CA ORLÉANS (ch. com.), 13 mars 2025
- T. com. Orléans, 30 juin 2022
CERCLAB - DOCUMENT N° 23708
CA ORLÉANS (ch. com.), 13 mars 2025 : RG n° 22/01993 ; arrêt n° 60-25
Publication : Judilibre
Extrait : « Il est constant que le budget AMIE (« Action, Marketing, Investissements et Equipements »), anciennement appelé « cagnotte », correspond à une pratique consistant à faire participer par provision les agents aux actions commerciales, marketing et publicitaires nationales ou locales, qui leur bénéficient autant qu'à leur mandant CAFPI, conformément à l'esprit du mandat commun qui anime le contrat de mandataire.
Il résulte des pièces versées aux débats que ce prélèvement avant calcul de la commission existait dès avant la signature du contrat MIOB en 2013 et qu'il n'a jamais été contesté par Mme X. dans son principe ni dans son montant jusqu'à la rupture des relations contractuelles entre les parties en 2018.
La participation à ce budget AMIE se trouve en outre expressément prévue dans le tableau de calcul des rémunérations annexé au contrat MIOB du 3 juin 2013 et auquel renvoie l'article 4 relatif à la rémunération. La société CSL ne saurait dans ces conditions contester avoir accepté le principe d'un tel prélèvement.
Surtout, les mails échangés entre les parties et les fiches préparatoires au calcul des commissions, ou fiches de pré encaissement, régulièrement renseignées par Mme X., montrent que cette dernière :
- fixait librement les règles d'abondement à la cagnotte en fonction des actions envisagées, aucun montant minimum de prélèvement par dossier n'étant imposé par la société CAFPI,
- suivait de près l'évolution et l'équilibre du budget, ayant pu tantôt se vanter de « jouer le jeu » de la cagnotte, tantôt s'engager à « cagnotter plus » pour résorber un déficit créé par telle fête ou tel événement publicitaire au niveau de son agence,
- déterminait en concertation avec les autres MIOB des mêmes secteurs les actions à prévoir et financer,
- se voyait communiquer par la direction générale de la société CAFPI le récapitulatif du budget AMIE et des actions menées grâce à la cagnotte,
- a même pu à l'occasion être sollicitée par la direction régionale de CAFPI pour valider une opération ayant un impact notable sur le budget AMIE (cf notamment pièces 83 à 91 CAFPI).
La société CSL ne saurait par ailleurs contester que les dépenses engagées sur le budget AMIE, qui comportaient notamment des frais d'organisation de soirées avec les apporteurs d'affaires, les notaires et les banquiers, des frais de publicités diverses, de participation à des salons immobiliers, ou encore de location de bureaux, ont favorisé le développement de son activité, et partant sa rémunération.
Compte tenu de ce qui précède, il ne peut être sérieusement soutenu que la société CSL n'avait aucune faculté de contrôle des prélèvements AMIE ou encore que ceux-ci auraient été dépourvus de cause ou de contrepartie suffisante et qu'ils caractériseraient un déséquilibre contractuel significatif.
La société CSL n'est donc pas fondée à prétendre au remboursement de ces retenues, et le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté la prétention financière élevée à ce titre. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE ORLÉANS
CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE
ARRÊT DU 13 MARS 2025
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 22/01993. Arrêt n° 60-25. N° Portalis DBVN-V-B7G-GUIM. DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce d'ORLEANS en date du 30 juin 2022.
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTES : Timbre fiscal dématérialisé N°: XXX
Madame X.
née le [date] à [Localité 15], [Adresse 2], [Localité 4], Ayant pour avocat postulant Maître Benoît BERGER, membre de la SELARL BERGER-TARDIVON-GIRAULT-SAINT-HILAIRE, avocat au barreau d'ORLEANS et pour avocat plaidant Maître Laurence CIER, avocat au barreau de PARIS
SAS CSL
Représentée par son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 5], [Localité 3], Ayant pour avocat postulant Me Benoît BERGER, membre de la SELARL BERGER-TARDIVON-GIRAULT-SAINT-HILAIRE, avocat au barreau d'ORLEANS et pour avocat plaidant Me Laurence CIER, avocat au barreau de PARIS
D'UNE PART
INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé N°: YYY
SAS CAFPI
Représenté par son représentant légal domicilié audit siège en cette qualité. [Adresse 1], [Localité 7], Ayant pour avocat postulant Maître Nadjia BOUAMRIRENE, membre de la SCP LAVISSE BOUAMRIRENE GROUP, avocat au barreau d'ORLEANS et pour avocat plaidant Maître Jean-Claude BOUHENIC, avocat au barreau de PARIS, D'AUTRE PART
DÉCLARATION D'APPEL en date du : 8 août 2022
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 7 novembre 2024
COMPOSITION DE LA COUR : Lors des débats à l'audience publique du JEUDI 14 NOVEMBRE 2024, à 14 heures, Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS et Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller, en charge du rapport, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l'article 805 et 907 du code de procédure civile.
Après délibéré au cours duquel Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, Madame Fanny CHENOT, Conseiller, et Monsieur Damien DESFORGES, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de : Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, Madame Fanny CHENOT, Conseiller, Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller,
Greffier : Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et du prononcé,
ARRÊT : Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le JEUDI 13 MARS 2025 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE :
De 1971 à 2009, soit pendant 38 ans, M. Y. a exercé en nom propre l'activité de courtier en prêt immobilier sous l'enseigne CAFPI.
Dans ce cadre, Mme D. Z. épouse X. a signé avec M. Y. un contrat d'agent commercial le 2 novembre 2007.
Par acte sous seing privé du 5 juin 2009, M. Y. a fait apport de son entreprise de courtage en prêt immobilier à sa société CAFPI, immatriculée au registre du commerce et des sociétés depuis février 2009.
Immatriculée par ailleurs à l'Orias, organisme pour le registre unique des intermédiaires en assurance, banque et finance, depuis le 6 mars 2009 en qualité de courtier d'assurance, la société CAFPI a signé le 18 septembre 2009 avec Mme X. un contrat de mandataire d'intermédiaire d'assurance (MIA) à titre accessoire.
La société CAFPI s'étant postérieurement inscrite au registre Orias en qualité de courtier en opérations de banque et en service de paiement conformément à de nouvelles obligations légales, elle a signé le 3 juin 2013 avec Mme X., désormais prise en qualité de présidente de sa société CSL, un contrat de mandataire d'intermédiaire en opérations de banque (MIOB), catégorie créée par décret en 2012. Elle a également signé le même jour un nouveau contrat de MIA à titre accessoire spécifiant désormais comme mandataire la société CSL et non plus Mme X. elle-même.
Par courriel du 7 mars 2018, Mme X. a écrit à la société CAFPI pour lui faire état de son souhait de présenter sa démission et d'en discuter les conditions.
Par courrier recommandé du 10 avril 2018, la société CAFPI a notifié à la société CSL la rupture de son contrat de MIOB à ses torts exclusifs et sans indemnité, pour faute grave, indiquant à Mme X. avoir appris qu'elle développait une activité concurrente en parallèle à travers une société « Les Courtières » créée en février 2018, et qu'elle débauchait ou tentait de débaucher des agents CAFPI.
La société CSL a démenti les reproches formulés, et s'en sont suivis des échanges entre les parties, lesquelles ne sont parvenues à aucun accord.
Par acte d'huissier du 13 décembre 2018, la société CSL et Mme X. ont fait assigner la société CAFPI devant le tribunal de commerce d'Orléans en vue de voir constater les manquements de cette dernière dans l'exécution des contrats d'agent commercial et de mandataire et d'obtenir diverses indemnités, ensemble et séparément, outre le paiement de commissions selon elles encore dues.
La société CAFPI a formé des demandes indemnitaires reconventionnelles au titre d'une part de la violation par Mme X. et la société CSL de leur obligation de non-concurrence et d'autre part d'actes de concurrence déloyale.
