CA VERSAILLES (ch. civ. 1-6), 23 janvier 2025
- TJ Chartres, 13 septembre 2023
CERCLAB - DOCUMENT N° 23734
CA VERSAILLES (ch. civ. 1-6), 23 janvier 2025 : RG n° 23/07283
Publication : Judilibre
Extrait : « Faisant valoir que tous les baux conclus par la SCI SOP pour les locaux qu'elle a vendus aux SCI Totem et Ocay comportaient la même clause résolutoire litigieuse, et se prévalant dès lors des dispositions de l'article 1174 (en réalité 1171) du code civil, l'appelante soutient que la stipulation qui prévoit une indemnité d'occupation de 1.000 euros par jour en cas de résolution du bail est manifestement abusive, en inadéquation avec le montant du loyer, alors même qu'il est précisé qu'elle n'est pas exclusive de dommages et intérêts dus par le preneur au bailleur. Elle en déduit qu'elle doit être réputée non écrite, et que la condamnation subséquente prononcée par le tribunal doit être annulée.
L'intimée s'oppose à cette demande, au motif que les dispositions légales sur lesquelles s'appuie la société J. M. sont inapplicables à l'espèce. Elle soutient que le contrat de bail qui lie les parties n'est pas un contrat d'adhésion, et souligne que la partie appelante ne produit aucun document intitulé « conditions générales » à l'appui de sa prétention, pas plus qu'elle ne démontre que le montant de l'indemnité d'occupation a été fixé arbitrairement par la société SOP.
Aux termes de l'article 1171 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, eu égard à la date à laquelle le contrat de bail a été conclu : « Dans un contrat d'adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite. L'appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix à la prestation. » Le contrat d'adhésion, au sens de l'article 1110 alinéa 2 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, « est celui dont les conditions générales, soustraites à la négociation, sont déterminées à l'avance par l'une des parties. »
Le bail conclu entre les parties ne comporte pas de 'conditions générales', et la seule circonstance que, ainsi qu'en atteste le gérant de la société SOP, les 7 contrats conclus pour les locaux situés dans l'immeuble, avec différents locataires, contiennent des stipulations identiques, ne suffit pas à faire la preuve que celles-ci auraient été soustraites à la négociation des parties. Faute pour la société J. M. de justifier que les conditions de l'article 1171 du code civil sont réunies, sa demande fondée sur l'application de ce texte ne peut pas prospérer. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE VERSAILLES
CHAMBRE CIVILE 1-6
ARRÊT DU 23 JANVIER 2025
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 23/07283. N° Portalis DBV3-V-B7H-WEUZ. Code nac : 30B. CONTRADICTOIRE. Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 13 septembre 2023 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Chartres] : RG n ° 22/02708.
LE VINGT TROIS JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ, La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
APPELANTE :
SARL J. M.
N° Siret : XXX RCS [Localité 6]), [Adresse 4], [Localité 2], Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentant : Maître Stéphane ARCHANGE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire :.000055 - N° du dossier E0003035
INTIMÉE :
SCI OCAY
N° Siret : YYY (RCS [Localité 6]), [Adresse 1], [Localité 3], Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentant : Maître Philippe CHATEAUNEUF, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 643 - N° du dossier 20230126 - Représentant : Maître Frédérick ORION, Plaidant, avocat au barreau de CHARTRES, substitué par Maître Léticia TAVEIRA, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 7
Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 11 décembre 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Fabienne PAGES, Présidente et Madame Florence MICHON, Conseillère entendue en son rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Fabienne PAGES, Présidente, Madame Caroline DERYCKERE, Conseillère, Madame Florence MICHON, Conseillère.
Greffier, lors des débats : Mme Mélanie RIBEIRO.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Suivant acte sous seing privé conclu le 2 mai 2017, la SCI SOP a donné à bail à la SARL J. M., pour une durée de neuf années à compter du 1er mai 2017, des locaux situés [Adresse 5], bâtiment B lot 05, destinés à l'exercice de son activité d'électricité générale du bâtiment et industrielle.
