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T. COM. PARIS (ch. 1-14), 11 avril 2025

Nature : Décision
Titre : T. COM. PARIS (ch. 1-14), 11 avril 2025
Pays : France
Juridiction : Paris (TCom)
Demande : 2023053882
Date : 11/04/2025
Nature de la décision : Admission
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 8/08/2023
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CERCLAB - DOCUMENT N° 23756

T. COM. PARIS (ch. 1-14), 11 avril 2025 : RG n° 2023053882

Publication : Judilibre

 

Extraits : 1/ « Le tribunal dit que la clause de compétence territoriale du contrat est « très apparente » car située juste au-dessus des signatures des parties, de sorte qu’il est très difficile pour le signataire du dossier de ne pas l’avoir lu. En conséquence le tribunal rejettera la demande de COLUSSI et se déclarera compétent sur cette affaire. »

2/ « COLUSSI dit que la clause ci-après crée un déséquilibre significatif entre les parties « Si le client a déjà reçu au cours des 12 derniers mois une des candidatures de la société par l'intermédiaire d'un autre prestataire de recrutement ou par diffusion d'une annonce il doit le notifier par écrit et en apporter la preuve à la société dans les 48 h à compter de la réception de la candidature adressée par la société. En l'absence de notification et de preuve incontestable et en cas de recrutement ultérieur le client accepte sans réserve que la société puisse lui facturer les honoraires conformément à l'article 5 des présentes conditions générales ». COLUSSI considère que cette clause est déséquilibrée pour 3 raisons - le contrat comme un « contrat d’adhésion » et dit qu’elle n’a pas pu négocier ladite clause. - que le délai cité dans cette clause, 48h, est volontairement trop court et que cela ne lui a pas laissé pas le temps nécessaire pour faire savoir à LINKING qu’elle connaissait les candidats proposés. - que la preuve qu’elle a apportée n’a pas été reconnue par LINKING alors qu’elle était valable

Concernant ce que COLUSSI considère comme un « contrat d’adhésion ».

L’article 1353 du code civil dispose que « celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. ». Le tribunal constate que COLUSSI n’apporte pas d’éléments prouvant qu’elle a essayé de négocier ladite clause 3.4, que ce soit pour tenter de la retirer ou de l’amender. Le Tribunal constate par ailleurs que COLUSSI avait toute latitude de faire appel à une autre société de recrutement. »

Concernant le délai de 48 h. :

Le tribunal constate les faits suivants dans les pièces versées au dossier : LINKING a sélectionné et envoyé les 2 candidatures avec CV les 22 décembre 2022 et 2 janvier 2023 à la DRH de COLUSSI, Mme Z. Le vendredi 6 janvier à 10h39, Mme Z. a indiqué à LINKING, qu’après échanges avec M. W., dirigeant de COLUSSI, ces candidats allaient être vus rapidement. Le même jour, le vendredi 6 janvier à 18h41, l’assistante de M. W., Mme T., indiquait à LINKING que M. W. souhaitait rencontrer les candidats dès le lundi 9 janvier chez COLUSSI, son agenda ayant été aménagé à cet effet. Les candidats ont été vus les 11 et 13 janvier par M. W., et recrutés les 23 janvier et 1er février. LINKING a alors envoyés les factures correspondantes en date du 23 janvier et 1er février et, après de très nombreuses relances, a reçu le 17 mars 2023 un mail de M. W. lui indiquant que les recrutements avaient été « annulés »

Le tribunal constate que COLUSSI a versé les pièces suivantes au dossier : - Un mail de M. W. du 4 mai 2023 adressé à LINKING, contenant copie d’un mail adressé par ses soins le vendredi 6 janvier à 19h27 à Mme Z. lui demandant d’informer LINKING du fait qu’il « connaissait les candidats » - Un mail de Mme Z. adressé à LINKING le vendredi 6 janvier à 17h22 lui demandant d’annuler le contrat en cours « je vous signale par la présente que nous avons reçu ce jour le CV de Mme Y. et M. U. pour le poste d'assistant comptable pour lequel nous vous avions mandaté. Nous vous demandons donc d'annuler notre contrat », mail que LINKING conteste avoir reçu

Le tribunal dit que, ayant reçu de LINKING les noms et CV des candidats les 22 décembre 2022 et 2 janvier 2023, COLUSSI aurait réagi le vendredi 6 janvier, soit de 15 à 4 jours après avoir reçu les dossiers, c’est-à-dire bien au-delà du délai de 48h prévu à l’article 3-4 du contrat signé.