Par jugement du 30 juin 2022, le tribunal de commerce d'Orléans a :
- dit que la société Vitae est hors de cause,
- dit prescrites les sommes dues antérieurement au 13 décembre 2013 à Mme X. au titre de ses contrats d'agent commercial et d'intermédiaire en assurances,
- dit prescrites les sommes dues à la société CSL antérieurement au 13 décembre 2013 au titre de ses contrats MIOB et MIA,
- condamné solidairement Mme X. et la société CSL à payer à la société CAFPI la somme de 109'500 euros au titre du non-respect de la clause de non-concurrence,
- débouté Mme X. de sa demande de paiement à l'encontre de la société CAFPI de la somme de 75.000 euros à titre d'indemnité de préavis pour rupture de son contrat d'agent commercial en 2013,
- débouté la société CSL de sa demande de paiement à l'encontre de la société CAFPI de la somme de 75.000 euros à titre d'indemnité de préavis pour rupture des relations commerciales en 2018,
- débouté Mme X. de sa demande de paiement de la somme de 200.000 euros par la société CAFPI à titre d'indemnité de rupture de ses contrats de 2013,
- débouté la société CSL de sa demande de paiement de la somme de 300.000 euros par la société CAFPI à titre d'indemnité de rupture de ses contrats en 2018,
- débouté Mme X. et la société CSL de leur demande de paiement par la société CAFPI de la somme de 460.000 euros au titre de la récurrence des commissions d'assurance,
- débouté Mme X. et la société CSL de leur demande de paiement par la société CAFPI de la somme de 65'278 euros au titre de commissions dues sur la cagnotte AMIE,
- débouté la société CSL de sa demande de paiement par la société CAFPI de la somme de 30.000 euros au titre des commissions dues sur le développement du chiffre d'affaires,
- débouté Mme X. et la société CSL de leur demande de paiement par la société CAFPI de la somme de 258'492 euros au titre des commissions dues pour les ristournes d'apporteur d'affaires,
- débouté la société CSL de sa demande de paiement par la société CAFPI de la somme de 74'083,47 euros au titre des commissions dues sur le droit de suite des contrats commerciaux,
- condamné solidairement Mme X. et la société CSL à payer à la société CAFPI la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile,
- condamné solidairement Mme X. et la société CSL à payer à la société CAFPI la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
- condamné solidairement Mme X. et la société CSL en tous les dépens y compris les frais de greffe taxés et liquidés à la somme de 85,80 euros.
La société CSL et Mme X. ont relevé appel de cette décision par déclaration en date du 8 août 2022 en critiquant expressément tous les chefs du jugement en cause.
[*]
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 30 octobre 2024, la société CSL et Mme X. demandent à la cour de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- dit prescrites les sommes dues antérieurement au 13 décembre 2013 à Mme X. au titre de ses contrats d'agent commercial et d'intermédiaire en assurances,
- dit prescrites les sommes dues à la société CSL antérieurement au 13 décembre 2013 au titre de ses contrats MIOB et MIA,
- condamné solidairement Mme X. et la société CSL à payer à la société CAFPI la somme de 109'500 euros au titre du non-respect de la clause de non-concurrence,
- débouté Mme X. de sa demande de paiement à l'encontre de la société CAFPI de la somme de 75.000 euros à titre d'indemnité de préavis pour rupture de son contrat d'agent commercial en 2013,
- débouté la société CSL de sa demande de paiement à l'encontre de la société CAFPI de la somme de 75.000 euros à titre d'indemnité de préavis pour rupture des relations commerciales en 2018,
- débouté Mme X. de sa demande de paiement de la somme de 200.000 euros par la société CAFPI à titre d'indemnité de rupture de ses contrats de 2013,
- débouté la société CSL de sa demande de paiement de la somme de 300.000 euros par la société CAFPI à titre d'indemnité de rupture de ses contrats en 2018,
- débouté Mme X. et la société CSL de leur demande de paiement par la société CAFPI de la somme de 460.000 euros au titre de la récurrence des commissions d'assurance,
- débouté Mme X. et la société CSL de leur demande de paiement par la société CAFPI de la somme de 65'278 euros au titre de commissions dues sur la cagnotte AMIE,
- débouté la société CSL de sa demande de paiement par la société CAFPI de la somme de 30.000 euros au titre des commissions dues sur le développement du chiffre d'affaires,
- débouté Mme X. et la société CSL de leur demande de paiement par la société CAFPI de la somme de 258'492 euros au titre des commissions dues pour les ristournes d'apporteur d'affaires,
- débouté la société CSL de sa demande de paiement par la société CAFPI de la somme de 74'083,47 euros au titre des commissions dues sur le droit de suite des contrats commerciaux,
- condamné solidairement Mme X. et la société CSL à payer à la société CAFPI la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile,
- condamné solidairement Mme X. et la société CSL à payer à la société CAFPI la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
- condamné solidairement Mme X. et la société CSL en tous les dépens y compris les frais de greffe taxés et liquidés à la somme de 85,80 euros,
Et statuant à nouveau, de :
- constater que la société Vitae Assurances n'a jamais été appelée dans la cause,
Liminairement, sur la prescription des demandes constatées par le tribunal,
Vu les dispositions de l'article 2224 du code civil,
- juger que la société CAFPI n'a pas communiqué durant l'exécution des contrats qui la liaient tant à Mme X. qu'à la société CSL :
*un état des sommes déduites en amont de la base de calcul et n'a pas justifié de l'utilisation des sommes prélevées au titre de l'AMIE en amont de la base de calcul,
*un état permettant le calcul des commissions sur les contrats d'assurance sur leur durée,
- juger que la prescription ne peut être acquise pour la période antérieure au 13 décembre 2013,
Par conséquent,
- recevoir les appelantes en leurs demandes pour les périodes antérieures au 13 décembre 2013,
- en outre, la cour constatera qu'il n'est fait aucune demande concernant la société Les Courtières et de ce fait, écarter des débats les pièces adverses : 33, 40-1 à 40-14, 96 et 97, 140,
Vu l'article 9 du code civil,
Vu la rupture du contrat de MIOB de la société CSL par la société CAFPI en date du 11 avril 2018,
Vu la rupture du contrat de MIA,
Vu l'absence de rupture du contrat d'agent commercial de Mme X. avant le 11 avril 2018
Vu la suspension du contrat d'agent commercial de Mme X.,
Vu l'absence de toute faute grave tant de Mme X. que de la société CSL et l'absence de tout acte de concurrence durant l'exécution du contrat,
Vu le déséquilibre significatif résultant des termes des contrats et des obligations mises en place par CAFPI par application de l'article 1171 du code civil,
Vu l'article 1170 du code civil,
Vu l'article 1164 du code civil,
Vu les articles L. 134-1 et suivants du code de commerce, 1134 et 1147 du code civil,
- infirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions et statuant de nouveau,
- juger l'absence de forclusion des demandes de paiement formulées par Mme X. à l'encontre de la CAFPI au titre de la rupture du contrat d'agent commercial,
- juger que la rupture des contrats notifiée par courrier en date du 10 avril 2018 envers la société CSL et Mme X. est imputable à la CAFPI tant en raison de l'absence de tout manquement avéré et démontré des requérantes qu'en raison des graves manquements du mandant dans l'exécution de ces contrats,
- juger qu'il existe un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au contrat de mandataire, engageant la responsabilité de la société CAFPI qui en doit donc la réparation aux concluantes,
- juger que la société CAFPI a manqué à ses obligations découlant du contrat de mandat d'intérêt commun la liant aux concluantes notamment en fixant arbitrairement les conditions de participation au budget AMIE,
Par conséquent qu'elle reçoive Mme X. et la société CSL en leurs demandes d'indemnisation du préjudice subi,
Vu l'article L 134-12 du code de commerce,
Vu l'article 1184 du code civil
Vu l'article 1134 du code civil et 1147 du code civil,
- condamner la SA CAFPI à payer les sommes suivantes,
au bénéfice de la société CSL :
- la somme de 60.000 euros au titre de l'indemnité de préavis eu égard un chiffre d'affaires moyen de 20.000 euros par mois,
- la somme de 300.000 euros au titre de l'indemnité de rupture au bénéfice de la société CSL eu égard un chiffre d'affaires annuel moyen de 245.000 euros à 300.000 euros,
Au titre de la restitution des sommes indûment prélevées en amont de la définition de la base de calcul :
- la somme de 65 278 euros au titre du budget AMIE sauf à parfaire en fonction de la ventilation des contrats générés par Mme X. ou CSL,
- la somme de 30.000 euros au titre des rémunérations versées aux DCA puis MIOB 2,
- la somme de 160 828 euros au titre des ristournes apporteurs,
au bénéfice de Mme X. :
- la somme de 200.000 euros au titre de l'indemnité de rupture au bénéfice de Mme X. eu égard aux commissions moyennes reçues en 2012 outre la somme de 30.000 euros au titre du préjudice subi du fait de la suspension opérée,
Au titre de la restitution des sommes indûment prélevées en amont de la définition de la base de calcul :
