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CA CHAMBÉRY (ch. civ. 1re sect.), 3 juin 2025

Nature : Décision
Titre : CA CHAMBÉRY (ch. civ. 1re sect.), 3 juin 2025
Pays : France
Juridiction : Chambery (CA), ch. civ. sect. 1
Demande : 24/00189
Date : 3/06/2025
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Judilibre
Date de la demande : 15/06/2022
Décision antérieure : TJ Thonon-Les-Bains, 2 juin 2022
Décision antérieure :
  • TJ Thonon-Les-Bains, 2 juin 2022
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CERCLAB - DOCUMENT N° 23802

CA CHAMBÉRY (ch. civ. 1re sect.), 3 juin 2025 : RG n° 24/00189 

Publication : Judilibre

 

Extrait (rappel du jugement) : « Il n'est pas démontré que la clause « dation en paiement » créerait un déséquilibre entre les parties au contrat qui met en présence un consommateur et un professionnel de l'immobilier, Mme X. se contentant de discuter la qualification juridique de cette clause sans en démontrer le caractère abusif. »

Extrait (arguments de l’appelante) : « La clause dation est une clause abusive en ce qu'elle a créé des droits et obligations ayant pour effet d'avantager la société Lazaron et de la désavantager ».

Extrait (motifs) : « Il est ainsi jugé en matière de vente d'immeubles, que le dol peut être constitué par la dissimulation d'informations préexistantes, et de manière générale, par le silence gardé par le vendeur sur un élément qui constituait une donnée déterminante du consentement. Il appartient à Mme X. de démontrer l'existence du dol qu'elle allègue.

Il ressort de l'acte notarié de vente du 7 juin 2019, clause « Identification du bien » (page 3) que les lots n°1 à 12 compris au sein de l'ensemble immobilier sis à [Localité 5] ont fait l'objet d'une vente par Mme X. au profit de la société Lazaron. Il est précisé, dans le même acte notarié, à la clause « Prix » (page 7) que la vente est conclue moyennant le prix de 350.000 euros et que le paiement de ce prix a lieu à concurrence de : - 120 000 euros payés comptant « par la comptabilité de l'office notarial dont le vendeur donne bonne et valable quittance », - 230 000 euros, « règlement du solde du prix qui s'effectue par la remise en contrepartie de la toute propriété du bien des lots n°2 et 7 », au terme d'une clause intitulée « dation en paiement » figurant en page 7 de l'acte notarié.

Dès lors, la simple lecture de l'acte notarié du 7 juin 2019 permet de comprendre les modalités de paiement du prix de l'immeuble, sans que la seule circonstance qu'une dation en paiement ait été prévue, permette de caractériser la volonté d'induire en erreur un particulier normalement attentif. Ce mode de paiement est en effet prévu par la loi et est usuellement mis en œuvre dans des opérations immobilières telles que celle organisée entre les parties (Civ. 3ème, 12 janvier 1988, pourvoi n°86-14.562 P).

Au surplus, et tel que l'a à juste titre mentionné le premier juge, il apparaît que les modalités de l'opération sont clairement énoncées au regard du libellé et du mode de rédaction de l'acte.

Ainsi, Mme X. ne justifiant pas de l'existence de manœuvres ayant vicié son consentement, la décision querellée l'a valablement déboutée de ses demandes au titre du dol. »

 

COUR D’APPEL DE CHAMBÉRY

CHAMBRE CIVILE PREMIÈRE SECTION

ARRÊT DU 3 JUIN 2025

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 24/00189. N° Portalis DBVY-V-B7I-HNCC. Décision attaquée : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 8] en date du 2 juin 2022.