Le loyer a été conclu moyennant le paiement d'un loyer mensuel en principal, hors charges et hors TVA, de 1 300 euros, réduit à 1 100 euros mensuels la première année, et 1 200 euros mensuels la deuxième année, payable d'avance les 1ers de chaque mois, et indexé sur l'indice national des loyers commerciaux publiés par l'INSEE.
En sus du loyer principal, le locataire est tenu de régler les charges, taxes, contributions et impôts liés aux locaux.
Le bail contient une clause résolutoire ainsi libellée :
« Il est expressément convenu qu'à défaut de paiement d'un seul terme de loyer, charges, accessoires et prestations, à son échéance exacte, comme à défaut de remboursement au bailleur des sommes avancées pour le compte du locataire ou d'inexécution d'une seule des conditions des présentes, y compris le défaut d'assurance continue, et un mois après un simple commandement de payer ou une sommation d'exécuter restés infructueux, la location sera résiliée de plein droit si bon semble au bailleur, nonobstant tout paiement ou exécution postérieurs à l'expiration du délai ci-dessus. (...)
Dans le cas où le locataire ou tout occupant de son chef se refuserait de quitter les locaux, l'expulsion pourra avoir lieu sans délai sur simple ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de grande instance et exécutoire nonobstant appel.
Le refus pour le locataire de quitter les lieux au jour de la résiliation, comme d'ailleurs à l'échéance du congé, l'oblige au profit du bailleur à une indemnité d'occupation sans titre de 1.000 euros (mille euros), par jour de retard, sans préjudice des dommages-intérêts. »
Le 15 juin 2019, la SCI SOP a vendu les locaux qu'elle possédait [Adresse 5], pour partie à une SCI Totem, et pour partie à la SCI Ocay, cette dernière devenant propriétaire des locaux loués à la société J. M.
Des loyers étant impayés, la SCI Ocay a fait délivrer à la SARL J. M., le 16 mai 2022, un commandement de payer visant la clause résolutoire du bail, portant sur une somme de 7 184,16 euros en principal, correspondant aux loyers et provisions sur charges et taxes dûs jusqu'au terme du mois de mai 2022 inclus, outre 163,86 euros correspondant au coût de l'acte.
Par actes des 3 et 4 novembre 2022, la SCI Ocay a fait assigner la SARL J. M. ainsi que le comptable du Pôle de Recouvrement Spécialisé de Chartres, ce dernier en qualité de créancier inscrit, devant le tribunal judiciaire de Chartres.
Par jugement rendu le 13 septembre 2023, réputé contradictoire en l'absence tant de la société J. M. que du comptable du Pôle de Recouvrement Spécialisé de Chartres, le tribunal a :
- déclaré la SCI Ocay recevable et bien fondée en son action,
- constaté que le commandement de payer visant la clause résolutoire délivré le 16 mai 2022 est resté infructueux pendant plus d'un mois,
- constaté l'acquisition de plein droit de la clause résolutoire contenue au bail commercial du 2 mai 2017, à compter du 16 juin 2022,
- dit que la SARL J. M. occupe sans droit ni titre les locaux loués [Adresse 5] depuis le 17 juin 2022,
- ordonné l'expulsion de la SARL J. M. des locaux occupés sus identifiés et de tous occupants de son chef, par toutes voies de droit avec si nécessaire le concours de la force publique,
- rejeté la demande d'astreinte de la SCI Ocay,
- condamné la SARL J. M. à payer à la SCI Ocay la somme de 6 386,87 euros au titre des arriérés de loyer arrêtés au mois de juin 2022 et ce avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 3 novembre 2022,
- fixé l'indemnité d'occupation due par la SARL J. M. à la somme de 1000 euros par jour, jusqu'à complète libération des lieux loués, précision faite que l'indemnité due le dernier mois sera calculée au prorata du nombre de jours d'occupation effective,
- condamné la SARL J. M. à payer à la SCI Ocay la somme de 137.000 euros au titre de l'indemnité d'occupation due du 17 juin 2022 au 31 octobre 2022 inclus puis à la somme de 1000 euros par jour de retard à compter du 1er novembre 2022 jusqu'à complète libération des lieux, précision faite que l'indemnité due le dernier mois sera calculée au prorata du nombre de jours d'occupation effective,
- condamné la SARL J. M. à payer à la SCI Ocay la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SARL J. M. aux entiers dépens en ce compris les frais de commandement de payer visant la clause résolutoire du 16 mai 2022,
- rejeté la SCI Ocay du surplus de ses demandes (sic),
- rappelé que l'exécution provisoire s'applique de plein droit,
- rejeté le surplus des prétentions.