Concernant la connaissance qu’aurait eu COLUSSI des candidats présentés :

Dans son mail interne adressé à sa DRH le 6 janvier 2022, M. W. dit « connaitre les candidats ». Dans le mail qu’elle aurait adressé à LINKING le même jour, la DRH de COLUSSI dit « avoir reçu ce jour le CV de Mme Y. et M. U. » pour justifier l’annulation du recrutement, ce qui diffère quelque peu de ce qu’écrivait M. W. le même jour LINKING conteste avoir reçu le mail du 6 janvier de la DRH, et COLUSSI ne produit pas d’accusé réception de son mail. A la lecture, le tribunal constate que si ce mail comporte bien la mention « à l’attention de Mme V. » en en-tête, il n’a en revanche pas été adressé à l’adresse mail de cette dernière, comme cela a été le cas tout au long de la correspondance préalable au recrutement, mais à une adresse « contact » et que de plus Mme T. n’était pas en copie alors qu’elle l’était lors des échanges précédents. Le tribunal constate en outre que les recrutements ayant été annulés le vendredi 6 janvier, Mme T., assistante de M. W. a écrit le 9 janvier à Mme V., à la bonne adresse cette fois-ci, et avec Mme Z. en copie, pour donner les dates et heures des rdv prévus pour les candidats. Enfin, COLUSSI produit une attestation d’un avocat honoraire indiquant que M. W. connaissait l’un des candidats M. U. Le tribunal dit que cette rencontre a eu lieu 4 ans avant les faits et n’apporte en aucun cas la preuve que M. W. savait que M. U. était en recherche d’emploi en décembre 2022.

En conclusion le tribunal dit que COLUSSI n’apporte pas la preuve qu’elle a reçu fin 2021, début 2022 les candidatures de Mme Y. et M. U. par un autre canal que LINKING. En conséquence le tribunal déboutera COLUSSI de sa demande de considérer que la clause « Candidature déjà reçue » a créé un déséquilibre significatif entre les parties. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

TRIBUNAL DE COMMERCE DE PARIS

TRIBUNAL DES ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES DE PARIS

CHAMBRE 1-14

JUGEMENT DU 23 JANVIER 2025

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 2023053882.

 

ENTRE :

La SAS LINKING TALENTS RECRUTEMENT

dont le siège social est [Adresse 1], [Adresse 2] - RCS XXX, Partie demanderesse : comparant par Maître Bacq-Morelle Marie, avocat

 

ET :

La SAS COLUSSI ICOS

dont le siège social est [Adresse 3] - RCS B YYY Partie défenderesse : assistée de Maître GIRARDON Fabien, avocat et comparant par la SEP ORTOLLAND représentée par Maître Elise ORTOLLAND, avocat (R231)

 

APRES EN AVOIR DÉLIBÉRÉ

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

LES FAITS :

La SAS LINKING TALENTS MANAGEMENT, ci-après LINKING, a pour activité le conseil en recrutement.

La SAS COLUSSI ICOS, ci-après COLUSSI, est une société spécialisée dans la commercialisation d’appareils de stérilisation.

Le 19 octobre 2022, COLUSSI a signé avec LINKING un contrat de collaboration pour le recrutement d’un Responsable comptable en CDI, pour des honoraires de 20 % de la rémunération annuelle brute convenue à l’embauche du candidat retenu.

LINKING a présenté à COLUSSI deux candidats, M. X. le 22 décembre 2022 et Mme Y. le 2 janvier 2023. Cette dernière les a reçus respectivement les 11 et 13 janvier, puis recruté le 1er février et le 23 janvier 2022.

LINKING a alors émis 2 factures, une de 10.200 € TTC pour le recrutement de Mme Y. et une de 10.800 € TTC pour celui de M. X.

COLUSSI a refusé de régler les factures en question disant avoir annulé ces recrutements, ce que LINKING conteste.

C’est ainsi qu’est né le litige.

