T. COM. AVIGNON (3e ch.), 23 mai 2025
CERCLAB - DOCUMENT N° 23750
T. COM. AVIGNON (3e ch.), 23 mai 2025 : RG n° 2023003838
Publication : Judilibre
Extrait : « Il en résulte que Madame X. a fait un choix qu’elle a considéré comme étant la solution la plus éclairée la concernant, mais qui en aucun cas était protecteur de ses encaissements. Dès lors, la responsabilité de la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL AGRICULTURE DE [Localité 4] étant dégagée sur cet aspect, il ne saurait lui être imputé un quelconque dédommagement à devoir à Madame X., à hauteur de 55.500,00 EUR.
En outre, cette somme ne saurait être réclamée par ailleurs par le biais de l’article 4 des conditions générales « garantie de paiement », puisqu’il ne s’agit aucunement d’une clause d’exclusion de garantie, qui se trouve de surcroît être très claire et non ambiguë.
Le caractère apparent de la clause n’appelle pas de remarque particulière, puisque cette dernière n’est pas en police inférieure à 8 et n’est effectivement pas applicable au contentieux dont s’agit car celui-ci ne relève pas du droit des assurances.
Quant au déséquilibre significatif, il ne saurait être invoqué au visa de l’article 1171 du code civil, qui se trouve être en l’espèce inopérant dès lors que, comme le précise les défenderesses, seuls les textes spéciaux pourraient éventuellement trouver à s’appliquer, et en tout état de cause la présente juridiction n’a pas la compétence juridictionnelle pour traiter ce genre de demande.
De ce fait, toute interprétation liée au caractère abusif et réputé non écrit de l’article 4 doit être écartée en l’espèce. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL DE COMMERCE D’AVIGNON
TRIBUNAL DES ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES D’AVIGNON
TROISIÈME CHAMBRE
JUGEMENT DU 23 MAI 2025
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 2023003838.
Demandeur(s) :
Madame X.
[Adresse 3], Représentant(s) : Maître Agnès BARRE/AVIGNON
Défendeur(s) :
CAISSE DU CRÉDIT MUTUEL DAUPHINE VIVARAIS (CCM)
[Adresse 2]
CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL AGRICULTURE DE [Localité 4] (COCREDVRL)
[Adresse 1], [Localité 4]
Représentant(s) : Maître Guillaume FORTUNET (SCP FORTUNET) / AVIGNON Maître Guillaume FORTUNET (SCP FORTUNET) / AVIGNON
Composition du tribunal lors des débats et du délibéré :
Président d'audience : Jean-Michel CALLEJA Juges : Jacqueline MARINETTI Corinne PAIOCCHI
Greffier lors des débats : Arnaud GASQUE
Débats à l’audience publique du 24/01/2025
Dépens de greffe liquidés à la somme de 89,67 euros TTC
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Exposé du litige :
Madame X. exploite une activité de vente de truffes fraîches et a connu à compter du mois de novembre 2022 des dysfonctionnements sur son compte professionnel domicilié auprès de la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE [Localité 4].
Préalablement aux incidents objet du litige, Madame X. avait souscrit le 17 août 2018 un contrat permettant d’utiliser un terminal de paiement (TPE) virtuel qui octroyait à ses clients la possibilité de saisir leurs coordonnées bancaires dire ctement eux-mêmes puisqu’ils étaient initiateurs des paiements.
Ce contrat, référencé N° 2835355 et dénommé TPE VADS (Vente à distance sécurisée), avec cette technologie garantissait une vente à distance sécurisée, utilisant le protocole 3D Secure en identifiant ainsi le porteur.
Le 17 août 2018 également, Madame X. a souscrit une autre option mettant en œuvre une autre technologie, à savoir un TPE VAD, référencé N° 2835565, non sécurisé, sans utilisation du protocole 3D Secure.
Cette version non sécurisée, sans authentification du client porteur, permettait ainsi à Madame X. de saisir les coordonnées des cartes bancaires transmises par ses clients (par mail ou téléphone), en utilisant un tableau de bord commerçant, s’épargnant ainsi les coûts de la location d’un TPE avec protocole 3D Secure.