Le 23 octobre 2023, la SARL J. M. a relevé appel de cette décision, intimant la seule SCI Ocay.
Par ordonnance de référé rendue le 1er février 2024, il a été ordonné l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement susvisé.
Par ordonnance rendue le 3 décembre 2024, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 11 décembre 2024.
[*]
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 29 octobre 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la société J. M., appelante, demande à la cour de :
- réformer le jugement du tribunal judiciaire de Chartres du 13 septembre 2023 (RG 22/02708) dont appel,
- déclarer non-écrite la clause du bail commercial fixant à 1000 euros par jour l'indemnité d'occupation due par le preneur au bailleur en cas de résiliation du bail,
- lui accorder rétroactivement des délais de paiement d'une durée de dix-huit mois à compter de la notification du commandement de payer visant la clause résolutoire,
- déclarer que la clause résolutoire du bail commercial n'est pas acquise du fait de la régularisation des loyers par elle,
- annuler sa condamnation à régler une quelconque somme à titre d'indemnité d'occupation à la SCI Ocay,
A titre infiniment subsidiaire,
- ordonner la réduction du montant de l'indemnité d'occupation contractuelle s'analysant en une clause pénale,
- fixer l'indemnité d'occupation due par elle à compter de l'acquisition de la clause résolutoire au montant du dernier loyer contractuel, augmenté des taxes et des charges,
- débouter la SCI Ocay de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner la SCI Ocay à lui payer la somme de 3500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la SCI Ocay aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel.
[*]
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 25 novembre 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la SCI Ocay, intimée, demande à la cour de :
- déclarer mal fondé l'appel interjeté par la SARL J. M.,
- la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions,
- confirmer la décision rendue par le tribunal judiciaire de Chartres le 13 septembre 2023 en toutes ses dispositions (RG 22/02708),
Et ce faisant,
- débouter la SARL J. M. de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires aux présentes,
- débouter la SARL J. M. de sa demande de délais de paiement rétroactifs,
- débouter la SARL J. M. de sa demande de non-acquisition de la clause résolutoire,
- débouter la SARL J. M. de sa demande d'annulation de sa condamnation à lui régler une quelconque somme à titre d'indemnité d'occupation,
- débouter la SARL J. M. de ses demandes au titre du caractère réputé non écrit de la clause résolutoire fixant le montant de l'indemnité d'occupation,
- débouter la SARL J. M. de ses demandes relatives à la qualification de la clause pénale de la clause résolutoire fixant le montant de l'indemnité d'occupation,
- débouter la SARL J. M. de sa demande de délais de paiement,
- condamner la SARL J. M. à lui verser la somme de 3500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,
- condamner la SARL J. M. aux entiers dépens, dont distraction pour ceux d'appel directement au profit de Maître Philippe [Localité 7],, sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile.
[*]
Le 9 décembre 2024, la SCI Ocay a adressé à la cour des conclusions de rejet des débats de la pièce n°30 de son adversaire.
A l'issue de l'audience, l'affaire a été mise en délibéré au 23 janvier 2025.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur l'étendue de la saisine de la cour :
A titre liminaire la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions, pour autant qu'elles sont soutenues par des moyens développés dans la discussion, et qu'elle ne répond aux moyens que pour autant qu'ils donnent lieu à une prétention correspondante figurant au dispositif des conclusions.
