a une contestation sérieuse rendant irrecevable la demande de la Société Lixxbail d'un paiement de la somme de 120 232,65 ‘à titre provisionnel par l'EARL les Jacynthes ;

Juger que les demandes et prétentions de la Société Lixxbail sont purement et simplement abusives ;

En conséquent et y faisant droit,

Débouter la Société Lixxbail de sa demande de provision de 120 232,65 ‘et de la restitution du tracteur de marque New Holland, modèle T5.100, numéro de série HLRT5100PNLY11661

À titre subsidiaire,

Prononcer la caducité de la déchéance du terme du 30/09/2023 ; En conséquent et y faisant droit,

Débouter la Société Lixxbail de l'ensemble de ses prétentions ;

Ordonner à la Société Lixxbail de poursuivre les prélèvements des mensualités ;

Ordonner à la Société Lixxbail de mettre en place un nouvel échéancier intégrant les mensualités des mois de Juin à Septembre 2023, qui demeurent impayées.

A titre infiniment subsidiaire,

Juger que l'EARL les Jacynthes a des difficultés financières et de son impossibilité à payer la somme de 120 232,65 ', à titre provisionnel ;

Constater que l'EARL les Jacynthes propose deux possibilités de règlement des mensualités des mois de Juin à Septembre 2023 :

- Soit dans le cadre d'un allongement de l'échéancier jusqu'au 06/09/2030 ;

- Soit l'intégration des mensualités des mois de juin à septembre 2023 dans le capital restant dû avec la mise en place d'un nouvel échéancier ;

En conséquence, et y faisant droit,

Débouter la Société Lixxbail de l'ensemble de ses prétentions ;

Ordonner à la Société Lixxbail de mettre en place un nouvel échéancier de remboursement des mensualités du crédit-bail.

En toute étant de cause,

Condamner la Société Lixxbail à verser à l'EARL les Jacynthes la somme de 5 000 ‘au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Au soutien de son appel, l'EARL Les Jacynthes indique à titre principal :

Que l'appel est recevable puisqu'il a été interjeté dans le délai légal de 15 jours à compter de sa notification,

Qu'il existe une contestation sérieuse s'agissant de la provision nécessitant que l'affaire soit jugée au fond car la somme 120 232,65 ‘intègre la valeur résiduelle du tracteur à hauteur de 20 000 ‘en cas d'option de rachat alors qu'elle n'a pas levée l'option d'achat et n'est donc pas redevable de la valeur résiduelle du tracteur,

Que le juge des référés n'avait pas les pouvoirs pour prendre une ordonnance en présence d'une contestation sérieuse,

Que les clauses stipulées à l'article 9 des conditions générales du crédit-bail sont purement et simplement abusives et de nature à créer un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties, au détriment du crédit-preneur,

Que le crédit bailleur se serait enrichi sans cause par la totalité des mensualités et la conservation du bien, et le crédit preneur se trouverait donc appauvri sans contrepartie.

A titre subsidiaire, elle fait valoir que la Société Lixxbail a d'elle-même relancé le cours du contrat, en procédant consciemment aux prélèvements des mensualités à trois reprises, comme cela a été prévu dans le contrat, entrainant par conséquent la notification de la déchéance du terme.

A titre infiniment subsidiaire, elle sollicite un rééchelonnement des mensualités expliquant avoir dû faire face à des difficultés financières importantes et qu'il lui est manifestement impossible de payer en une seule fois la somme importante de 120 232,65 ', qui plus est, est contestée.

[*]

Par dernières conclusions du 4 novembre 2024, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, la SA Lixxbail, intimée et appelante à titre incident, demande à la cour, au visa des articles 1103, 1104 et 1171 du code civil et de l'article 835 al. 2 du code de procédure civile, de :

Débouter l'EARL Les Jacynthes de l'ensemble de ses demandes ;

Confirmer l'ordonnance entreprise sauf en ce qu'elle l'a débouté de sa demande au titre de la valeur résiduelle et de sa demande tendant à l'autoriser à appréhender le tracteur agricole entre toutes les mains et en tout lieu où il trouve en sollicitant, si nécessaire, le concours de la force publique ;

Réformer l'ordonnance entreprise de ces chefs ;

« -l'autoriser à appréhender le tracteur agricole entre toutes les mains et en tout lieu où il trouve en sollicitant, si nécessaire, le concours de la force publique ;

-condamner l'EARL Les Jacynthes à lui payer, à titre provisionnel, la somme de 24 000 euros, au titre de la valeur résiduelle, majorée des intérêts au taux légal à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, avec la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil ; »

En tout état de cause,

Débouter l'EARL Les Jacynthes de l'ensemble de ses demandes ;

La condamner à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

A l'appui de ses écritures, la SA Lixxbail fait valoir :

L'absence de contestation sérieuse puisque l'EARL Les Jacynthes ne conteste pas avoir été défaillante dans l'exécution du contrat de crédit-bail ni de ne pas avoir régler dans le délai contractuel imparti, les causes de la mise en demeure visant la clause de résiliation de plein droit,

Que l'article 1343-5 du Code civil est inopposable par le locataire au crédit-bailleur qui a notifié, selon les stipulations du contrat de crédit-bail, la résiliation de plein droit dudit contrat.