 

Appelante :

Mme X.

demeurant [Adresse 4], Représentée par Maître Christian FORQUIN, avocat postulant au barreau de CHAMBERY, Représentée par la SELARL JACK CANNARD, avocats plaidants au barreau de THONON-LES-BAINS

 

Intimées :

SARL LEMAN BATIMENT

[Adresse 3]

EURL LAZARON

dont le siège social est situé [Adresse 1]

Représentées par la SELARL RIMONDI ALONSO HUISSOUD CAROULLE PIETTRE, avocats au barreau de THONON-LES-BAINS

 

Date de l'ordonnance de clôture : 3 février 2025

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 15 avril 2025

Date de mise à disposition : 3 juin 2025

Composition de la cour : - Mme Nathalie HACQUARD, Présidente, - Mme Myriam REAIDY, Conseillère, - M. Guillaume SAUVAGE, Conseiller,

avec l'assistance lors des débats de Mme Sylvie LAVAL, Greffier,

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Faits et procédure :

Par acte notarié du 7 juin 2019, Mme X. a vendu à la société Lazaron un ensemble immobilier « La reine des prés » sis à [Localité 5] pour un prix de 350.000 euros. Par acte du même jour, Mme X. a acquis les lots n°2 et 7 au sein de ce même ensemble immobilier. La société Lazaron a payé une partie du prix par une dation à hauteur de 230 000 euros.

Mme X. a confié des travaux de rénovation à la société Leman Bâtiment, selon devis en date du 27 juin 2019, pour un montant de 44.247,50 euros.

Par acte d'huissier du 16 juin 2020, la société Leman Bâtiment a assigné Mme X. devant le tribunal judiciaire de Thonon-Les-Bains notamment aux fins de la voir condamner au paiement du solde de la facture.

Par acte d'huissier du 20 juillet 2020, Mme X. a assigné la société Lazaron devant la même juridiction, notamment aux fins de lui voir déclarer commun et opposable le jugement à intervenir entre elle et la société Leman Bâtiment. Les instances ont été jointes.

Par jugement du 2 juin 2022, le tribunal judiciaire de Thonon-Les-Bains, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, a :

- Condamné Mme X. à payer à la société Leman Bâtiment la somme de 28.761,50 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;

- Débouté la société Leman Bâtiment de sa demande de dommages et intérêts ;

- Débouté Mme X. de l'intégralité de ses demandes ;

- Condamné Mme X. à payer la somme de 2.000 euros à la société Lazaron au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné Mme X. à payer la somme de 2 000 euros à la société Leman Bâtiment au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Débouté Mme X. de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné Mme X. au paiement des entiers dépens de l'instance.

Au visa principalement des motifs suivants :

La société Leman Batiment a réalisé les prestations contractuellement convenues et doit donc être payée du solde du prix ;

Le contrat de travaux conclu avec la société Leman Bâtiment et la vente intervenue avec la société Lazaron sont deux relations contractuelles différentes et les moyens de droit soulevés pour contester la vente ne peuvent remettre en cause la réalité des travaux ;

Ni le dol ni la lésion ne sont démontrés ;

Il n'est pas démontré que la clause « dation en paiement » créerait un déséquilibre entre les parties au contrat qui met en présence un consommateur et un professionnel de l'immobilier, Mme X. se contentant de discuter la qualification juridique de cette clause sans en démontrer le caractère abusif.

Par déclaration au greffe de la cour d'appel du 15 juin 2022, Mme X. a interjeté appel de la décision en toutes ses dispositions hormis en ce qu'elle a débouté la société Leman Bâtiment de sa demande de dommages et intérêts.

Par ordonnance du 28 décembre 2022, la conseillère de la mise en état de la 1e section de la chambre civile de la cour d'appel de Chambéry, a ordonné la radiation de l'instance et son retrait du rang des affaires en cours pour inexécution de la décision entreprise assortie de l'exécution provisoire et a condamné Mme X. à payer aux sociétés Leman Bâtiment et Lazaron une indemnité procédurale pour l'instance d'incident de 1.200 euros outre les dépens de l'incident.

L'affaire a été réinscrite au rôle.