 

LA PROCÉDURE

Par acte extra-judiciaire du 8 août 2023, délivrée à COLUSSI dans les conditions de l’article 654 du code de procédure civile, LINKING demande au Tribunal, dans ses conclusions déposées le 27 janvier 2025, de :

Les articles 48, 695, 700 et 861-2 du Code de procédure civile,

Les moyens qui précèdent et les pièces versées aux débats,

SE DECLARER compétent pour connaître de cette affaire,

-RECEVOIR l’intégralité des moyens et prétentions du demandeur,

-CONDAMNER la société COLUSSI ICOS à payer à la société LINKING TALENTS RECRUTEMENT la somme de 17 500 euros HT, soit 21 000 euros TTC,

-CONDAMNER la société COLUSSI ICOS à payer à la société LINKING TALENTS RECRUTEMENT une pénalité de retard relative à la Facture n°1 équivalant au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage, commençant à courir à compter du 23 février 2023, ainsi qu'une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement d'un montant de 40 euros,

-CONDAMNER la société COLUSSI ICOS à payer à la société LINKING TALENTS RECRUTEMENT une pénalité de retard relative à la Facture n°2 équivalant au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage, commençant à courir à compter du 4 mars 2023, ainsi qu'une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement d'un montant de 40 euros,

-DEBOUTER la société COLUSSI ICOS de l'intégralité de ses demandes,

-CONDAMNER la société COLUSSI ICOS à payer à la société LINKING TALENTS RECRUTEMENT la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

-CONDAMNER la société COLUSSI ICOS aux entiers dépens de l'instance.

[*]

Dans le dernier état de ses conclusions déposées le 14 novembre 2024, COLUSSI demande au tribunal de :

Vu l'article 48 du Code de procédure civile,

Vu les articles 1336, 1366, 1158, 1110 et 1171 du Code civil,

Vu les articles 696 et suivants du Code de procédure civile,

Vu les pièces versées au débat,

-CONSTATER que la clause attributive de compétence est réputée non-écrite au regard du non-respect du critère légal du " très apparent ".

En conséquence,

-SE DECLARER territorialement incompétent au bénéfice du seul Tribunal de commerce de LYON.

-JUGER que la signature électronique ne répond pas aux critères de validité du règlement n°910/2014 elDAS,

-JUGER que Madame Z. n'avait pas la capacité d'engager contractuellement la société COLUSSI ICOS envers la société LINKING TALENTS RECRUTEMENT,

-JUGER que la clause 3.4. " Candidature déjà reçue " créé un déséquilibre significatif entre les parties

En conséquence.

-DÉBOUTER la société LINKING TALENTS RECRUTEMENT de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

-CONDAMNER la société LINKING TALENTS RECRUTEMENT à payer à la société COLUSSI ICOS la somme de 2.500,00 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, -CONDAMNER la société LINKING TALENTS RECRUTEMENT aux entiers dépens de l'instance

[*]

L'ensemble de ces demandes a fait l'objet d’un dépôt de conclusions.

A l’audience publique du 23 janvier 2025 l’affaire est confiée à l’examen d’un juge chargé de l’instruire, et les parties sont convoquées à son audience le 6 mars 2025.

A cette audience, les parties réitèrent leurs demandes et, après avoir entendu les parties en leurs explications et observations, le juge chargé d’instruire l’affaire a clos les débats, a mis l’affaire en délibéré et a dit que le jugement serait prononcé le 11 avril 2025, par sa mise à disposition au greffe en application de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

 

LES MOYENS DES PARTIES

Après avoir pris connaissance de tous les moyens développés par les parties le tribunal les résumera ci-dessous, en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

LINKING expose qu’elle a le 19 octobre 2022 signé avec COLUSSI un contrat de collaboration visant au recrutement d’un Responsable Comptable, et que la validité de la signature électronique n’est pas discutable. Elle considère qu’au titre de ce contrat elle a présenté à COLUSSI deux candidats fin 2022 et début 2023, et que ces candidats ayant été vus puis recrutés par COLUSSI, les factures réclamées sont dues.

Elle soutient que la demande de COLUSSI de considérer la clause attributive de compétence comme « réputée non-écrite » doit être rejetée, cette clause étant « très apparente » car située juste au-dessus des signatures des parties.

Elle soutient par ailleurs avoir légitimement cru que Mme Z., DRH de COLUSSI, détenait une délégation de signature lui permettant de recruter les candidats en question.