- la somme de 65 278 euros au titre du budget AMIE sauf à parfaire en fonction de la ventilation des sommes entre CSL et Mme X.,
- la somme de 30.000 euros au titre des rémunérations versées aux DCA puis MIOB 2,
- la somme de 97 664,60 euros au titre des ristournes apporteurs,
- condamner la SA CAFPI à payer la somme de 460.000 euros au titre des commissions sur assurances au bénéfice de Mme X. et de la société CSL sauf à parfaire,
- à défaut il est sollicité la désignation d'un expert-comptable pour faire les comptes et le calcul de la rémunération due au titre de l'activité en assurances de prêts en fonction des usages,
- condamner la SA CAFPI à payer à Mme X. et la société CSL la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile au titre de la résistance abusive des défendeurs outre 15.000 euros au titre du préjudice moral,
- sur les demandes reconventionnelles et l'appel incident de CAFPI :
- infirmer la décision en ce qu'elle a reçu les demandes reconventionnelles de CAFPI et a condamné solidairement les appelantes au paiement de la somme de 109.000 euros,
À titre principal concernant Mme X.,
- juger que la clause de non-concurrence qui était prévue au contrat d'agent commercial de Mme X. est nulle,
Statuant à nouveau,
- débouter la société CAFPI de sa demande de condamnation de la clause de non-concurrence contenue dans le contrat d'agent commercial de Mme X. eu égard à sa nullité faute de limitation territoriale, absence de proportionnalité,
à titre subsidiaire, et en tout état de cause, pour le cas où la cour jugerait le contrat d'agent commercial rompu à compter du 1er juin 2013, juger que la clause de non-concurrence ne peut plus être invoquée, celle-ci ayant pris fin le 1er juin 2015,
- débouter la société CAFPI de son appel incident et de ses demandes au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouter la société CAFPI de sa demande de condamnation de la clause de non-concurrence à l'égard de la société CSL contenue dans le contrat de mandataire intermédiaire en opérations bancaires contenue dans le contrat CSL laquelle sera déclarée nulle en ce qu'elle n'est pas proportionnée et nécessaire à la protection des intérêts légitimes de la société qui par ailleurs ne justifie d'aucun préjudice,
- juger qu'en tout état de cause, la société CSL n'a jamais commis le moindre acte de concurrence anti contractuel et que la société CAFPI est défaillante dans la démonstration d'un tel acte,
- infiniment subsidiairement, pour le cas où la cour devrait juger la clause valable, faire application des dispositions des articles 1152 et 1261 anciens du code civil et réduire à l'euro symbolique l'indemnité demandée par la société CAFPI au titre de la clause pénale,
- juger que la société CAFPI ne démontre pas le moindre acte de concurrence déloyale,
- débouter la société CAFPI de sa demande de condamnation au titre de prétendus actes de concurrence déloyale qui ne sont ni démontrés, ni étayés et à fortiori infondée tant à l'égard de la société CSL que de Mme X.,
- débouter la société CAFPI de sa demande de condamnation au titre des dommages intérêts fondée sur l'article 32-1 du code de procédure civile,
- condamner la société CAFPI à payer à Mme X. et la société CSL la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société CAFPI en tous les dépens, à l'intérêt légal à compter des lettres de mise en demeure et en tout état de cause de l'assignation.
[*]
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 5 septembre 2024, la société CAFPI demande à la cour de :
Vu les dispositions du contrat d'agent commercial du 2 novembre 2007,
Vu les dispositions du contrat de MIOB du 3 juin 2013,
Vu les dispositions du contrat de MIA du 3 juin 2013,
Vu les dispositions des articles 1103 et suivants du code civil,
Vu les dispositions des articles 1305-2 et 1231-2 du code civil,
Vu les dispositions de l'article 1353 du code civil,
Vu les dispositions de l'article 2007 du code civil,
Vu les dispositions de l'article 1240 du code civil,
Vu les pièces versées aux débats, dont des constats d'huissier dressés les 25 avril 2018,11 mai 2018,15 mai 2018,29 mai 2018 et 19 avril 2019,
In limine litis
Vu la demande de Mme X. au titre de l'indemnité en réparation du préjudice subi par la rupture du contrat,
Vu les dispositions de l'article L 134-12 du code de commerce,
- déclarer Mme X. irrecevable en sa demande d'indemnité de rupture, par application des dispositions de l'article L 134-12 du code de commerce,
Vu le défaut de communication des pièces adverses n° 30, 33,44-1,103, 123,
Vu les dispositions des articles 15, 16,132 et 135 du code de procédure civile,
- écarter des débats les pièces adverses n°30, 33, 44-1, 103, 123, selon la numérotation reprise par Mme X. et la société CSL dans le dernier bordereau de communication de pièces daté du 2 juillet 2024,
Sur le fond
- débouter Mme X. et la société CSL de leur appel et de toutes leurs demandes,
- confirmer le jugement dont appel, en ce que le tribunal de commerce d'Orléans a :
*retenu la prescription quinquennale des demandes financières Mme X. et de la société CSL,
*débouté Mme X. et la société CSL de leurs demandes (indemnité de préavis, indemnité de rupture, cagnotte AMIE, ristournes apporteurs, rémunération des développeurs de chiffre d'affaires dits DCA, récurrents, arriéré de commissions sur droit de suite, nullité de la clause de non-concurrence, dommages et intérêts),
*jugé que la société CSL n'avait pas respecté ses obligations contractuelles à l'égard de la société CAFPI,
*jugé que Mme X. et la société CSL avaient commis des actes de concurrence déloyale,
*condamné solidairement Mme X. et la société CSL à indemniser la société CAFPI au titre du non-respect de la clause de non-concurrence,
*condamné solidairement Mme X. et la société CSL à indemniser la société CAFPI sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile,
*condamné solidairement Mme X. et la société CSL à verser la somme de 3000 euros à la société CAFPI sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- déclarer la société CAFPI, recevable et bien fondée en son appel incident et en ses demandes dirigées à l'encontre de Mme X. de la société CSL,
Y faisant droit,
- infirmer le jugement dont appel, en ce que le tribunal de commerce d'Orléans a :
*limité à 109'500 euros le montant de la condamnation solidaire de Mme X. et de la société CSL au titre du non-respect de la clause de non-concurrence,
*débouté la société CAFPI de sa demande de condamnation conjointe et solidaire de Mme X. et de la société CSL au paiement à son profit d'une indemnité de 200.000 euros, en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale,
*limité à 5000 euros le montant de la condamnation solidaire de Mme X. et de la société CSL, à titre de dommages et intérêts, sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile,
Et statuant à nouveau :
- déclarer bien fondée en son montant la demande en paiement de la société CAFPI à l'encontre de Mme X. et de la société CSL, au titre du non-respect de la clause de non-concurrence,
En conséquence,
À titre principal,
- condamner conjointement et solidairement Mme X. et la société CSL à payer à la société CAFPI la somme de 118'050 euros au titre de la violation de l'obligation de non-concurrence souscrite,
- déclarer bien fondée la demande en paiement de la société CAFPI à l'encontre de Mme X. et de la société CSL de la somme de 200.000 euros, à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale,
En conséquence,
- condamner conjointement et solidairement Mme X. et la société CSL à payer à la société CAFPI la somme de 200.000 euros, à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale,
- déclarer bien fondée en son montant la demande en paiement de la société CAFPI à l'encontre de Mme X. et de la société CSL, sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile,
En conséquence,
- condamner conjointement et solidairement Mme X. et la société CSL à payer à la société CAFPI la somme de 15.000 euros, à titre de dommages et intérêts, sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile,
À titre subsidiaire, pour le cas où la cour estimerait la clause de non-concurrence applicable à Mme X. et à la société CSL disproportionnée par rapport aux intérêts de CAFPI :
Vu les dispositions de l'article 1152 ancien du code civil, applicable aux contrats conclus avant le 1er octobre 2016,
- réduire à 54'750 euros le montant de l'indemnité due par Mme X. et la société CSL, au titre de la violation de leur obligation de non-concurrence, en application du contrat MIOB,
- condamner conjointement et solidairement Mme X. et la société CSL à verser à la société CAFPI la somme de 54'750 euros au titre de la violation de l'obligation de non-concurrence souscrite,
En tout état de cause,
- déclarer mal fondées les demandes de Mme X. et de la société CSL dirigées à l'encontre de la société CAFPI,
- débouter Mme X. et la société CSL de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de la société CAFPI,
Y ajoutant,
- condamner Mme X. et la société CSL à payer à la société CAFPI la somme de 20.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme X. et la société CSL aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais d'huissier exposés par la société CAFPI pour faire établir les constats d'huissier dressés les 25 avril 2018, 11 mai 2018, 15 mai 2018, 29 mai 2018 et 19 avril 2019, versés aux débats.
[*]
Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions récapitulatives.