Que la juridiction saisie, qui ne peut que constater la résiliation de plein droit du contrat de crédit-bail intervenue, ne dispose pas des prérogatives pour en suspendre les effets,

Que le fait que des prélèvements aient été effectués postérieurement à la résiliation intervenue de plein droit le 30 septembre 2023 n'a pas d'effet car cela ne traduit pas une renonciation du crédit-bailleur à l'acquisition de la clause résolutoire,

L'absence de déséquilibre définitif et d'enrichissement sans cause,

Que le contrat de crédit-bail est exclu du champ de l'article L. 442-6 (ancien) du Code de commerce,

Que l'article 1171 du Code civil s'applique aux contrats lorsqu'ils ne relèvent pas de l'article L.442-6 (ancien) / L.442-1 du Code de commerce.

Que la société Lixxbail est une société agréée auprès de l'Autorité de contrôle prudentiel et est soumise aux dispositions spécifiques du Code monétaire et financier et non du Code de commerce relatives aux pratiques restrictives de concurrence,

Que la clause de résiliation qu'entend remettre en cause l'EARL les Jacynthes ne crée aucun déséquilibre significatif car la nature et la répartition des obligations des parties à un contrat de crédit-bail tient au caractère financier des engagements,

Que l'EARL Les Jacynthes n'est pas fondée à cesser d'exécuter le contrat de crédit-bail dès lors que ce dernier a été parfaitement exécuté, et qu'elle s'est prévalue de la résiliation de plein droit conformément aux stipulations contractuelles,

L'irrecevabilité de la demande de modification contractuelle judiciaire puisque la juridiction ne dispose pas de pouvoirs juridictionnels pour s'immiscer dans une relation contractuelle pour en modifier les termes sauf à de rares exceptions, notamment dans le cadre des procédures collectives.

Elle forme enfin un appel incident sollicitant l'infirmation de l'ordonnance querellée en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande au titre de la valeur résiduelle, soit 20.000,00 ‘HT (24.000,00 ‘TTC).

[*]

L'affaire a été fixée à l'audience du 20 janvier 2025, pour être mise en délibéré, par mise à disposition au greffe, au 2025.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

L'EARL les jacinthes qui a déféré à la cour au terme de sa déclaration d'appel la constatation de la résiliation du contrat de crédit-bail a abandonné cette demande au terme de ses dernières conclusions.

 

Sur la demande de provision :

Aux termes de l'article 835 du code de procédure civile, « le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite

Dans tous les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire ».

 

Sur l'application des dispositions de l'article 1171 du Code civil :

L'appelante conclut à l'existence d'une contestation sérieuse en l'état de l'intégration de la valeur résiduelle du tracteur en cas d'option d'achat en l'absence d'option de la part du crédit preneur, outre la totalité des mensualités à échoir, 5 % des loyers à échoir ainsi que la restitution du tracteur, ces exigences constituant des clauses abusives créant un déséquilibre significatif, de nature à justifier de les voir déclarer réputées non écrites.

Elle se fonde sur les dispositions de l'article 1171 du Code civil en rappelant que le crédit-bail est un contrat d'adhésion dont les clauses sont non négociables.

L'intimée rappelle tout d'abord que les dispositions de l'article 1171 sanctionnent les clauses abusives dans les contrats qui ne relèvent pas des dispositions spéciales des articles L 442-6 du code de commerce ce qui est le cas des contrats de crédit-bail qui sont gérées par des sociétés agréées et relèvent du code monétaire et financier.

Les dispositions de l'article 1171 du code civil prévoient que sont réputées non écrites les clauses qui dans un contrat d'adhésion créent un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des partie, ont vocation à s'appliquer aux contrats qui ne relèvent pas de dispositions spéciales et notamment des articles L. 442-1 du code de commerce. Les contrats de crédit-bail ne relèvent ni des dispositions du code monétaire ni de celle du code de commerce s'agissant de ce point. Il relève donc du régime général de l'article 1771 du Code civil.

Le caractère abusif doit s'apprécier au regard de l'économie générale du contrat et il ressort du principe même du contrat de crédit-bail que les risques sont intégralement assumés par le crédit bailleur qui exécute l'intégralité de ses obligations dès la conclusion du contrat ce qui n'est pas le cas du crédit preneur qui lui dispose de l'intégralité de la durée contractuellement consentie pour exécuter les siennes.

La contestation à ce titre ne revêt pas un caractère sérieux.