Cette version non sécurisée était par définition susceptible de fraude dès lors que les coordonnées communiquées pouvaient être volées, physiquement ou sur des sites, annulées, périmées, ayant fait l’objet d’opposition, de blocage.
Le 26 décembre 2022, Madame X. a émis une réclamation sur son espace dédié en invoquant que les clients souhaitant régler par virements se voyaient délivrer un message contenant une information de RIB frauduleux.
Parallèlement à ses déboires sur son compte du CRÉDIT MUTUEL, Madame X. a procédé à des virements importants vers son autre compte ouvert auprès de la SOCIETE GENERALE, ce qui a conduit, en sus du rejet d’opérations, à une position d e compte débiteur entre le 31 décembre 2022 et le 18 janvier 2023, date à laquelle la demanderesse a réalimenté son compte de façon conséquente.
Ainsi, le 28 décembre 2022, Madame X. a notifié sa décision de clôturer la solution de TPE virtuel à la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE [Localité 4], cette dernière bloquant momentanément le compte professionnel de sa cliente ainsi que le TPE N° 2835565, non sécurisé, ceci afin de faire échec aux potentielles opérations frauduleuses.
Dès le 31 décembre 2022, de multiples opérations réalisées au travers du paiement par cartes bancaires non sécurisées ont été refusées, la banque procédant au rapatriement des fonds initialement crédités sur le compte professionnel, opération appelée « recall ».
Ainsi, le montant de 55.500,00 EUR sur 71.200,00 EUR d’encaissement a été rejeté entre le 31 décembre 2022 et le 4 janvier 2023 ayant comme motif d’opposition, soit la contrefaçon, soit le vol.
Le 4 janvier 2023, Madame X. a demandé, outre le fait de recréditer son compte professionnel, de clôturer son compte personnel.
Le 5 janvier 2023, le service relation clientèle du CRÉDIT MUTUEL lui a demandé notamment de régulariser le découvert du compte professionnel, ainsi que de justifier la saisie des dix opérations de paiement sur le tableau de bord commerçant ayant motivé les rejets de paiements.
Le 6 janvier 2023, le GIE CB, organisme indépendant, s’est alerté des mouvements suspects sur le compte de Madame X. en pointant que sur seize transactions, douze d’entre elles avaient conduit à des oppositions car à caractère frauduleux, le conduisant ainsi légitimement à se poser la question de savoir pourquoi la solution sécurisée TPE VADS n’avait pas été utilisée.
C’est en l’état que la situation se présente.
[*]
Dans ses dernières écritures, Madame X. demande de :
Vu l’article 1231-1 et 1240 du code civil,
Vu les articles L. 561-32 et L. 561-6 du code monétaire et financier,
Vu l’article L. 140-4 alinéa 1er, devenu l’article L. 141-4 alinéa 1er du code des assurances,
Vu l’article 1171 du code civil,
Juger que la CAISSE DU CRÉDIT MUTUEL a commis une faute grave dans l’exécution de ses obligations contractuelles d’information, de son devoir de vigilance et de contrôle interne ; Juger que l’absence d’authentification du porteur de la carte de paiement par la Banque constitue une grave négligence à l’origine du préjudice subi par Madame X. ; Juger que l’escroquerie dont a été victime Madame X. n’a pu se réaliser qu’en vertu du manque de vigilance et de contrôle interne de la CAISSE DU CRÉDIT MUTUEL ; La condamner à réparer le préjudice subi injustement par le versement de dommages et intérêts de la somme de 55.500,00 EUR ;
À titre subsidiaire,
Juger que l’article 4 des conditions générales « garantie de paiement » est une clause d’exclusion de garantie ambiguë et non apparente ;
Juger que l’article 4 des conditions générales « garantie de paiement » crée un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat ;
Juger que l’article 4 des conditions générales autorisant l’acquéreur à débiter d’office l’accepteur en cas de contestation du titulaire est abusive et réputée non écrite ;
Juger que la CAISSE DU CRÉDIT MUTUEL a débité à tort « d’office » le compte professionnel du montant des cartes bleues litigieuses pour un montant de 71.200,00 EUR, ramené à 55.500,00 EUR, outre les frais, agios ;
La condamner à réparer le préjudice subi injustement par le versement de dommages et intérêts de la somme de 55.500,00 EUR, outre les frais, agios ;