 

Prétentions et moyens des parties

Par dernières écritures du 13 février 2024, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, Mme X. sollicite l'infirmation des chefs critiqués de la décision et demande à la cour de :

- Infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

Et statuant à nouveau,

A titre principal,

- Ordonner une mesure d'expertise judiciaire conformément aux articles 1678 et suivants du Code civil ;

- Désigner tels experts qu'il lui plaira aux fins d'évaluation des biens immobiliers objet de la vente du 7 juin 2019 et d'une éventuelle lésion au sens des articles 1674 et suivants du Code civil ;

- Dire que les experts accompliront leur mission conformément aux dispositions des articles 264 et suivants du Code de procédure civile, en particulier, ils pourront recueillir de toute personne informée et s'adjoindre tout spécialiste de leur choix ;

- Dire qu'en cas de difficulté, les experts s'en référeront au président qui aura ordonné l'expertise ou le conseiller désigné par lui ;

- Fixer la provision consignée au Greffe, à titre d'avance sur les honoraires de l'expert, dans le délai qui sera imparti par la décision à intervenir ;

- Dire que l'équité impose que les frais de ladite expertise soient mis à la charge des sociétés Leman Bâtiment et Lazaron, dans l'attente de l'arrêt sur le fond à intervenir ;

A titre subsidiaire,

- Dire son consentement vicié par les agissements dolosifs et le défaut d'information commis par la société Lazaron ;

- Condamner in solidum les sociétés Leman Bâtiment et Lazaron à lui verser, à titre de dommages et intérêts la somme de 144.895,47 euros ;

A titre très subsidiaire,

- Constater le caractère abusif de la clause « dation en paiement » ;

- Déclarer la clause « dation en paiement » non écrite ;

- Condamner in solidum les sociétés Leman Bâtiment et Lazaron à lui régler la somme de 334.301,69 euros ;

En tout état de cause,

- Condamner in solidum les sociétés Leman Bâtiment et Lazaron à lui régler la somme de 10.000 euros au titre des travaux non réalisés et du danger causé ;

- Condamner in solidum les sociétés Leman Bâtiment et Lazaron à lui régler la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;

- Condamner in solidum les sociétés Leman Bâtiment et Lazaron aux dépens de la procédure de première instance, en ce compris les frais de constats d'huissier ;

- Condamner in solidum les sociétés Leman Bâtiment et Lazaron à régler à Mme X. la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamner in solidum les sociétés Leman Bâtiment et Lazaron aux entiers dépens de première instance, en ce compris les frais de constats d'huissier, ainsi qu'aux dépens de la procédure d'appel dont distraction pour ces derniers au profit de Me Forquin conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, Mme X. fait notamment valoir que :

Elle a été lésée à minima à hauteur de 10,08 douzièmes, dans la mesure où elle a vendu 10 lots immobiliers le 7 juin 2019 pour un prix de 120.000 euros, alors qu'elle en évalue le prix réel entre 712.229,84 euros et 717.290,59 euros, ce qui laisse à minima supposer l'éventualité d'une lésion justifiant une analyse judiciaire des biens vendus ;

Le dol du vendeur est caractérisé tant par ces agissements que par les manœuvres entreprises, consistant en la rétrocession sous forme de dation en paiement les lots n°2 et 7 qui n'ont en réalité jamais changé de patrimoine, ce qui a permis de masquer la sous-estimation de la valeur de l'ensemble immobilier ;

La clause dation est une clause abusive en ce qu'elle a créé des droits et obligations ayant pour effet d'avantager la société Lazaron et de la désavantager ;

Les sociétés Leman Batiment et Lazaron sont tenues de réparer les préjudices causés à elle du fait de la non-exécution contractuelle par un professionnel du bâtiment et du grand danger qui en découlait.

[*]

Par dernières écritures du 13 février 2024, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, les sociétés Leman Bâtiment et Lazaron demandent à la cour de :

- Infirmer le Jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Leman Bâtiment de sa demande de dommages et intérêts ;

Statuant à nouveau sur ce seul point,

- Condamner Mme X. à payer à la société Leman Bâtiment la somme de 8.000 euros au titre de son préjudice moral engendré par la résistance abusive de Mme X. ;

- Confirmer le surplus du jugement ;

Y ajouter,

- Débouter Mme X. de l'ensemble de ses demandes à leur encontre ;

- Condamner Mme X. à leur payer la somme de 3.000 euros chacune au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ou à mieux plaire une somme globale de 6.000 euros, pour les frais exposés en cause d'appel ;

- Condamner Mme X. aux entiers dépens en ce compris le coût des constats d'Huissier et sommation interpellative exposés par la société Leman Bâtiment.

Au soutien de leurs prétentions, les sociétés Leman Bâtiment et Lazaron font notamment valoir que :

L'ensemble des prestations listées au devis de la société Leman Bâtiment ont parfaitement été réalisées et elle est donc fondée à solliciter le règlement de solde de sa facture de travaux soit la somme de 28.761,50 euros TTC ;

La comparaison du prix au mètre carré du bien initialement vendu par Mme X. avec celui de l'appartement qu'elle lui a finalement rétrocédé n'est pas possible dès lors que cette dernière a vendu un pavillon ancien, et non un bien composé de quatre appartements et que les travaux ont permis un agrandissement des surfaces habitables ;

Le consentement de Mme X., qui était également assistée par un agent immobilier au moment de la vente, était donc parfaitement éclairé ;

Aucune obligation d'information ne pèse sur la société Lazaron au sujet du contrat de mandat immobilier que Mme X. a conclu avec l'agence immobilière, contrat auquel la société Lazaron est totalement tiers.

[*]

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience ainsi qu'à la décision entreprise.

Une ordonnance du 3 février 2025 a clôturé l'instruction de la procédure. L'affaire a été appelée à l'audience du 15 avril 2025.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Motifs de la décision :

I. Sur le solde des travaux de la société Leman Bâtiment :

L'article 1103 du code civil dispose que « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ». L'article 1104 du même code dispose que « Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d'ordre public ».

Le devis n° 1000-097 du 27 juin 2019 signé par la société Leman Bâtiment et Mme X. porte sur des travaux de rénovation de son appartement moyennant la somme de 44.917,40 euros TTC. Un acompte de 35 %, soit 15.486 euros TTC a été payé suivant facture d'acompte du 28 juin 2019. Le devis porte sur des travaux de maçonnerie et dépose, d'isolation, placoplâtre et peinture, de plomberie et sanitaire, d'électricité, de revêtement des sols et murs, de menuiserie et de chauffage.

Suivant facture solde n°1000-138 du 5 novembre 2019, la société Leman Bâtiment a sollicité le paiement du solde restant dû d'un montant de 28.761,50 euros TTC.

Il ressort du constat d'huissier du 19 novembre 2019 que Mme X. a émis des réserves concernant les travaux effectués par la société Leman Bâtiment, sur : le fait que la porte d'entrée n'était pas pourvue d'une serrure à trois points, qu'un miroir était indésirable dans la salle de bains, que l'intérieur d'un placard n'avait pas été aménagé, que l'emplacement du chauffe-eau ne convenait pas, la présence d'une plaque vitrocéramique au lieu et place de plaques électriques, un tête de pêne dormant enclenché, absence de clefs sur les portes de communication, occulus d'une porte à peindre, et des traces de plâtre/peinture sur les carreaux d'une double porte de communication. Toutefois, ces désordres, à l'exception de la porte d'entrée, portaient pour l'essentiel sur des finitions à terminer.

Le constat d'huissier 6 décembre 2019 démontre que les réserves ont été levées, notamment la porte d'entrée a été équipée d'une serrure trois points, les clefs des portes de communication remises, les éléments de cuisine intégrée offerts, et que les travaux ont bien été achevés. L'analyse du devis et des 2 constats d'huissier fait apparaître que la société Léman Bâtiment a bien exécuté sa mission, que l'aménagement du placard n'était pas prévue, et qu'en revanche, le chauffe-eau était prévu et ne peut être placé ailleurs que dans la cuisine, l'appartement n'ayant pas d'autre système de production d'eau chaude sanitaire. Mme X. échoue à démontrer la persistance de désordres ou l'inachèvement des travaux, et si son appartement était relié au compteur de chantier à la date du 6 décembre 2019, cette situation était provisoire dans l'attente de la fin des travaux dans l'immeuble et de l'installation du compteur Linky devant être réalisée par Enedis.

Au surplus, Mme X. ne verse aucun avis technique permettant de remettre en cause de façon significative la qualité des travaux, les désordres qu'elle soulève n'étant que de simples allégations, elle échoue à démontrer l'existence d'un quelconque danger.

Dès lors, la société Léman Bâtiment ayant exécuté les obligations contractuelles pesant sur elle, le prix est dû et la décision querellée sera confirmée de ce chef.

 

II. Sur la rescision pour lésion :

L'article 1674 du code civil dispose que si le vendeur a été lésé de plus des 7/12èmes dans le prix d'un immeuble, il a droit de demander la rescision de la vente, quand même il aurait expressément renoncé dans le contrat à la faculté de demander cette rescision et qu'il aurait déclaré donner la plus-value.

Il ressort de l'acte notarié que Mme X. a vendu les lots n°1 à 12 au sein de l'ensemble immobilier « [Adresse 7] » à [Localité 5] moyennant le prix de 350.000 euros. Ce même acte précise que la somme de 230.000 euros a été réglée par dation par la remise en contrepartie de la toute propriété des lots n°2 et 7.

Il convient de rappeler les dispositions de l'article 1675 du code civil aux termes desquelles la détermination d'une éventuelle lésion des 7/12èmes, commande d'estimer l'immeuble suivant son état et sa valeur au moment de la vente. En effet, l'immeuble « La reine des prés » a incontestablement pris de la valeur après sa vente en raison des travaux d'envergure exécutés par la société Lazaron.

Mme X. qui est tenue d'apporter la preuve de l'existence de la lésion ne verse aucune évaluation ni estimation du bien contemporaine à sa vente si bien qu'aucun éclairage n'est apporté à la cour par l'appelante quant à la valeur ou l'état de l'immeuble au moment de la vente.

En revanche, la société Lazaron fait observer à juste titre que selon déclarations fiscales figurant en page 9, le bien a été évalué 400.000 francs en 1998, au décès de F. X., et 280.000 euros en 2017, au décès de Y. veuve X., de sorte que l'évaluation réalisée en 2019, de 350.000 euros, est cohérente avec les éléments figurant dans l'acte.

Cet acte mentionnait en outre en page 14 que « le diagnostic technique global établi par le cabinet Gavard Leroy le 15 mai 2019 » fait apparaître « des fissures ou lézardes d'allure verticale à liaison mur/mur : coin sud-ouest, façade sud, façade ouest, fissure sur linteau du Rdc (balcon 2) (...) Désordres nécessitant l'intervention d'une entreprise spécialisée. Il a été constaté des efflorescences sur les bois de charpente allant jusqu'au pourrissement sur le bâtiment annexe. Altération moindre dans le cas du bâtiment principal mais il est nécessaire de mettre en place un pare pluie sous la couverture pour protéger la charpente. (...) Vétusté des matériels électriques utilisés. (...) Rampe d'escalier non conforme à la norme NFP-01-012 (parties communes intérieures) mur d'attache de la rampe d'escalier au dernier étage dégradé pouvant mettre en péril la solidité de l'ensemble. Garde-corps des balcons non conformes à la norme, vérification du conduit de cheminée et mise en place d'un tubage aux normes de sécurité (...) Désordres nécessitant l'intervention d'une entreprise spécialisée. »

Ainsi, la lésion telle que prévue à l'article 1674 du code civil, n'est pas en l'état caractérisée, et ne peut pas même être présumée sur des indices totalement absents des pièces produites par Mme X., de sorte que le jugement déféré ne pourra qu'être confirmé en ce qu'il l'a déboutée de son action en rescision pour lésion de la vente intervenue le 7 juin 2019 avec la société Lazaron pour l'immeuble « [Adresse 7] » pour un prix de 350.000 euros et de sa demande d'expertise judiciaire.

 

III. Sur le dol :

Aux termes de l'article 1130 du code civil, « L'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.

Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné » ;

Aux termes de l'article 1137 du même code, « Le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manœuvres ou des mensonges.

Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.

Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation » ;

Il est ainsi jugé en matière de vente d'immeubles, que le dol peut être constitué par la dissimulation d'informations préexistantes, et de manière générale, par le silence gardé par le vendeur sur un élément qui constituait une donnée déterminante du consentement.

Il appartient à Mme X. de démontrer l'existence du dol qu'elle allègue.

Il ressort de l'acte notarié de vente du 7 juin 2019, clause « Identification du bien » (page 3) que les lots n°1 à 12 compris au sein de l'ensemble immobilier sis à [Localité 5] ont fait l'objet d'une vente par Mme X. au profit de la société Lazaron.

Il est précisé, dans le même acte notarié, à la clause « Prix » (page 7) que la vente est conclue moyennant le prix de 350.000 euros et que le paiement de ce prix a lieu à concurrence de :

- 120 000 euros payés comptant « par la comptabilité de l'office notarial dont le vendeur donne bonne et valable quittance »,

- 230 000 euros, « règlement du solde du prix qui s'effectue par la remise en contrepartie de la toute propriété du bien des lots n°2 et 7 », au terme d'une clause intitulée « dation en paiement » figurant en page 7 de l'acte notarié.

Dès lors, la simple lecture de l'acte notarié du 7 juin 2019 permet de comprendre les modalités de paiement du prix de l'immeuble, sans que la seule circonstance qu'une dation en paiement ait été prévue, permette de caractériser la volonté d'induire en erreur un particulier normalement attentif. Ce mode de paiement est en effet prévu par la loi et est usuellement mis en œuvre dans des opérations immobilières telles que celle organisée entre les parties (Civ. 3ème, 12 janvier 1988, pourvoi n°86-14.562 P).

Au surplus, et tel que l'a à juste titre mentionné le premier juge, il apparaît que les modalités de l'opération sont clairement énoncées au regard du libellé et du mode de rédaction de l'acte.

Ainsi, Mme X. ne justifiant pas de l'existence de manœuvres ayant vicié son consentement, la décision querellée l'a valablement déboutée de ses demandes au titre du dol.

 

IV. Sur le défaut d'information :

Aux termes de l'article 1112-1 du code civil « [Localité 6] des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.

Néanmoins, ce devoir d'information ne porte pas sur l'estimation de la valeur de la prestation.

Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.

Il incombe à celui qui prétend qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a fournie.

Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.

Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d'information peut entraîner l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants ».

Au terme de l'article 'négociation’figurant en page 30, 'les parties reconnaissent que le prix a été négocié par l'agence LSI. En conséquence, le vendeur qui en a seul la charge aux termes du mandat, doit à l'agence une rémunération de dix-sept mille cinq cents euros (17 500,00 eur), taxe sur la valeur ajoutée incluse'.

La société Lazaron, acquéreur du bien immobilier, est un tiers au contrat d'intermédiaire immobilier conclu entre Mme [X] et la société LSI, mandat qui n'est d'ailleurs nullement versé aux débats par l'appelante. Dès lors, la société Lazaron fait observer à juste titre qu'elle n'est aucunement tenue d'informer Mme X. sur les modalités de fixation de la commission de son agent immobilier.

Il y a lieu d'observer à ce sujet que l'article 'devoir d'information réciproque’énonce que le vendeur, au visa de l'article 1112-1 précité, déclare 'avoir porté à la connaissance de l'acquéreur l'ensemble des informations dont il dispose’et 'qu'un manquement à ce devoir serait sanctionné par la mise en oeuvre de sa responsabilité’et qu'enfin 'le vendeur est tenu d'expliquer clairement ce à quoi il s'oblige, tout pacte obscur ou ambigu s'interprétant contre lui'.

Dès lors, Mme X. ne justifie pas d'un défaut d'information ayant vicié son consentement à l'acte de vente, alors qu'elle assumait la qualité de vendeuse. La décision querellée sera confirmée en ce qu'elle a rejeté sa demande à ce titre.

V. Sur la clause abusive

Aux termes de l'article L212-1 du code de la consommation, « Dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. ['] »

L'article 1342-4 du code civil prévoit 'Le créancier peut refuser un paiement partiel même si la prestation est divisible. Il peut accepter de recevoir en paiement autre chose que ce qui lui est dû.'

Il ressort de la lecture de l'acte notarié du 7 juin 2019 que la clause « Dation en paiement » précise les modalités de paiement du prix contractuellement fixé. Or, ce type de clause ne crée pas d'obligation particulière à la charge de celui qui offre ainsi le paiement et va se libérer de sa dette à condition de réaliser la dation, ni ne crée de droit au bénéfice du créancier, sous réserve de remise effective du bien donné. Le droit du créancier est d'accepter ou de refuser ce mode de paiement, l'acceptation pouvant être implicite (Civ. 1ère, 21 novembre 1995, pourvoi n°93-16.554). En l'espèce, l'acceptation par Mme X. du paiement par la remise des lots 2 et 7 de la copropriété après réhabilitation de l'immeuble, est explicite et résulte de la signature de l'acte notarié du 7 juin 2019. L'appelante ne peut revenir sur son engagement, consacré par acte authentique, et ce, d'autant plus que l'acte précisait en page 30 'les parties déclarent que les dispositions de ce contrat ont été, en respect des dispositions impératives de l'article 1104 du code civil, négociées de bonne foi. Elles affirment qu'ils reflètent l'équilibre voulu par chacune d'elles.’Aucun déséquilibre entre les parties n'est démontré.

Dès lors, faute de démonstration du caractère abusif de la clause « dation en paiement » par Mme X., il convient de rejeter sa demande à ce titre.

VI. Sur le préjudice moral de Mme X.

Mme X. soutient avoir subi un préjudice moral lié aux aléas quant aux travaux à réaliser dans son appartement, déclenchant ainsi un important zona qui la handicape sérieusement.

Le déclenchement d'un zona ne suffit pas à considérer qu'elle a subi un préjudice moral en lien avec les désordres, au demeurant mineurs et pris en charge par l'entreprise, présentés par son appartement. En effet, le certificat médical du docteur [T] du 22 juin 2022 mentionnant que « ces lésions peuvent être en liaison /ou aggravées / avec les événement concernés » ne permet pas d'établir un lien certain entre la maladie et les litiges avec la société Lazaron ou l'entreprise Leman batiment.

Dès lors, la prétention de Mme X. au titre de sa demande de dommages et intérêts ne peut prospérer.

VII. Sur le préjudice de la société Léman Bâtiment

La société Léman Bâtiment qui demande le versement de la somme de 8.000 euros de dommages et intérêts fondée sur la résistance abusive, ne développe aucun moyen à l'appui de cette prétention qui ne peut donc prospérer.

VII. Sur les demandes accessoires

La partie appelante, perdante, supportera la charge de l'intégralité des dépens de la présente procédure et sera condamnée au paiement de la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Rejette la demande de dommages et intérêts de Mme X. au titre du préjudice moral,

Rejette la demande de dommages et intérêts de la société Léman Bâtiment au titre de la résistance abusive,

Condamne Mme X. aux dépens de la procédure d'appel,

Condamne Mme X. à payer aux sociétés Lazaron et Leman Bâtiment une somme complémentaire de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais qu'elles ont exposés en cause d'appel,

Rejette la demande formée à ce titre par Mme X..

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

et signé par Nathalie HACQUARD, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.

Le Greffier,                                       La Présidente,