A cet égard, il sera relevé que si la société appelante argumente sur le fait qu'elle n'a pas reçu l'assignation qui lui était destinée pour l'audience devant le tribunal, aucune prétention n'en découle dans le dispositif de ses écritures, en sorte que la cour n'a pas à examiner ce point, étant en toute hypothèse relevé que la société J. M. est, dans le cadre de la procédure d'appel, en mesure de faire valoir ses prétentions et moyens.
Sur la demande de rejet de la pièce n°30 :
Aux termes des conclusions qu'elle a déposées au greffe le 9 décembre 2024, la société Ocay demande à la cour de :
- la déclarer recevable et bien fondée en ses conclusions d'incident de rejet des débats ;
Y faisant droit :
- rejeter des débats la pièce n°30 de la société J. M. en ce qu'elle n'a pas été produite en temps utile ;
- débouter la société J. M. de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires aux présentes,
- dire et juger que les dépens du présent incident suivront le sort de ceux au fond.
Elle expose à l'appui de sa demande que, alors qu'il avait été précisé par un bulletin de mise en état que plus aucune pièce ni écriture ne serait reçue après le 28 novembre 2024, la société appelante a produit une nouvelle pièce, le 2 décembre 2024 après-midi, soit après la date limite impartie, et la veille de la clôture de surcroît. Elle considère que cette pièce, produite hors délai, et en tous cas pas en temps utile, doit être écartée des débats en application des articles 15 et 135 du code de procédure civile, la société J. M. méconnaissant totalement, par cette production, le principe du contradictoire.
La société J. M. n'a pas déposé de conclusions en réponse à celles de son adversaire.
Il est rappelé que les conclusions déposées et les pièces communiquées par les parties sont, par principe, recevables jusqu'à la clôture de l'instruction, par application de l'article 802 du code de procédure civile.
Des conclusions au fond déposées et des pièces communiquées avant l'ordonnance de clôture, mais peu de temps avant la date prévue pour celle-ci, peuvent toutefois être écartées des débats si elles contreviennent aux principes de la contradiction et du droit de chaque partie de pouvoir se défendre, consacrés par les articles 15 et 16 du code de procédure civile.
Quand bien même les parties, dans le cadre d'un report de la date de clôture, ont été invitées à se communiquer leurs pièces et écritures pour le 28 novembre 2024 au plus tard, la pièce n°30 de la SARL J. M. a été communiquée avant la clôture de la procédure, intervenue le 3 décembre 2024, de sorte qu'elle est recevable, nonobstant le fait que la date indicative fixée par le conseiller de la mise en état n'ait pas été respectée.
La pièce dont la SCI Ocay réclame le rejet est un justificatif d'un virement bancaire de 2.640 euros effectué par la SARL J. M. au bénéfice de sa bailleresse, le 2 décembre 2024.
Compte tenu de la date à laquelle cette pièce a été établie, elle ne pouvait lui être communiquée à une date antérieure.
La SCI Ocay n'explique pas, par ailleurs, en quoi elle n'a pas été en mesure de prendre utilement connaissance de cette pièce, qui n'est constituée que d'une seule page, ni en quoi sa production, qui ne vient pas contredire son argumentation, porterait effectivement atteinte à son droit de se défendre.
Dès lors que n'est pas caractérisée une violation effective du principe de la contradiction et des droits de la défense, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de rejet de la pièce litigieuse.
Sur le caractère abusif de la clause fixant l'indemnité d'occupation :
Faisant valoir que tous les baux conclus par la SCI SOP pour les locaux qu'elle a vendus aux SCI Totem et Ocay comportaient la même clause résolutoire litigieuse, et se prévalant dès lors des dispositions de l'article 1174 (en réalité 1171) du code civil, l'appelante soutient que la stipulation qui prévoit une indemnité d'occupation de 1.000 euros par jour en cas de résolution du bail est manifestement abusive, en inadéquation avec le montant du loyer, alors même qu'il est précisé qu'elle n'est pas exclusive de dommages et intérêts dus par le preneur au bailleur. Elle en déduit qu'elle doit être réputée non écrite, et que la condamnation subséquente prononcée par le tribunal doit être annulée.