En tout état de cause,
Donner acte que les défenderesses proposent d’indemniser Madame X. ; Juger que la proposition d’indemnisation du préjudice subi est très insuffisante ;
La condamner à payer la somme de 10.000,00 EUR à titre de dommages et intérêts en application de l’article 1240 du code civil afin de réparer le préjudice injustement subi à la réputation de son entreprise ;
La condamner à payer 10.430,00 EUR à titre de dommages et intérêts correspondant à la perte de chiffre d’affaires du 30 décembre 2022 au 21 janvier 2023, n’ayant pas été en mesure de travailler sur cette période d’activité saisonnière de « truffes fraîches » en raison du blocage de ses comptes bancaires ;
La condamner à lui payer à la somme de 5.000,00 EUR au titre du préjudice moral qu’elle a injustement subi en application de l’article 1240 du code civil ;
Juger que la CAISSE DU CRÉDIT MUTUEL AGRICULTURE DE [Localité 4] sera garantie par la CAISSE REGIONALE DU CRÉDIT MUTUEL DAUPHINE VIVARAIS à laquelle elle est rattachée ; Juger que l’exécution provisoire de droit est compatible avec la nature du litige ;
Les condamner in solidum à l’indemniser du montant des condamnations prononcées ; Les condamner à payer 5.000,00 EUR au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
[*]
De leur côté, les CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL AGRICULTURE DE [Localité 4] et CAISSE REGIONALE DU CRÉDIT MUTUEL DAUPHINE VIVARAIS demandent de :
Vu l’article 1194 du code civil,
Vu les articles 1103, 1104, 1105, 1171 et 1193 du code civil, Vu l’article L. 442-1, I-2° du code de commerce, Vu l’article L. 442-4, III du code de commerce, Vu l’article D. 442-4, III du code de commerce,
Vu l’annexe 4-2-1 du livre IV de la partie règlementaire du code de commerce,
Faisant droit aux conclusions du CRÉDIT MUTUEL ; Déclarer irrecevable la demande de Madame X. visant à voir déclarer non écrite l’article 4 des conditions générales d’acceptation en paiement à distance de la carte de paiement en raison d’un prétendu déséquilibre significatif entre les parties comme n’entrant pas dans les pouvoirs juridictionnels du tribunal de commerce d’Avignon ;
En tout état de cause, Débouter Madame X. de l’intégralité de ses prétentions ;
À titre subsidiaire, pour le cas où par extraordinaire, le tribunal estimerait que le CRÉDIT MUTUEL a
défailli dans l’exécution de son devoir de vigilance, Prendre acte de la restitution par le CRÉDIT MUTUEL à Madame X. de la somme de 15.700,00 EUR à la date du 1er décembre 2023 ; Dire et juger que la réparation du défaut d’exécution par la banque de l’obligation de vigilance est à la mesure de la chance perdue et que donc Madame X. ne saurait prétendre à une indemnisation égale à l’avantage que lui aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée ; Constater, en tout état de cause, l’absence de toute perte de chance ; Débouter, en conséquence, Madame X. de l’intégralité de ses demandes ;
À titre infiniment subsidiaire, Fixer le taux de probabilité de la chance perdue de ne pas contracter à 10 % ; Condamner à payer la somme de 2.000,00 EUR au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
[*]
À l’audience du 24 janvier 2025, le tribunal entend les parties et met l’affaire en délibéré.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Sur ce, le tribunal,
Sur l’existence d’une faute du CRÉDIT MUTUEL concernant les virements instantanés :
Le 5 novembre 2022, Madame X. recevait un virement d’un client pour 7.533,00 EUR, opéré par virement instantané.
À cet effet, la demanderesse interrogeait sa banque afin de se faire confirmer que cette opération pouvait être considérée comme fiable, cependant aucune réponse ne lui était apportée.
Le 25 novembre 2022, Madame X. recevait tardivement un SMS l’informant du rejet dudit virement instantané, cette dernière se rapprochant alors du directeur de la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL DE [Localité 4] ce même jour afin d’obtenir des informations sur cette anomalie.
Le 22 décembre 2022, le client concerné informait Madame X. qu’une demande de rejet dudit virement opéré à son profit lui avait été faite, qu’il avait refusé d’annuler.