 

Sur la caducité de la déchéance du terme :

L'appelante entend se prévaloir de la caducité de la déchéance du terme qui serait la conséquence de prélèvements maintenus postérieurement à la déchéance du terme pour les mois d'octobre novembre et décembre 2023.

L'intimée sollicite la confirmation de la décision déférée indiquant l'existence d'une clause contractuelle, par ailleurs il expose que l'organisation des services génère cette difficulté mais que depuis le mois de décembre il n'y a eu aucun autre prélèvement effectué.

L'article 9.3 du contrat prévoit « les avis de prélèvement présentés et réglés postérieurement à la résiliation seront affectés sur les sommes dues ne font pas novation à la résignation. »

Il est donc contractuellement prévu que la poursuite de prélèvements n'a aucune conséquence sur la résiliation du contrat qui lie les parties.

Il n'y a donc aucune caducité de la déchéance du terme la demande de ce chef est rejetée et la décision déférée confirmée.

 

Sur la provision :

La demande de provision est fondée sur les sommes suivantes :

** 4 491.94 € au titre des loyers pour les mois de juin à septembre 2023 ;

** 126.40 € au primes d'assurance impayées ;

**92.92 € au titre des intérêts contractuels de retard ;

**413.62 € au titre de divers frais ;

**118 571.53 € au titre de l'indemnité de résiliation :

89 838 € au titre des loyers à échoir

4 732.81 € au titre de la pénalité d'inexécution

24 000 € au titre de la valeur résiduelle.

Les sommes réclamées au titre des loyers des mois de juin à septembre 2023 demeurés impayés, des primes d'assurance, des intérêts de retard relevant de l'application de l'article 2- 8 des conditions générales du contrat ne sont ni contestés ni contestables.

Les frais de recouvrement ne sont justifiés par la production d'aucune pièce et sont de ce fait sérieusement contestables.

Il convient néanmoins de rappeler que le pouvoir des juges du fond de modifier les indemnités conventionnelles n'exclut pas celui du juge des référés d'accorder une provision sur le montant de la clause pénale car la dette n'est pas sérieusement contestable.

Par ailleurs il est constant que l'indemnité de résiliation englobe les loyers à échoir, la pénalité d'inexécution et l'indemnité égale à la valeur résiduelle qui aurait été réglée en cas d'option d'achat.

Ces trois sommes constituent pour chacune d'entre elles une clause pénale puisqu'elle visent à assurer une compensation des dommages subis par le crédit bailleur en cas d'inexécution du contrat.

Le cumul de ces 3 clauses pénales est manifestement excessif et entraînera une modération.

En conséquence eu égard aux pouvoirs modérateurs du juge, notamment lorsque le montant réclamé excède notablement le montant du préjudice réellement subi et serait susceptible de procurer un avantage excessif au créancier il y a lieu de fixer à la somme de 90 000 ‘le montant non sérieusement contestable de la provision.

La décision sera réformée en ce sens. […]

 

Sur la demande de délai de paiement :

L'EARL les jacinthes sollicite de voir les échéances impayées rajoutées en fin d'exécution du contrat ou réparties sur l'intégralité des paiements restant dus au titre de l'exécution du contrat de crédit-bail.

L'intimée relève l'absence de pouvoir juridictionnel permettant de s'immiscer dans une relation contractuelle.

Les demandes formulées qui ne sont que des propositions de modification de l'exécution du contrat ne peuvent être accueillies en l'état d'un contrat résilié de plein droit sans voir préalablement la clause résolutoire suspendue ce qui ne ressort pas de la compétence du juge des référés en l'absence de dispositions légales ou contractuelles lui conférant ce pouvoir.

La demande sera rejetée.

 

Sur la restitution du tracteur agricole :

Il est manifeste que l'engin n'a toujours pas été restitué malgré la résiliation du contrat qui n'est pas contestée.

Cependant la société Lixxbail ne justifie pas avoir tenté sans succès d'appréhender l'engin.

En conséquence de quoi la décision déférée sera confirmée de ce chef.

 

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Les circonstances et l'équité justifient qu'il ne soit pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, les demandes faites à ce titre par chacune des parties en cause d'appel sont rejetées.

L'EARL les jacinthes supportera la charge des entiers dépens de la présente procédure.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant après en avoir délibéré conformément à la loi, par arrêt contradictoire, en référé, rendu par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

Confirme la décision déférée sauf s'agissant du montant de la provision ;

Et statuant à nouveau,

Condamnons l'EURL les jacinthes à payer à la SA Lixxbail une provision d'un montant de 90 000 ‘à valoir sur sa créance après résiliation du contrat de crédit-bail n° 277 33 68BN0 ;

Y ajoutant

Déboute les parties de leurs demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne l'EARL les jacinthes à supporter les dépens d'appel.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

LA GREFFIÈRE,                            LA PRÉSIDENTE,