[*]

COLUSSI réplique que la clause attributive de compétence doit être considérée comme « réputée non-écrite » ne la jugeant pas « très apparente ». Elle soutient que la clause 3.4 intitulée « Candidature déjà reçue » créé un déséquilibre significatif entre les parties et que la signature électronique du contrat ne répond pas aux critères de validité du règlement en cours. Elle fait valoir par ailleurs que Mme Z., DRH de COLUSSI, n’avait pas les pouvoirs nécessaires pour signer un tel contrat.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE LE TRIBUNAL,

Sur la demande IN LIMINE LITIS de COLUSSI sur la compétence territoriale du tribunal :

Dans ses écritures, COLUSSI demande au TAE de se déclarer territorialement incompétent au profit du tribunal judiciaire de Lyon.

En droit,

L’article 48 du code de procédure civile dispose que « toute clause qui directement ou indirectement déroge aux règles de compétence territoriales est réputée non écrite à moins qu'elle n'ait été convenue entre les personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu'elle n'était été spécifiée de façon très apparente dans l'engagement de la partie à qui elle est opposée »

En l’espèce, Le tribunal relève :

Que le contrat de collaboration comporte 2 pages, signées et paraphées, et est accompagné des Conditions Générales d’Accompagnement, de 2 pages également, elles-mêmes signées et/ou paraphées.

Que les 11 articles des Conditions Générales d’Accompagnement sont numérotés de 1 à 11, et que les titres de ces articles sont en caractère légèrement plus important que le texte et en gras.

Que la clause incriminée est la 11ème, « Droit applicable et juridiction compétente », et dernière des Conditions Générales

Le tribunal dit que la clause de compétence territoriale du contrat est « très apparente » car située juste au-dessus des signatures des parties, de sorte qu’il est très difficile pour le signataire du dossier de ne pas l’avoir lu. En conséquence le tribunal rejettera la demande de COLUSSI et se déclarera compétent sur cette affaire.

 

Sur la capacité de la DRH de COLUSSI à engager la société :

L’article 1336 du code civil dispose que « la délégation est une opération par laquelle une personne, le déléguant, obtient d'un autre, le délégué, qu'elle s’oblige envers une 3ème, le délégataire, qui l'accepte comme débiteur. Le délégué ne peut sauf stipulation contraire opposé au délégataire aucune exception tirée de ces rapports avec le délégant ou des rapports entre ce dernier et le délégataire »

COLUSSI soutient que Madame Z., signataire du contrat, ne détenait pas le pouvoir d’engager la société vis-à-vis d’un tiers, et que seul Monsieur W., dirigeant, pouvait le faire.

Le tribunal relève que Monsieur W. est en fait le dirigeant de la société Global Concept, elle-même dirigeante de la société COLUSSI et de la société ATELIERS DES HAUT FOREZ (AHF)

L’article 1156 du code civil dispose que « l'acte accompli par un représentant sans pouvoir et au-delà de ses pouvoirs est inopposable aux représentés sauf si le tiers contractant a légitimement cru en la réalité des pouvoirs du représentant notamment en raison du comportement ou des déclarations du représenté.

Lorsqu'il ignorait que l'acte était accompli par un représentant sans pouvoir ou au-delà de ses pouvoirs le tiers contractant peut en invoquer la nullité.

L’inopposabilité comme la nullité de l'acte ne peuvent plus être invoquées dès lors que le représentant l'a ratifié »

Le tribunal constate que Madame Z.

Occupait le poste de « Responsable des Ressources Humaines » au moment des faits Que l’intitulé de son poste figurait en bas de chacun des mails qu’elle a adressé à LINKING

Qu’elle a été la seule interlocutrice de LINKING au cours des recrutements

Qu’elle a fourni à LINKING le descriptif du poste recherché (salaire, rattachement hiérarchique…)

Que dans son mail du 19 octobre 2022, elle indiquait « nous vous avions sollicité pour 2 recrutements, 1 CDD pour les AHF et 1 CDI pour COLUSSI… le poste en CDD pour les AHF a été pourvu ce matin en revanche notre besoin pour COLUSSI reste d'actualité… » confirmant que Mme Z. recrutait pour 2 sociétés du groupe, en précisant « des réflexions sont menées en interne dont l'objectif est de rapprocher les services comptabilité des AHF et de COLUSSI en un service unique… »

Le tribunal constate par ailleurs que plusieurs mails (pièce 8) confirment que M. W. a été impliqué dans le processus de recrutement et qu’il a souhaité rencontrer les candidats sélectionnés comme l’indique le mail de son assistante en date du 6 janvier 2023 (pièce 3) « Monsieur W. souhaite rencontrer les candidats dès lundi 9 janvier chez COLUSSI… son agenda a été aménagé pour que les rendez-vous puissent avoir lieu rapidement… ». En conséquence M. W., dirigeant de l’entreprise, a été impliqué dans les recrutements concernés et ceci en lien avec Mme Z., sa Responsable des Ressources Humaines.