Ces premiers éléments démontrent clairement que la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL AGRICULTURE DE [Localité 4] n’a pas été diligente lorsque la situation l’imposait, en s’abstenant de répondre à sa cliente, ex ante comme ex post l’opération, en ne s’alertant pas sur l’objet du rejet du virement instantané sur lequel elle avait été interrogée, intervenu très tardivement vingt jours plus tard, et donc in fine en ne traitant pas l’origine des dysfonctionnements pointés.
Ainsi, les clients opérant un virement se voyaient communiquer un message de demande d’annulation de leurs opérations considérant que le destinataire possédait un RIB frauduleux.
La situation, après cette première alerte, n’a fait qu’empirer, ainsi la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL AGRICULTURE DE [Localité 4] était parfaitement informée des graves dysfonctionnements que connaissait le compte, les clients se voyant systématiquement refuser le droit d’opérer des virements instantanés.
De multiples courriels émis par Madame X. entre le 4 et le 5 décembre 2022 en témoignent.
Suite à des investigations, le 14 décembre 2022, la direction monétique régionale faisait remonter l’information concernant la problématique sur le RIB blacklisté auprès du service fraudes virements, qui informait le groupe BANQUE POPULAIRE, à l’origine du blacklistage, puisqu’il s’agissait du compte émetteur du virement du 5 novembre 2022 qui avait demandé le recall, de lever la demande de blocage du RIB.
Suite à ce message auprès du groupe BANQUE POPULAIRE, aucun retour ne semble avoir eu lieu de la part du groupe, laissant ainsi la situation perdurer.
En outre, il n’est pas contesté que la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL AGRICULTURE DE [Localité 4] n’est pas à l’origine des messages d’alerte reçus par les clients de Madame X., ni que le compte bancaire professionnel de celle-ci n’a jamais été bloqué, d’autres virements venant créditer le compte.
Il appert que la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL AGRICULTURE DE [Localité 4] n’a pas pris en compte en temps voulu la mesure des incidents qui se produisaient et qui auraient nécessairement dû l’interpeller sur une opération de détournement du RIB en cours, d’autant que le piratage du compte s’opérait aussi lorsque Madame X. procédait à des virements auprès de son fournisseur, ce dernier recevant un message de demande de restitution des sommes reçues.
La CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL AGRICULTURE DE [Localité 4] ne peut dès lors soutenir que la banque destinataire aurait reçu ce message sans que par ailleurs elle n’ait pas été informée de cette demande de restitution des fonds, la banque du fournisseur, destinataire des fonds, précisant : « La demande de remboursement émane de la banque émettrice du client, c’est-à-dire de la banque Raubaud Silvie La Rabasse, nous ne savons pas si elle due à une erreur de la banque émettrice ou à un ordre du titulaire émetteur du paiement. »
Il s’avère, par conséquent, que le 27 décembre 2022, la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL AGRICULTURE DE [Localité 4] a été l’instigatrice de cette demande de restitution des fonds.
Le courriel du 20 décembre 2022 de Madame X. adressé au directeur de la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL AGRICULTURE DE [Localité 4] ne laisse place à aucune interprétation quant à l’absence de diligences de ce dernier :
« Bonsoir,
J’ai encore des problèmes avec le crédit mutuel, que ce passe-t-il sur mon compte avec le prestataire MONETICO sur des prestations régulières de paiement en ligne et également des virements. Merci de bien vouloir me joindre rapidement ».
Ce mail qui n’a suscité qu’une réponse minimale en la forme de communication d’un tableau de numéros qualifiés « d’utile ».
Madame X. était ainsi largement en droit de recevoir une réponse personnalisée avec une vraie recherche des causes d’un piratage avéré, le dysfonctionnement du compte étant flagrant.
Dès lors, la responsabilité de la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL AGRICULTURE DE [Localité 4] est pleinement engagée sur ce volet, pour défaut de vigilance et de conseil, engageant nécessairement un dédommagement quant au préjudice subi.
L’excuse de non-ingérence invoquée par la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL AGRICULTURE DE [Localité 4] ne saurait raisonnablement résister à l’analyse, car s’il y a bien une situation où le prestataire de services de paiements doit intervenir, c’est bien dans ce genre de configuration, sinon l’intérêt de l’existence de ce prestataire et donc son apport est nul, la plus-value étant inexistante.