L'intimée s'oppose à cette demande, au motif que les dispositions légales sur lesquelles s'appuie la société J. M. sont inapplicables à l'espèce. Elle soutient que le contrat de bail qui lie les parties n'est pas un contrat d'adhésion, et souligne que la partie appelante ne produit aucun document intitulé « conditions générales » à l'appui de sa prétention, pas plus qu'elle ne démontre que le montant de l'indemnité d'occupation a été fixé arbitrairement par la société SOP.
Aux termes de l'article 1171 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, eu égard à la date à laquelle le contrat de bail a été conclu :
« Dans un contrat d'adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite.
L'appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix à la prestation. »
Le contrat d'adhésion, au sens de l'article 1110 alinéa 2 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, « est celui dont les conditions générales, soustraites à la négociation, sont déterminées à l'avance par l'une des parties. »
Le bail conclu entre les parties ne comporte pas de 'conditions générales', et la seule circonstance que, ainsi qu'en atteste le gérant de la société SOP, les 7 contrats conclus pour les locaux situés dans l'immeuble, avec différents locataires, contiennent des stipulations identiques, ne suffit pas à faire la preuve que celles-ci auraient été soustraites à la négociation des parties.
Faute pour la société J. M. de justifier que les conditions de l'article 1171 du code civil sont réunies, sa demande fondée sur l'application de ce texte ne peut pas prospérer.
Sur la demande de délais de paiement suspensifs :
L'appelante sollicite que des délais suspensifs de la clause résolutoire du bail lui soient accordés, en application de l'article L.145-41 du code de commerce. Elle fait valoir qu'elle a régularisé sa situation, notamment par le biais d'un virement de 20.101,91 euros opéré à la fin du mois de décembre 2022 entre les mains du notaire chargé de l'encaissement des loyers, dont la bailleresse n'a pas fait état devant le tribunal, que tout son passif de loyers était réglé au 1er septembre 2023, et qu'elle règle régulièrement un rappel de loyers concernant l'indexation de celui-ci, qui n'avait jamais été réclamée auparavant, et qui ne l'a été qu'en cours de procédure, et sur une période de 5 ans, pour la somme de 3.749,95 euros HT.
La SCI Ocay fait valoir qu'à défaut de paiement des loyers, et en l'absence de régularisation dans le délai d'un mois suivant la délivrance du commandement de payer, le contrat de bail pouvait légitimement être résilié de plein droit. Elle considère que le fait que la société J. M. se soit finalement acquittée de ses loyers en retard n'est pas de nature à justifier l'octroi de délais de paiement. Pas plus que le fait qu'elle se soit acquittée du rappel d'indexation qui lui a été demandé, et qui était dû. Elle estime que les pièces produites par l'appelante démontrent ses difficultés persistantes pour respecter l'échéancier mis en place, et que cette dernière ne justifie pas que sa situation financière nécessite effectivement des délais de paiement et ne fait état d'aucun motif légitime lui permettant d'y prétendre.
Selon l'article L. 145-41 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.
Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.
Il est constant que les causes du commandement de payer délivré le 16 mai 2022 à la société J. M., portant sur une somme de 7 184,16 euros en principal, n'ont pas été réglées dans le délai d'un mois imparti à la locataire.
Les conditions d'acquisition de la clause résolutoire étaient donc effectivement réunies à la date du 16 juin 2022.
Il ressort toutefois des justificatifs produits par l'appelante, et il n'est pas utilement contesté par l'intimée, que, par un virement bancaire effectué le 30 décembre 2022, d'un montant de 20 101,91 euros, la société J. M. a apuré les causes du commandement, ainsi que l'arriéré locatif qui s'était ultérieurement constitué.
Il est par ailleurs justifié que, si la société J. M. a ensuite à nouveau eu des retards dans le paiement de son loyer, elle a finalement réglé la totalité de son arriéré, ainsi que l'a confirmé le conseil de la bailleresse aux termes d'un courrier daté du 1er septembre 2023, qui ne faisait plus état que d'une dette de frais, qui n'entre pas dans la dette locative.