Au vu des différents éléments ci-dessus le tribunal dit que tout donnait légitimement à penser à LINKING que Mme Z., en tant que Responsable des Ressources Humaines, avait la capacité d’engager les 2 sociétés pour lesquelles elle travaillait, COLUSSI et AHF, comme c’est la pratique habituelle dans le domaine du ressources humaines, ceci en bonne intelligence avec le dirigeant des deux entreprises, M. W..

En conséquence le tribunal déboutera COLUSSI de sa demande de considérer que Mme Z., Responsable des Ressources Humaines des deux sociétés du Groupe, n’avait pas la capacité d’engager contractuellement la société COLUSSI.

 

Sur la validité de la signature électronique du contrat :

COLUSSI soutient que la signature électronique du contrat ne répond pas aux critères de validité du règlement n°910/2014 elDAS qui dispose que :

« Une signature électronique avancée satisfait aux exigences suivantes :

* être liée aux signataires de manière univoque

* permettre d'identifier le signataire

* avoir été créé à l'aide de données de créations de signatures électroniques que le signataire peut avec un niveau de confiance élevé utiliser sous son contrôle exclusif

* être lié aux données associées à cette signature de sorte que toute modification ultérieure des données soit détectable »

Les articles 1366 et 1367 du code civil disposent que « l’écrit électronique a la même force probante que l'écrit sur support papier sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu'il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité » et que « … lorsqu'elle est électronique elle consiste en l'usage d'un procédé fiable d'identification garantissant son lien avec l'acte auquel elle s'attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu'à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l'identité du signataire assurée et l'intégrité de l'acte garantie… »

Le tribunal constate que :

Le Contrat de Collaboration et ses Conditions Générales entre LINKING et COLUSSI comportent 4 pages au total, toutes paraphées et signées le 19 octobre 2022 par voie électronique via DocuSign par Mme V. pour LINKING et Mme Z. pour COLUSSI

Le Certification de Réalisation fourni par DocuSign indique : o Le nombre de pages du document en signature, soit 4 pages o Le nom, la date et l’heure de signature de chaque signataire au contrat, soit Mme V. le 19/10/2022 à 17h34 pour LINKING et Mme Z. le 20/10/2022 à 17h45 pour COLUSSI o Les adresses mails des signataires ayant permis les échanges électroniques : pour Mme V. et pour Mme Z.

Le tribunal relève que les e-mails des signataires ayant permis les échanges électroniques tels qu’indiqués dans le Certification de Réalisation fourni par DocuSign sont ceux utilisé dans tous les échanges ayant précédé la signature dudit contrat (pièce 8).

Le tribunal relève par ailleurs que :

L’argument de COLUSSI selon lequel le fait que le mail de Mme Z. étant rattaché à la société AHF, cette dernière ne pouvait pas recruter pour COLOSSI n’est pas retenu car il a été démontré précédemment dans ses échanges avec LINKING qu’elle recrutait pour COLUSSI et pour AHF

L’argument de COLUSSI selon lequel Mme Z. n’avait pas les prérogatives pour signer un contrat au nom de COLUSSI n’est pas retenu pour des raisons déjà explicitées précédemment.

En conclusion le tribunal dit que la signature électronique dudit Contrat par COLUSSI est reliée à Mme Z. de manière univoque et permet de l’identifier sans aucun doute.

En conséquence le tribunal déboutera COLUSSI de sa demande de considérer que la signature électronique du contrat n’était pas valide.