En outre, la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL AGRICULTURE DE [Localité 4] précise bien dans ses écritures que le devoir de non-ingérence trouve une limite à la condition que l’opération recèle une anomalie apparente pouvant entre autres naître du fonctionnement du compte.
C’est bien le cas en l’espèce, sans équivoque possible.
Plutôt que de chercher à déterminer l’origine des dysfonctionnements, en admettant sciemment qu’un piratage était en cours, la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL AGRICULTURE DE [Localité 4] a préféré nier l’évidence et a déposé plainte pour agissements frauduleux contre sa cliente le 30 décembre 2022.
Ce déni de reconnaissance et de responsabilité par sa banque principale a valu à Madame X. d’être « blacklistée » par sa deuxième banque, la SOCIETE GENERALE, qui a clôturé son compte en se voyant affubler de l’image d’une [personne] ayant un comportement poursuivant des fins illégales.
Par conséquent, cette situation de blocage a conduit Madame X. à devoir chercher une solution de substitution afin de pouvoir continuer à commercer.
Sur l’existence d’une faute du CRÉDIT MUTUEL concernant le paiement des cartes bleues :
Sur cet aspect, il n’y a guère mesure à ergoter, Madame X. a décidé d’utiliser la solution de VAD non sécurisé, au travers du TPE VAD, référencé N° 2835565, au lieu du TPE VADS, référencé N° 2835355, utilisant le protocole sécurisé 3D SECURE.
Pour mémoire, l’authentification du porteur n’a lieu que quand ledit porteur de carte procède au paiement lui-même sur le site du commerçant, en tapant son numéro de carte, un protocole d’échange permettant de déterminer que c’est bien celui qui agit qui est porteur de la carte.
En revanche, dans le cas d’espèce, c’est Madame X. qui renseignait les éléments communiqués concernant les cartes qui lui étaient soumises, sur son interface, sans avoir la possibilité de vérifier qui en était le porteur.
Dès lors, et même si Madame X. a été obligée de proposer une autre alternative comme mode de paiement en raison de l’attitude de la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL AGRICULTURE DE [Localité 4], il n’en demeure pas moins que l’utilisation a minima de la solution non sécurisée, exposait clairement Madame X. à des risques de fraude et donc de non-paiement.
Le fait de ne pas pouvoir identifier le porteur est spécifiquement sujet à des tentatives frauduleuses, et l’attention de Madame X. aurait dû nécessairement être attirée lorsqu’elle a saisi, depuis son tableau de bord commerçant, un nombre conséquent de numéros de cartes bleues, douze, fournis par le même « client ».
Cette situation ne se rencontre jamais, c’est bien une preuve que l’identité du « client » a d’une part été usurpée car un « vrai » client aurait procédé à un achat groupé et n’aurait pas multiplié les demandes en si peu de temps, et d’autre part qu’un fichier de cartes bleues a été dérobé car nul client n’utilise douze cartes de paiements.
Dès lors, c’est bien Madame X. qui a manqué de vigilance en ne se posant aucune question quant à la nature des opérations qu’elle a exécuté, ni quant aux conditions, pourtant claires, de son contrat TPE VAD non sécurisé, référencé N° 2835565.
Celui-ci, dans son article 4 des conditions générales de vente stipule explicitement : « La commande validée par le client ne sera considérée effective que lorsque les centres de paiement bancaire concernés auront donné leur accord. En cas de refus des dit centres, la commande sera automatiquement annulée et le client prévenu par courriel. [Adresse 5] se réserve le droit de refuser toute commande d’un client avec lequel existerait un litige ».
Ainsi, Madame X. devait, avec ce mode de paiement non sécurisé, attendre que sa CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL AGRICULTURE DE [Localité 4] lui donne son accord sur la matérialité et la légalité du paiement, avant d’expédier une quelconque marchandise.