L'instruction a été clôturée par ordonnance du 7 novembre 2024. L'affaire a été plaidée le 14 novembre suivant.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Sur les demandes de rejet de pièces :
Mme X. et sa société CSL sollicitent le rejet des pièces 33, 40-1 à 40-14, 96, 97 et 140 produites par la société CAFPI au motif que celles-ci se rapportent à la société Les Courtières créée par Mme X. et que cette société n'est pas partie à la présente instance. S'il appartient à la cour d'apprécier leur pertinence, il n'y a aucunement lieu d'écarter ces pièces alors que leur production ne porte atteinte ni à la loyauté ni au caractère contradictoire du débat, ce que les appelantes ne prétendent d'ailleurs pas.
De son côté, la société CAFPI réclame en application des articles 15, 16,132 et 135 du code de procédure civile le rejet des pièces 30, 33, 44-1, 103 et 123 versées par Mme X. et la société CSL au motif qu'elles ne lui auraient pas été communiquées.
Il ressort toutefois de l'historique des échanges entre les parties que concomitamment à la transmission de ses dernières écritures par la société CAFPI le 5 septembre 2024 aux termes desquelles celle-ci maintient sa demande de rejet des pièces précitées, Mme X. et la société CSL lui ont adressé par RPVA un lien lui permettant de télécharger l'ensemble des pièces n° 1 à 120 et 123, puis ont procédé le 29 octobre 2024 à un nouvel envoi d'un certain nombre de pièces, en accompagnant celui-ci d'un bordereau récapitulatif n°3 lequel liste à nouveau l'ensemble des pièces produites 1 à 134, et dont la cour peut vérifier qu'il correspond bien au dossier qui lui a été remis. L'avocat de la société CAFPI a accusé réception de ces derniers envois le 30 octobre 2024, sans plus remettre en cause la bonne réception de l'ensemble des pièces visées au dernier bordereau, sollicitant seulement un report de l'ordonnance de clôture qui lui a été accordé.
Il apparaît ainsi que l'ensemble des pièces des appelantes a été transmis à l'intimée dans le respect des textes susvisés, et il n'y a donc pas lieu d'écarter une partie de celles-ci.
Sur le terme du contrat d'agent commercial signé par Mme X. le 2 novembre 2007 :
Les prétentions principales et reconventionnelles des parties ne peuvent être analysées, qu'il s'agisse de leur recevabilité comme de leur bien-fondé, sans que la cour ne se prononce au préalable sur le terme du contrat d'agent commercial initialement conclu, le 2 novembre 2007, entre Mme X. et M. Y. aux droits duquel est depuis venue la société CAFPI.
Pour se prévaloir du droit à indemnité compensatrice tel que prévu par l'article L 134-12 du code de commerce pour l'agent commercial en cas de cessation de ses relations avec le mandant, Mme X. soutient que son contrat d'agent commercial signé le 2 novembre 2007 n'aurait été que suspendu au moment de la signature avec CAFPI du nouveau contrat de mandataire d'intermédiaire en opérations de banque (MIOB) le 3 juin 2013.
Il est constant que le changement de cadre contractuel entre les parties est intervenu alors que la société CAFPI se voyait contrainte de se soumettre à la nouvelle réglementation introduisant le statut de MIOB, codifié dans un nouveau chapitre du code monétaire et financier issu de la loi n°2010-1249 du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière et complété par un décret n°2012-101 du 26 janvier 2012 relatif aux intermédiaires en opérations de banque et en service de paiement, entré en vigueur en 2013.
Or l'article L 134-1 du code de commerce qui ouvre le chapitre relatif au statut des agents commerciaux spécifie dans son dernier alinéa que « ne relèvent pas des dispositions du présent chapitre les agents dont la mission de représentation s'exerce dans le cadre d'activités économiques qui font l'objet, en ce qui concerne cette mission, de dispositions législatives particulières ». Il n'est, de fait, pas contesté par Mme X. que la nouvelle législation créant le statut spécifique de MIOB ne lui permettait plus d'exercer son activité en qualité d'agent commercial.
La société CAFPI justifie avoir informé ses agents commerciaux du changement de statut à intervenir du fait de la nouvelle législation par plusieurs communications notamment au cours de l'année 2012. Par ailleurs son courrier de relance du 30 mai 2013 adressé à plusieurs agents dont Mme X., les invitant à lui transmettre le nouveau contrat signé et à procéder à leur radiation du registre spécial des agents commerciaux, indiquait clairement en préambule : « Comme annoncé par courriel du 7 juillet 2011 et du 24 septembre 2012, une nouvelle réglementation applicable à votre activité est entrée en vigueur le 15 janvier 2013.
Aussi, vous avez reçu un nouveau contrat de mandataire d'intermédiaire en opérations de banque et service de paiement qui se substitue à votre contrat d'agent commercial ».
Dans le contexte qui vient d'être rappelé, il est établi que lorsque Mme X. a signé le 3 juin 2013 au nom de sa nouvelle société CSL un nouveau contrat de mandataire d'intermédiaire en opérations de banque avec la société CAFPI à seule fin de poursuivre son activité sous le nouveau statut de MIOB exigé par la loi, ce contrat se substituait dans l'intention des parties au premier contrat d'agent commercial signé le 2 novembre 2007, auquel il était de facto mis fin.
En effet, une « suspension » du contrat initial aurait été dépourvue de sens, alors que non seulement l'activité exercée par les parties n'était pas suspendue puisqu'elle se poursuivait dans le cadre du nouveau contrat, mais qu'en outre Mme X. n'était pas sans savoir qu'elle ne pourrait plus reprendre à l'avenir une telle activité en qualité d'agent commercial du fait de la nouvelle réglementation désormais en vigueur. À l'évidence, Mme X. et la société CAFPI n'ont donc pas pu envisager une réactivation ultérieure de leur précédent cadre contractuel et voulu simplement « suspendre » celui-ci.
Mme X. ne s'y est d'ailleurs pas trompée en procédant à sa radiation du registre spécial des agents commerciaux dès le 19 septembre suivant pour le motif « cessation définitive d'activité ».
Il sera donc retenu que les parties ont mis fin au contrat d'agent commercial qu'elles avaient signé le 2 novembre 2007 au jour de la signature du contrat de mandataire d'intermédiaire en opérations de banque venu s'y substituer, soit le 3 juin 2013.
Sur la recevabilité des prétentions financières de Mme X. et de sa société CSL :
* Sur la recevabilité des prétentions indemnitaires de Mme X. au titre de la rupture de son contrat d'agent commercial :
Mme X. sollicite la somme de 200.000 euros correspondant selon elle à deux années de commissions au titre de la rupture de son contrat d'agent commercial, outre 30.000 euros au titre d'un « préjudice complémentaire » lié à la « suspension opérée ». Elle réclame par ailleurs, autant au profit de sa société CSL qu'à son profit, une indemnité de 15.000 euros pour réparer le préjudice moral causé par « la rupture brutale et injurieuse » de ses relations contractuelles avec la société CAFPI.
Il vient toutefois d'être vu que le contrat en cause n'avait pas été « suspendu », mais qu'il avait bien pris fin selon accord des parties à partir de la signature par la société CSL du contrat de MIOB avec la société CAFPI le 3 juin 2013.
Or suivant l'article L. 134-12 alinéa 2 du code de commerce, l'agent commercial perd le droit à réparation s'il n'a pas notifié au mandant, dans un délai d'un an à compter de la cessation du contrat, qu'il entend faire valoir ses droits. Ainsi, outre que la demande financière de Mme X. ne pouvait que se heurter à la prescription quinquennale de droit commun pour n'avoir été formulée que dans son assignation du 13 décembre 2018, soit plus de 5 ans après la rupture de son contrat d'agent commercial, l'appelante s'est trouvée dès avant déchue de son droit à réparation du préjudice subi du fait de la rupture de son contrat d'agent commercial, à défaut d'avoir notifié à la société CAFPI qu'elle entendait faire valoir des droits en ce sens dans le délai d'un an suivant le 3 juin 2013.
Si le tribunal a débouté Mme X. de sa demande en paiement de la somme de 200.000 euros au titre d'indemnité de rupture de son contrat d'agent commercial, le jugement sera réformé sur ce point compte tenu de ce qui précède, et Mme X. sera déclarée irrecevable en ses prétentions indemnitaires formées à ce titre ainsi qu'à hauteur de 30.000 euros en réparation d'un préjudice supplémentaire découlant de la cessation ou « suspension » de son contrat d'agent commercial, et de 15.000 euros en réparation d'un préjudice moral.
* Sur la recevabilité des prétentions de Mme X. et de la société CSL au titre de rémunérations dues antérieurement au 13 décembre 2013 :
Selon l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par 5 ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Mme X. et la société CSL rappellent que la prescription quinquennale ne saurait courir lorsque la créance dépend d'éléments qui ne sont pas connus du créancier et qui doivent résulter de déclarations que le débiteur est tenu de faire.