 

Sur la clause 3.4 du contrat « Candidature déjà reçue » :

COLUSSI dit que la clause ci-après crée un déséquilibre significatif entre les parties « Si le client a déjà reçu au cours des 12 derniers mois une des candidatures de la société par l'intermédiaire d'un autre prestataire de recrutement ou par diffusion d'une annonce il doit le notifier par écrit et en apporter la preuve à la société dans les 48 h à compter de la réception de la candidature adressée par la société. En l'absence de notification et de preuve incontestable et en cas de recrutement ultérieur le client accepte sans réserve que la société puisse lui facturer les honoraires conformément à l'article 5 des présentes conditions générales »

COLUSSI considère que cette clause est déséquilibrée pour 3 raisons - le contrat comme un « contrat d’adhésion » et dit qu’elle n’a pas pu négocier ladite clause. - que le délai cité dans cette clause, 48h, est volontairement trop court et que cela ne lui a pas laissé pas le temps nécessaire pour faire savoir à LINKING qu’elle connaissait les candidats proposés. - que la preuve qu’elle a apportée n’a pas été reconnue par LINKING alors qu’elle était valable

Concernant ce que COLUSSI considère comme un « contrat d’adhésion ».

L’article 1353 du code civil dispose que « celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. ».

Le tribunal constate que COLUSSI n’apporte pas d’éléments prouvant qu’elle a essayé de négocier ladite clause 3.4, que ce soit pour tenter de la retirer ou de l’amender.

Le Tribunal constate par ailleurs que COLUSSI avait toute latitude de faire appel à une autre société de recrutement.

Concernant le délai de 48 h. :

Le tribunal constate les faits suivants dans les pièces versées au dossier :

LINKING a sélectionné et envoyé les 2 candidatures avec CV les 22 décembre 2022 et 2 janvier 2023 à la DRH de COLUSSI, Mme Z.

Le vendredi 6 janvier à 10h39, Mme Z. a indiqué à LINKING, qu’après échanges avec M. W., dirigeant de COLUSSI, ces candidats allaient être vus rapidement. Le même jour, le vendredi 6 janvier à 18h41, l’assistante de M. W., Mme T., indiquait à LINKING que M. W. souhaitait rencontrer les candidats dès le lundi 9 janvier chez COLUSSI, son agenda ayant été aménagé à cet effet.

Les candidats ont été vus les 11 et 13 janvier par M. W., et recrutés les 23 janvier et 1er février

LINKING a alors envoyés les factures correspondantes en date du 23 janvier et 1er février et, après de très nombreuses relances, a reçu le 17 mars 2023 un mail de M. W. lui indiquant que les recrutements avaient été « annulés »

Le tribunal constate que COLUSSI a versé les pièces suivantes au dossier :

Un mail de M. W. du 4 mai 2023 adressé à LINKING, contenant copie d’un mail adressé par ses soins le vendredi 6 janvier à 19h27 à Mme Z. lui demandant d’informer LINKING du fait qu’il « connaissait les candidats »

Un mail de Mme Z. adressé à LINKING le vendredi 6 janvier à 17h22 lui demandant d’annuler le contrat en cours « je vous signale par la présente que nous avons reçu ce jour le CV de Mme Y. et M. U. pour le poste d'assistant comptable pour lequel nous vous avions mandaté. Nous vous demandons donc d'annuler notre contrat », mail que LINKING conteste avoir reçu

Le tribunal dit que, ayant reçu de LINKING les noms et CV des candidats les 22 décembre 2022 et 2 janvier 2023, COLUSSI aurait réagi le vendredi 6 janvier, soit de 15 à 4 jours après avoir reçu les dossiers, c’est-à-dire bien au-delà du délai de 48h prévu à l’article 3-4 du contrat signé.

Concernant la connaissance qu’aurait eu COLUSSI des candidats présentés :

Dans son mail interne adressé à sa DRH le 6 janvier 2022, M. W. dit « connaitre les candidats »

Dans le mail qu’elle aurait adressé à LINKING le même jour, la DRH de COLUSSI dit « avoir reçu ce jour le CV de Mme Y. et M. U. » pour justifier l’annulation du recrutement, ce qui diffère quelque peu de ce qu’écrivait M. W. le même jour LINKING conteste avoir reçu le mail du 6 janvier de la DRH, et COLUSSI ne produit pas d’accusé réception de son mail.

A la lecture, le tribunal constate que si ce mail comporte bien la mention « à l’attention de Mme V. » en en-tête, il n’a en revanche pas été adressé à l’adresse mail de cette dernière, comme cela a été le cas tout au long de la correspondance préalable au recrutement, mais à une adresse « contact » et que de plus Mme T. n’était pas en copie alors qu’elle l’était lors des échanges précédents.

Le tribunal constate en outre que les recrutements ayant été annulés le vendredi 6 janvier, Mme T., assistante de M. W. a écrit le 9 janvier à Mme V., à la bonne adresse cette fois-ci, et avec Mme Z. en copie, pour donner les dates et heures des rdv prévus pour les candidats.

Enfin, COLUSSI produit une attestation d’un avocat honoraire indiquant que M. W. connaissait l’un des candidats M. U. Le tribunal dit que cette rencontre a eu lieu 4 ans avant les faits et n’apporte en aucun cas la preuve que M. W. savait que M. U. était en recherche d’emploi en décembre 2022.

En conclusion le tribunal dit que COLUSSI n’apporte pas la preuve qu’elle a reçu fin 2021, début 2022 les candidatures de Mme Y. et M. U. par un autre canal que LINKING.

En conséquence le tribunal déboutera COLUSSI de sa demande de considérer que la clause « Candidature déjà reçue » a créé un déséquilibre significatif entre les parties.

 

Sur la créance de LINKING de 17 500 euros HT en principal :

Au vu de tous les points développés ci-dessus, le tribunal retient que LINKING, en adressant 2 candidats à COLUSSI que cette dernière a rencontré et recruté, a rempli ses obligations contractuelles.

En conséquence le tribunal dit que la somme de 17.500€ HT (8.500€ pour Mme Y. et 9.000 € pour M. U.) constitue une créance certaine, liquide et exigible et condamnera COLUSSI à payer ladite somme à LINKING.

 

Sur les intérêts de retard :

Sur la base de l'article L. 441-10 du Code de Commerce, LINKING est fondée à demander des intérêts de retard exigibles le jour suivant la date de règlement figurant sur la facture.

LINKING demande des pénalités de retard équivalentes au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage, commençant à courir à compter de la date d’échéance de chaque facture.

En conséquence le Tribunal condamnera COLUSSI à payer à LINKING des intérêts de retard au taux BCE majoré de 10 points de pourcentage sur le montant de 8.500€ HT à compter 23 février 2023 et sur le montant de 9.000€ HT à compter 4 mars 2023

 

Sur la demande de paiement par COLUSSI de 80€ à titre d'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement :

Sur la base de l'article L 441-10 du code de commerce, LINKING est fondée à demander une indemnité de forfaitaire de 40€ par facture impayée pour frais de recouvrement. Le tribunal retiendra 2 factures et condamnera COLUSSI à payer à LINKING 80€ au titre de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement.

 

Sur les demandes d’application de LINKING et de COLUSSI de l’article 700 du code de procédure civile :

Pour faire reconnaître ses droits, LINKING a dû exposer des frais non compris dans les dépens qu’il serait inéquitable de laisser à sa charge. Le tribunal condamnera donc COLUSSI à verser à LINKING la somme de 2.000€ au titre de l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, et déboutera COLUSSI de sa demande

 

Sur les dépens :

Les dépens seront fixés à la charge de COLUSSI qui succombe.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Par ces motifs,

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire en premier ressort,

Se déclare compétent sur cette affaire

Condamne la société COLUSSI ICOS à payer à la société LINKING TALENTS RECRUTEMENT la somme de 8.500 € HT avec intérêts de retard au taux BCE majoré de 10 points de pourcentage à compter du 23 février 2023, et la somme de 9.000€ HT avec intérêts de retard au taux BCE majoré de 10 points de pourcentage à compter du 4 mars 2023

Condamne la société COLUSSI ICOS à payer à la société LINKING TALENTS RECRUTEMENT la somme de 80€ à titre d'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement ;

Condamne la société COLUSSI ICOS à payer à la société LINKING TALENTS RECRUTEMENT la somme de 2.000 € au titre de l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société COLUSSI ICOS aux dépens dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 70,86 € dont 11,60 € de TVA.

En application des dispositions de l'article 871 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 6 mars 2025, en audience publique, devant M. Hugues Renaut, juge chargé d'instruire l'affaire, les représentants des parties ne s'y étant pas opposés.

Ce juge a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré du tribunal, composé de : M. Hervé LEFEBVRE, M. Hugues Renaut et M. Jean Gondé ;

Délibéré le 3 avril 2025 par les mêmes juges.

Dit que le présent jugement est prononcé par sa mise à disposition au greffe de ce tribunal, les parties en ayant été préalablement avisées lors des débats dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

La minute du jugement est signée par M. Hervé LEFEBVRE président du délibéré et par Mme Fency Nagaradjane, greffière.

La greffière.                                      Le président.