L’article 4 « Garantie de paiement » des « Conditions générales du contrat d’acceptation en paiement à distance de cartes de paiement » va également dans ce sens en précisant : « Les opérations de paiement sont garanties sous réserve du respect de l’ensemble des mesures de sécurité visées au Contrat sauf en cas de :
Réclamation du titulaire de la Carte qui conteste la réalité même ou le montant de l’opération de paiement, Opérations réalisées au moyen d’une carte non valide, périmée ou bloquée. A ce titre, l’accepteur autorise expressément l’Acquéreur à débiter d’office son compte du montant de toute opération de paiement dont la réalité même ou le montant serait contesté par le titulaire de la Carte ».
Confirmation est donc faite que Madame X. ne pouvait agir tel qu’elle l’a fait, sans prendre de risques avérés avec les conséquences induites qui en découlent.
Au demeurant, cette situation était facilement évitable en procédant à l’identification du porteur au travers de la solution sécurisée, ce qui pour un réel acheteur ne lui aurait posé aucun problème.
Mais encore, Madame X. s’est vue remettre le document « Les risques et les règles de la vente à distance par carte bancaire » préalablement au choix auquel elle a procédé en choisissant cette version non sécurisée, solution mis à disposition gratuitement par la banque, afin de ne pas avoir à supporter de location et de frais de transaction de la version TPE sécurisée, telle que la mention manuscrite explicite de Madame X. en atteste.
Ce document précise : « Dans la vente à distance par carte bancaire, la carte n’étant pas présente au moment de la vente, la transaction ne peut s’effectuer avec le contrôle du code confidentiel de la carte : il n’y a donc pas d’authentification du porteur, hormis dans le cadre de paiements en ligne sur Internet en Vente A Distance Sécurisée (VADS) effectués selon le protocole 3D Secure »,
« EN VAD « NON SECURISEE » SANS LE PROTOCOLE 3D SECURE : le commerçant n’a jamais la garantie que la personne qui réalise la transaction est bien le véritable titulaire de la carte. En l’absence d’authentification, les opérations de paiement ne sont donc pas garanties en cas :
De réclamation écriture du titulaire de la carte qui conteste la réalité ou le montant de la transaction (répudiation),
D’opération réalisée au moyen d’une carte non valide, périmée ou annulée (contrôles opérés lors d’une demande d’autorisation) »,
« Les risques d’impayés liés au paiement à distance sont une réalité en l’absence de saisie du code confidentiel, le titulaire de la carte a la possibilité de contester auprès de sa banque la transaction frauduleuse faite à son insu.
Le compte du commerçant se trouve alors débité du montant de la transaction par le biais d’un impayé « contestation porteur » émis par la banque du titulaire de la carte ».
Il en résulte que Madame X. a fait un choix qu’elle a considéré comme étant la solution la plus éclairée la concernant, mais qui en aucun cas était protecteur de ses encaissements.
Dès lors, la responsabilité de la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL AGRICULTURE DE [Localité 4] étant dégagée sur cet aspect, il ne saurait lui être imputé un quelconque dédommagement à devoir à Madame X., à hauteur de 55.500,00 EUR.
En outre, cette somme ne saurait être réclamée par ailleurs par le biais de l’article 4 des conditions générales « garantie de paiement », puisqu’il ne s’agit aucunement d’une clause d’exclusion de garantie, qui se trouve de surcroît être très claire et non ambiguë.
Le caractère apparent de la clause n’appelle pas de remarque particulière, puisque cette dernière n’est pas en police inférieure à 8 et n’est effectivement pas applicable au contentieux dont s’agit car celui-ci ne relève pas du droit des assurances.
Quant au déséquilibre significatif, il ne saurait être invoqué au visa de l’article 1171 du code civil, qui se trouve être en l’espèce inopérant dès lors que, comme le précise les défenderesses, seuls les textes spéciaux pourraient éventuellement trouver à s’appliquer, et en tout état de cause la présente juridiction n’a pas la compétence juridictionnelle pour traiter ce genre de demande.
De ce fait, toute interprétation liée au caractère abusif et réputé non écrit de l’article 4 doit être écartée en l’espèce.
Sur l’indemnisation du préjudice subi :
Le préjudice matériel étant totalement écarté et la somme de 15.700,00 EUR, qui est restée bloquée pendant une année, ayant été libérée sur le compte de Madame X., il convient de s’interroger sur la nature des autres préjudices soulevés.
Le préjudice à titre de dommages et intérêts à hauteur de 10.000,00 EUR concernant l’impact sur la réputation de l’entreprise est retenu.
