CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

TJ LILLE (loy. com.), 3 mars 2025

Nature : Décision
Titre : TJ LILLE (loy. com.), 3 mars 2025
Pays : France
Juridiction : T. jud. Lille
Demande : 24/00024
Date : 3/03/2025
Nature de la décision : Admission
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 1/06/2023
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 23772

TJ LILLE (loy. com.), 3 mars 2025 : RG n° 24/00024 

Publication : Judilibre

 

Extrait (arguments du preneur) : « A cet effet, la S.A.R.L. ABC Paysage fait valoir avoir subi les pressions de son bailleur et n'avoir eu d'autre choix que de déménager. Elle soutient que c'est le bailleur qui est tenu des frais de procédure du fait de l'exercice de son propre droit de repentir après son refus du renouvellement et en vertu de l'article L.145-58 du code de commerce. Elle souligne qu'il n'est fait état d'aucun règlement effectif des honoraires. Elle estime que l'honoraire de résultat n'est pas dû et que la convention d'honoraire entre sa bailleresse et son conseil ne lui est pas opposable en vertu du principe de l'effet relatif des contrats. Elle argue encore des principes de sécurité juridique et de confiance légitime en sus du principe de bonne foi et de l'interdiction de tout déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat posée par l'article 1171 du code civil pour soutenir qu'un cocontractant ne peut légitimement contraindre son partenaire contractuel à l'indemnisation de frais qu'il ne pouvait légitimement prévoir. Elle estime que l'honoraire de résultat est un événement extérieur, imprévisible et irrésistible qui vient exonérer le débiteur. Enfin, elle prétend que la bailleresse tire un grand avantage financier du procès de sorte qu'il existe des motifs légitimes de mettre à la charge du bailleur les entiers dépens de l'instance. »

Extrait (motifs) : « L'article L.145-57 pose le principe de la prise en charge de l'ensemble des frais de la procédure par la partie qui exerce son droit d'option.

Les dispositions de cet article font supporter par la partie qui en est responsable les conséquences du délaissement soudain de son cocontractant. Elles sont ainsi la contrepartie de la liberté d'opter à tout moment de la procédure. Ces dispositions ne remettent pas en cause le principe de l'effet relatif des contrats et la société ABC Paysage ne peut tenter d'échapper à l'obligation qui lui est faite de supporter les frais de la procédure et qu'il a acceptée en optant, en se prévalant de l'inopposabilité de la convention d'honoraire conclue entre le bailleur et son avocat.

De plus, le preneur, assisté de son conseil, ne pouvait ignorer le principe de prise en charge de l'ensemble des frais de la procédure, lorsqu'il a exercé son droit d'option et renoncé au renouvellement du bail après le dépôt du rapport d'expertise évaluant la valeur locative des lieux loués.

La clause fixant un honoraire de résultat est une clause classique qui n'est ni imprévisible ni même irrésistible et encore moins extérieure aux parties. Pour les mêmes raisons, le preneur ne peut se plaindre d'un manque de bonne foi de sa bailleresse, cette dernière n'ayant pas à le prévenir du montant exact des frais qu'elle engageait et que le locataire serait amené à supporter s'il exerçait son droit d'option. Il ne peut pas davantage se plaindre d'un déséquilibre contractuel, d'un défaut de sécurité juridique ou arguer de la confiance légitime au seul motif de l'existence d'une convention d'honoraire.

L'honoraire de résultat correspond bien à des frais liés à la procédure de fixation du loyer de renouvellement ainsi que cela résulte de la convention d'honoraire, et vient compléter l'honoraire au temps passé appliqué dans le cadre de ladite procédure. Le fait que cet honoraire de résultat ait été facturé postérieurement à l'exercice du droit d'option par le preneur est inopérant, dans la mesure où il correspond effectivement à l'exécution de sa mission par l'avocat avant le choix du locataire. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE

LOYERS COMMERCIAUX

JUGEMENT DU 3 MARS 2025

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

N° RG 24/00024 - N° Portalis DBZS-W-B7I-YY6L

 

DEMANDEUR :

SCI [Adresse 3]

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège sis [Adresse 6], représentée par Maître Charlotte DESMON, avocat au barreau de LILLE

 

DÉFENDEUR :

SARL ABC PAYSAGES,

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège sis [Adresse 7], représentée par Maître Delphine CHAMBON, substituée par Maître Peggy CARLIER, avocats au barreau de LILLE

 

MAGISTRAT TENANT L’AUDIENCE : Aurélie VERON, Juge des loyers commerciaux par délégation de Madame la Présidente du Tribunal Judiciaire de LILLE

GREFFIER : Isabelle LASSELIN

DÉBATS : A l’audience publique du 03 Février 2025, l’affaire a été mise en délibéré au 3 mars 2025

JUGEMENT : prononcé par décision CONTRADICTOIRE mise à disposition au greffe.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Par acte authentique reçu le 19 août 2008, la S.C.I. [Adresse 3] a donné à bail à la S.A.R.L. Paysages, des locaux commerciaux dans un ensemble immobilier sis dans la zone industrielle [Adresse 5] à [Localité 4], à l'effet d'exercer des activités d'aménagement et d'entretien d'espaces verts à l'exclusion de toute autre, même complémentaire, pour une durée de neuf années à compter du 1er novembre 2007 et moyennant un loyer annuel de 7.800 euros.

A compter du 1er novembre 2016, le bail s'est poursuivi par tacite prolongation.

Par acte extrajudiciaire du 28 juin 2022, la S.C.I. [Adresse 2] [Adresse 1] a fait donner congé à la locataire pour le 31 décembre 2022, sans offre de renouvellement, avec paiement d'une indemnité d'éviction.

Par acte extrajudiciaire du 18 novembre 2022, la bailleresse a exercé son droit de repentir et a consenti le renouvellement du bail à effet du même jour.

Par acte d'huissier signifié le 8 mars 2023, la société du Pont du Bac a assigné la société ABC Paysages en référé à fin qu'il lui soit ordonné de libérer les locaux de ses marchandises et de son matériel et de laisser l'accès aux entreprises pour la réalisation de travaux. Par ordonnance du 27 juin 2023, le juge des référés a notamment ordonné au preneur de laisser libres les locaux pendant les travaux de désamiantage et de laisser réaliser les travaux de réfection de la toiture et de désamiantage, avec astreinte. Par un arrêt du 30 mai 2024, la cour d'appel de Douai a confirmé l'ordonnance.

Parallèlement, par mémoire en fixation de loyer du 5 avril 2023, notifié par lettre recommandée avec avis de réception reçue le 7 avril 2023 à la S.A.R.L. Paysages, la S.C.I. [Adresse 3] a fait connaître son intention de voir fixer le loyer à la somme annuelle de 28 611 euros hors taxes hors charges.

Par acte d'huissier signifié le 1er juin 2023, la S.C.I. [Adresse 3] a assigné la S.A.R.L. Paysages devant le juge des loyers commerciaux aux mêmes fins.

[*]

La S.C.I. [Adresse 3] sollicitait le bénéfice de son acte introductif d'instance et demandait au juge de :

A titre principal,

Voir, dire et juger que le renouvellement interviendra pour une durée de neuf années à compter du 18 novembre 2022, et pour les seules activités d'aménagement et d'entretien d'espaces verts à l'exclusion des activités touchant à la fourniture et pose de portails, clôtures, pavage, terrassement, assainissement moyennant un loyer de renouvellement à compter de la notification du mémoire s'établissant à 28 611 euros hors taxes hors charges par an ;Dire et juger que le loyer fixé portera intérêt au taux légal de plein droit à compter de l'acte introductif d'instance et avec capitalisation ;Condamner la défenderesse au paiement d'une somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;La condamner en cas de recouvrement forcé des condamnations mises à sa charge au paiement du droit proportionnel de l'huissier ;A titre subsidiaire,

Ordonner une expertise de la valeur locative au jour du renouvellement du bail;En conséquence,

Fixer dans ce cas le loyer prévisionnel à 28 611 euros hors taxes hors charges par an ;Réserver les dépens ;

En tout état de cause,

Juger que le loyer doit être déplafonné et fixé à la valeur locative compte tenu de la durée du bail initial de plus de douze années.

La S.C.I. [Adresse 2] [Adresse 1] faisait valoir que le déplafonnement du bail est de droit compte tenu de la durée de douze années de la location. Elle insistait sur le fait qu'elle n'a pu trouver accord avec le preneur, malgré ses multiples démarches en vue de l'intervention d'un expert amiable. Elle estimait qu'il n'y avait pas lieu à pondération des surfaces. Elle ajoutait que le preneur n'a pas respecté la clause de destination des locaux et demandait une précision de la clause de destination dans le nouveau bail.

[*]

Dans son mémoire en réponse notifié par lettre recommandée avec avis de réception du 31 août 2023, la S.A.R.L. Paysages demandait au juge des loyers commerciaux de :

- se déclarer incompétent pour statuer sur la clause de destination ;

- débouter la bailleresse de sa demande de fixation du loyer à un montant trois fois supérieur au loyer résultant de l'ancien bail ; - fixer le loyer au prix résultant de l'ancien bail soit 7 800 euros annuels correspondant à la valeur locative ; - à titre subsidiaire, désigner expert aux frais avancés du bailleur ; - dépens comme de droit.

La S.A.R.L. Paysages soutenait que la valeur locative n'avait pas augmenté. Elle retenait une surface utile totale de 270 m². Elle discutait le non-respect de la clause de destination et le caractère favorable au commerce des facteurs locaux de commercialité. Elle contestait le prix proposé et les valeurs présentées comme comparatifs par la requérante. Elle estimait que le loyer de renouvellement devait être fixé au montant du loyer en cours tel qu'il résulte de l'indexation.

[*]

Par jugement du 2 octobre 2023, le juge des loyers commerciaux a :

- ordonné avant dire droit une expertise ; fixé provisoirement le montant du loyer provisionnel au montant du loyer actuel ; prévu que l'affaire sera retirée du rôle et qu'il appartiendra à la partie la plus diligente de saisir le juge des loyers commerciaux après réalisation de l'expertise ; sursis à statuer sur les autres demandes ; réservé les dépens.

[*]

Le rapport d'expertise a été établi le 17 avril 2024 et a été déposé au greffe le 24 mai 2024. L'expert a estimé la valeur locative à 22 080 euros par an hors taxes hors charges.

Suivant acte extrajudiciaire du 16 mai 2024, la société ABC Paysages a exercé son droit d'option conformément à l'article L.145-57 du code de commerce, informant la bailleresse de son intention de quitter le local le 31 mai 2024. Un procès-verbal de constat de l'état des lieux à la sortie a été dressé à cette date.

[*]

Dans son mémoire après expertise n°2, notifié par lettre recommandée avec avis de réception le 4 janvier 2025, la S.C.I. [Adresse 3] demande au juge de :

Condamner la S.A.R.L. ABC Paysage à lui payer la somme de 20 859,72 euros hors taxe, sauf à parfaire, au titre des frais engagés dans le cadre de la procédure en fixation du loyer de renouvellement, en application de l'article L.145-57 du code de commerce ;Juger que la somme de 20 859,72 euros hors taxe portera intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir et que les intérêts dus au moins pour une année produiront eux-mêmes intérêts conformément à l'article 1343-2 du code civil ; Condamner la société ABC Paysage aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire ;Rappeler que l'exécution provisoire est de droit et n'a pas vocation à être écartée.

A l'appui de ses prétentions, la S.C.I. [Adresse 2] [Adresse 1] fait valoir qu'elle a tenté de privilégier la fixation amiable du loyer de renouvellement en proposant à plusieurs reprises l'organisation d'une expertise contradictoire amiable et ce dès le 25 novembre 2022, et qu'elle s'est heurtée au refus du preneur. Elle fait valoir que le bailleur peut revenir sur sa décision de ne pas offrir le renouvellement du bail, et ce avant même l'introduction d'une action judiciaire tendant à faire fixer le loyer en renouvellement. Elle fait valoir que la jurisprudence a précisé que sont intégrés dans les frais ceux non-compris dans les dépens et donc les frais non taxables de l'article 700 du code de procédure civile. Elle estime la convention d'honoraire applicable puisque le preneur a de lui-même renoncé au bail suite à la stratégie du conseil de la propriétaire, de sorte que l'application de l'honoraire de résultat est justifié.

[*]

Dans son mémoire en réponse n°3, notifié par lettre recommandée avec avis de réception reçu le 30 janvier 2025, la S.A.R.L. ABC Paysage demande au juge des loyers commerciaux de :

A titre principal,

Débouter la S.C.I. [Adresse 3] de sa demande en condamnation au paiement de la somme de 20 859,72 euros augmentée d'intérêts et de ses autres demandes ; Condamner chaque partie à garder la charge de ses frais et dépens concernant le processus judiciaire ayant inclus un droit de repentir du bailleur puis un droit d'option du locataire et Ordonner, en tant que de besoin, une compensation entre les frais de l'un et les frais de l'autre ;

A titre totalement subsidiaire,

Limiter sa condamnation à 3 500 euros au titre des frais irrépétibles ;

Dans tous les cas,

Condamner la S.C.I. [Adresse 2] [Adresse 1] à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les frais et dépens ;

Ordonner en tant que de besoin, la compensation entre les différentes sommes.

A cet effet, la S.A.R.L. ABC Paysage fait valoir avoir subi les pressions de son bailleur et n'avoir eu d'autre choix que de déménager. Elle soutient que c'est le bailleur qui est tenu des frais de procédure du fait de l'exercice de son propre droit de repentir après son refus du renouvellement et en vertu de l'article L.145-58 du code de commerce. Elle souligne qu'il n'est fait état d'aucun règlement effectif des honoraires. Elle estime que l'honoraire de résultat n'est pas dû et que la convention d'honoraire entre sa bailleresse et son conseil ne lui est pas opposable en vertu du principe de l'effet relatif des contrats. Elle argue encore des principes de sécurité juridique et de confiance légitime en sus du principe de bonne foi et de l'interdiction de tout déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat posée par l'article 1171 du code civil pour soutenir qu'un cocontractant ne peut légitimement contraindre son partenaire contractuel à l'indemnisation de frais qu'il ne pouvait légitimement prévoir. Elle estime que l'honoraire de résultat est un événement extérieur, imprévisible et irrésistible qui vient exonérer le débiteur. Enfin, elle prétend que la bailleresse tire un grand avantage financier du procès de sorte qu'il existe des motifs légitimes de mettre à la charge du bailleur les entiers dépens de l'instance.

[*]

Après trois renvois à la demande des parties, l'affaire a été utilement appelée à l'audience du 3 février 2025 à l'issue de laquelle la décision a été mise en délibéré au 3 mars 2025.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

I - Sur la demande de remboursement des honoraires et des frais de la procédure engagés par le bailleur devant le juge des loyers commerciaux :

A - Sur le bien fondé de la demande de remboursement présentée par la bailleresse :

Aux termes de l'article L. 145-57 du code de commerce, pendant la durée de l'instance relative à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé, le locataire est tenu de continuer à payer les loyers échus au prix ancien ou, le cas échéant, au prix qui peut, en tout état de cause, être fixé à titre provisionnel par la juridiction saisie, sauf compte à faire entre le bailleur et le preneur, après fixation définitive du prix du loyer.

Dans le délai d'un mois qui suit la signification de la décision définitive, les parties dressent un nouveau bail dans les conditions fixées judiciairement, à moins que le locataire renonce au renouvellement ou que le bailleur refuse celui-ci, à charge de celle des parties qui a manifesté son désaccord de supporter tous les frais. Faute par le bailleur d'avoir envoyé dans ce délai à la signature du preneur le projet de bail conforme à la décision susvisée ou, faute d'accord dans le mois de cet envoi, l'ordonnance ou l'arrêt fixant le prix ou les conditions du nouveau bail vaut bail.

Selon l'article L.145-58 du même code, le propriétaire peut, jusqu'à l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle la décision est passée en force de chose jugée, se soustraire au paiement de l'indemnité, à charge par lui de supporter les frais de l'instance et de consentir au renouvellement du bail dont les conditions, en cas de désaccord, sont fixées conformément aux dispositions réglementaires prises à cet effet. Ce droit ne peut être exercé qu'autant que le locataire est encore dans les lieux et n'a pas déjà loué ou acheté un autre immeuble destiné à sa réinstallation.

En l'espèce, si le bailleur a certes exercé son droit de repentir puisqu'après avoir délivré un congé avec refus de renouvellement le 28 juin 2022, il a finalement consenti au renouvellement le 18 novembre 2022, il est revenu sur sa décision avant l'engagement de toute action et donc du moindre frais.

Ce n'est qu'ultérieurement, le 5 avril 2023, qu'il a fait connaître son intention de voir revaloriser le loyer, l'assignation étant délivrée le 1er juin 2023. C'est dans le cadre de l'instance en fixation du loyer de renouvellement que le preneur a exercé son droit d'option et a délaissé les lieux.

Ce sont donc bien les dispositions de l'article L. 145-57 qui s'appliquent en l'occurrence, s'agissant de la demande formulée par la bailleresse de remboursement des frais engagés dans la procédure de fixation du loyer du bail renouvelé.

La S.C.I. [Adresse 3] est donc bien fondée, par application de l'article L. 145-57 du code de commerce, à réclamer le remboursement de ses frais.

 

B - Sur le montant des frais :

Il est constant que les frais de l'instance devant être remboursés à la bailleresse par le preneur qui exerce son droit d'option, en application de l'article L. 145-57, ne sont pas uniquement les frais taxables prévus à l'article 695 du code de procédure civile.

Les frais à la charge du locataire qui a refusé le renouvellement du bail dans le cadre de l'exercice de son droit d'option sont les frais exposés par le bailleur dans le cadre de l'instance en fixation du loyer de renouvellement, avant l'exercice de ce droit. Ils comprennent ainsi les honoraires d'avocat.

Pour justifier des honoraires d'avocat exposés par la bailleresse, la production des factures suffit, sans qu'il soit nécessaire d'établir leur paiement, leur règlement préalable à la demande n'étant pas une condition.

La société [Adresse 3] produit ses quatre factures d'honoraires, dont une facture du 20 septembre 2024 d'un montant hors taxe de 14.280 euros (pièce 26) correspondant à un honoraire de résultat.

L'article L.145-57 pose le principe de la prise en charge de l'ensemble des frais de la procédure par la partie qui exerce son droit d'option.

Les dispositions de cet article font supporter par la partie qui en est responsable les conséquences du délaissement soudain de son cocontractant. Elles sont ainsi la contrepartie de la liberté d'opter à tout moment de la procédure. Ces dispositions ne remettent pas en cause le principe de l'effet relatif des contrats et la société ABC Paysage ne peut tenter d'échapper à l'obligation qui lui est faite de supporter les frais de la procédure et qu'il a acceptée en optant, en se prévalant de l'inopposabilité de la convention d'honoraire conclue entre le bailleur et son avocat.

De plus, le preneur, assisté de son conseil, ne pouvait ignorer le principe de prise en charge de l'ensemble des frais de la procédure, lorsqu'il a exercé son droit d'option et renoncé au renouvellement du bail après le dépôt du rapport d'expertise évaluant la valeur locative des lieux loués.

La clause fixant un honoraire de résultat est une clause classique qui n'est ni imprévisible ni même irrésistible et encore moins extérieure aux parties. Pour les mêmes raisons, le preneur ne peut se plaindre d'un manque de bonne foi de sa bailleresse, cette dernière n'ayant pas à le prévenir du montant exact des frais qu'elle engageait et que le locataire serait amené à supporter s'il exerçait son droit d'option. Il ne peut pas davantage se plaindre d'un déséquilibre contractuel, d'un défaut de sécurité juridique ou arguer de la confiance légitime au seul motif de l'existence d'une convention d'honoraire.

L'honoraire de résultat correspond bien à des frais liés à la procédure de fixation du loyer de renouvellement ainsi que cela résulte de la convention d'honoraire, et vient compléter l'honoraire au temps passé appliqué dans le cadre de ladite procédure. Le fait que cet honoraire de résultat ait été facturé postérieurement à l'exercice du droit d'option par le preneur est inopérant, dans la mesure où il correspond effectivement à l'exécution de sa mission par l'avocat avant le choix du locataire.

Enfin, il est stipulé dans la convention d'honoraire conclue entre la S.C.I. [Adresse 3] et Me [W] (pièce 22) article I (page 2) que :

« Le résultat conduira soit à un accord amiable, soit à une décision judiciaire tendant à obtenir cumulativement ou alternativement :

soit à un accord amiable permettant d'obtenir un nouveau loyer que ce soit avec le preneur ou un tiers en cas de récupération des lieux, soit à une décision judiciaire fixant le nouveau loyer en renouvellement ou permettant la récupération des lieux, la condamnation du preneur au paiement d'une indemnité pour les frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, le remboursement des dépens par le preneur (frais d'huissier, frais d'expertise judiciaire, droit de plaidoirie, etc.). »

L'article 3 (page 4) dispose que :

« A cette rémunération viendra s'ajouter un honoraire de résultat hors taxes, fixé de la manière suivante :

En cas de revalorisation du loyer dans le cadre d'une procédure de fixation du loyer en renouvellement, le preneur est amené à régler rétroactivement le différentiel entre le nouveau loyer obtenu et l'ancien loyer réglé à compter de la date de renouvellement du bail jusqu'à la date de la décision définitive ou de l'accord, de sorte que l'honoraire de résultat est la plupart du temps – sauf insolvabilité du preneur- réglé grâce aux sommes payées par le preneur.

Si le résultat est obtenu, soit dans un cadre amiable, soit à l'issue de la procédure, il sera sollicité un honoraire de résultat égal à la différence sur une année hors taxes entre le nouveau loyer obtenu sans franchise grâce au déplafonnement et l'ancien loyer en cours à la date de renouvellement du bail. Il est ici précisé que si en cours de procédure, le Client change de stratégie et s'oriente vers la résiliation du bail, le paiement d'une indemnité d'éviction ou toute autre indemnité de rupture anticipée, si le bail est résilié pour quelque cause que ce soit ou si les lieux loués sont vendus directement ou indirectement, il sera facturé un honoraire de résultat conformément au paragraphe 3.1 en sachant que le loyer qui aurait pu être obtenu si la procédure avait été menée à son terme sera fixé en fonction d'éléments objectifs (rapport d'expertise, prix de comparaison judiciairement fixés, etc.) ou correspondra au nouveau loyer obtenu à l'égard du preneur ou d'un tiers si l'immeuble est immédiatement reloué. »

En l'occurrence, la décision judiciaire ordonnant l'expertise a conduit à la récupération des locaux, le preneur exerçant son droit d'option après le dépôt du rapport d'expertise et si le bail n'a pas été spécifiquement résilié, il n'a pas été renouvelé du fait de l'option exercée.

Il résulte des clauses contractuelles susmentionnées que l'intention de la S.C.I. [Adresse 3] et de Me [W] était de parvenir comme résultat de la stratégie de l'avocat, à l'obtention d'un nouveau loyer, soit dans le cadre du bail entre les mêmes parties après fixation du loyer de renouvellement par le juge, soit dans le cadre d'un bail avec un nouveau locataire après restitution des locaux par la société ABC Paysage.

Dès lors, ces clauses doivent s'interpréter comme incluant l'hypothèse de l'exercice par le preneur de son droit d'option et donc la récupération des locaux avant l'issue de la procédure. La convention d'honoraire de résultat est donc applicable à l'espèce et Me [W] est fondée à la réclamer à sa cliente.

La S.C.I. [Adresse 3] réclame le paiement au titre des frais de la somme totale de 20 859,72 euros hors taxe correspondant à :

2 473,32 euros au titre des dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire18 386,40 euros hors taxe au titre des honoraires d'avocat.

Rien ne justifie de réduire le montant réclamé au titre des frais de l'instance, alors que ces sommes ont été effectivement exposées par la bailleresse.

La bailleresse réclamant par ailleurs la condamnation aux dépens, il convient de condamner la société ABC Paysage à la seule somme de 18 386,40 euros hors taxe. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la présente décision. La capitalisation sera ordonnée.

 

II - Sur les dépens :

Par application de l'article L.145-57 du code de commerce, la S.A.R.L. ABC Paysage sera condamnée aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire taxés à hauteur de 2 392,80 euros TTC et les frais de signification de l'assignation soit 54,52 euros TTC. Succombant au principal, elle sera déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le Juge des loyers commerciaux, statuant après débats en audience publique, par jugement contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe et rendu en premier ressort,

CONDAMNE la S.A.R.L. ABC Paysage à payer à la S.C.I. [Adresse 3] la somme de 18.386,40 euros hors taxe, au titre des frais engagés avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

DIT que les intérêts échus pour plus d'une année entière sur cette créance de restitution produiront eux-mêmes intérêts ;

CONDAMNE la S.A.R.L. ABC Paysage aux dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire de 2 392,80 euros TTC et les frais de signification de l'assignation du 1er juin 2023 de 54,52 euros TTC ;

La DEBOUTE de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes ;

RAPPELLE que l'exécution provisoire de la présente décision est de droit.

Le greffier                             Le juge des loyers commerciaux