Il ne ressort toutefois pas du débat que la société CAFPI aurait caché des éléments de rémunération ou omis de procéder à des déclarations qu'elle était tenue de faire, de sorte que les appelantes n'auraient découvert que tardivement les faits sur lesquels elles fondent aujourd'hui leurs prétentions financières.
Plus encore, les pièces versées de part et d'autres et notamment :
- les échanges de mails sur l'abondement à la cagnotte, devenue budget AMIE, et sur l'emploi de ces fonds (pièces 83 à 91 CAFPI),
- les fiches préparatoires à la base de calcul de ses rémunérations annotées par Mme X. (Pièce 34 Mme X. et 81 CAFPI),
- la liste de dossiers clients établie par la société CSL dans laquelle sont mentionnés pour chaque dossier le montant des honoraires de courtage et le montant de la base de commissionnement (pièce 15 Mme X./CSL),
sont autant d'éléments qui montrent que Mme X. maîtrisait aussi bien les règles de prélèvement et d'emploi du budget AMIE que les modalités de calcul des ristournes ou encore la rémunération versée aux DCA, et qu'elle était donc le cas échéant en mesure de les contester, ce dès avant le délai de 5 ans précédant son assignation du 13 décembre 2018.
S'agissant de la prétention financière formée au titre des délégations d'assurance, il résulte des écritures de Mme X. et CSL que leur demande porte sur un récurrent qui aurait selon elles dû leur être versé pendant toute la durée de vie des contrats d'assurance par elles apportés, droit que conteste la société CAFPI. Or les appelantes n'expliquent pas ce qui les empêchait d'exprimer leur droit à de telles commissions récurrentes dès avant le 13 décembre 2013.
Il suit de ces constats que les prétentions financières de Mme X. et de sa société CSL au titre de rémunérations dues antérieurement au 13 décembre 2013 se trouvent dans leur intégralité atteintes par la prescription quinquennale, en considération de leur acte introductif d'instance délivré seulement le 13 décembre 2018.
Le jugement déféré sera ainsi confirmé en ce qu'il a dit ces prétentions prescrites.
Sur le bien-fondé des autres prétentions financières de Mme X. et de sa société CSL :
* Sur le bien-fondé des prétentions de la société CSL à hauteur de 60.000 euros au titre de l'indemnité de préavis, de 300.000 euros au titre de l'indemnité de rupture et de 15.000 euros en réparation du préjudice moral causé par la rupture des contrats signés en 2013 :
Selon l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Le contrat de mandataire d'intermédiaire en opérations de banque (MIOB) signé le 3 juin 2013 entre la société CAFPI la société CSL stipule en son article 7 :
« Chacune des parties pourra résilier le présent contrat à tout moment et pour quelque cause que ce soit, sous réserve de respecter un délai de préavis d'un mois commençant à courir à la première présentation de la lettre recommandée avec accusé réception.
La résiliation pour quelque cause que ce soit, n'entraînera aucune indemnité de part et d'autre, et ce, quel que soit la personne qui en est à l'initiative. ».
La société CAFPI ayant notifié à la société CSL la rupture de son contrat de MIOB par courrier recommandé du 10 avril 2018, elle n'est redevable à ce titre d'aucune indemnité de rupture, conformément à ce que prévoit expressément la clause précitée. En soutenant l'existence d'un droit à indemnité en dépit de cette clause du contrat au visa notamment d'un récent arrêt de la chambre commerciale du 2 mars 2022 (Cass., Com, 2 mars 2022, n°20-16215), la société CSL omet que dans la situation juridique soumise à l'appréciation de la haute juridiction, le contrat prévoyait une indemnité compensatrice en cas de rupture. La chambre commerciale a en outre pu énoncer précisément dans cet arrêt, au visa des articles 1134, 1147 anciens, et 2004 du code civil, que « si en application du troisième de ces textes, le mandant peut en principe librement révoquer sa procuration, cette révocation donne lieu à indemnisation lorsque le mandat a été donné dans l'intérêt commun du mandant et du mandataire, sauf cause légitime ou clauses prévues au contrat ».
Or la clause prévue à l'article 7 du contrat exclut expressément toute indemnité de part et d'autres, et ce quelle que soit la cause de la résiliation du contrat, de sorte que la demande d'indemnité de rupture formée par la société CSL ne pourra qu'être rejetée, de même que sa demande d'indemnité pour le préjudice moral causé par une « rupture brutale et injurieuse », sans qu'il ne soit nécessaire pour cela de s'interroger sur la légitimité de la résiliation notifiée à ses torts par la société CAFPI.
Par ailleurs la société CSL ne saurait prétendre à une quelconque indemnité au titre du non-respect d'un préavis par la société CAFPI, alors que celle-ci lui a notifié dans son courrier de rupture du 10 avril 2018 le point de départ du délai de préavis d'un mois conformément à l'article 7 du contrat de MIOB, préavis que la société CSL a elle-même décliné dans son courrier en réponse du 13 avril 2018, « regrettant de ne pouvoir donner satisfaction » à son mandant sur ce point.
Enfin, s'agissant du contrat de mandataire d'intermédiaire d'assurance à titre accessoire (MIA) conclu par la société CSL le 3 juin 2013 concomitamment au contrat MIOB, les premiers juges ont observé à raison que son article 5 prévoit notamment sa résiliation de plein droit « en cas de résiliation pour quelque cause que ce soit du contrat portant sur l'activité principale intermédiaire en crédit du mandataire ».
Compte tenu des développements qui précèdent, la société CSL sera déboutée de ses prétentions financières formées à hauteur de 300.000 euros au titre d'une indemnité de rupture, de 15.000 euros au titre d'un préjudice moral causé par les circonstances de cette rupture, et de 60.000 euros au titre d'une indemnité de préavis, et ce par confirmation du jugement déféré.
* Sur le bien-fondé des demandes financières de la société CSL et de Mme X. au titre des commissions dues par la société CAFPI :
Ainsi qu'il a été vu plus haut, seules sont recevables et seules peuvent donc être examinées au fond les demandes portant sur les rémunérations échues postérieurement au 13 décembre 2013. Or à cette date, Mme X. n'avait plus de lien contractuel personnel avec la société CAFPI puisque son contrat initial d'agent commercial du 2 novembre 2007 et son contrat accessoire de mandataire d'intermédiaire d'assurance avaient pris fin pour être remplacés à la fois par le contrat de MIOB et le nouveau contrat de MIA à titre accessoire, conclus tous deux le 3 juin 2013 non plus pour le compte de Mme X. mais pour celui de sa société CSL.
Aussi seule la société CSL a qualité pour formuler des demandes au titre des commissionnements postérieurs au 13 décembre 2013, que ce soit au titre du contrat de MIOB ou au titre du contrat accessoire de MIA.
* Sur les sommes réclamées au titre du budget AMIE :
Il est constant que le budget AMIE (« Action, Marketing, Investissements et Equipements »), anciennement appelé « cagnotte », correspond à une pratique consistant à faire participer par provision les agents aux actions commerciales, marketing et publicitaires nationales ou locales, qui leur bénéficient autant qu'à leur mandant CAFPI, conformément à l'esprit du mandat commun qui anime le contrat de mandataire.
Il résulte des pièces versées aux débats que ce prélèvement avant calcul de la commission existait dès avant la signature du contrat MIOB en 2013 et qu'il n'a jamais été contesté par Mme X. dans son principe ni dans son montant jusqu'à la rupture des relations contractuelles entre les parties en 2018.
La participation à ce budget AMIE se trouve en outre expressément prévue dans le tableau de calcul des rémunérations annexé au contrat MIOB du 3 juin 2013 et auquel renvoie l'article 4 relatif à la rémunération. La société CSL ne saurait dans ces conditions contester avoir accepté le principe d'un tel prélèvement.
Surtout, les mails échangés entre les parties et les fiches préparatoires au calcul des commissions, ou fiches de pré encaissement, régulièrement renseignées par Mme X., montrent que cette dernière :
- fixait librement les règles d'abondement à la cagnotte en fonction des actions envisagées, aucun montant minimum de prélèvement par dossier n'étant imposé par la société CAFPI,
- suivait de près l'évolution et l'équilibre du budget, ayant pu tantôt se vanter de « jouer le jeu » de la cagnotte, tantôt s'engager à « cagnotter plus » pour résorber un déficit créé par telle fête ou tel événement publicitaire au niveau de son agence,
- déterminait en concertation avec les autres MIOB des mêmes secteurs les actions à prévoir et financer,
- se voyait communiquer par la direction générale de la société CAFPI le récapitulatif du budget AMIE et des actions menées grâce à la cagnotte,
- a même pu à l'occasion être sollicitée par la direction régionale de CAFPI pour valider une opération ayant un impact notable sur le budget AMIE (cf notamment pièces 83 à 91 CAFPI).
La société CSL ne saurait par ailleurs contester que les dépenses engagées sur le budget AMIE, qui comportaient notamment des frais d'organisation de soirées avec les apporteurs d'affaires, les notaires et les banquiers, des frais de publicités diverses, de participation à des salons immobiliers, ou encore de location de bureaux, ont favorisé le développement de son activité, et partant sa rémunération.
Compte tenu de ce qui précède, il ne peut être sérieusement soutenu que la société CSL n'avait aucune faculté de contrôle des prélèvements AMIE ou encore que ceux-ci auraient été dépourvus de cause ou de contrepartie suffisante et qu'ils caractériseraient un déséquilibre contractuel significatif.
La société CSL n'est donc pas fondée à prétendre au remboursement de ces retenues, et le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté la prétention financière élevée à ce titre.
* Sur les sommes réclamées au titres des ristournes apporteurs :
De la même manière que pour les prélèvements au titre du budget AMIE, les pièces versées par la société CAFPI montrent que les prélèvements au titre des « ristournes apporteurs » étaient en place bien avant la signature du contrat MIOB par la société CSL le 3 juin 2013.
Mme X. n'a jamais remis en cause sa participation à la rémunération de ses apporteurs d'affaires au travers d'une retenue sur sa base de calcul de commissionnement, jusqu'à la rupture du contrat liant sa société à la société CAFPI au mois d'avril 2018.
Le tableau de calcul des rémunérations annexé au contrat et auquel renvoie son article 4 y fait d'ailleurs référence sous le libellé « commissions indicateurs et points cadeaux ».
Les fiches préparatoires à la base de calcul des commissions, ou fiches de pré encaissement, régulièrement renseignées par Mme X. pour sa société CSL, montrent encore qu'elle mentionnait elle-même le montant de la commission qu'elle souhaitait attribuer à l'apporteur de l'affaire, gardant ainsi la maîtrise de ce prélèvement.
Le principe d'une telle participation du mandataire à l'intéressement de son apporteur apparaît d'autant plus cohérent que ce dernier lui permet de réaliser du chiffre d'affaires. La société CAFPI souligne à cet égard, non sans raison, que faire peser sur elle seule une rétribution d'un apporteur fixée unilatéralement par le mandataire aurait pu permettre à ce dernier de la priver de toute rémunération dans certains dossiers clients.
Il apparaît en définitive que le principe des ristournes apporteurs, auquel se réfère le contrat signé par la société CSL, a bien été accepté par celle-ci, et qu'elle a par ailleurs gardé la maîtrise de ce prélèvement, de sorte qu'elle n'est pas fondée à en solliciter aujourd'hui le remboursement.
Aussi le jugement déféré sera également confirmé en son rejet de la prétention financière formée de ce chef.
* Sur les sommes réclamées au titre des rémunérations versées aux DCA :
Le DCA (« Développeur de Chiffre d'Affaires ») est un MIOB qui travaille en « pool » avec un autre MIOB pour plus d'efficacité.
Les pièces produites par la société CAFPI montrent que de 2014 à 2018, la société de Mme X. a travaillé en « pool » sur plusieurs dossiers avec trois MIOB différents.
Il est constant que ces binômes ont été constitués de la propre volonté de Mme X., sans aucune obligation, et en fonction des affinités qu'elle pouvait avoir avec tel ou tel agent, dans le but d'optimiser sa performance commerciale et, partant, ses revenus.
Il ressort également de la lecture des fiches manuscrites préparatoires à la base de calcul des commissions versées par la société CAFPI que c'est encore Mme X. qui renseignait à la main les mentions propres à identifier le DCA intervenu sur le dossier et qui notait la clé de répartition à retenir pour le partage de la commission (CAFPI pièce 81). Mme X. ne conteste pas qu'elle recevait mensuellement au nom de sa société un exemplaire des bordereaux de commissionnement validés par la direction générale de la CAFPI. L'on peut supposer qu'elle n'aurait pas manqué de contester la clé de répartition entre sa commission et celle de son DCA telle que retenue par la direction générale, si celle-ci lui avait été modifiée sans que cela ne lui convienne. L'appelante n'offre au demeurant pas de démontrer que sur plusieurs dossiers cette clé de répartition et donc la rémunération de ses DCA lui auraient été imposées par CAFPI.
Il en résulte que les sommes dont la société CSL prétend avoir été indûment prélevée sur ses commissions constituent en réalité des rémunérations qu'elle a elle-même accordées aux DCA avec lesquels elle a librement choisi de travailler pour optimiser ses performances.
Dès lors sa prétention financière formée de ce chef sera également rejetée, par confirmation du jugement déféré.
* Sur la somme réclamée au titre des commissions sur assurances :
Alors qu'elle n'avait jamais contesté jusqu'à la rupture de ses relations avec la société CAFPI sa rémunération au titre de son activité de mandataire d'intermédiaire en assurances fondée uniquement sur la prime dite d'acquisition, calculée à partir d'un pourcentage appliqué sur le montant annuel de la cotisation versée la première année
par l'assuré à l'assureur, la société CSL se prévaut dans le cadre du présent litige d'un usage suivant lequel l'intermédiaire de courtier en assurances devrait bénéficier d'une commission sur toute la vie du contrat de prêt négocié. À partir de cette assertion, elle formule une demande en exposant un calcul, mais sans accompagner celui-ci d'une véritable explication pour justifier des chiffres avancés, et surtout sans l'appui d'une quelconque pièce susceptible de venir étayer sa prétention, alors qu'il lui appartient non seulement de justifier du caractère fondé de son calcul mais encore et auparavant, de démontrer la réalité de l'obligation de rémunération qui selon elle pèserait sur la société CAFPI au titre de commissions récurrentes.
À cet égard, l'article 3 du contrat de MIA signé le 3 juin 2013 entre la société CAFPI et la société CSL prévoit que la rémunération de cette dernière est constituée par la rétrocession des commissions encaissées par le mandant, CAFPI, sur les primes réglées pour les polices souscrites par l'intermédiaire du mandataire, CSL. Il est stipulé que « les modalités de rémunération dépendent de chaque partenaire assurance et figurent sur les fiches techniques mises à la disposition du mandataire ».
On peut regretter le caractère non exhaustif de la production de la société CAFPI à cet égard, l'intimée ne versant que trois fiches techniques de partenaires d'assurance, à savoir Cardif, AIG Vie, et Alico (pièce 80 CAFPI). Si ces fiches ne prévoient pas de récurrents au titre des commissions perçues par l'agent intermédiaire d'assurance, il ressort des propres écritures de la société CAFPI que les partenaires assureurs de la société Vitae Assurances, avec laquelle elle exerçait en partenariat son activité de courtage d'assurances et qui était la seule interlocutrice des compagnies d'assurances, étaient bien plus nombreux.
Pour autant, la société CAFPI démontre par la production d'une attestation de l'expert-comptable de la société Vitae Assurances (pièce 71 CAFPI), non contestée par la société CSL, qu'elle n'a jamais perçu de commissions de récurrence, de sorte qu'elle ne saurait être tenue de rétrocéder à la société CSL des commissions qu'elle n'a pas elle-même perçues.
Au demeurant, la limitation de la rémunération du MIA à un pourcentage de la seule première prime annuelle d'assurance apparaît conforme à l'esprit et à la lettre du contrat signé entre la société CSL et CAFPI le 3 juin 2013, dont l'objet prévoit que :
« La mission des mandataires d'intermédiaire d'assurance est limitée dans tous les cas à la présentation, la proposition ou l'aide à la conclusion d'une opération d'assurances au sens de l'article R 511-1. Le mandataire n'est en aucun cas habilité à intervenir dans la gestion, l'estimation ou la liquidation des sinistres.
Le mandataire d'intermédiaire d'assurance exerce l'activité d'intermédiation à titre accessoire à son activité professionnelle principale. Il présente, propose ou aide à conclure uniquement des contrats relatifs à des produits d'assurance constituant un complément aux produits ou services fournis dans le cadre de leur activité professionnelle ».
La mission du MIA est donc ponctuelle et s'achève après la transmission du bulletin d'adhésion, sans inclure la gestion du contrat d'assurance durant la vie de celui-ci telle qu'elle peut incomber au courtier en assurances. Elle se limite en définitive à celle d'apporteur d'affaires accessoirement à son activité principale de courtage en prêt immobilier, et ne justifie donc pas en elle-même une contrepartie telle que la perception de récurrents.
