TJ PARIS (proxim.), 16 janvier 2025
CERCLAB - DOCUMENT N° 23780
TJ PARIS (proxim.), 16 janvier 2025 : RG n° 23/06601
Publication : Judilibre
Extrait : « C'est donc à tort que Monsieur X. a refusé de prendre possession de la table qui lui a été livrée. Il sera par conséquent débouté de sa demande de remboursement de l'acompte versé et partant de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral.
La société B&B EXPANSION ne saurait toutefois obtenir le règlement du solde de la commande et des frais de stockage.
L'article 5 des conditions générales de vente signées par Monsieur X., et qui lui sont donc opposables, détermine le point de départ et le montant des frais de stockage dus par le client, lorsque celui-ci repousse la date de la livraison, ces stipulations devant également trouver application en cas de refus non justifié du client de réceptionner le produit livré, comme au cas d'espèce. Monsieur X. soutient que cette clause constitue une clause pénale sans démontrer en quoi elle créerait un déséquilibre significatif entre les parties au sens des dispositions des articles L.212-1 du code de la consommation et 1171 du code civil et serait donc abusive. Il n'y a donc pas lieu de l'écarter. Cet article prévoit que les frais de stockage s'élèvent à 20 euros par jour et sont facturés au client, lorsque le bien reste entreposé dans le magasin du vendeur plus de 15 jours après sa mise à disposition. Il est expressément stipulé qu'après mise en demeure d'avoir à prendre possession du bien, « lorsque les coûts de stockage du bien excéderont la somme versée par le client lors de la commande, la vente sera alors automatiquement résolue au tort du client, sans remboursement du client ».
En l'espèce, la société B&B EXPANSION a mis en demeure Monsieur X. de prendre possession du bien par lettre recommandée du 27 mars 2023 et les frais de stockage ont été arrêtés au jour de l'audience à la somme de 5.340 euros. Ils excèdent donc très largement le montant de l'acompte versé par le client.
Il convient en conséquence, en application de cette clause, de constater la résolution de la vente au tort de Monsieur X. et partant de débouter B&B EXPANSION de sa demande en paiement du solde de la commande et au titre des frais de stockage. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS
PÔLE CIVIL DE PROXIMITÉ
JUGEMENT DU 16 JANVIER 2025
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° RG 23/06601 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3KML
DEMANDEUR :
Monsieur X.
demeurant [Adresse 2], comparant, assisté de Maître Marc HOFFMANN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #C1364
DÉFENDERESSE :
dont le siège social est sis Dont le siège social est situé au [Adresse 1], représentée par Maître David BENAROCH, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #E0477
COMPOSITION DU TRIBUNAL : Frédéric GICQUEL, Président, assisté de Philippe PUEL, Greffier lors des débats et de Coraline LEMARQUIS, Greffier lors du délibéré
DATE DES DÉBATS : Audience publique du 25 septembre 2024, Délibéré au 17 décembre 2024, prorogé au 16 janvier 2025
JUGEMENT : contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 16 janvier 2025 par Frédéric GICQUEL, Président, assisté de Coraline LEMARQUIS, Greffier
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Le 27 novembre 2022 Monsieur X. a commandé à la société B&B EXPANSION exerçant sous l'enseigne MOBILIER DE FRANCE une table avec un plateau en chêne pour le prix de 7.424 euros et a réglé un acompte de 3.000 euros, la livraison devant intervenir au plus tard le 24 février 2023.
Le 16 mars 2023 la société B&B EXPANSION s'est présentée pour installer la table mais Monsieur X. a refusé la livraison, considérant qu'elle n'était pas conforme à sa commande, et a demandé l'annulation de la vente.
La société B&B EXPANSION lui a proposé de choisir une autre table ou de lui établir un avoir mais a refusé de le rembourser.
Par acte de commissaire de justice du 3 août 2023 Monsieur X. a assigné la société B&B EXPANSION devant le pôle civil de proximité du tribunal judiciaire de Paris en remboursement de l'acompte versé et en paiement de la somme de 3.000 euros de dommages et intérêts outre 1 500 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens.
À l'audience du 25 septembre 2024 à laquelle l'affaire a été retenue Monsieur X. assisté de son conseil a sollicité le bénéfice de son acte introductif d'instance et à titre subsidiaire a demandé la réduction des frais de stockage réclamés par la société B&B EXPANSION.
Monsieur X. se prévaut d'un défaut de conformité de la table, en application des articles L.217-4 et suivants du code de la consommation. Il fait valoir que le plateau de la table n'est pas conforme à l'échantillon qui lui a été présenté lors de la commande, en ce que le bois comporte de nombreux trous et imperfections et que la table est par ailleurs affectée de divers autres défauts (pied déformé, vis manquante, trous sous le plateau).
Il estime que la venderesse a manqué à son obligation de conseil au motif que la table, ne peut être nettoyée avec une éponge sans laisser de traces et ne peut ainsi être utilisée pour prendre des repas. Enfin, il considère que la demande au titre des frais de stockage constitue une clause pénale déguisée destinée à contraindre le client a accepté la livraison d'un meuble non conforme.
La société B&B EXPANSION, représentée par son conseil, a conclu au débouté des demandes et à titre reconventionnel à la condamnation de Monsieur X. à lui payer les sommes de 4 424 euros au titre du solde du prix, 5 340 euros au titre des frais de stockage, 500 euros de dommages intérêts pour procédure abusive outre 1 500 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens.
Elle prétend en application des articles 1103 et 1104 du code civil que la table est conforme à la commande et se prévaut d'un procès-verbal de constat relevant que les stries sur le plateau sont du même type que celles de l'échantillon.
Elle considère que Monsieur X. ne justifie d'aucun préjudice et qu'en refusant de régler le solde de la commande, ce dernier n'a pas respecté ses engagements contractuels. Elle relève que les frais de stockage prévus à l'article 5 des conditions générales de vente n'ont pas été réglés en dépit d'une mise en demeure. Enfin elle argue de la mauvaise foi du demandeur à l'appui de sa demande de dommages et intérêts.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions visées à l'audience pour un plus ample exposé des moyens des parties à l'appui de leurs prétentions.
La décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 17 décembre 2024 puis a été prorogée à ce jour.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Sur les demandes principales en remboursement de l'acompte et de dommages et intérêts et les demandes reconventionnelles en paiement du solde de la commande et des frais de stockage :
Aux termes de l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Aux termes de l'article 1604 du code civil la délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur.
L'article 1617 du même code dispose que si le vendeur manque à faire délivrance dans le temps convenu entre les parties, l'acquéreur pourra, à son choix, demander la résolution de la vente, ou sa mise en possession, si le retard ne vient que du fait du vendeur.
L'article L. 217-4 du code de la consommation dans sa version applicable à l'espèce dispose que le vendeur livre un bien conforme au contrat et répond des défauts de conformité existant lors de la délivrance. Il répond des défauts de conformité existant au moment de la délivrance du bien au sens de l'article L. 216-1, qui apparaissent dans un délai de deux ans à compter de celle-ci.
L'article L. 217-5 précise que le bien est conforme au contrat s'il est propre à l'usage habituellement attendu d'un bien semblable et le cas échéant s'il présente les qualités qu'un acheteur peut légitimement attendre.
En cas de défaut de conformité, les articles L.217-9 et L. 217-10 du code de la consommation prévoient la possibilité pour le consommateur d'obtenir la mise en conformité du bien par réparation ou remplacement ou, à défaut, la réduction du prix ou la résolution du contrat.
L'article L. 217-7 du code de la consommation dispose que les défauts de conformités qui apparaissent dans un délai de 24 mois à partir de la délivrance du bien sont présumés exister au moment de la délivrance, sauf preuve contraire.
Ces dispositions sont rappelées à l'article 9 des conditions générales de vente.
L'article L. 111-1 du même code dispose qu'avant que le consommateur ne soit lié par un contrat à titre onéreux, le professionnel communique au consommateur de manière lisible et compréhensible notamment les informations suivantes les caractéristiques essentielles du bien du service, le prix, en l'absence d'exécution immédiate du contrat la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à délivrer le bien ou à exécuter le service, l'existence et les modalités de mise en œuvre des garanties légales et des éventuelles garanties commerciales ainsi que le cas échéant, du service après-vente et les informations afférentes aux autres conditions contractuelles.
Enfin, aux termes des dispositions de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi, les faits nécessaires au succès de sa prétention.
En l'espèce, il résulte du bon de commande versée aux débats que Monsieur X. a acheté une table avec un plateau en bois de chêne, coloris naturel, avec « pore(s) ouv(erts) ».
Dès lors, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la conformité entre l'échantillon qui lui a été remis lors de la commande et la table livrée, il apparaît que cette table dont le plateau n'est pas lisse, le bois présentant diverses aspérités et stries et donc des pores ouverts, est conforme à la commande.
Les autres désordres allégués ne sont pas établis ou minimes et ne justifiaient donc pas le refus de réception. Ainsi, il n'apparaît pas au vu des photographies produites que le pied de la table soit déformé. L'absence d'une vis aurait pu être aisément remplacée. Quant aux marques de fixation sous le plateau, outre le fait qu'elles ne sont pas visibles une fois la table montée, il n'est pas démontré qu'elles ne soient pas conformes à la fiche technique du produit que le demandeur a reconnu avoir reçu en signant le bon de commande, mais ne verse pas aux débats.
Le manquement de la société B&B EXPANSION à son obligation précontractuelle d'information et de conseil n'est pas plus établie. En effet Monsieur X. soutient sans le démontrer ne pas pouvoir utiliser cette table pour prendre des repas et en tout état de cause, ce n'est pas une table de cuisine ou pour une salle à manger qu'il a achetée, mais une table pour "living", c'est-à-dire pour une salle de séjour ainsi que cela ressort très clairement de la désignation du produit figurant sur le bon de commande.
C'est donc à tort que Monsieur X. a refusé de prendre possession de la table qui lui a été livrée. Il sera par conséquent débouté de sa demande de remboursement de l'acompte versé et partant de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral.
La société B&B EXPANSION ne saurait toutefois obtenir le règlement du solde de la commande et des frais de stockage.
L'article 5 des conditions générales de vente signées par Monsieur X., et qui lui sont donc opposables, détermine le point de départ et le montant des frais de stockage dus par le client, lorsque celui-ci repousse la date de la livraison, ces stipulations devant également trouver application en cas de refus non justifié du client de réceptionner le produit livré, comme au cas d'espèce.
Monsieur X. soutient que cette clause constitue une clause pénale sans démontrer en quoi elle créerait un déséquilibre significatif entre les parties au sens des dispositions des articles L.212-1 du code de la consommation et 1171 du code civil et serait donc abusive. Il n'y a donc pas lieu de l'écarter.
Cet article prévoit que les frais de stockage s'élèvent à 20 euros par jour et sont facturés au client, lorsque le bien reste entreposé dans le magasin du vendeur plus de 15 jours après sa mise à disposition.
Il est expressément stipulé qu'après mise en demeure d'avoir à prendre possession du bien, « lorsque les coûts de stockage du bien excéderont la somme versée par le client lors de la commande, la vente sera alors automatiquement résolue au tort du client, sans remboursement du client ».
En l'espèce, la société B&B EXPANSION a mis en demeure Monsieur X. de prendre possession du bien par lettre recommandée du 27 mars 2023 et les frais de stockage ont été arrêtés au jour de l'audience à la somme de 5.340 euros. Ils excèdent donc très largement le montant de l'acompte versé par le client.
Il convient en conséquence, en application de cette clause, de constater la résolution de la vente au tort de Monsieur X. et partant de débouter B&B EXPANSION de sa demande en paiement du solde de la commande et au titre des frais de stockage.
Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive :
En application de l'article 1240 du code civil, l'exercice d'une action en justice constitue en principe un droit et ne peut dégénérer en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol.
Le fait que Monsieur X. soit débouté de ses demandes ne suffit pas à caractériser l'abus de l'exercice du droit d'agir en justice de sorte que la société B&B EXPANSION, qui se fonde exclusivement sur le caractère infondé des demandes, succombe dans l'administration de la preuve qui lui incombe d'établir que le demandeur a outrepassé sciemment la portée de ses droits.
En conséquence, sa demande sera rejetée.
Sur les demandes accessoires :
Monsieur X., qui perd le procès, sera condamné aux dépens, en application de l'article 696 du code de procédure civile.
L'équité commande de le condamner à payer à la société B&B EXPANSION la somme de 1.200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La présente décision est exécutoire à titre provisoire, conformément à l'article 514 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le tribunal judiciaire statuant publiquement, après débats en audience publique, par jugement mis à disposition au greffe contradictoire et en premier ressort,
DÉBOUTE Monsieur X. de l'ensemble de ses demandes,
DÉBOUTE la société B&B EXPANSION de ses demandes en paiement au titre du solde de la commande et des frais de stockage,
DÉBOUTE la société B&B EXPANSION de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
CONDAMNE Monsieur X. à verser à la société B&B EXPANSION la somme de 1.200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
CONDAMNE Monsieur X. aux dépens,
RAPPELLE que le présent jugement est exécutoire de plein droit à titre provisoire.
Fait et jugé à [Localité 3] le 16 janvier 2025
Le Greffier le Président