En effet, si l’attitude de la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL AGRICULTURE DE [Localité 4] n’avait pas été celle qu’elle a adoptée, les causes du piratage et les solutions appropriées pour y mettre un terme auraient pu être décelées et traitées bien en amont, dès lors la société de Madame X. a bien subi un préjudice touchant l’image et la réputation de son entreprise.
Il en est de même concernant le préjudice moral subi, qui est certain étant donné les désagréments supportés par Madame X., dus à l’inaction de son banquier, mais qui sera ramené à de plus justes proportions, en fixant la somme à devoir à 3.000,00 EUR.
Quant au préjudice allégué sur le chiffre d’affaires qui aurait été subi sur la période s’étant écoulée entre le 30 décembre 2022 et le 21 janvier 2023, celui-ci ne sera pas retenu dès lors que les difficultés de paiements invoqués, à défaut de vouloir passer par la solution sécurisée, ne signifient pas que Madame X. aurait été empêché de vendre.
En effet, et malgré ce qui a été allégué, d’autres solutions auraient pu être déployées, comme la tentative d’ouvrir un autre compte ailleurs ou que les virements aboutissent sur le compte personnel de Madame X., compte dont il n’est pas prouvé qu’il aurait été clôturé, à charge bien évidemment de rebasculer les sommes sur le compte professionnel.
Par ailleurs, le blocage « intellectuel » de Madame X. quant à l’utilisation du compte TPE VADS pose question, car la question reste posée de savoir ce qui l’animait de refuser ce mode de paiement alors que la situation était figée et que le compte professionnel n’était pas bloqué.
Enfin, comparaison n’étant pas raison, un comparatif des chiffres d’affaires sur les périodes N et (N - 1) aux mêmes époques n’est pas un critère assez robuste pour permettre potentiellement de valider un montant de « perte de chance » avec une pertinence certaine.
Enfin, pour mémoire, Madame X. a demandé la clôture de ses formules TPE au 31 décembre 2022, donc cette demande, de surcroît, ne saurait prospérer.
Sur les autres demandes :
L’équité commande de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de Madame X. et de lui allouer la somme de 2.500,00 EUR, supportés in solidum par les défenderesses.
Les dépens sont supportés in solidum par les défenderesses.
Enfin, conformément aux dispositions de l’article 514 du code de procédure civile, la présente décision est de droit exécutoire à titre provisoire.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par ces motifs :
Le tribunal, après avoir délibéré conformément à la loi, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort, assisté du greffier,
Juge que la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL AGRICULTURE DE [Localité 4] a manqué à ses obligations d’information et de vigilance concernant les obligations découlant des virements instantanés ;
En conséquence, fait droit à la demande de dommages et intérêts au profit de Madame [D]
X. en condamnant les défenderesses à lui payer, au titre des préjudices subis suivants : 10.000,00 EUR pour le préjudice de réputation de l’entreprise, 3.000,00 EUR pour le préjudice moral ;
Déboute par ailleurs Madame X. de sa demande de dommages et intérêts lié à un préjudice de perte de chiffre d’affaires ;
Juge que la CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL AGRICULTURE DE [Localité 4] n’a pas manqué à ses obligations d’information et de vigilance concernant les obligations découlant des paiements par cartes bleues ;
En conséquence, déboute Madame X. de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 55.500,00 EUR ;
Déboute également Madame X. de la même demande d’indemnisation au titre de toutes les demandes liées aux dispositions de l’article 4 « garantie des paiements » des conditions générales ;
Condamne in solidum les CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL AGRICULTURE DE [Localité 4] et CAISSE REGIONALE DU CRÉDIT MUTUEL DAUPHINE VIVARAIS à payer la somme de 2.500,00 EUR à Madame X. à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum les CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL AGRICULTURE DE [Localité 4] et CAISSE REGIONALE DU CRÉDIT MUTUEL DAUPHINE VIVARAIS aux dépens, dont ceux de greffe, liquidés comme il est dit en-tête ;
La présente décision a été signée sur l’original conservé au greffe en minute conformément à l’article 456 du code de procédure civile et a été prononcé par mise à disposition au greffe en application de l’article 453 du code de procédure civile comme il est dit en en-tête.