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TJ NÎMES (Jcp), 7 janvier 2025

Nature : Décision
Titre : TJ NÎMES (Jcp), 7 janvier 2025
Pays : France
Juridiction : T. jud. Nîmes
Demande : 24/01230
Date : 7/01/2025
Nature de la décision : Admission, Rejet
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 23/08/2024
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CERCLAB - DOCUMENT N° 23776

TJ NÎMES (Jcp), 7 janvier 2025 : RG n° 24/01230 

Publication : Judilibre

 

Extrait : « L’article R. 632-1 du Code de la consommation dispose que « le juge écarte d’office, après avoir recueilli les observations des parties, l’application d’une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat ». Selon l’article 1171 du Code civil, « dans un contrat d’adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non-écrit. L’appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix à la prestation ». Le juge doit examiner d’office le caractère abusif d’une clause incluse dans un contrat conclu entre un consommateur et un professionnel.

En l’espèce, il résulte des clauses du contrat que la vente du véhicule est assortie d’une clause retardant le transfert de propriété de l’acquéreur jusqu’au paiement intégral du bien. En outre, l’emprunteur, pour le compte duquel le prêteur règle entre les mains du vendeur le montant financé, subroge expressément le prêteur dans cette réserve de propriété à l’instant même du paiement. Or, un paiement fait par le débiteur ne peut emporter subrogation, et ce même si la quittance énonce que ce paiement est fait au moyen de deniers empruntés à un tiers. Le créancier subrogeant doit recevoir son paiement d’une tierce personne, ce qui n’est pas le cas en l’espèce puisque l’auteur du paiement est l’acquéreur-emprunteur devenu, dès la conclusion du contrat, propriétaire des fonds ainsi libérés entre les mains du vendeur par le prêteur. La clause insérée au contrat, est donc une clause de « laisser croire » qui donne l’impression à l’acquéreur que la réserve de propriété a été régulièrement transférée. Or, la subrogation étant inopérante, cette clause sera déclarée abusive en ce qu’elle crée un déséquilibre significatif entre les parties.

La demande de restitution du véhicule formulée en application de la clause litigieuse sera donc rejetée. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NÎMES

JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTGION

JUGEMENT DU 7 JANVIER 2025

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

N° RG 24/01230. N° Portalis DBX2-W-B7I-KUWF

 

DEMANDERESSE :

S.A. CONSUMER FINANCE

RCS D'EVRY N° XXX. [adresse], représentée par Maître Renaud ROCHE de la SELARL LEVY ROCHE SARDA, avocats au barreau de LYON

 

DÉFENDEUR :

M. X.

né le [date] à [ville] [adresse], comparant en personne

 

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : Laurence ALBERT, juge des contentieux de la protection

Greffier : Coraline MEYNIER, lors des débats et de la mise à disposition au greffe.

DÉBATS :

Date de la première évocation : 15 octobre 2024

Date des Débats : 15 octobre 2024

Date du Délibéré : 7 janvier 2025

DÉCISION : contradictoire, en premier ressort, rendue publiquement par mise à disposition au greffe du tribunal judiciaire de Nîmes, le 07 Janvier 2025 en vertu de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Suivant offre préalable acceptée le 16 juin 2022, la SA CONSUMER FINANCE a consenti à M.X. un prêt d’un montant de 40.000 euros affecté à l’acquisition d’un véhicule de marque Land Rover, au taux contractuel annuel de 4,81 %.

A la suite d’impayés, une mise en demeure lui a été adressée par lettre recommandée avec accusé de réception, reçue le 7 novembre 2023, d’avoir à payer sous quinze jours la somme de 2 624,41 euros au titre des échéances impayées.

La déchéance du terme a été notifiée par lettre recommandée, reçue le 1er décembre 2023.

Par acte du 23 août 2024, la SA CONSUMER FINANCE a cité M.X. devant le juge des contentieux de la protection siégeant au tribunal judiciaire de Nîmes.

Elle demande que soit ordonnée la restitution du véhicule en exécution de la clause de réserve de propriété insérée au contrat. Elle sollicite sa condamnation à payer la somme de 39 715,89 euros, outre les intérêts contractuels au taux de 4,81 % à compter du 25 novembre 2023 ; la somme de 500 euros en application des dispositions de l’article 500 du Code de procédure civile et les dépens.

A l’audience du 15 octobre 2024, en application de l’article R.632-1 du Code de la consommation, le juge soulève d’office notamment le moyen de droit tiré de la forclusion et l’éventuelle déchéance du droit aux intérêts du prêteur en application des articles L.341-1 et suivants du Code de la consommation pour l’absence de vérification de la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations et le défaut de consultation probante du fichier FICP. Il soulève enfin le caractère abusif de la clause de réserve de propriété stipulée au contrat.

La SA CONSUMER FINANCE comparaît, représentée par son avocat.

Elle maintient ses demandes introductives d’instance.

M.X. comparaît en personne et sollicite de larges délais de paiement.

Il ne conteste pas le bien fondé de la demande en paiement et déclare avoir vendu le véhicule. Il allègue avoir subi des problèmes de santé, à l’origine d’une baisse de ses revenus d’auto-entrepreneur. Il déclare percevoir un revenu moyen de 10 000 euros ; son épouse perçoit un salaire de 1 400 euros et le couple assume la charge de deux enfants qui poursuivent des études.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Le présent litige est relatif à un crédit soumis aux dispositions de la loi N° 2010-737 du 1er juillet 2010, de sorte qu’il sera fait application des articles du code de la consommation dans leur numérotation et rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et au jour du contrat.

 

Sur la recevabilité :

La forclusion de l’action en paiement est une fin de non-recevoir qui doit être relevée d’office par le juge en application de l’article 125 du Code de procédure civile comme étant d’ordre public selon l’article L.314-24 du Code de la consommation.

En l’espèce, le premier incident de paiement non régularisé est daté du 5 mai 2023. Au regard des pièces produites aux débats, en particulier du contrat et de l’historique du compte, il apparaît que la présente action a été engagée le 23 août 2024 avant l’expiration d’un délai de deux années à compter du premier incident de paiement non régularisé, conformément aux dispositions de l’article R 312-35 du Code de la consommation.

En conséquence, la SA CONSUMER FINANCE sera jugée recevable en ses demandes.

 

Sur la vérification de la solvabilité :

Aux termes de l’article L 312-16 du code de la consommation, avant de conclure un contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur.

Le prêteur doit prouver qu’il a rempli son obligation de mise en garde, laquelle lui impose de vérifier les capacités financières des emprunteurs profanes.

Selon l’article L341-2 du code de la consommation, le prêteur qui n’a pas respecté les obligations fixées aux articles L312-14 et L312-16 est déchu du droit aux intérêts en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.

En l’espèce, le prêteur ne justifie pas avoir contrôlé les capacités financières de l’emprunteur au moyen de pièces justificatives.

La fiche d’évaluation ne fait que contribuer à l’évaluation de la solvabilité de l’emprunteur et de simples déclarations non étayées, faites par le consommateur, ne peuvent, en elles-mêmes, être qualifiées de suffisantes, si elles ne sont pas accompagnées de pièces justificatives.

Il n’est pas justifié de la consultation du FICP dans la mesure où la SA CONSUMER FINANCE produit un document émis par le prêteur lui-même sous l’entête de la SA CONSUMER FINANCE dont la “clé BDF” ne correspond pas à un code d'identification sécurisé communiqué par le FICP lors d'une consultation, mais seulement à la date de naissance de l'emprunteur immédiatement suivie des 5 premières lettres de son nom.

Or, la mention d'une telle clé, dont le prêteur dispose des éléments constitutifs, et qu'il peut donc façonner lui-même en indiquant une date de son choix pour la consultation, réelle ou supposée, ne constitue pas la preuve de la consultation exigée par l'article L 312-16 ex-L 311-9 du Code de la consommation.

Le document produit ne mentionne en outre aucun résultat et n’est pas accompagné de l’attestation de consultation délivrée par la Banque de France sur simple demande du prêteur.

Compte tenu des manquements du prêteur à l’occasion de la conclusion du prêt, la déchéance totale du droit aux intérêts sera prononcée.

La somme due se limite ainsi au montant du capital prêté déduction faite des versements effectués dès l’origine du contrat.

Il ressort de l’historique du compte que depuis la conclusion du contrat de prêt M.X. a versé la somme de 5 145,92 euros. Il reste donc à devoir (40 000 euros - 5 145,92 euros) soit la somme de 34 854,08 euros que l’emprunteur sera condamné à payer à la SA CONSUMER FINANCE.

Les montants susceptibles d’être effectivement perçus par le prêteur à la suite de l’application de la sanction de la déchéance du droit aux intérêts ne sont pas significativement inférieurs à ceux dont celui-ci pourrait bénéficier s’il avait respecté ses obligations compte tenu de la modicité du taux contractuel.

Dès lors, afin d'assurer l’effectivité du droit de l’Union européenne dont les dispositions nationales ne sont que la transposition, exigence réaffirmée par les arrêts CJUE des 27/03/201 C-565/12 et 9/11/2016 C-42-15 (point 65), il convient d'écarter toute application des articles 1231-6 du Code civil et L 313-3 du Code monétaire et financier, qui affaiblissent, voire annihilent la sanction de déchéance du droit aux intérêts, et de dire que ces sommes ne produiront aucun intérêt, même au taux légal.

 

Sur les délais de paiement :

Selon l’article 1244-1 du code civil, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut notamment dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues.

En l’espèce, compte tenu la situation de l’emprunteur évoquée lors de l’audience, il convient d’échelonner le paiement de la somme due sur 23 mensualités de 1 450 euros chacune, la 24ième soldant la dette en principal.

 

Sur la demande de restitution du véhicule :

L’article R. 632-1 du Code de la consommation dispose que « le juge écarte d’office, après avoir recueilli les observations des parties, l’application d’une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat ».

Selon l’article 1171 du Code civil, « dans un contrat d’adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non-écrit. L’appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix à la prestation ».

Le juge doit examiner d’office le caractère abusif d’une clause incluse dans un contrat conclu entre un consommateur et un professionnel.

En l’espèce, il résulte des clauses du contrat que la vente du véhicule est assortie d’une clause retardant le transfert de propriété de l’acquéreur jusqu’au paiement intégral du bien. En outre, l’emprunteur, pour le compte duquel le prêteur règle entre les mains du vendeur le montant financé, subroge expressément le prêteur dans cette réserve de propriété à l’instant même du paiement.

Or, un paiement fait par le débiteur ne peut emporter subrogation, et ce même si la quittance énonce que ce paiement est fait au moyen de deniers empruntés à un tiers. Le créancier subrogeant doit recevoir son paiement d’une tierce personne, ce qui n’est pas le cas en l’espèce puisque l’auteur du paiement est l’acquéreur-emprunteur devenu, dès la conclusion du contrat, propriétaire des fonds ainsi libérés entre les mains du vendeur par le prêteur.

La clause insérée au contrat, est donc une clause de « laisser croire » qui donne l’impression à l’acquéreur que la réserve de propriété a été régulièrement transférée.

Or, la subrogation étant inopérante, cette clause sera déclarée abusive en ce qu’elle crée un déséquilibre significatif entre les parties.

La demande de restitution du véhicule formulée en application de la clause litigieuse sera donc rejetée.

 

Sur les autres demandes :

Ni l’équité, ni la situation respective des parties ne justifient l’application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, de sorte que la demande formée de ce chef sera rejetée.

Succombant à l’instance, M.X. sera condamné aux dépens.

En application de l’article 514 du Code de procédure civile, la décision de première instance est de droit exécutoire à titre provisoire à moins que la loi ou le juge n’en dispose autrement.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le juge des contentieux de la protection siégeant au tribunal judiciaire de Nîmes, statuant par mise à disposition au greffe le 7 janvier 2025, par jugement contradictoire et rendu en premier ressort,

Juge recevables les demandes de la SA CONSUMER FINANCE,

Dit que la SA CONSUMER FINANCE est déchue de son droit aux intérêts conventionnels au titre du contrat de prêt,

Condamne M.X. à payer à la SA CONSUMER FINANCE la somme de 34 854,08 euros au titre du prêt,

Dit que cette somme ne portera pas d’intérêts, même au taux légal,

Autorise M.X. à apurer la dette en 23 mensualités de 1 450 euros chacune au plus tard le 10 de chaque mois à compter du mois suivant la signification du jugement, la 24ième mensualité étant constituée du solde de la dette en principal et intérêts,

Dit qu’à défaut de paiement d’une mensualité, l’intégralité des sommes restant dues deviendra immédiatement exigible quinze jours après une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception demeurée infructueuse,

Rappelle qu’au cours du délai fixé pour apurer la dette, les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier sont suspendues et les majorations d’intérêts ou les pénalités encourues à raison du retard cessent d’être dues,

Déboute la SA CONSUMER FINANCE de sa demande en restitution du véhicule en application de la clause contractuelle de réserve de propriété réputée non-écrite,

Déboute la SA CONSUMER FINANCE de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

Condamne M.X. aux dépens,

Rappelle que la décision est de droit exécutoire à titre provisoire.

Le greffier                             Le juge des contentieux de la protection