Mme X. n'établit d'ailleurs pas l'existence d'un usage généralisé d'octroi de récurrents aux mandataires d'intermédiaire d'assurance à titre accessoire, contrairement à l'usage qui existe pour la catégorie, distincte, des courtiers en assurance, comme l'explique la société CAFPI en se référant aux usages du courtage d'assurances et en insistant sur les distinctions à opérer entre les différentes catégories d'intermédiaire en assurances énumérées par l'article R 511-2 du code des assurances.
En définitive, la société CSL non seulement se dispense d'expliciter le calcul qu'elle formule à l'appui de sa prétention financière, mais surtout échoue à démontrer l'existence même d'une obligation de rémunération récurrente à la charge de la société CAFPI au titre des commissions sur assurances.
Elle sera donc déboutée de sa prétention financière formée de ce chef, y compris celle, subsidiaire, de désignation d'un expert-comptable pour faire le compte des rémunérations dues en fonction des usages, ce par confirmation du jugement déféré.
Sur les demandes indemnitaires reconventionnelles de la société CAFPI :
*Sur la demande au titre de la violation de la clause de non-concurrence :
L'article 5.3 du contrat de MIOB signé le 3 juin 2013 entre la société CAFPI et la société CSL prévoit l'interdiction pour cette dernière « pendant une durée de 2 ans après la cessation du présent contrat pour quelque cause que ce soit, dans un rayon de 80 km autour de l'agence de [Localité 3] (45) située [Adresse 6], de poursuivre des activités concurrentes de celles exploitées par le mandant, et notamment d'accepter la représentation des produits ou services d'une entreprise concurrente du mandant, sur le territoire, pour les produits et services ainsi que la clientèle objet du contrat.
Toute infraction à cette clause exposerait le mandataire au paiement d'une indemnité fixée forfaitairement et conventionnellement à 150 euros par jour, durant la période de cette infraction. ».
Les clauses contractuelles de non-concurrence, en ce qu'elles apportent des restrictions à la liberté du travail et du commerce, ne sont licites que si elles sont limitées dans le temps et l'espace et sont proportionnées à la protection des intérêts légitime du créancier de l'obligation.
S'agissant de l'étendue géographique de la clause litigieuse, le rayon de 80 km autour de l'agence CAFPI d'[Localité 3] est clairement excessif pour un territoire de densité moyenne tel que celui de la région orléanaise. L'interdiction s'étend de fait sur pas moins de 5 départements dont le Loiret, et touche des zones urbaines éloignées d'[Localité 3] comme [Localité 14] (45), mais encore [Localité 17], [Localité 8] et [Localité 18] dans le Loir-et-Cher (41), [Localité 11] et [Localité 10] dans l'Eure-et-Loir (28), [Localité 12] dans l'Essonne (91), ou encore [Localité 19] dans le Cher (18).
La société CAFPI ne démontre pas que la clientèle traditionnelle de son agence d'[Localité 3] proviendrait notamment de villes aussi éloignées, situées pour nombre d'entre elles à plus d'une heure de route. Elle ne peut donc valablement prétendre que la zone d'interdiction visée par la clause se limiterait au secteur géographique de représentation dépendant de son agence d'[Localité 3], ce d'autant moins qu'elle dispose d'autres agences dans certaines des villes qui viennent d'être énumérées et qui se situent dans un rayon de 80 km.
Une clause aussi large, dont le strict respect aurait imposé à la société CSL et sa dirigeante de quitter leur ressort pour poursuivre leur activité professionnelle, apporte une restriction excessive à la liberté d'exercice de cette profession, tandis qu'au regard de son implantation géographique sur tout le territoire national et de sa position de leader sur le marché de l'intermédiation en opérations de banque, la société CAFPI ne peut sérieusement soutenir qu'elle est indispensable à la protection de ses intérêts.
En d'autres termes, si CAFPI est légitime à se protéger du risque de voir ses anciens mandataires la concurrencer localement immédiatement après la rupture de leurs relations contractuelles et capter ainsi facilement son réseau local d'apporteur d'affaires, au cas présent le territoire couvert par la clause de non-concurrence n'est pas simplement local, et empêche dès lors le mandataire de nouer de nouveaux liens avec des agents immobiliers, notaires, conseillers en gestion de patrimoine ou avocats implantés dans d'autres départements et d'autres villes sans lien particulier avec le secteur de l'agence CAFPI d'[Localité 3], le privant, de fait, de la possibilité de reprendre son activité professionnelle sans changer de région.
Il sera ajouté qu'une telle clause stipulée sur un territoire aussi étendu et sur une durée de deux ans apparaît d'autant moins proportionnée à la protection des intérêts légitime de la société CAFPI que, contrairement à ce que celle-ci affirme, elle n'a pas constitué par son seul effort le réseau local d'apporteurs qu'elle cherche ainsi à protéger. Mme X. rappelle à raison y avoir contribué dans le cadre du mandat d'intérêt commun qui liait la société CSL à la société CAFPI, non seulement par son travail de prospection, mais encore par le financement, venu en déduction de sa propre rémunération, des commissions aux apporteurs et des frais de publicité et de marketing.
La clause de non-concurrence litigieuse étant donc insuffisamment limitée notamment dans l'espace et allant au-delà de ce qui est strictement nécessaire à la protection des intérêts légitimes de la société mandante, elle est illicite et doit être réputée non écrite (Cass., Com, 30 mars 2016, n°14-23.261).
Par suite, la demande indemnitaire fondée par la société CAFPI sur le non-respect de cette clause sera rejetée, et ce par infirmation du jugement déféré.
* Sur la demande au titre d'actes de concurrence déloyale :
Les premiers juges ont omis de statuer sur ce chef de demande de la société CAFPI, laquelle sollicite également l'engagement de la responsabilité délictuelle de Mme X. et de la société CSL pour des fautes de concurrence déloyale reposant sur des faits distincts de la violation de la clause de non-concurrence.
L'engagement de la responsabilité extracontractuelle d'une société ou d'une personne physique pour concurrence déloyale sur le fondement des articles 1240 et 1241 du code civil suppose la démonstration d'une faute, intentionnelle ou non, résidant dans un procédé contraire à la loi, aux usages du commerce ou à l'honnêteté professionnelle de nature à fausser le jeu de la libre concurrence.
La société CAFPI fait d'abord grief à Mme X. d'avoir, avec sa nouvelle société Les Courtières, procédé à un détournement de clientèle. Il convient toutefois de rappeler que le principe de la liberté du commerce et de l'industrie a pour corollaire celui de la libre concurrence, qui permet à tout professionnel d'attirer à lui la clientèle de ses concurrents sans que ceux-ci puissent le lui reprocher. Or sur ce point l'examen des pièces versées aux débats ne met pas en exergue le recours par Mme X. à un procédé contraire à la loi, aux usages du commerce ou à l'honnêteté professionnelle pour capter cette clientèle au profit de sa société, et partant ne caractérise pas de faute de sa part à ce titre. Il n'est notamment pas établi que Mme X. aurait repris pour le compte de sa nouvelle société Les Courtières des dossiers de courtage en cours de traitement au sein de l'agence CAFPI d'[Localité 3] au moment de la rupture du contrat au mois d'avril 2018. Au surplus la société CAFPI ne conteste pas que le taux de renouvellement d'une opération de courtage avec un même client à court terme est très faible, comme le soulignent les appelantes.
En revanche la société CAFPI reproche à raison à Mme X. et la société CSL de s'être livrées à un débauchage déloyal de ses agents. En effet, alors que la société CSL dirigée par Mme X. ne fera part à la direction de CAFPI de son souhait de mettre fin à leurs relations contractuelles que par courriel du 7 mars 2018, les pièces versées au débat montrent que Mme X. avait d'ores et déjà créé sa nouvelle société Les Courtières le 30 janvier 2018 en vue d'exercer une activité identique à celle de la société CAFPI dans des locaux situés en plein cœur d'[Localité 3] à 1 km seulement de l'agence CAFPI, et qu'elle menait dans le même temps une véritable campagne de débauchage auprès des agents de CAFPI établis à [Localité 3] et [Localité 9].
Cet activisme ressort notamment d'un procès-verbal de constat d'huissier dressé le 15 mai 2018 retranscrivant un message de Mme X. du 2 mars 2018, écrit dans le cadre d'une conversation avec une MIOB de l'agence CAFPI de [Localité 13], Mme [P], visant à la convaincre de quitter CAFPI pour rejoindre sa nouvelle société. Dans ce message, Mme X. n'hésite pas, après avoir vanté une meilleure rémunération dans sa structure, à recourir à une forme de pression pour parvenir à ses fins (« tout comme je n'oublierai pas celles sur qui je n'ai pas pu compter »), et à se montrer alarmante sur le devenir des agences CAFPI d'[Localité 3] une fois qu'elle sera partie (« aujourd'hui vous êtes toutes dans une zone de confort mais que vous partiez ou pas d'ailleurs, mais elle sera forcément en turbulence avec mon départ et celui des BO. La CAFPI de demain ne sera plus celle que tu connais... Tu es bien à [Localité 13] mais sans mon chiffre et sans BO l'agence fermera »).