Au jour où la cour statue, au vu des pièces produites par l'appelante, il n'est plus dû qu'un solde correspondant à l'indexation du loyer depuis l'année 2019, réclamée à la société J. M. par courrier du 23 mai 2024, à hauteur de 4.495,14 euros TTC, dont cette dernière s'acquitte au moyen de règlements mensuels, et qui ne fait l'objet d'aucune demande de condamnation à paiement par la SCI Ocay, et par ailleurs la locataire s'acquitte du règlement régulier du loyer dû en vertu du bail.
Ainsi, les efforts de la société locataire pour apurer sa dette locative, et exécuter désormais régulièrement ses obligations contractuelles, tandis que la bailleresse ne fait pas valoir de difficultés ou de besoins particuliers la concernant, justifient que lui soient accordés des délais rétroactifs, suspensifs de la clause résolutoire du bail, qui sont possibles en l'espèce puisque la résiliation du bail n'a pas été constatée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée, et ce pour une durée de dix-sept mois à compter du 16 juin 2022, et non comme demandé d'une durée de dix-huit mois à compter de la délivrance du commandement, dès lors que le délai d'un mois dont bénéficie le locataire à compter de cette date pour s'acquitter des causes de celui-ci résulte de la loi.
Au jour où elle statue, la cour constate que les causes du commandement ont été apurées dans ce délai de dix-sept mois imparti, en sorte que la clause résolutoire doit être réputée ne jamais avoir joué.
En conséquence de ce qui précède, il y a lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il a ordonné l'expulsion de la locataire des lieux loués, et mis à sa charge le paiement d'une indemnité d'occupation.
La clause du bail fixant le montant de l'indemnité d'occupation n'étant pas appliquée, la demande de réduction de celle-ci sur le fondement de l'article 1231-5 du code civil est devenue sans objet.
Enfin, il y a lieu d'infirmer le jugement également en ce qu'il a condamné la société J. M. au titre des loyers arrêtés au mois de juin 2022, puisque ceux-ci avaient été réglés le 30 décembre 2022.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Les dépens de première instance et d'appel sont à la charge de la SCI Ocay qui succombe, excepté le coût du commandement de payer du 16 mai 2022, qui est à la charge de la société J. M.
Aucune considération d'équité ne justifie de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de quiconque, que ce soit en première instance ou en appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort,
Déboute la SCI Ocay de sa demande de rejet des débats de la pièce n°30 de la société J. M. ;
INFIRME le jugement rendu le 13 septembre 2023 par le tribunal judiciaire de Chartres en toutes ses dispositions qui lui sont soumises, sauf en ce qu'il a constaté que le commandement de payer visant la clause résolutoire délivré le 16 mai 2022 est resté infructueux pendant plus d'un mois ;
Statuant à nouveau, et y ajoutant,
Déboute la société J. M. de sa demande tendant à voir déclarer non-écrite la clause du bail commercial fixant à 1000 euros par jour l'indemnité d'occupation due par le preneur au bailleur en cas de résiliation du bail ;
Constate que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire figurant au bail du 2 mai 2017 sont réunies à la date du 16 juin 2022 ;
Accorde à la société J. M. un délai de dix sept mois, suspensif de la clause résolutoire du bail, courant rétroactivement à compter du 16 juin 2022, pour s'acquitter des causes du commandement de payer délivré le 16 mai 2022 ;
Constate que les causes du dit commandement ont été apurées dans le délai imparti ;
En conséquence, dit que la clause résolutoire est réputée ne jamais avoir joué ;
Déboute la SCI Ocay de toutes ses autres demandes ;
Déboute la société J. M. de sa demande au titre des frais irrépétibles ;
Condamne la SCI Ocay aux dépens de première instance et d'appel, excepté s'agissant du coût du commandement de payer délivré le 16 mai 2022, qui est mis à la charge de la société J. M..
Arrêt prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Fabienne PAGES, Présidente et par Madame Mélanie RIBEIRO, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente