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CA RENNES (2e ch.), 13 mai 2025

Nature : Décision
Titre : CA RENNES (2e ch.), 13 mai 2025
Pays : France
Juridiction : Rennes (CA), 2e ch.
Demande : 22/06246
Décision : 25/171
Date : 13/05/2025
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 25/10/2022
Décision antérieure : TJ Brest, 15 septembre 2022 : RG n° 11-21-34
Numéro de la décision : 171
Décision antérieure :
  • TJ Brest, 15 septembre 2022 : RG n° 11-21-34
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CERCLAB - DOCUMENT N° 23726

CA RENNES (2e ch.), 13 mai 2025 : RG n° 22/06246 ; arrêt n° 171 

Publication : Judilibre

 

Extrait : « Les conditions générales de vente prévoyaient en leur article 14.3.2 : « Résiliation sans faute - En cas de demande de résiliation par le client avant la fin du contrat, Stanley se réserve le droit de facturer une indemnité telle que définie à l'article 14.3.1 ». L'article 14.3.1 précise : « En cas de demande de résiliation par Stanley, le client sera redevable, en sus de toute échéance ou somme impayée en vertu du contrat, d'une indemnité égale au nombre d'annuités restante, majorées de 10 % étant précisé que toute redevance réglée au titre du contrat restera acquise à Stanley ».

Le premier juge a considéré que la clause 14.3.2 dont la société Stanley revendique l'application devait être qualifiée d'abusive et réputée non écrite en application de l'article 1171 du code civil. La société Stanley soutient que l'article 1171 du code civil n'est pas applicable au litige. Elle conteste le fait que la clause critiquée serait abusive. La SCI Léger soutient que l'article 1171 du code civil est applicable au litige et qu'il existe un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.

Selon l'article 1171 du code civil, dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite. L'appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix à la prestation.

Il faut rappeler que cette disposition, qui régit le droit commun des contrats, sanctionne les clauses abusives dans les contrats ne relevant pas des dispositions spéciales des articles L. 442-1, I, 2° du code de commerce et L. 212-1 du code de la consommation. Contrairement à ce que soutient la société Stanley, l'article L. 442-6, I, 2° devenu L. 442-1, I, 2° du code de commerce, qui vise à sanctionner les pratiques déloyales entre entreprises, ne trouve pas à s'appliquer s'agissant, non d'un contrat issu d'un processus de négociation commerciale, mais d'une simple prestation de service assurée par un professionnel au profit d'un autre professionnel. L'application de l'article L. 212-1 du code de la consommation n'est quant à elle pas revendiquée.

En l'espèce, il convient de constater que la clause 14.3.2 prévoit, en cas de résiliation sans faute, le paiement d'une indemnité de résiliation au seul bénéfice de la société Stanley. L'absence de réciprocité crée un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties alors qu'il n'est pas justifié par le prestataire que cette clause serait rééquilibrée par d'autres clauses. Le premier juge doit être approuvé en ce qu'il a déclaré abusive et réputée non écrite la clause 14.3.2.

La demande de la société Stanley tendant à la condamnation de la SCI Léger à lui payer la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive apparaît dès lors non fondée. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE RENNES

DEUXIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 13 MAI 2025

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 22/06246. ARRÊT N° 171. N° Portalis DBVL-V-B7G-THAD. (Réf 1ère instance : 11-21-347)

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,

Assesseur : Madame Marie-Line PICHON, Conseillère,

GREFFIER : Mme Aichat ASSOUMANI, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS : A l'audience publique du 21 janvier 2025, tenue en double rapporteur, sans opposition des parties par Monsieur David JOBARD, Président de Chambre, et Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,

ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement le 13 mai 2025, après prorogations, par mise à disposition au greffe

 

APPELANTE :

SASU STANLEY SECURITY FRANCE

[Adresse 2], [Localité 3], Représentée par Maître Nolvenn BOURRELIER, Postulant, avocat au barreau de RENNES, Représentée par Maître Denis HUBERT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

 

INTIMÉE :

SCI LEGER

[Adresse 4], [Localité 1], Représentée par Maître Anne CHANTEUX-CARON, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Suivant acte sous seing privé du 13 mars 2019, la société Léger, exerçant sous la dénomination commerciale Feri peinture auto, a souscrit un contrat d'abonnement et de location de matériel de sécurité auprès de la société Stanley security France (la société Stanley).

La société Léger a cédé son fonds de commerce le 3 décembre 2019 et a été absorbée par la SCI Léger.

Suivant acte extrajudiciaire du 22 avril 2021, la société Stanley a assigné la SCI Léger devant le tribunal judiciaire de Brest.

Suivant jugement du 15 septembre 2022, le tribunal a :

- Dit que le contrat conclu le 13 mars 2019 avait été résilié d'un commun accord le 28 mars 2020.

- Condamné la SCI Léger à payer à la société Stanley la somme de 103,83 euros pour solde de tout compte.

- Dit que cette somme produirait des intérêts au taux conventionnel égal à trois fois le taux d'intérêt légal à compter du 1er avril 2020.

- Condamné la SCI Léger à payer à la société Stanley la somme de 40 euros au titre des frais de recouvrement conventionnel.

- Débouté la société Stanley du surplus de ses demandes.

- Déclaré abusive et réputée non écrite la clause « ['] Stanley se réserve le droit de facturer une indemnité telle que définie à l'article 14.3.1 ci-dessus ['] » stipulée au point 14.3.2 des conditions générales de vente.

- Débouté en conséquence la société Stanley de ses demandes au titre de l'indemnité conventionnelle de résiliation.

- Débouté la société Stanley de sa demande de dommages et intérêts.

vCondamné la SCI Léger à mettre à disposition de la société Stanley les matériels lui appartenant dans le mois suivant la signification de la décision.

- Débouté la société Stanley de sa demande tendant à ce que les frais de reprise soient imputés à la SCI Léger.

- Débouté les parties de leurs autres demandes.

- Dit que, sauf exception ci-dessus, les indemnités dues produiraient intérêt au taux légal à compter de la signification.

- Condamné la société Stanley aux dépens.

Suivant déclaration du 25 octobre 2022, la société Stanley a interjeté appel.

[*]

Suivant conclusions du 20 mars 2023, la SCI Léger a interjeté appel incident.

En ses dernières conclusions du 22 décembre 2022, la société Stanley demande à la cour de :

Vu les articles 1103, 1104, 1231-6, 1344-1 et 1343-2 du code civil,

Vu l'article L. 441-6 du code de la consommation,

Infirmer le jugement en ce qu'il a :

- Rejeté ses demandes et l'a condamnée aux dépens.

- Dit que le contrat conclu le 13 mars 2019 avait été résilié d'un commun accord le 28 mars 2020.

- Déclaré abusive et réputé non écrite la clause « ['] Stanley se réserve le droit de facturer une indemnité telle que définie à l'article 14.3.1 ci-dessus ['] » stipulée au point 14.3.2 des conditions générales de vente.

Statuant à nouveau,

- Débouter la SCI Léger de ses demandes.

- Constater que la résiliation des contrats liant les parties est intervenue de plein droit le 26 août 2020.

- Condamner la SCI Léger à lui payer la somme de 4 480,07 euros outre les intérêts au taux de trois fois le taux légal à compter du 4 août 2020.

- La condamner à lui payer la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.

- Ordonner la capitalisation des intérêts échus.

- Condamner la SCI Léger à lui restituer à ses frais le matériel loué sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision.

- La condamner à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

[*]

En ses dernières conclusions du 20 mars 2023, la SCI Léger demande à la cour de :

Vu les articles 1171 et 1231-5 du code civil,

- Confirmer le jugement déféré sauf en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

- Condamner la société Stanley à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Si par impossible la cour ne considérait pas abusive la clause stipulée au point 14.3.2 des conditions générales de vente, réduire dans de notables proportions l'indemnité mise à sa charge.

[*]

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions des parties.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 novembre 2024.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Il est constant que suivant acte sous seing privé du 13 mars 2019, la société Léger a souscrit un contrat d'abonnement et de location de matériel de sécurité d'une durée de 48 mois auprès de la société Stanley pour un coût mensuel de 84 euros hors taxe.

Il est également constant que la société Léger a cessé son activité le 3 décembre 2019 et qu'elle a été absorbée par la SCI Léger.

Suivant lettre recommandée du 8 mars 2020 reçue le 12 mars 2020, la société Léger a informé la société Stanley de sa cessation d'activité au 30 novembre 2019.

Selon l'article 1212, alinéa 1, du code civil, lorsque le contrat est conclu pour une durée déterminée, chaque partie doit l'exécuter jusqu'à son terme.

Or suivant courriel du 12 mai 2020, la société Stanley a indiqué à la SCI Léger qu'elle restait redevable de la somme de 4 041,28 euros au titre de l'indemnité de résiliation.

Il doit être admis que la société Stanley a accepté la résiliation du contrat à tout le moins à effet du 12 mars 2020 tout en réclamant l'indemnité de résiliation prévue en pareil cas. Elle n'est pas fondée à réclamer le paiement d'une échéance quelconque après le mois de mars 2020. Le premier juge a fait droit à sa demande sur ce point.

Les conditions générales de vente prévoyaient en leur article 14.3.2 : « Résiliation sans faute - En cas de demande de résiliation par le client avant la fin du contrat, Stanley se réserve le droit de facturer une indemnité telle que définie à l'article 14.3.1 ».

L'article 14.3.1 précise : « En cas de demande de résiliation par Stanley, le client sera redevable, en sus de toute échéance ou somme impayée en vertu du contrat, d'une indemnité égale au nombre d'annuités restante, majorées de 10 % étant précisé que toute redevance réglée au titre du contrat restera acquise à Stanley ».

Le premier juge a considéré que la clause 14.3.2 dont la société Stanley revendique l'application devait être qualifiée d'abusive et réputée non écrite en application de l'article 1171 du code civil.

La société Stanley soutient que l'article 1171 du code civil n'est pas applicable au litige. Elle conteste le fait que la clause critiquée serait abusive.

La SCI Léger soutient que l'article 1171 du code civil est applicable au litige et qu'il existe un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.

Selon l'article 1171 du code civil, dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite. L'appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix à la prestation.

Il faut rappeler que cette disposition, qui régit le droit commun des contrats, sanctionne les clauses abusives dans les contrats ne relevant pas des dispositions spéciales des articles L. 442-1, I, 2° du code de commerce et L. 212-1 du code de la consommation.

Contrairement à ce que soutient la société Stanley, l'article L. 442-6, I, 2° devenu L. 442-1, I, 2° du code de commerce, qui vise à sanctionner les pratiques déloyales entre entreprises, ne trouve pas à s'appliquer s'agissant, non d'un contrat issu d'un processus de négociation commerciale, mais d'une simple prestation de service assurée par un professionnel au profit d'un autre professionnel.

L'application de l'article L. 212-1 du code de la consommation n'est quant à elle pas revendiquée.

En l'espèce, il convient de constater que la clause 14.3.2 prévoit, en cas de résiliation sans faute, le paiement d'une indemnité de résiliation au seul bénéfice de la société Stanley. L'absence de réciprocité crée un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties alors qu'il n'est pas justifié par le prestataire que cette clause serait rééquilibrée par d'autres clauses.

Le premier juge doit être approuvé en ce qu'il a déclaré abusive et réputée non écrite la clause 14.3.2.

La demande de la société Stanley tendant à la condamnation de la SCI Léger à lui payer la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive apparaît dès lors non fondée.

La demande de capitalisation des intérêts, nouvelle en cause d'appel, est irrecevable.

La demande de condamnation de la SCI Léger à restituer à ses frais le matériel loué est sans objet dès lors que la restitution a été ordonnée par le premier juge. Il n'y a pas lieu d'assortir cette condamnation d'une quelconque astreinte.

Il y a également lieu d'approuver le premier juge en ce qu'il a, compte tenu des circonstances de l'espèce et en équité, écarté l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

En revanche, il n'est pas inéquitable de condamner la société Stanley à payer à la SCI Léger la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en cause d'appel.

La société Stanley sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement rendu le 15 septembre 2022 par le tribunal judiciaire de Brest.

Y ajoutant,

Condamne la société Stanley security France à payer à la SCI Léger la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en cause d'appel.

Condamne la société Stanley security France aux dépens de la procédure d'appel.

Rejette les autres demandes.

LE GREFFIER.                                           LE PRÉSIDENT.