Ce message montre également qu'à ce stade, soit plus d'un mois avant la rupture effective du contrat avec la société CAFPI, Mme X. avait déjà débauché l'équipe commerciale de l'agence CAFPI d'[Localité 3] (Mmes [K], X., [L]), ainsi que celle de [Localité 9] (Mmes [U], [H], [Z]), et tentait donc de débaucher une MIOB de [Localité 13] en la personne de Mme [P].
Les bordereaux récapitulatifs des agents travaillant pour la société CAFPI avant le mois d'avril 2018 croisés avec les captures d'écran du site de la société Les Courtières montrent que :
- sur les 8 personnes exerçant à l'agence de la société Les Courtières à [Localité 3], 6 constituaient l'équipe commerciale de la CAFPI à [Localité 3] : X., [A] X., [V] [C], [M] [L], [V] [K], [G] [W],
- sur les 3 personnes exerçant à l'agence de la société Les Courtières à [Localité 9], 2 constituaient l'équipe commerciale de la CAFPI à [Localité 9] : [F] [U] et [S] [Z],
- Mme [T] [H] a dans le même temps démissionné de son poste d'assistante au sein de la société CAFPI pour rejoindre l'agence Les Courtières de [Localité 16].
Mme X. ne saurait donc prétendre s'être limitée à recruter les MIOB de CAFPI avec lesquels elle entretenait des liens familiaux, à savoir ses belles-s'urs Mmes X. et [H], ou amicaux anciens, comme tel aurait été le cas avec Mme [U].
Les écrits de certaines de ces personnes (pièces 53 à 58 Mme X./CSL) visant à attester de leur départ volontaire pour rejoindre la société créée par Mme X. n'enlèvent rien au fait que cette dernière, en recrutant simultanément nombre d'agents de la société CAFPI, à commencer par une partie importante de l'équipe commerciale de l'agence CAFPI d'[Localité 3], savait qu'un tel débauchage massif entraînerait une grave désorganisation de son ancienne société et future concurrente locale, ce qu'elle n'a d'ailleurs pas hésité à faire valoir pour convaincre d'autres agents
de la suivre, comme le montre son message du début du mois de mars 2018.
Ce faisant, Mme X. s'est livrée, avec la société CSL qu'elle dirige, à des man'uvres déloyales de débauchage visant à faciliter la création puis le développement de sa nouvelle société Les Courtières (voir à cet égard Cass., Com, 3 juin 2008, n°07-12.437 ; 29 nov. 2011, n°10-25.027 ; 31 janv. 2012, n°11-10.917). Mme X. et la société CSL ont donc commis une faute qui engage leur responsabilité délictuelle à l'égard de la société CAFPI sur le fondement de l'article 1240 du code civil, et ce quand bien même CSL ne détient aucune participation directe dans le capital de la société Les Courtières.
S'agissant des conséquences de cette faute, le départ simultané de toute une partie de l'équipe commerciale des agences orléanaises a inévitablement eu pour effet de désorganiser la société CAFPI, l'empêchant de prospecter efficacement sa clientèle traditionnelle locale et surtout ses apporteurs d'affaires pour tenter de les fidéliser, ou d'en attirer de nouveaux, et la privant ainsi d'une chance de mieux résister à l'offensive de sa nouvelle concurrente.
La société CAFPI montre que cette perte brutale d'apporteur d'affaires par l'effet du débauchage massif au sein de son équipe commerciale d'[Localité 3] a eu des effets majeurs sur le chiffre d'affaires de son agence locale, celui-ci ayant chuté de plus de 56 % entre 2017 (1.005.922 euros) et 2019 (441.026 euros), alors qu'il était en progression entre 2016 (869.955 euros) et 2017 (1.005.922 euros). Son agence d'[Localité 3] est ainsi passée de la 9ème place à la 23ème place dans son tableau de classement des réalisations des chiffres d'affaires de ses agences de la région Ouest-Nord entre 2017 et 2019, sans qu'aucun autre événement que le départ simultané de nombre de ses agents locaux, tel qu'organisé par Mme X., puisse expliquer un tel décrochage (pièce 139 CAFPI).
En considérant ces éléments chiffrés, non contestés par les appelantes, et à défaut pour la société CAFPI de justifier des résultats de son agence locale sur une période plus longue, la cour prendra en compte, pour apprécier le préjudice effectif de cette dernière, le chiffre d'affaires (correspondant à la base de commissionnement) tel qu'il apparaît dans son tableau produit pour l'année 2016 (869'955 euros), pour retenir une perte de chiffre d'affaires ou de « base de commissionnement » imputable à la désorganisation créée par les appelantes de l'ordre de 400.000 euros au regard du chiffre d'affaires indiqué pour 2019. En retenant, à partir des indications données dans les écritures de la société CAFPI (p54) que celle-ci avait vocation à percevoir en sa qualité de mandant environ 50 % de ce chiffre d'affaires et que le préjudice est constitué de la perte réelle de marge brute, laquelle doit être diminuée de l'impôt sur les sociétés et des taxes locales, la cour fixera le préjudice économique de la société CAFPI découlant de la désorganisation générée par le débauchage déloyal opéré par Mme X. et la société CSL à l'occasion de leur départ à 130.000 euros.
Les appelantes seront ainsi condamnées in solidum à payer cette somme à titre indemnitaire à la société CAFPI, et ce par ajout au jugement déféré compte tenu de l'omission de statuer sur ce chef de demande.
Sur les demandes accessoires :
Aucune des deux parties ne caractérise de faute de l'autre ayant fait dégénérer en abus le droit de celle-ci d'agir en justice, pas plus qu'elle n'établit de préjudice autre que celui résultant de l'obligation dans laquelle elle s'est trouvée d'engager des frais pour faire valoir ses droits. Les demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive doivent donc être rejetées, et le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a accueilli la demande formée par la société CAFPI de ce chef.
Le jugement sera confirmé en ses chefs statuant sur les dépens et les frais irrépétibles, sauf à ajouter que les dépens comprendront les frais d'huissier exposés par la société CAFPI pour faire établir le constat du 19 avril 2019 dressé en vertu d'une ordonnance judiciaire du 29 novembre 2018.
Mme X. et sa société CSL, qui succombent à hauteur d'appel, supporteront la charge des dépens d'appel et seront condamnées à verser à la société CAFPI la somme de 5000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Reçoit l'ensemble des pièces versées par chacune des deux parties,
Confirme le jugement entrepris en ses dispositions critiquées sauf en ce qu'il a :
- débouté Mme D. Z. épouse X. de sa demande en paiement de la somme de 200.000 euros à titre d'indemnité de rupture de son contrat d'agent commercial et des demandes afférentes,
- condamné solidairement Mme D. Z. épouse X. et sa société CSL à payer à la société CAFPI la somme de 109 500 euros au titre du non-respect de la clause de non-concurrence,
- condamné solidairement Mme D. Z. épouse X. et la société CSL à payer à la société CAFPI une somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau des chefs infirmés :
Déclare Mme D. Z. épouse X. irrecevable en ses prétentions indemnitaires formées à titre d'indemnité de rupture de son contrat d'agent commercial ainsi qu'à hauteur de 30.000 euros en réparation d'un préjudice supplémentaire découlant de la cessation ou suspension de son contrat d'agent commercial, et de 15.000 euros en réparation d'un préjudice moral,
Dit que la clause de non-concurrence est réputée non écrite et rejette en conséquence la demande indemnitaire formée à ce titre par la société CAFPI,
Déboute les parties de leurs demandes de dommages-intérêts fondées sur l'article 32-1 du code de procédure civile,
Y ajoutant, et réparant l'omission de statuer des premiers juges,
Condamne in solidum Mme D. Z. épouse X. et la société CSL à payer à la société CAFPI une somme de 130.000 euros en indemnisation de leurs agissements constitutifs d'une concurrence déloyale,
Dit que les dépens de première instance comprendront les frais d'huissier exposés par la société CAFPI pour faire établir le constat du 19 avril 2019 dressé en vertu d'une ordonnance judiciaire du 29 novembre 2018,
Condamne in solidum Mme D. Z. épouse X. et la société CSL à payer à la société CAFPI une somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel,
Condamne in solidum Mme D. Z. épouse X. et la société CSL aux dépens d'appel.
Arrêt signé par Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT